94. Juillet 2020
Nico se demande pour combien de temps encore il portera ce maillot jaune vif.
La première fois qu'il l'a revêtu, c'était à dix-sept ans. Il était jeune, nerveux, terrorisé à l'idée d'entrer sur le terrain, d'être filmé et de faire des fautes. Il en a désormais trente-deux ; il est devenu un athlète internationalement reconnu et un des meilleurs champions de son époque, titulaire dans l'équipe qui domine le monde depuis des années.
La seule chose qui n'a pas changé pendant ces quinze années, c'est l'homme qui se tient à côté de lui. Bruno lisse les pans de son maillot, puis pose les mains sur ses hanches, sondant le terrain d'un œil critique.
-Tu crois que ce sera nos derniers Jeux Olympiques, Niquito ? demande-t-il.
Romero hausse les épaules :
-Peut-être. Sûrement. Quatre ans, ça fait beaucoup quand t'es dans la trentaine.
-On va tâcher de gagner ceux-là aussi, alors.
Nicolas sort le planning des matchs que leur a distribué le coach de sa poche de sweat quand Bruno marmonne d'un air blasé :
-Tiens, regarde qui voilà.
Tobio et Tooru arrivent dans leur direction, tous les deux revêtus du même maillot rouge de l'équipe nationale du Japon. Le reste des joueurs est en train de s'installer dans les gradins, à l'autre bout du gymnase.
-Nico ! s'écrie Tobio.
Il accélère un peu le pas, un sourire fleurissant sur les lèvres, ouvrant les bras pour retrouver sa place dans ceux de Nicolas. Ils s'étreignent quelques instants, puis Nico le relâche pour le contempler avec un grand sourire –retrouvant les yeux brillants de Kageyama, toujours du même bleu sombre et intense, ses cheveux qu'il garde courts, son léger sourire, toutes ces petites choses dont il se rend compte en les retrouvant qu'elles lui ont manqué.
-Tu vas bien? s'enquiert Romero.
Tooru lui fait la bise tandis que Bruno reste en retrait, l'air peu impressionné.
-Ça va ! On est prêts à tout gagner !
-Je vois ça, sourit Nico. Comment t'as eu ce maillot, Tooru ?
-Atsumu s'est blessé, répond Oikawa en haussant les épaules. C'est l'occasion de montrer que je suis meilleur que lui, et de rafler la place de titulaire.
-Mens pas, tu l'as poussé dans les escaliers ?
Tobio ricane. C'est le moment que choisit Bruno pour s'accouder à l'épaule de Nico et déclarer d'un air ennuyé :
-Tout gagner ? C'est ambitieux. Dommage pour vous, mais on se réserve encore l'or cette année.
-C'est ce qu'on verra, répond Oikawa d'un air de défi, bombant fièrement le torse.
Les yeux de Tobio restent figés sur Bruno, et une moue a remplacé son demi-sourire. Romero se sent d'humeur taquine, et incline sa tête contre celle de son passeur pour susurrer en fixant le couple :
-On va vous défoncer.
-Complètement, approuve son coéquipier en rentrant dans son jeu. Votre lien ne sert pas à grand-chose sur le terrain, comme vous êtes tous les deux passeurs. Nous, en revanche...
-Vous n'êtes pas liés, pointe Tooru d'un air de confusion.
-C'est tout comme, sourit Nico.
Il est sincère. Ce n'est pas un lien d'âme sœur, ce n'est pas non plus le lien d'affection qu'il entretient avec Tobio. Mais Bruno est son meilleur ami, son passeur et bien plus encore depuis leur adolescence, depuis plus de la moitié de sa vie. Ils se connaissent sur le bout des doigts sur un terrain et en dehors. Nico n'a aucune relation comparable à celle-ci.
Tooru jette un regard de biais à Tobio, puis adresse un sourire plaisant aux deux brésiliens :
-C'est pas tout ça, on doit rejoindre les autres. On se revoit sur le terrain !
-Essayez de tenir jusqu'en finale, lance Nico. La dernière était chez nous, celle-ci est chez vous. Ce serait dommage de la manquer !
-On y sera, assure Oikawa. Et je vous marquerai cinq aces par set.
Ils s'éloignent pour rejoindre le reste de l'équipe japonaise, Kageyama adressant un infime sourire à Nico avant de se retourner. Romero s'assied pour reprendre son planning, encore euphorique de leurs petites retrouvailles et du challenge, et Bruno fait de même, entreprenant de se limer les ongles avant d'éclater subitement de rire :
-Sa tête, Niquito ! Tu as vu ? A Tobio, quand t'as répondu... Je suis sûr qu'il était dégoûté. Même son âme sœur l'a senti.
Romero hausse les épaules, souriant pour lui-même. Il aime Tobio ; il ne sait pas exactement de quelle manière, si c'est encore entièrement romantique ou si les choses commencent à s'aplanir après un an de rupture. Le faire enrager, ceci dit, l'amuse aussi beaucoup, et c'est moins une marque de rancœur qu'une gaminerie taquine.
-Eh, Bruninho, dit-il sans se départir de son sourire tandis qu'il parcourt des yeux la composition des équipes rivales. Choppe le prix du meilleur passeur pour moi, d'accord ?
-Compte là-dessus, répond Bruno.
Le Japon se révèle un adversaire coriace, mais ils en viennent tout de même à bout ; et Nico échange son maillot avec Tobio à l'issue du match, dans ce qui est en passe de devenir une habitude. L'équipe nippone s'en remet vite, cependant –se classant sur le podium, troisième, un palmarès inédit pour les joueurs et qui allume leurs visages de grands sourires. Même Ushijima semble satisfait ; Kageyama arbore une expression fière ; quant à Oikawa, il est rayonnant de bonheur.
Le Brésil est une nouvelle fois en finale. Tobio et Tooru sont dans les gradins avec tous les autres, Nico ayant offert sa place VIP à Fukuro ; et il sait que Rafael est devant la télé, chez ses parents, revêtu du même maillot que celui qu'il porte.
Comme dans une rediffusion de celle de 2016, ils gagnent en trois sets, proprement et sereinement, sûrs de leur force. Le stade est moins en effervescence que lorsqu'ils ont vaincu à domicile, naturellement, mais leur joie est la même, et ils sourient tous de toutes leurs dents à la remise des médailles.
Bruno est nommé meilleur passeur de la compétition, comme quatre ans plus tôt, et se voit remettre un trophée particulier et une petite peluche vabo-chan ; et Nico ne s'y attend pas, occupé à regarder si Tobio et Tooru sont verts, mais il est à son tour désigné comme le meilleur réceptionneur-attaquant des Jeux, et accepte avec bonheur les récompenses identiques sauf pour la couleur du vabo-chan. Ils prennent tous les deux la pose sous les flashs des journalistes, épaule contre épaule en exhibant leurs prix et en agitant leurs peluches comme des gamins ; sur la dernière photo, Nico adresse des signes de victoire à l'objectif tandis que Bruno, un bras passé autour de ses épaules, lui colle un baiser sur la joue.
Nico finit par offrir la peluche à Tobio, et celui-ci l'accepte en répondant, avec quelque chose d'un peu triste dans les yeux :
-T'as vraiment tout gagné.
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