18. 5 octobre 2015
-S'il te plaît, Nicolas.
Romero sourit largement, tâchant d'ignorer la chaleur qui se diffuse en lui en entendant, pour la première fois, les syllabes de son prénom rouler sur la langue de Tobio Kageyama.
-Bien sûr, déclare-t-il ensuite chaudement. Vas-y, assieds-toi.
Kageyama se glisse sur le siège à côté de lui. C'est le départ pour le premier camp des Adlers, et Nico aurait cru qu'il resterait aux côtés de Wakatoshi ; mais non, Tobio a pris l'initiative de lui demander s'il pouvait être son voisin de route –et Romero n'a pas besoin de le connaître depuis des années pour sentir que ce n'est pas dans ses habitudes de faire le premier pas, et de s'en sentir flatté.
Depuis un peu plus d'un mois qu'ils jouent ensemble, tous les deux se sont rapprochés. Tobio arrête progressivement de rougir et de balbutier chaque fois que Nico le touche, et si celui-ci s'entend avec tout le monde chez les Adlers, Kageyama reste un peu particulier à ses yeux ; parce que c'est son passeur, et que tous les deux ont un tel niveau technique qu'il leur arrive d'improviser des merveilles et de scotcher tout le monde ; parce que c'est quelqu'un qui peut comprendre ce que c'est, d'être seul dans un monde comme celui-là, et que Nico a envie de le protéger de tout ça ; parce que c'est devenu sa compagnie habituelle dans toutes leurs sorties, son binôme en toutes circonstances, et il ne devrait finalement pas tant s'étonner que Tobio veuille s'asseoir à côté de lui.
Le camp est épuisant, mais ça ne peut pas leur faire de mal d'être préparés pour la reprise du championnat. Nico ne peut pas Skyper, ici, alors il se contente de téléphoner à sa famille tôt le matin, avant le petit-déjeuner et pendant que ses coéquipiers dorment encore. Encore un peu plus de deux mois avant de rentrer à Rio –parfois, ça lui semble une éternité.
Ils sont tous à bout de forces le dernier jour, même les plus jeunes –Wakatoshi trahit un peu d'impatience, Kourai crie chaque fois qu'il rate ; et Tobio, surtout, a une tête de déterré ce matin-là. Nico éclate de rire quand il le voit quasiment finir la tête dans sa purée le midi à force de somnoler au-dessus de son assiette ; et finalement, à peine sont-ils assis côte à côte dans le bus que Kageyama ferme les yeux, et Romero se demande ce qu'il a fait cette nuit pour être aussi épuisé.
-Il est toujours comme ça, assure Kourai en lui passant un sachet de sucreries. Quand on partait avec les U18, il passait tous les trajets à dormir. Si t'as un marqueur indélébile, ça peut être marrant –une fois, Miya lui a dessiné des moustaches...
-On devrait essayer sur Ushijima, plutôt, glousse Toshiro.
Ils se focalisent sur le pointu, lui aussi endormi avec un masque de sommeil sur les yeux, et Romero reporte son attention sur Kageyama un moment –il a l'air paisible quand il dort, ses traits se détendent, et Nico se demande s'il devrait prendre une photo.
Une heure de route plus tard, Romero commence à somnoler aussi ; quand soudain le bus prend un virage un peu brusque, et la tête de Kageyama glisse du dossier de siège contre lequel elle reposait pour s'installer sur son épaule à la place.
Nicolas se fige. Il s'attend à ce que Kageyama se redresse d'un air perdu, mais les secondes passent sans qu'il ne bouge, la joue bien calée contre son épaule. Nico baisse les yeux sur Kageyama sans oser bouger, sentant même quelques mèches de cheveux chatouiller son cou, attendant la suite... Puis Tobio soupire dans son sommeil, émet un léger son appréciateur et ensommeillé, et recommence à ronfler doucement.
-Tu veux qu'on le réveille ? demande Fukuro à voix basse. Ce n'est pas inconfortable ?
-Non, c'est bon, assure Romero.
Ça ne lui fait pas de mal d'avoir un peu de contact avec quelqu'un. Lui et ses coéquipiers dorment toujours en tas pendant les trajets, il a l'habitude –que ça vienne de Tobio l'étonne un peu plus, même si ça a l'air purement inconscient. Mais il n'y a pas de mal, bien au contraire, et il sourit tranquillement quand Kourai décide de les mitrailler de photos pour faire chanter Kageyama plus tard.
Lui-même ne résiste pas à la tentation de faire un selfie, d'ailleurs –attrapant son téléphone d'une main pour tirer la langue à la caméra, et il aurait bien fait un signe de victoire si Tobio n'était pas en train d'ankyloser son bras. Il l'envoie à Bruno, lequel doit être en train de faire son jogging matinal, parce qu'il lui répond sans trop tarder :
Bruninho : t'as du succès
-C'est dégueu, il bave, commente Kourai au même moment. Il dort tellement profondément que je suis sûr qu'on pourrait l'allonger dans l'allée centrale et le laisser se réveiller là. Tu veux pas essayer ?
-C'est bon, répète Nico.
Bruninho : je ne vois que ses cheveux, il est mignon au moins ?
Moi : très
Et il n'a pas d'âme sœur, en plus. Il garde ça pour lui pour l'instant, sinon Bruno voudra à coup sûr jouer les entremetteurs, et Nico n'a pas trop envie que Kageyama se retrouve avec des messages bizarres en portugais.
Et puis, il n'y a pas de raisons de jouer les entremetteurs, se rend-il soudain compte. Tobio est attachant, il est mignon et parfois même adorable, Nico adore le faire rougir et le pousser dans ses retranchements ; mais c'est un gosse. Il a dix-huit ans à peine, il sort du lycée. Ce qu'ils doivent rechercher, c'est une relation de coéquipiers –fraternelle, pourquoi pas fusionnelle, comme il a avec Bruno, mais pas davantage.
Il s'occupe sur son téléphone en attendant que Tobio se réveille ; mais il ne peut s'empêcher de frémir lorsque Kageyama rajuste légèrement sa position dans un gémissement étouffé, niche sa tête davantage contre son épaule et tend un bras pour l'enlacer à demi, posant une main sur son ventre et crochetant légèrement un pan de son T-shirt.
Quand, finalement, Tobio se recule d'un air paniqué en comprenant où il est, Nico a toutes les peines du monde à paraître désinvolte.
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