18. Chez nous...
Chez nous, j'aime dire chez nous. Ça sonne bien. Avant, quand nous étions séparées, c'est-à-dire quand Marylou vivait avec son père et sa belle mère, j'avais l'impression qu'il me manquait quelque chose.
Pourtant, oncle Al et tante Zoé étaient adorables, mais ils ne pouvaient remplacer la grande.
La grande, en ce moment n'est pas à prendre avec des pincettes. Elle rabroue même Alice qui ne sait plus sur quel pied danser. Et qui m'a demandé : "Qu'est-ce qui lui prend? Elle joue à quoi à ton avis? "
J'ai répondu :" À l'aînée, elle joue à l'aînée. Fais pas attention! Ça lui passera! "
Enfin, je l'espère.
..........
Je suis seule. Alice est allée s'entraîner en compagnie de son inséparable Salomé qui, elle non plus, ne part pas en vacances, mais pas pour les mêmes raisons que nous : son père est au chômage et sa mère est seule à faire bouillir la marmite, alors les vacances, évidemment, ne constituent pas une urgence.
J'allume la radio pendant que je feuillette Antigone, la pièce d'Anouilh que Bob va sûrement nous donner à apprendre à la rentrée.
Je suis presque sûre que c'est moi qu'il choisira. Parce que le rôle d'Antigone me va comme un gant, et que je suis prête à le jouer.
J'y mettrai toute ma flamme, toute ma passion, je penserai à Hugo, à son regard violet, et les spectateurs se lèveront pour m'applaudir. Et je dirai merci à Hugo qui m'aura donné l'élan nécessaire pour interpréter un des plus grands rôles féminins du théâtre dramatique.
La voix de Marylou s'élève dans le poste. J'aime sa voix, douce et ferme, qui lui va bien.
J'écoute.
Elle annexe que, contrairement aux jours précédents, elle va donner la parole aux auditeurs afin qu'ils puissent eux-même lancer leurs avis de recherche.
Elle ne m'avait pas parler de cette nouvelle émission!
Je continue de tendre l'oreille.
Un premier auditeur prononce :
-Bonjour, Marylou. Permettez-moi de vous dire que j'apprécie énormément votre émission, et que je ne la manque pas depuis le début... C'est-à-dire depuis quatre jours, je suis scotché à mon poste entre qinze et dix-sept heures. C'est une excellente initiative que vous avez prise.
-Merci, répond Marylou, et si vous en profitiez pour passer votre avis de recherche?
Rire.
Il embraie sur sa recherche : un copain de régiment qu'il a perdu de vue depuis vingt ans et qu'il souhaite retrouver.
J'écoute toujours, plongée dans Antigone .
Les voix se succèdent, les avis de recherche aussi.
Mon coeur rate un battement. J'ai lâché Antigone.
Je connais cette voix! Je ne l'ai entendu qu'une seule fois mais je la repérerais entre mille.
C'est Hugo! J'imagine son regard violet. Il parle :
-Cherche Lola désespérément, je l'ai vue grâce à Electre, je ne veux pas attendre Antigone pour la retrouver. Lola, si ce que je crois est vrai, si je n'ai rien inventé, si nos regards se sont vraiment reconnus, appelle moi tout de suite au 0608567966. Je décrocherai à la seconde.
La voix se tait. Marylou se racle la gorge, passe à un autre annonceur.
J'ai enregistré le numéro dans ma tête. J'espère ne pas l'oublier.
Je saisis le combiné dans un état second, compose le numéro sans réfléchir...
Mon coeur se mets à battre tel un tam-tam africain pendant une cérémonie. La sonnerie retentit dans mes oreilles, ce qui me résaisi.
-Allô, Lola?
Je bégaie "oui"
Il parle. D'une voix mi-heureuse, mi-inquiete .
-Lola, je te cherche depuis le mercredi de la librairie. Je t'ai cherchée dans l'annuaire, tu n'y es pas. J'ai téléphoné à ton metteur en scène, son répondeur m'a dit qu'il était au Pérou. J'ai marché dans Strasbourg pendant des heures, je t'ai enfin aperçue à la piscine mais c'était trop tard...
J'essaie de comprendre ce qu'il veut dire mot-à-mot. Donc pendant tout ce temps il à essayer de me retrouver alors que moi je m'appitoyais sur mon sort... il continue :
-Lola, je m'en veux tellement d'être arrivé en retard à notre rendez-vous, tu venais de partir. Quant à moi, je n'avais pu me libérer avant, une lectrice qui m'a tenu la jambe puis un auditeur qui était venu spécialement de Paris pour me rencontrer. J'ai essayé d'appeler chez Oscar, mais le téléphone sonnait tout le temps occupé...
Est-ce que tu crois que tu peux me pardonner?
Oui, je le peux.
Il me donne un second rendez-vous chez lui.
-Comme ça, on ne risque pas de se louper...
Il achève :
-Lola, je ne cesse de penser à toi, tu occupes mes jours, ça devient une obsession ! Dis moi que je suis fou!
-Si tu es fou, eh bien, je suis folle!
Il rit. Il a un rire léger que j'adore et qui me donne envie d'être gaie .
Il finit par raccrocher. Il est en plein travail.
D'ailleurs j'entends des bruits de voix de rires en arrière fond. Mais il terminé son job d'animateur à dix-sept heures et une demi heure plus tard, je sonnerai à sa porte. Il m'ouvrira.
Je tomberais dans ses bras. Enfin, peut-être pas tout de suite.
Maîtrise-toi, folle Lola! On dirait une midinette qui se rend à son premier rendez-vous d'amour. Et qui ne sait quelle robe de bal choisir.
Je fouille éperdument dans mon armoire.
Rien.
Je n'ai rien à me mettre sur le dos. Rien qui convienne.
Je voudrais une robe époustouflante, à la fois sobre et provocante, lumineuse, qui mettent mon teint en valeur.
Une robe sexy. Comme celles que porte Marylou.
Mais, quoi mettre en valeur? Je n'ai rien de vraiment attirant. Pas de courbe, pas de postérieur, pas de seins.. Ah.. quel malheureux dommage.
Je pourrais quand même lui emprunter une de ses robes. J'ai une taille de moins qu'elle mais ça devrait coller.
Je pénètre dans la chambre de ma soeur, qui embaume son parfum préféré, une délicate senteur de pamplemousse et de mandarine.
Les robes s'empilent à présent sur le lit. Si seulement Alice était là, elle pourrait me conseiller, car je m'y perds dans ces couleurs, ces formes, ces longueurs... D'autant plus que j'ai plutôt l'habitude de porter des pantalons!
Je finis par tout remettre en place et referme l'armoire.
Je m'habillerai comme d'habitude, c'est-à-dire comme moi : jean et tee-shirt.
Naturel.
C'est le naturel qui me convient le mieux. Je ne veux pas me transformer, me grimer, ressembler à quelqu'un que je ne suis pas.
Simple Lola.
Lola amoureuse d'Hugo, ça devrait suffire. Ça devrait lui plaire. Il m'aimera comme je suis :
Un peu maigrichonne, cheveux courts à la garçonne, nez retroussé, profil grec, teint méditerranéen, yeux noirs.
Le temps s'écoule à la vitesse d'une limace.
**********
Le livre tire à sa fin!!
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro