11. Sauve toi Lola..
J'erre à travers les rues piétonnes comme une âme en peine. Qui disait: "Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé " ? Je ne me souviens plus du nom de l'auteur, mais je ne peux que lui donner raison. Il avait compris l'essentiel : que seul l'amour permet de vivre. Et que sans la présence de celui qu'on aime le monde paraît sinistre et désolé comme un été sans soleil. Pourtant, jamais le mois de juillet n'a été aussi chaud que cette année. Je devrais être à la piscine avec Alice, Salomé et Jonas et non en train de me promener, solitaire, dans ces rues surchauffées.
Jonas squatte toujours chez nous. Alice est contente, il court avec elle, nage avec elle, il joue l'entraîneur. Ils se sont trouvés des tonnes de points communs. Si elle n'avait pas quatorze ans, je me dirais qu'elle est en train de tomber amoureuse...
En même temps, l'amour n'a pas d'âge.
Alice et Jonas, ça ferait un joli couple. Sauf qu'elle n'a que quatorze ans et lui, dix-neuf. Donc quelques années qui forment comme un gouffre entre eux. Car, ça m'étonnerait beaucoup qu'un garçon de cet âge puisse S'intéresser à une gamine qui fréquente encore le collège.
Sans y penser, j'arrive sur les pavés de la place Kléber et, machinalement, je pénètre dans la librairie du même nom. J'erre un moment entre les gondoles bourrées de livres. Je feuillette, repose, reprends ma route. J'aime les livres, ils me font du bien, ils m'ont toujours consolée de tout. Mais aujourd'hui, je n'a pas envie de consolation. J'ai envie d'aimer, d'être aimée.
Qui aurait cru que je le dirais un jour?
Aucun livre au monde ne peut m'aider. Je ne veux plus de personnage de fiction, mais un regard qui s'incarne en chair et en ...
******: Bonjour, entends-je
Je me retourne, mais ni Sophie, ni qui que ce soit de connu. D'ailleurs, presque tous les garçons de ma classe ont fui la canicule stras-bourgeoise pour se réfugier à la montagne ou au bord de la mer. Et la voix assurément appartient au genre masculin. J'avance d'un pas et je me heurte à une table où s'élève une pile de livres en équilibre instable. La pile s'effondre, je pousse un cri aiguë.
Derrière les quelques livres qui restent, un regard, LE regard.
Je tremble, c'est le même regard, le même...
Moi: Excusez moi, je mumure tout en m'accroupissant pour réparer les dégâts.
Je suis folle !
"Sauve toi Lola", me crie une voix dans ma tête. "Reste, idiote" me souffle une autre voix bien plus puissante que la première.
Je reste. De toute manière, je vais ressembler à une folle si je me mets à courir comme ça. Je rectifie la pile. Il m'aide. Nos regards se croisent. Il sourit.
Aidez moi ! Je crois que je vais devenir rouge comme une tomate dans du ketchup !
Lui: Ce n'est pas si grave ! Et puis, c'est une bonne entrée en matière ! Au théâtre, je n'ai pas pu vois approcher, ça me semblait trop...
Il hésite et continue:
Lui: Trop théâtral... Et puis, il y avait tellement de monde... Je me suis dit que je laisserais faire le hasard qui fait si bien les choses... J'étais sûr de vous revoir...
Je me balance bêtement sur mes deux jambes, je dois ressembler à une grenouille, une grenouille incapable du moindre coassement.
Lui: Tenez, je vous l'offre ! Dit-il en me tendant un livre de la pile. J'ai envie de savoir ce que vous en pensez...
Moi: Je peux avoir une dédicace ? Je balbutie.
Lui: Bien sûr !
Il écrit. Me regarde, écrit à nouveau et me tend le livre ouvert.
Je lis:
"Pour toi, Lola, en souvenir de ce regard-là."
Je tremble, il connait mon nom? Si ça se fait, il connait tout sur moi, il connaît ma vie.
Moi: Vous savez comment je m'appelle ?
Il darde sur moi ses yeux violets. Je fonds.
Lui: Bien sûr ! Je sais lire un programme! Et je sais aussi reconnaître les gens qui ont du talent... et toi, tu en es pétrie.
Je reste à nouveau muette, avec mon livre entre les mains. L'amour rend aphone, je le confirme.
Heureusement que le contact du livre me ramène à la réalité et je lance très vite au cas où je perdrais les mots en chemin :
Moi: Je vais le lire très vite, votre roman et...
En panne.
Lui: Je l'ai écrit en pensant à toi...
Il est fou.
Lui: Non, je ne suis pas fou, Lola, je te connais depuis longtemps, mais toi tu ne m'as jamais remarqué... Il est vrai que, dans la cour du lycée Fustel de Coulanges, je ne suis pas le seul garçon et sûrement pas le plus séduisant, tu as toutes les excuses.
Moi: Vous... euh tu es au lycée ?
Lui: J'étais, rectifie-il, puisque je viens d'en sortir à jamais... Avec le bac en poche comme consolation... Écoute, reprend-il, J'ai promis de rester jusqu'à la fermeture, histoire de rencontrer mes futurs lecteurs et ceux qui m'ont déjà lu, le bouquin est sorti au mois de mai, mais je te propose de continuer notre discussion ailleurs, dans un endroit plus propice, chez Oscar par exemple. Ça te dit?
Ça me dit.
Je quitte la librairie en serrant son livre contre moi. Ce n'est qu'une fois à l'air libre que je réalise véritablement ce qui vient d'arriver. Un auteur ! Qui n'a que deux ans de plus que moi. Et que je n'ai jamais repéré alors que j'ai dû le croiser un million de fois. Marylou avait raison: le hasard fait bien les choses. Et j'ai eu la chance de ne pas devoir attendre des mois, voire des années.
J'en suis toute chancelante, comme si je venais de sortir d'un bar où j'aurais bu une dizaine de whiskys.
Au fait, comment s'appelle-t-il?
Je consulte le livre. Hugo Amoro.
Ça peut être un pseudonyme. Un auteur qui s'appelle Hugo, la coïncidence serait trop grande.
J'en aurai le coeur net ce soir, chez Oscar. Deux heures encore à poireauter avant de le retrouver.
Deux heures à tuer. Je pourrais rentrer chez moi, mais je préfère rester à proximité, fureter autour de la librairie, au cas où il sortirait plutôt...
Je suis folle. Ce n'est pas parce qu'un garçon t'invite à boire un verre et te dédicace son bouquin qu'il flashe sur toi.
Il m'avait repérée. Il me connaissait.. au moins de vue. Il est venu au théâtre... pour moi. Il m'a dit bonjour dans la librairie sinon je serais passée devant sa table sans même l'apercevoir. Mon regard aurait glissé sur ses cheveux tirés en arrière dégageant son mince visage au yeux profonds. Ou peut-être l'aurais-je reconnu... Je ne le saurais jamais.
En tout cas, lui m'a reconnue sans hésiter.
il m'aime, il va me le dire ce soir, dans une heure cinquantes minutes. Je m'assiérai en face de lui, je tremperai mes lèvres dans le panaché puis déposerai le verre sur la table et il en profitera pour prendre mes mains et les caresser doucement en me fixant avec passion. Et il me dira les mots que j'attends: "J'espérais que tu me voies mais tu me frôlais sans cesse, et je n'osais t'arrêter sur ta route, je te laissais filer en te suivant du regard, jusqu'au jour dans ce théâtre où tu m'as enfin remarqué"
Ce soir, il prononcera ces mots sur la terrasse d'Oscar ou au fond de la petite salle, dans un coin à l'abris des autres qui ne comprendraient rien à notre amour.
Il faut que j'appelle quelqu'un d'urgence, sinon, je pète un plomb.
Alice et Salomé sont en train de faire trempette. Et puis elles sont trop jeunes. Sophie Alors?
J'hésite entre Sophie et Marylou. J'opte pour ma soeur. Elle travaille mais comme nous ne sommes qu'une poignée à connectre son numéro de mobile, elle répondra de peur qu'il ne soit arrivé quelque chose à Alice et moi.
Je suis une urgence
*******
Comment trouvez-vous ce chapitre ? Rempli d'émotion !
Hugo alias le regard?
Il est enfin là.
Que va-t-il se passer ensuite?
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