44. 4 février 2019, 9h
Miwa est en train de projeter de parler franchement à Oikawa quand celui-ci réapparaît dans la pièce avec le spécialiste.
-Le lien s'est renforcé, déclare celui-ci.
Le cœur de Nico se serre. Il se demande ce que doit ressentir Tobio, là où il est. S'il est conscient. S'il a peur. Il aurait aimé être celui doté du lien, celui qui aurait pu le retrouver. Mais souhaiter avoir un lien avec Tobio lui semble injuste vis-à-vis de Joana, et il a systématiquement repoussé la pensée chaque fois qu'elle l'effleurait.
Ce qui est injuste, c'est ce système. Si seulement un nouveau lien se développait quand on perd le sien...
L'enquête se poursuit, et les policiers demandent qui a été en dernier en contact avec Tobio. Nico lui parlait encore à minuit, ça doit être lui –et il relit avec peine les derniers messages, les quelques cœurs échangés en attendant de se voir, sans savoir qu'ils ne se reverraient pas aussi tôt que prévu.
Il montre donc l'écran, et voit Oikawa blêmir en laissant ses yeux traîner dessus. Il a l'air plutôt pâle depuis sa première expérience du lien, d'ailleurs, et a perdu un peu de son arrogance initiale. Lui aussi doit se faire rattraper par la peur, et c'est sur ses épaules que reposent tous leurs espoirs, il doit commencer à ressentir la pression. Nico a beau ne pas l'apprécier, il lui est tout de même reconnaissant d'avoir accepté de contribuer aux recherches.
-Oikawa, je peux te parler en privé ? se lance Miwa, et Romero se demande s'il devrait prier pour Tooru.
Ils vont dans le salon pour discuter, et le silence se rétablit autour de la table. Les policiers et Hayashi sont sur leurs téléphones ou en train de prendre des notes. Ushijima a les bras croisés et les yeux dans le vide. Romero n'arrive pas à rester sans rien faire, ça lui est insupportable –et il sort de nouveau son téléphone pour se rendre sur le groupe de messages de l'équipe brésilienne.
Moi : Tobio a disparu
Bruninho : sérieux ??
Lipe : oh merde
Bruninho : appelle-moi si t'as besoin
Lucão : tiens-nous au courant
Moi : je suis chez son âme sœur
Lipe : défonce-le
Lipe : non, attends. Attends qu'il le retrouve
Lipe : et défonce-le après
Romero sourirait presque, mais il n'est pas d'humeur ; il quitte le groupe de messages et s'apprête à envoyer un message plus privé à Bruno, mais celui-ci prend l'initiative de l'appeler de lui-même, et son téléphone se met à vibrer. Il repousse sa chaise, adresse un léger signe aux autres, et s'isole dans le couloir –de toute façon, ils ne comprendront pas ce qu'il dira en portugais.
-Niquito, l'appelle Bruno dès qu'il décroche. Ça va ?
Nico a envie de dire que oui, ça va. Qu'il est fort, qu'il tient le coup, qu'il reste optimiste. A la place, entendre la voix inquiète de Bruno lui rappelle ce jour où il était face à son miroir, après la mort de Jô, consumé par le vide ; ce jour où il a brisé sa réflexion, en a ramassé les éclats, et a manqué de s'ouvrir les veines avec.
-Non, murmure-t-il. Non. Putain, Bruno. Je meurs de peur.
-Qu'est-ce qui se passe, exactement ?
-Tobio a été enlevé cette nuit. Son appart était vide avec des traces de lutte. On a rien, pas de demande de rançon, pas d'indices.
-Et qu'est-ce que tu fous chez son âme sœur ?
-Il peut le retrouver, apparemment. Via le lien... Là, il a fait le premier essai. Pour l'instant, ça ne donne pas grand-chose pour l'enquête, et tout ce que je sais, c'est que ça l'a juste rapproché de Tobio.
Bruno ne peut pas manquer l'amertume dans sa voix.
-Il est comment ? demande-t-il doucement. Son âme sœur.
-Tu vois l'ancien passeur de San Juan ?
-Ouais. Oikawa, c'est pas ça ? Il était pas dégueu. Il a dû avoir quelques prix, rien de trop clinquant.
-C'est ça. C'est lui.
Bruno laisse échapper un son contemplatif.
-Maintenant que tu le dis. C'est vrai qu'il a le même style de jeu que Tobio.
-Je m'en fous, de son style de jeu. Je ne sais pas ce qu'il a comme problème, mais j'ai l'impression qu'il ne me supporte pas. Pourtant, c'est lui qui a rejeté Tobio, non ? Mais comme le lien ne s'est pas défait, je commence à me poser sérieusement la question de savoir si Tobio a bien compris ou pas.
-Ecoute, tu te prendras la tête avec ça plus tard. La priorité, c'est de retrouver Tobio.
-Ouais, t'as raison. Je... Je vais y retourner.
Son meilleur ami doit entendre que sa résolution vacille à nouveau, car il répond :
-Garde la tête froide, Niquito. Je sais que c'est facile à dire comme ça, mais ne panique pas. Il n'y a pas de raison que ça fasse comme...
-Comme avec Jô ? termine Romero. Mais si. C'est complètement possible. Et qu'est-ce que je ferais, si je perds Tobio en plus d'avoir perdu mon âme sœur, hein ?
-Tu ne l'as pas perdu...
-Qu'est-ce que je fais, reprend Nico en sentant une boule se former dans sa gorge, si j'attire le malheur sur tous ceux qui s'attachent à moi ?
-T'y penseras quand le malheur sera arrivé, tranche Bruno d'une voix qui ne laisse pas de place à plus de plaintes. Tant qu'il reste un espoir, tu dois t'y accrocher, c'est comme ça. Ecoute, je ne vais pas dormir, ce soir. Rappelle-moi dès que t'as besoin.
Nico hoche la tête avant de se rappeler que son coéquipier ne peut pas le voir.
-Ouais. Merci, Bruninho.
-Fais gaffe à toi, Niquito.
Il raccroche et range son téléphone, puis s'adosse au mur quelques secondes, le temps de reprendre son souffle. Il a l'impression d'avoir la tête sous l'eau. Il ne veut pas d'autre tombe. Pas d'autre miroir. Mais Bruno a raison –cette fois, il n'y aura peut-être pas de drame.
Nico inspire. Tant que Tooru peut communiquer avec Tobio, il reste de l'espoir ; tant qu'il le sent, c'est la preuve qu'il ne faut pas renoncer. Et leur lien –ce lien détestable, ce lien qu'ils ont tant de mal à briser, ce lien qui hante leur relation ; ce lien qu'ils maudissent tant, ironiquement, risque de devenir leur seule option.
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