C'est la première fois que Nico sort avec un de ses coéquipiers, et il ne sait pas à quoi s'attendre en reprenant l'entraînement avec les Adlers.

Evidemment, il dissocie métier et vie privée, et sa relation avec Tobio est toujours à ses débuts les plus platoniques ; Romero a d'abord envie de tester un peu ce que peut donner leur couple, si ce n'est pas juste un caprice de Tobio, s'ils ont vraiment une chance en dépit des écarts entre eux.

Il ne repousserait pas Tobio s'il prenait l'initiative de poser ses lèvres sur les siennes, au contraire. Mais lui-même ne se sent pas encore assez en confiance pour aller plus loin, pour franchir le pas du premier baiser qui confirmerait qu'il s'agit d'une relation romantique ; parce que ce serait la première depuis Jô, et plus il y pense, moins il en est certain, parce qu'une relation d'âmes sœurs et une relation hors de ce système sont incomparables.

-Eh, Nicolas, l'apostrophe finalement Fukuro.

Ils ont fini la semaine de reprise et sont allés dans leur bar habituel le samedi comme l'année précédente ; et les Adlers n'ont pas pu manquer, alors, de remarquer que la relation entre leur passeur et leur champion avait évolué. Romero sait que le capitaine l'y aurait confronté tôt ou tard, et l'occasion est idéale –ils sont arrivés en dernier dans le vestiaire pour s'entendre dire qu'il n'y avait plus d'eau chaude dans les douches, et sont donc partis tous les deux dans celui d'en face. Nico aurait bien voulu répondre avec plus de vêtements sur lui et moins de shampoing dans les yeux, mais après tout, pourquoi pas.

-Tu..., commence le capitaine d'un air un peu hésitant. Avec Kageyama, vous êtes plus proches qu'avant, non ?

-Ouais, répond franchement Nico. On s'est... plus ou moins mis ensemble après les Jeux Olympiques.

-Oh, félicitations. Je veux dire, ça se voit que vous vous entendez bien.

Fukuro n'ajoute rien pendant un moment, occupé à se rincer, mais Romero se doute bien que ce n'est pas fini.

-Ça ne pose de problème à personne que vous soyez ensemble, ajoute-t-il en effet quelques minutes plus tard. Mais si... Si vous avez des disputes ou je ne sais pas, des choses qui peuvent affecter l'ambiance de l'équipe et le collectif...

-On saura faire la part des choses, assure Nico.

-Ouais, je me doute, sourit Fukuro en attrapant sa serviette. On sait que t'es quelqu'un de bien, Nicolas, t'es plutôt posé. Mais Kageyama est le cadet de l'équipe, il est encore instable.

-On se complète, alors.

-Je n'en doute pas.

Hirugami lui adresse un clin d'œil, et n'ajoute rien de plus. Il remplit parfaitement son rôle, Nico doit le reconnaître ; calmement, sans être inquisiteur, cherchant simplement à préserver l'harmonie de son équipe sans vouloir contrôler leurs vies individuelles.

Tobio l'attend devant le gymnase, sagement, loyalement, et se met à se balancer d'un pied sur l'autre en le voyant enfin sortir. Hirugami leur souhaite bonne soirée avant de partir de son côté, et Nico se tourne vers Kageyama en lui présentant son plus beau sourire :

-On mange dehors ?

Tobio a un restaurant de prédilection, dont la carte repose essentiellement sur le curry, et Nico l'y suit sans problème. Ils marchent côte à côte, sans oser encore vraiment se tenir la main en public ; Romero sait que les médias sont à l'affût, même ici au Japon. Mais ils ne pourront pas le cacher éternellement. Se montrer sans complexes dès le début épargnera sûrement d'interminables articles à leur sujet.

La soirée est chaude, et ils décident de s'installer devant, en terrasse, à peine incognito. Le temps que la serveuse leur apporte leurs boissons, Nico a déjà repéré deux paparazzis tapis plus loin.

-Ne te retourne pas, dit-il à voix basse à Tobio. Il y a des journalistes derrière toi.

Bien évidemment, Kageyama pivote à 180 degrés sur sa chaise :

-Où ça ?

Nico a envie de pouffer de rire. A la place, il rentre dans son jeu et adresse un signe de paix directement aux paparazzis, pouvant presque entendre les rafales de leurs appareils.

-Ils vont se demander si on sort ensemble, dit Tobio.

-C'est ce qu'on fait actuellement.

-Ouais. Du coup, on s'en fout.

Ceci dit, il pose sa main sur la table, la fait glisser jusqu'à celle de Nico, et entremêle leur doigts. Romero se demande depuis quand il a tellement confiance en lui hors du terrain. Son influence, peut-être. Et demain, le monde entier saura que Nicolas Romero et Kageyama Tobio sortent ensemble.

-Okay, si tu veux jouer à ça, sourit-il.

Il esquive la main que lui tend Tobio en quittant le restaurant deux heures plus tard, et préfère passer un bras autour de ses épaules à la place. Il fait souvent ce geste, même depuis l'année dernière ; mais chaque fois, Kageyama se contentait de l'accepter sans y répondre. Cette fois, s'il veut s'affirmer, il y sera obligé ; et un grand sourire vient fendre le visage de Nico quand les doigts de Tobio s'ancrent finalement sur sa taille, timides d'abord de le toucher ainsi, puis plus assurés tandis qu'ils se mettent à marcher d'un même pas.

Kageyama le regarde droit dans les yeux quand ils doivent se séparer devant sa résidence. C'est presque un défi. Il sait que les paparazzis ont dû les suivre, qu'ils attendent encore, qu'ils attendent plus, qu'ils attendent un geste de confirmation de leur relation, et Nico sait exactement à quoi il pense.

Et il l'embrasse sur la joue.

Finalement, songe-t-il en s'éloignant pour rentrer chez lui, entre nous deux, c'est peut-être moi qui suis instable.