Oikawa accepte d'approfondir le lien.

Nico a seulement entendu parler de la possibilité d'impliquer les âmes sœurs quand quelqu'un disparaît. Il ne l'a jamais vu en vrai. Il se demande si Tooru va entrer en transe, communiquer avec Tobio et leur dire en quelques secondes ce qu'il a ressenti.

Savoir que la personne assise en face de lui arrive à percevoir des sentiments et sensations de Tobio le déstabilise. Il a l'impression qu'Oikawa est comme un parasite autour de leur relation, incrusté, indiscret, greffé à eux sans qu'ils puissent s'en débarrasser.

C'est plutôt l'inverse. C'est plutôt moi qui suis en train d'entraver le lien des âmes sœurs, songe-t-il en baissant les yeux. Même s'ils se sont rejetés, ce n'est pas naturel de s'attacher hors du lien...

-Je peux sentir quand il a mal quelque part, explique justement Oikawa. Quand il n'est pas dans son état normal, et quand il a des humeurs intenses. La colère, la tristesse, ce genre de choses.

Ça fait tout de même beaucoup. Nico a presque du mal à le concevoir, il lui semble avoir perdu son propre lien depuis des siècles –mais oui, à l'époque, il sentait tout ça de Jô aussi. Les sentiments négatifs étaient toujours un peu plus forts, un peu plus intenses ; mais quand il la sentait heureuse, il ne pouvait pas s'empêcher de partager le même bonheur, et c'était presque magique alors.

Si ça se trouve, quand Tobio souriait, ce n'était pas à cause de moi.

Il a envie de prendre sa tête dans ses mains. La fatigue et l'inquiétude le font à moitié délirer. Il est presque reconnaissant à Miwa de faire une entrée fracassante et de commencer à crier sur tout le monde. Elle entame les hostilités sur les policiers, puis se focalise sur Oikawa dès qu'elle apprend son nom:

-Oikawa, hein ? J'aurais dû me douter de quelque chose dans le genre. J'ai entendu parler de toi. Le fameux joueur rival, l'aîné indépassable, Oikawa-san –le connard qui a rejeté mon frère, en fait. Et maintenant ça t'intéresse de le retrouver ? Tu penses peut-être qu'il va te laisser une chance –maintenant qu'il est célèbre, hein, et-

Le fameux joueur rival, l'aîné indépassable, Oikawa-san. Nico comprend aisément que Tobio n'a pas dit toute la vérité quand il a dit que son âme sœur avait une personnalité horrible. Il ne l'a jamais entièrement détesté.

Il avait plutôt l'air de l'admirer.

-Miwa, interrompt-il, peu désireux d'en entendre davantage. Il aide.

Il prend soin de laisser les sonorités du portugais reparaître dans sa prononciation. Oikawa n'a pas l'air particulièrement reconnaissant, cependant, et Miwa ne se calme pas :

-Nico-chan, il n'a aucun droit sur Tobio. Je ne savais même pas que c'était lui, son âme sœur. Tu le savais, toi ?

-Non, répond-il, presque avec honte.

Non, mon petit-ami depuis deux ans et demi ne m'a jamais rien confié sur son âme sœur. Je l'ai découverte ce matin, et je n'aurais jamais dû.

Hayashi et Oikawa s'éclipsent finalement de la pièce pour commencer le processus, et Nico les regarde s'éloigner en se disant que quand ils reviendront, le lien sera pleinement rétabli.

-Ah, ça m'énerve ! s'écrie soudain Miwa en se levant, tandis que les policiers et Ushijima s'éloignent un peu pour passer des coups de fil. Ce gars me dégoûte. T'as vu ça, Nico-chan ?

Elle lui met dans la main un petit papier, sur lequel se lit un numéro de téléphone et une phrase manuscrite que Nico déchiffre difficilement –super nuit, rappelle-moi, bisous. Romero hausse un sourcil. Des mots comme ça, il en a eu aussi, ça ne le choque pas.

-Et alors ? demande-t-il.

Miwa lui donne un coup sur la tête.

-Au, lâche-t-il.

-Itai, corrige Miwa du tac au tac avant de reprendre en fronçant les sourcils : tu trouves ça correct, toi, de rejeter son âme sœur au profit de plans cul ?

Nico la considère longuement, et elle semble se rendre compte de son erreur :

-Je veux dire. Dans un sens, c'est bien qu'il l'ait rejeté, sinon, Tobio ne pourrait pas être avec toi... Et il est vraiment mieux avec toi qu'avec ce gars, ça, c'est sûr, Nico-chan.

Qu'est-ce que tu en sais ? a envie de répondre Romero. Techniquement, l'âme sœur est la compatibilité parfaite. Personne ne peut être au-dessus de ça.

-Ce type était dans le même collège que Tobio, poursuit Miwa. Et Tobio en parlait tout le temps à Kazuyo, je les entendais quand j'allais le chercher à l'hôpital. Quand je pense qu'il a découvert plus tard que c'était lui son âme sœur... Ce gars qu'il admirait... Ça a dû lui faire tellement mal. Et surtout, qu'il n'en ait parlé à personne...

Elle soupire, et Nico a l'impression qu'elle va se mettre à pleurer.

-J'aurais dû être plus présente, murmure-t-elle. C'est mon petit-frère, mais j'ai privilégié le reste. J'ai eu peur de ne pas être à la hauteur après la mort de Kazuyo, alors j'ai préféré ne rien essayer. Je n'imaginais pas qu'il ait dû gérer le rejet de son âme sœur en plus. Et maintenant... Maintenant qu'il est en danger, je réalise tout ça et...

Spontanément, Nico la prend dans ses bras. Miwa se laisse aller contre son torse, et le serre contre elle en retour –sentant sûrement qu'il en a tout autant besoin.

-On va le retrouver, chuchote Nico, la voix un peu rauque de rester autant enfermé dans le silence.

Mais on ne peut rien faire. On n'a pas de lien. Alors il se corrige :

-Tooru va le retrouver.