63. 22 février 2019
Tobio va mal.
Nico le sait, il le voit, mais il ne peut rien y changer. Tout ce qu'il peut essayer de faire, c'est de prendre soin de lui, et passer en second.
-Tiens, mon cœur, dit-il en souriant lorsqu'il va chercher Kageyama ce soir-là, désignant la briquette de lait et le beignet à la viande encore tiède posés sur le siège passager.
-Merci beaucoup, répond Tobio.
Il a l'air épuisé, et grignote un bout du beignet avant de le remettre dans son emballage. Il siffle la briquette, en revanche, et Nicolas se dit que c'est déjà ça ; il lui prépare une petite assiette une fois chez eux, équilibrée comme il sied à des sportifs de leur niveau, jouant là-dessus pour forcer Tobio à manger, au moins par conscience. Kageyama semble s'égayer durant la soirée, ceci dit, et propose même en voyant qu'il est encore tôt :
-Tu veux regarder la télé, ce soir ? Je veux bien voir un film brésilien.
-Evidemment, susurre Romero. Attends...
Ça lui fait plaisir que Kageyama fasse des efforts avec sa culture. Peut-être qu'ils pourraient envisager de rentrer au Brésil, tous les deux, une fois leur aventure italienne terminée –les clubs y sont tout autant réputés, ce serait tout à fait envisageable d'y poursuivre leurs carrières respectives, même si Nico compte arrêter avant de prendre le risque de se blesser, dans deux ou trois ans peut-être.
Ils s'installent dans le canapé, et Tobio se love contre lui, cherchant toujours la proximité. Nico lui passe un bras autour des épaules en se plongeant dans le film, suivant les histoires d'un jeune homme brésilien enchaînant les nuits sans lendemain avec d'autres hommes et les soirées déjantées avec ses collègues.
Ça lui rappelle quelqu'un.
-T'as déjà porté ça en soirée ? interroge tout à coup Tobio en désignant l'écran, où les personnages masculins s'apprêtent à sortir faire la fête.
-Quoi, un croc top ?
-Ouais. Ce truc.
-Mon cœur, si tu poses la question, c'est que tu ne connais pas encore assez mes coéquipiers.
-Vraiment ? murmure Tobio en glissant une main sous son pull, longeant son ventre de ses doigts froids, taquinant son nombril.
Les choses s'embrasent rapidement, d'autant plus que les personnages semblent avoir la même idée, et bientôt le film est délaissé, de même que le canapé, le lit étant plus propice à ce nouveau choix d'activité. Nico se dit qu'il devrait ralentir, que c'est un rythme trop soutenu pour que le corps de Tobio le supporte bien –mais déjà Kageyama roule ses hanches contre les siennes et marque sa chair de baisers et de suçons, plaquant Nico contre le matelas, le coinçant entre ses cuisses. Il ne quitte pas son visage du regard une seconde, ses yeux rendus flous par le désir, ses lèvres entrouvertes sur de légers gémissements, indifférent aux grincements du lit.
Romero se demande s'il pense à Oikawa. Si c'est ça, la raison de ce comportement si étrange.
La pensée le dérange. Il fait basculer Tobio sur le côté, puis sur le ventre, et celui-ci plonge la tête dans les oreillers à la place. Bientôt ses doigts s'accrochent dans les draps tandis qu'il précipite son bassin à la rencontre de Nico, lui rendant son ardeur, baignant la pièce du claquement de la peau contre la peau. Il y a quelque chose comme de la hâte, presque de l'agressivité dans leurs gestes, et Romero ne lui laisse aucun répit, relevant sans délicatesse le visage de Tobio des oreillers pour l'entendre crier de plaisir avant d'atteindre lui-même l'orgasme.
-Désolé, murmure Nico lorsque le calme est revenu dans la chambre, assis au bord du lit, suivant d'un doigt distrait la colonne vertébrale de Tobio toujours allongé sur le ventre. Je ne voulais pas être si brutal.
-C'est rien, répond rêveusement Kageyama. J'ai beaucoup aimé.
-Je vais changer les draps.
-Hmmm...
Tobio redresse la tête, ses cheveux tout ébouriffés.
-On prend un bain avant ? demande-t-il, et Nico se laisse tenter.
Ils se retrouvent dans la baignoire vingt minutes plus tard, immergés dans l'eau chaude et dans les bulles, laissant leurs muscles se détendre. Ils se font face, les jambes entremêlées ; et Nico s'accoude au bord de la baignoire pour poser sa joue dans sa main et demander, calmement :
-Mon trésor. Qu'est-ce qui ne va pas ?
-Ça va, répond Tobio.
Il a toujours l'air aussi fatigué. Ses traits plus relaxés ne cachent pas sa pâleur et ses cernes pour autant, et il a pris deux doses d'annihilateurs depuis qu'ils sont arrivés chez Nico, une fois avant le début du film, une autre avant de rejoindre la salle de bains.
-Tu prends trop de cachets, déclare doucement Nicolas.
-Je sais, marmonne Tobio.
Il joue un peu avec l'eau. La vapeur colle ses mèches noires et lisses contre ses tempes, et ses yeux sombres se dérobent.
-Tu vas vraiment continuer comme ça pendant quatre ans ? demande Romero sans impatience.
-Je...
Tobio a l'air perdu. Perturbé. Ses lèvres tremblent légèrement.
-C'est pour nous que je fais ça, déclare-t-il enfin, relevant les yeux pour les heurter à ceux de Nico. Le lien... je veux qu'il se casse. Je le veux vraiment.
-Tu souffrirais peut-être moins avec le lien qu'avec les annihilateurs.
-Je ne souffre pas.
Alors pourquoi tu te comportes comme un maso ? a envie de lui retourner Nicolas. Il s'en abstient.
-Je te fais confiance, répond-il simplement.
Il a l'impression que ce n'est pas réciproque ; il ne peut pas s'empêcher de penser que quelque chose ne va pas, que Tobio ne lui dit pas tout. Mais il veut éviter de ruminer. Il veut se raccrocher à l'espoir que ça peut encore fonctionner, envers et contre tout, même contre ce que disent les autres, même contre les âmes sœurs, même contre le destin. Le visage épuisé de Tobio est la preuve du contraire, mais ses mots semblent déterminés. Et plus encore quand Kageyama se penche légèrement vers lui pour décréter dans son meilleur portugais la phrase qu'il a apprise par cœur :
-Je suis amoureux de toi, Nicolas.
Peut-être que ce n'est pas une bonne chose. Peut-être que ça ne suffira pas. Sûrement que ça ne suffira pas.
Mais les mots sont plaisants. Ils sonnent sincères. Et Nico répond :
-Je t'aime aussi, mon petit cœur.
Toute la vérité de cette déclaration n'empêche pas son sourire d'être faux.
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