L'après-midi s'achève. Je me suis baignée, Salomé a raconté les dernières blagues belges, on a ri, bu de l'ice tea, et Alice nous a fait une démonstration de sauts périlleux depuis le plongeoir. Cette gamine a un don. Elle semble fendre l'air comme si elle avait des ailes. Comme si son corps ne ressentait pas l'effet de la pesanteur.
Elle a la grâce, quoi.

Moi, à côté d'elle, je me sens lourde comme une tonne de plomb. Ca n'a rien à voir avec le poids d'ailleurs, puisque je suis aussi fine qu'elle, sur la balance, nous lisons à peu près le même chiffre, c'est plutôt une question de relation avec l'espace.

Moi, je me sens libre dans mon corps uniquement sur scène, pendant que j'interprète un personnage, quand je peux me détacher de moi même, quand je deviens une autre par la magie de la fiction.

Nous remballons. La piscine ferme dans un quart d'heure. Autour de nous, c'est le chahut général.

Les gosses crient, les mères se fâchent, les hommes tentent de rassembler la marmaille, les papiers gras jonchent le gazon, un spectacle de fin journée d'été.

Je vois un homme de dos en train de nouer les lacets d'un petit garçon. De profil, il ne doit pas être plus vieux que moi.

Comment m'y prendrais-je moi avec mon enfant? Je crains de ne pas être à la hauteur. Lui, semble très patient, il se relève, s'éloigne en tenant le petit par la main, les entraîne tous les deux vers la sortie.

Sur le trottoir, nous tombons nez à nez avec une bande de gamins qui s'engouffrent dans un bus, encadrés par des animateurs guère plus vieux.
Le bus a déjà mis son moteur en route,  la porte claque sur le dernier, je lève un œil, le bus roule doucement et je prends le regard en pleine poitrine.

Le regard violet. Hugo!

Il m'a vue, j'en suis sûre. Je l'ai senti à l'éclat de ses yeux, j'ai vu ses lèvres bouger, et un bras se lever pour esquisser un geste qu'il n'a pas pu achever.

Je manque m'écrouler sur le macadam. Mon coeur bat à cent à l'heure.
Le garçon qui nouait les lacets de l'enfant, c'était Hugo de dos que je n'avais pas reconnu!

Alice: Hey!  Ça va, Lola! On dirait que tu as vu un fantôme!

Alice pose sa main sur mon bras. Je me redresse:

Moi: Dans un certains sens, tu as raison. Bon, on va la manger cette glace?

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Chapitre 17 bouclé !