66. 2 mars 2019, 12h
Nicolas a l'impression que la boîte d'annihilateurs pèse lourd dans son sac de sport.
Il l'a subtilisée à Tobio, sans vraiment savoir si ce sera efficace. Il craint que le sevrer si brutalement ne fasse qu'empirer la situation, mais en même temps, il a du mal à se figurer comment les choses peuvent encore se dégrader au point où elles en sont. Il ne faudra sûrement qu'une dizaine de minutes à Tobio pour descendre en rechercher à la pharmacie, mais s'il se fait repérer là-bas comme un toxicomane, peut-être qu'ils pourront faire quelque chose pour lui. Ou, à défaut, la reconnexion avec le lien, même brève, mènera peut-être à quelque chose.
Quelque chose qui sera en faveur d'Oikawa. Nico en est conscient. Mais c'est la santé de Tobio qui est en jeu. Il ne sait pas jusqu'où il est prêt à aller, jusqu'où il est prêt à sacrifier pour qu'il aille mieux –et ce serait tellement plus simple si Kageyama voulait juste bien lui avouer le problème.
Ou alors c'est moi qui suis paranoïaque, et il n'y a pas de problème, pas de vraie raison à cet état, hormis le fait qu'il soit loin de Tooru. La pensée lui fait mal et relance toutes les questions qui l'ont rongé pendant la nuit.
-T'as l'air crevé, Nicolas, commente Kourai quand il entre dans le vestiaire.
-Kageyama n'est pas avec toi ? interroge Fukuro.
-Nan, je l'ai laissé dormir. Il... Il n'est pas bien, en ce moment.
Seuls des hochements de tête compréhensifs tiennent lieu de réponse, et Nico sent la honte et la culpabilité se mêler en lui. Quel genre de copain je suis, pour laisser mon petit-ami dans un tel état de détresse ? Pour tolérer ça et rentrer dans son jeu ?
Il a du mal à faire abstraction, même pendant l'entraînement. Il se demande si Tobio s'est réveillé, s'il a trouvé sa note sur le frigo, dans quel état il l'accueillera quand il rentrera à midi. Il sera sûrement en colère. Il dira à Nico qu'il ne le comprend pas, qu'il ne peut pas lui faire confiance, qu'il est inutile et ne sait pas l'aider.
Parce que le seul qui est susceptible d'apporter une vraie solution, ils le savent tous deux, c'est Oikawa. Et laisser Oikawa prendre de la place dans leur vie ne peut conduire à rien de bon pour leur couple.
Il se hâte de quitter le gymnase à midi pour retrouver Tobio, sentant une étrange anxiété monter tandis qu'il gravit ses escaliers. Il a un mauvais pressentiment. Et celui-ci se confirme quand il trouve sa porte d'entrée entrouverte.
Oh non. Oh non non non non non-
Il se précipite à l'intérieur.
-Tobio ? appelle-t-il, mais il sait déjà qu'il n'y a plus personne.
Il retrouve le téléphone de Kageyama sur sa table de chevet, intact, et a un instant l'impression d'être ramené un mois en arrière, le jour le l'enlèvement. Le même appartement désert. Le même téléphone oublié. Et Tobio qui a disparu...
Il sent la panique grimper en flèche, mais il ne peut pas se permettre de faire quelque chose d'irréfléchi, même alors que son cerveau bouillonne d'hypothèses –est-ce que quelqu'un est venu le chercher ? de force ou de gré ? ou est-ce lui qui est parti de son propre chef, mais pour laisser la porte ouverte et oublier son téléphone, ce devait être dans une urgence absolue...
Est-ce qu'il est parti chercher des annihilateurs, à ce point désespéré de ne plus avoir sa dose quotidienne ? Ou...
Oikawa va mal, tu sais. Vraiment mal.
Tobio n'avait pas pu consommer d'annihilateurs. Il a dû sentir son âme sœur. Il a dû prendre conscience de l'état de détresse de Tooru, même si Nico ne sait pas encore vraiment ce qui a pu le causer. Et partir... chez lui, probablement.
Romero sait où Tooru habite. Mais savoir s'il devrait les rejoindre est une autre histoire. Si ça se trouve, maintenant qu'ils sont réunis, ils sont en train de se réconcilier. Et lui tomberait comme un cheveu sur la soupe entre deux âmes sœurs dont le lien dépasse tout entendement... et le laisse, fatalement, sur le côté.
Il ne sait pas quoi faire. Il ne peut pas joindre Tobio, alors il décide d'attendre quelques minutes, angoissé, faisant nerveusement le tour de son appartement en s'arrêtant à la fenêtre de temps en temps dans l'espoir de le voir revenir –de la pharmacie, de chez Tooru, au fond, peu importe, il a juste besoin qu'il revienne.
L'attente s'éternise. Nicolas finit par envoyer un message à Fukuro pour dire qu'il ne viendra pas cet après-midi. Il ne se sent pas capable d'aller jouer sans savoir où est Tobio –il a fini par vérifier le téléphone abandonné, mais aucun message n'a pu motiver cette sortie impromptue. Non, c'est le lien. Et il se fait trop tard pour que Tobio soit seulement allé chercher des annihilateurs, il serait déjà revenu, la pharmacie n'est pas loin. Cette option s'élimine à son tour, et n'en laisse plus qu'une.
Il est chez Tooru.
Nico prend ses clefs de voiture. Il ne compte pas passer tout l'après-midi à attendre sans rien faire. Pour autant que cette déduction l'affecte, il veut garder la tête froide et ne pas se laisser dépasser. Il a quand même le droit d'aller sonner chez Oikawa et demander si Tobio est là, au moins, ce sera réglé, il pourra arrêter de s'inquiéter de la localisation de Kageyama.
J'aurai d'autres choses sur lesquelles angoisser après ça.
Il vient de refermer la portière quand son téléphone vibre.
Numéro inconnu : je suis à l'hôpital, Oikawa-san a fait une overdose
Numéro inconnu : il va bien maintenant. Je rentre à pied
Une overdose. Nico relit le message plusieurs fois, juste pour être sûr.
Il a l'impression d'avoir de plus en plus froid tandis qu'il comprend peu à peu ce que ça veut dire. Lui a enlevé les annihilateurs de Tobio le matin même, ce qui a eu pour conséquence de laisser Kageyama sentir le lien de nouveau... Et ce, pile au moment où Tooru faisait une overdose ? Pile au moment crucial, pile à l'instant où il pouvait lui sauver la vie ?
C'est trop pour être une coïncidence. Et pourtant c'est bien lui qui a pris l'initiative de subtiliser les cachets, c'est bien lui qui comptait sevrer Tobio... C'était son choix, et sans le savoir, il a sauvé la vie de Tooru.
Ça doit être le destin.
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