80. 27 avril 2019
Quand Nico aperçoit Felipe et Rafael dans la foule de l'aéroport de Rio, il ne peut pas empêcher un immense sourire d'étirer ses lèvres. Rafa se précipite sur lui –il se retient visiblement de courir, mais l'impatience hâte ses pas, et il finit par se jeter dans ses bras. Nicolas pose un genou au sol pour être à sa hauteur, comme d'habitude, et constate avec une vague stupéfaction que son fils le dépasse légèrement ainsi.
-Tu m'as manqué, murmure Rafa, le serrant aussi fort que possible contre lui.
-Toi aussi, tu m'as manqué, répond Nico en caressant les cheveux semblables aux siens.
Lipe le gratifie d'une accolade quand il se redresse, et Romero ne peut pas s'empêcher de penser que c'est bon d'être chez soi. Ils discutent un peu tout en rejoignant la voiture et en prenant la route, de comment s'est passé le vol et de la fin de saison, des essais qu'il va faire, de la soirée qui se prépare. Son coéquipier n'évoque pas Tobio, et Nico se doute que Bruno a dû en parler. Mais si son équipe a l'air de se douter de quelque chose, ce n'est visiblement pas le cas de Rafael, qui lance avec toute sa bonne volonté encore enfantine :
-Et Tobinho, papa ? Il rentre aussi ?
Lipe lui adresse un sourire d'excuse en voyant que Nico tique sur l'appellation, mais ses yeux sont inquiets.
-Il est encore au Japon, mon trésor, répond Nicolas. Il s'entraîne là-bas, lui, dans la même équipe que Ninja Shouyou.
-Ah, d'accord, répond Rafa d'un air un peu déçu. Je devais lui montrer comment j'ai progressé. Maintenant, j'arrive à mettre des paniers en faisant des passes.
-Je lui enverrai une vidéo, comme ça il le verra.
-C'est pas pareil.
-C'est déjà ça, mon cœur. Tu peux me montrer à moi.
-Mouais... Et puis, arrête avec les surnoms, papa. Je suis plus un bébé.
Romero cligne des yeux, et échange un regard avec Lipe. Celui-ci préfère en rire :
-Tu verras, c'est rien comparé à la crise d'ado !
En vérité, Nico a l'impression de s'être pris une claque. Il n'a qu'un fils, et il se rend compte qu'il grandit à toute vitesse, que ce n'est déjà plus un petit garçon –c'est un enfant de huit ans, qui sait ce qu'il veut, qui a son propre caractère, qui commence à prendre du recul sur le monde qui l'entoure, et qui veut encore vieillir plus vite. Il sent qu'il a loupé quelque chose.
Il ne relance pas la conversation, et Lipe monte le volume de la radio pour compenser. Nicolas pose sa tête contre la vitre. Il repense à Tobio. Kageyama lui a offert une lampe connectée en se séparant à l'aéroport, et l'attention le touche –mais ce qui l'affecte vraiment, c'est le symbolisme. Ces lampes qui évoluent à l'unisson et qui les mettront en contact d'un bout du monde à l'autre, qui témoigneront qu'ils se manquent... finalement, ça fonctionne un peu comme un lien de substitution.
Il faut que j'arrête de penser comme ça, se sermonne-t-il pendant qu'ils arrivent chez Lucas. Ce dernier ouvre la porte en les voyant arriver, et Rafael se précipite vers l'intérieur. Il est bientôt plus familier avec mes coéquipiers qu'avec moi.
-T'inquiète, sourit Lucas en l'enlaçant à son tour. Je crois juste qu'il en pince pour ma filleule.
Ouch. Deuxième rappel à l'ordre de la journée.
-Je pense qu'elle l'aime bien aussi, ajoute Biela, apparaissant à son tour pour lui faire la bise, posant les mains sur ses épaules. Je suis contente de te revoir, Nico.
Il les suit à l'intérieur. Bruno est déjà là, assis dans un canapé –il se lève quand Romero entre, souriant de toutes ses dents avant de le prendre dans ses bras :
-Niquito ! Tu vas bien ?
Les étreintes de Bruno sont différentes. Nico s'y abandonne. Depuis tous le temps et toutes les occasions où ces bras se sont refermés autour de lui, il s'y sent chez lui. Peut-être même encore davantage –il s'y sent lui. Sans avoir à jouer un rôle, sans avoir à cacher ses failles. Il laisse le moment durer, fermant les yeux pour savourer le bien que ça lui fait.
-Ouais, ça va, répond-il finalement.
Mieux, maintenant.
Bruno sourit, mais Nico connaît son regard –celui qui le transperce jusqu'à l'âme pour sonder s'il dit la vérité ou non.
Ce n'est tout de même pas avant qu'ils soient sortis cette nuit-là que son meilleur ami lance le sujet, alors qu'ils sont assis au bar côte à côte pendant que les autres sont sur la piste. Ça ne ressemble pas à Nicolas de louper une occasion de danser, mais la fatigue et l'alcool se combinent mal, et il considère que tenir droit sur son tabouret relève déjà du miracle.
-Alors ? demande négligemment Bruno en sirotant son cocktail. Tu comptes toujours rejoindre la ligue italienne, avec tous les essais que tu fais ici ?
-Bof... C'est compliqué, marmonne Nico.
-Je pensais que t'allais partir là-bas avec Tobio, qu'il romprait le lien, que vous alliez vous marier et...
Nico fait la moue, soudain boudeur et rancunier. Il n'a pas envie d'en parler. En parler le rend triste. Il n'est pas là pour être triste.
Plutôt que de répondre, il laisse sa tête tomber sur l'épaule de Bruno :
-Je veux rentrer...
-T'es un gosse, tu sais ça ? soupire Bruno.
Il le soutient jusqu'à la voiture, et Nico le voit envoyer un message aux autres pour leur dire qu'ils repartent. Il se sent toujours mal d'avoir repensé à sa séparation imminente avec Tobio. Ses pensées déraillent, il se blâme d'avoir sous-estimé son épuisement et d'avoir bu sans y prêter garde.
-Tiens, lui dit Bruno en lui tendant une brioche une fois de retour chez Lucas.
Nico le regarde sans comprendre.
-Ça épongera un peu. Et t'as besoin de bouffer. T'as maigri, non ?
Il ne sait pas quoi répondre, il n'en sait rien. Peut-être bien, il n'est pas sûr. Il mâchonne la brioche en somnolant pendant que Bruno lui pose un plaid sur les épaules.
-Faudra qu'on parle, déclare ce dernier.
-Pas besoin..., murmure juste Nico.
Il se sent fatigué, perdu et fragile. Il n'a pas envie de repartir dans des débats sans fin qui mènent tous à la même issue.
-Niquito, regarde-toi deux secondes, s'il te plaît, s'agace Bruno. Regarde dans quel état tu me reviens. Tu t'es vu dans un miroir ?
-Un miroir ? répète Nico, la brioche prenant soudain un goût de cendre. Comme si je me regardais encore dans les miroirs depuis...
Depuis Jô. Il n'a pas besoin de le dire, Bruno sait. Les yeux de son coéquipier s'adoucissent.
-Désolé. Je te laisse tranquille pour ce soir. Dis-moi juste de quoi t'as besoin.
Nico hésite une demi-seconde :
-... Je veux bien un câlin.
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