Chapitre 40
— Wow ! Je n'en reviens pas ! lâcha mon amie lorsque j'eus fini de tout lui raconter.
Je lui avais tout déballé. Ma première rencontre avec Eunji dans la salle du piano, la couverture prêtée à maintes reprises, nos sessions de travail, notre rapprochement. Quand il m'avait défendu face aux gars louches devant mon ancien appartement, toutes les occasions où il avait pris soin de moi, ses petites attentions. Je lui avais aussi raconté mes crises, celle que lui seul avait apaisée, que je m'étais endormie dans ses bras. Toutes les autres fois où il patientait à mes côtés, dans l'attente que je me calme, sans demander aucune explication. Qu'il m'avait trouvé un logement, négocié un contrat avec l'agence. Les moments où l'on s'était embrassé, notre — enfin ma — décision de rester amis, la façon dont il m'avait réconforté après la visite de ma mère avant le concert. Pour finir, ses sentiments avoués, puis notre mise en couple. Pendant mon monologue, Alice n'avait pas bronché, secouait la tête parfois pour faire signe qu'elle suivait, fronçait les sourcils quand elle s'inquiétait pour moi. Arrivé à la fin de mon récit, je m'étais tu, dans l'attente de son verdict.
— Je me doutais de votre rapprochement enfin, je veux dire ça se voit, mais de là à imaginer tout ça !
Je restais muette, encore trop angoissée par sa réaction, cependant surprise de son aveu.
— Mark ! Ça se remarque comme le nez au milieu de la figure qu'il te plaît. Il n'y a qu'à observer la lueur dans tes yeux dès que tu entends sa voix ou que l'on prononce son nom.
— Je... Je ne pensais pas que c'était si évident, soufflais-je.
— Il faut très bien te maîtriser pour capter, rassure-toi. Je te connais par cœur, je l'ai repéré depuis le début. Probablement même avant que tu ne t'en rendes compte.
Je hochais la tête honteuse.
— Daeyeon a cramé Eunji depuis longtemps, confirma-t-elle devant mon silence. On en a beaucoup discuté tous les deux et on se demandait quand vous affronteriez la réalité.
— Je t'en supplie, ne lui dis rien !
Sa confidence m'avait tirée de ma torpeur.
— Je n'en parlerais à personne, je te le jure. Même pas à Dae. Il n'est pas bête, tu sais, il a compris. Il a peut-être déjà pigé que vous sortiez ensemble.
— J'en suis consciente, mais c'est à nous de lui annoncer. Nous l'informerons quand nous nous sentirons prêts tous les deux, avec Eunji.
Je n'envisageais pas qu'il l'apprenne par des bruits de couloir ou autre. Surtout après qu'il se soit livré au sujet d'Insook. Ça, je ne pouvais pas le confier à mon amie.
— Tu ne m'en veux pas de ne pas t'en avoir parlé ? repris-je, après quelques instants.
— Non, je comprends, tu sais. Tu as vécu des choses pas simples. Tu as dû démêler tes sentiments au milieu de tes crises et de ton acclimatation à cette nouvelle vie. Sans parler de ta mère. Je me doute que votre situation reste difficile. Vis-à-vis de la boite, des fans. Je suis certainement loin d'imaginer tout ce à quoi vous vous exposez.
Qu'avais-je fait pour mériter une amie aussi compréhensive ? Je me jetais dans ses bras pour la énième fois de la soirée, au point où j'en étais, consciente que je ne pourrais plus revenir en arrière. Elle m'en réclamerait sans arrêt.
— C'est pour ça que tu ne tentes rien avec Shin ? osais-je spéculer.
Je sentis sa prise se resserrer contre moi.
— Ouais. Et la distance.
— C'est de ça dont tu parlais avec Dae ce soir ?
Elle parut étonnée alors je précisais :
— Eunji m'a dit que vous bavardiez par messages tout à l'heure.
— Mmmh, acquiesça-t-elle. Il lui posait des questions sur moi, alors Dae lui a répondu qu'il n'avait qu'à me demander. Comme Shin était trop timide, il a quand même joué les intermédiaires.
— Donc il s'intéresse aussi à toi ? m'enflammais-je, redressée dans ses bras.
— Je ne sais pas trop. Peut-être un peu, oui. On a convenu que ça ne servait à rien, car je partais demain.
— Je vois. C'est dommage, ronchonnais-je de nouveau calée contre elle.
— Ahah, tu voulais déjà me caser avec lui ? On croirait entendre Dae, rigola-t-elle.
— Vous iriez bien ensemble. Mais bon, je comprends ton choix.
— Je préfère ne rien commencer plutôt que de m'attacher à lui et d'être blessée par la suite.
— C'est courageux.
— Tu penses ? Moi, je trouve ça lâche.
— Mmmh, ça dépend des points de vue.
— Maintenant, tu ressembles à Eunji ! se bidonna-t-elle.
— Hey ! râlais-je faussement vexée.
Nous discutâmes ainsi une bonne partie de la nuit, à se confier des choses que l'on ne s'était jamais avouées, à repousser au maximum le moment fatidique où nous devrions nous dire au revoir. Mortes de fatigue, nous nous assoupîmes dans les bras l'une de l'autre.
***
La journée du lendemain passa à la vitesse de la lumière. Après avoir accompagné Alice à la gare, j'avais rejoint les garçons pour une réunion avec une marque. Ceux-ci lui avaient fait leurs adieux le matin et Daeyeon promit de revenir la voir pour lui montrer ses progrès en français. Elle avait répondu en coréen qu'elle l'attendait avec impatience et cette scène émut tout le monde. J'étais heureuse que mon amie s'intègre, même si je n'avais jamais douté d'eux. Ils étaient tellement adorables.
La réunion terminée, nous avions mangé avec la compagnie et un accord avait pu être validé. Le groupe serait la nouvelle égérie de la marque. J'ignorais si je m'en étais bien sortie. Du moment que le contrat était signé, je considérais le travail comme fait. Nous avions ensuite filmé un épisode de leur émission, dans les rues de la ville et étions rentrés à l'hôtel.
Je finissais tout juste ma douche quand je trouvais Eunji allongé sur mon lit, à pianoter sur son téléphone. Je supposais qu'il s'était lavé lui aussi, à sa tenue décontractée et à ses cheveux légèrement humides. Ce que j'ignorais en revanche, c'était son moyen d'entrer.
— Alice a glissé sa clef dans ma poche pendant les au revoir ce matin, m'expliqua-t-il, comme si ma question avait franchi la barrière de mes lèvres.
— J'ai frappé, mais tu ne m'as pas entendu. Probablement parce que tu chantais trop fort sous la douche, ajouta-t-il avec un large rictus.
Il se payait ma tête !
— Oh, si j'avais su que tu assistais au concert, j'aurais choisi de massacrer une de tes chansons plutôt, répliquai-je avec un sourire moqueur.
— Tu ne devrais pas me chercher, alors que je viens me venger de ton attitude d'hier matin !
— Hier matin ? questionnais-je assise au bord du lit, à côté de lui.
— Ouais ! Quand je t'ai demandé la façon dont tu me vois, murmura-t-il.
Il se redressa et s'approcha dangereusement de moi, une lueur malicieuse dans les yeux.
— Oh ça !
Je fis mine de me reculer pour m'enfuir, il m'attrapa le bras et me renversa sur le dos.
— Tu crois pouvoir t'en tirer ainsi ? ironisa-t-il.
— Non, mais c'est toi qui interprètes mal aussi.
— Bah tiens. J'ai bien capté ton regard quand tu m'as laissé en plan sans me répondre, grogna-t-il.
Il me surplomba et adopta un air menaçant. J'adorais le contraste entre cette attitude dominante et la douceur avec laquelle il me traitait.
— Quel regard ? Je... Je ne vois pas du tout de quoi tu parles. Soufflais-je d'une petite voix, essayant de m'enfoncer dans le matelas pour lui échapper.
— Ne joue pas avec moi !
— Ou sinon ?
Oui, ce n'était pas bien malin de le taquiner, mais c'était plus fort que moi. Nous apprenions à nous connaître d'un point de vue intime et ça promettait de faire des étincelles. Des têtes de pioche tous les deux.
— Mais je rêve ou tu me cherches ? Tu crois vraiment que tu es en position de fanfaronner ?
Il attrapa mes bras qui tentaient de le chatouiller pour le relever.
— Et en plus, tu attaques ?! Très bien, je ne t'apporterais plus ton précieux café du matin !
Oh ! C'était très moche ça. Très bien Park Eunji, tu voulais jouer ?
— Pas grave, Dae s'en chargera pour moi ! cinglais-je mes yeux droits dans les siens.
Instantanément, son regard s'assombrit. Oups, peut-être que n'aurais-je pas dû ?
— Et ça, il s'en chargera pour toi ?
Il se pencha très lentement vers mon visage, jusqu'à ce que ses lèvres frôlent les miennes. Je voulus l'embrasser, mais il maintenait tout juste assez de distance pour m'en empêcher, mes poignets toujours prisonniers de ses mains. Son souffle chaud s'échoua sur ma joue, descendit dans mon cou. Une vraie torture. Je n'avais qu'une envie, l'embrasser passionnément et lui, il jouait ! Quand il réalisa avoir atteint son but, il se releva et quitta le lit. Il me frustrait au plus haut point. Je me rendis compte qu'il se vengeait aussi de la matinée ou je l'avais abandonné pour prendre ma douche et filer à mon rendez-vous. En plus de posséder une bonne mémoire, il se montrait rancunier. C'était bien ma veine. Je n'avais pas dit mon dernier mot ! Je m'approchais de lui dans une nouvelle tentative, sans succès.
— En plus de me frustrer de café, tu veux me priver de t'embrasser ?
— Tu n'auras qu'à demander à Daeyeon, répliqua-t-il, un sourire moqueur au coin des lèvres.
Oh punaise ! Il allait prendre cher. Il avança vers sa sacoche, posée sur une chaise et en sortit une poche en papier kraft. Quand il me le tendit, je le regardais avec incompréhension.
— Ouvre-le, c'est pour toi.
Pour moi ? Est-ce que ça se mangeait ? Devais-je me méfier ?
— C'est sans danger, rien ne va t'exploser à la figure.
Merde j'avais encore pensé tout haut ?
J'ouvris le paquet et y découvris un carnet ainsi que de nouveaux crayons. Je relevais vivement la tête vers lui, surprise.
— J'ai vu que tu avais fini le tien l'autre soir.
Il faisait sûrement référence à ma crise, après la visite de ma mère lors des répétitions. J'avais gribouillé toute la nuit.
— Il reste deux jours avant notre retour en Corée, sans compter le trajet en avion. Je me suis dit que tu voudrais peut-être dessiner.
Oh wow, je ne m'y attendais vraiment pas. Je savais qu'il me prêtait toujours attention et qu'il prenait soin de moi. Je n'avais pas réalisé à quel point. Je déposais son cadeau sur le lit et m'approchais de lui pour le prendre dans mes bras.
— Merci beaucoup.
Il répondit à mon étreinte et baisa le dessus de ma tête. Je relevais mon visage vers le sien et cette fois, il ne m'empêcha pas de l'embrasser. C'était doux, chargé de toute la reconnaissance que je désirais lui témoigner.
— Si tu souhaites me remercier, montre-moi comment tu me vois, avec ta propre vision.
— Tu veux que je te dessine ? m'exclamais-je surprise.
Il acquiesça et me reprit dans ses bras. C'était la première fois qu'il me demandait de dessiner quelque chose pour lui. En fait, c'était la première fois qu'il me requérait de faire quoi que ce soit pour lui. En dehors du boulot bien sûr.
— Je... Je ne suis pas sûre d'en être capable.
Il ne répondit rien, se contenta de me regarder et de déposer un baiser sur mon nez. Il n'avait pas besoin de formuler quoi que ce soit. Ses yeux parlaient pour lui. Là, ils disaient : « Tais-toi, je sais que tu en es capable. »
***
Le film se terminait et nous étions posés dans mon lit, l'un contre l'autre, à débattre.
— Ta soirée avec Alice s'est bien finie, au fait ?
— Ouais super. Et toi le resto ?
— Long et chiant.
— J'imagine, vous n'avez pas l'habitude de passer autant de temps à table. Ici, c'est l'occasion de dialoguer, d'avoir des nouvelles ou de faire affaire.
— En Corée, on mange rapidement et après, on discute.
Je souriais et m'installais contre son torse. Immédiatement, il vint m'entourer de ses bras et caressa mon épaule avec son pouce, en de petits cercles.
— Alice l'a bien pris ?
— Elle a réagi de façon hyper compréhensive. Elle s'en doutait pour être honnête. Elle n'imaginait juste pas à quel point nous étions déjà proches.
— J'avoue qu'on l'a fait très naturellement. Je suis content que vous puissiez en parler toutes les deux maintenant.
— Cette discussion nous a vachement soudées. On a abordé beaucoup de choses ensuite et je pense que notre amitié a franchi un nouveau cap.
Je caressais son bras, parsemais de petits bisous dessus de temps en temps.
— Heureux de l'entendre.
— Dae s'en doute lui aussi.
— Je sais. On devrait bientôt lui dire si tu es d'accord. Si quelqu'un peut nous comprendre, c'est bien lui.
Je hochais la tête, avant de me rappeler un détail hyper important.
— Au fait ! Il m'a proposé de rencontrer Hakyeon la semaine prochaine ! clamais-je avec enthousiasme.
— Ah ouais ?
Il se recula légèrement pour me regarder, sans desserrer son étreinte tandis qu'il haussait les sourcils.
— Quoi ? demandais-je hilare.
— Je ne dois pas avoir peur de lui, pas vrai ? plissa-t-il les yeux en une moue suspicieuse. Tu ne vas pas me laisser pour lui ?
— Bah... répondis-je en me mordant la lèvre.
— Pardon ?
Il pouvait se montrer si sûr de lui par moment et à d'autres, perdre complètement confiance en lui.
— Je plaisante ! rigolais-je, son visage entre mes mains. Je ne te quitterais jamais pour un autre homme, même pas pour un danseur tel que lui, promis.
— Pour personne ? répéta-t-il, plus près. Pas même un musicien ?
— Un musicien ? Hm..., fredonnais-je la tête penchée sur le côté en un sourire malicieux. Tu as déjà vu FT Island ? Ils sont...
— Mark, m'interrompt-il, d'un frôlement de ses lèvres contre les miennes.
Je rigolais à nouveau.
— Personne Eunji, réitérais-je. Je ne te laisserais jamais pour quelqu'un d'autre. Pas pour un musicien, pas pour un danseur, pas même Kim Woosung ne pourrait me convaincre.
— Kim Woosung ? demanda-t-il une lueur d'inquiétude dans le regard. C'est qui, celui-là ?
— Tu ne connais pas Kim Woosung ? C'est le chanteur et guitariste de The Rose ! annonçais-je faussement outrée. Il possède une voix de malade et il est tellement sex...
Je n'eus pas le temps de finir ma phrase que le producteur m'embrassa pour me faire taire. Quand il aperçut la lueur de malice dans mon regard, il rouspéta :
— Je te trouve bien audacieuse ce soir. Aurais-tu oublié que tu n'étais pas en position de fanfaronner ?
Alors qu'il allait répliquer face à mon sourire espiègle, je l'embrassais à nouveau, avec beaucoup de passion cette fois. Il grogna quand mon bassin remonta contre le sien.
— Merde, Mark, souffla-t-il au creux de mon oreille.
Il se recula pour m'observer de ses yeux sombres qui possédaient une lueur que je n'avais jamais vue chez lui. Du moins, pas aussi intense. Je me mordis la lèvre inférieure et recommençais mon précédent geste. Il fondit sur moi dans un soupir qui traduisait toutes ses envies pour la suite de la soirée. Envies partagées.
***
La fin du voyage se déroula sans encombre et dès les premières heures d'avion, je m'attelais à mes nouveaux projets. Entre les différents shootings photo, les tournages et les réglages pour les prochains concerts, je ne manquais pas de travail. Le vol sembla moins long à rester concentrée ce qui me permit de ne pas loucher sur Eunji, dans la rangée juste à côté de la mienne. À part le soir dans ma chambre d'hôtel, nous n'avions pas eu l'occasion de passer du temps ensemble pendant nos derniers jours à Paris. En Corée, son planning à rallonge nous ramenait à la réalité. En une semaine depuis notre retour, je ne l'avais vu que deux fois. Il m'envoyait des messages ou m'appelait quand il le pouvait. Il me manquait.
Je bossais à mon bureau sur les retouches d'un shooting, quand des pas dans le couloir me sortirent de mes pensées. Une agréable odeur de café m'arracha un sourire, consciente que personne ne venait à cet étage muni de ce délicieux breuvage, si ce n'était pour m'en faire profiter. Mon cœur se serra secrètement, lorsque je réalisais que ce n'était pas Eunji qui me l'apportait, toutefois heureuse de reconnaître la démarche de Daeyeon. Ces derniers temps, il passait me voir, dès qu'il en avait l'occasion. Sans surprise, je découvris sa tête dans l'encadrement de la porte.
— Toc toc ! C'est l'heure de recharger en carburant ! lança-t-il joyeusement.
— Mon livreur préféré ! Entre, je t'en prie. Tu sais bien que tu es le bienvenu quand tu viens en si charmante compagnie ! l'invitais-je en louchant sur la tasse.
— Oh, lui dis pas ça ! Il risquerait de se vexer, même si c'est vrai que ma compagnie demeure charmante ! plaisanta-t-il comme si je m'adressais au café et non à lui.
Cette réflexion provoqua notre rire et, fier de sa blague, il prit place dans le fauteuil à côté du mien.
— Qu'est-ce que tu fais ?
— Je retouche le shooting de vos cadets, répondis-je le doigt pointé sur une photo du groupe.
Très content de ma participation en France, le PDG avait élargi mon champ de compétences. Je m'étais vu attribué de nouveaux artistes, au grand dam de mes nuits, déjà beaucoup trop courtes. J'aimais mon taf donc je ne me plaignais pas.
— Je suis heureux que tu t'occupes aussi d'eux. Ils sont prometteurs et avec une photographe telle que toi, ils iront loin !
— Auriez-vous besoin de quelque chose, monsieur Kim, pour me brosser ainsi dans le sens du poil ? rigolais-je, la tasse de café maintenue loin de ses mains, des fois qu'il change d'avis.
Il secoua tristement la tête et à son air renfrogné, je levais un sourcil d'incompréhension.
— Mark, soupira-t-il.
Oula. Quand il m'appelait par mon prénom, ce n'était jamais bon signe.
— Je suis vraiment désolé, me laissa-t-il en pleine confusion.
— Pour ?
— Pour toute cette histoire avec ta mère.
— Ah ça. Pourquoi t'excuses-tu ? Tu n'y es pour rien.
— Je m'en veux de l'avoir invitée. J'avais pas compris que le souci était à ce point-là. J'expliquais pas pourquoi tu refusais de la voir, tu changeais tout le temps de sujet et tu t'étais autant fâchée contre moi dans le parc. Alice nous a éclaircis. Du moins en partie. Je suis désolé d'avoir fait du forcing.
— Hey, c'est bon, tu ne pouvais pas deviner et je n'avais pas vraiment envie que tu saches de toute façon.
— Pourquoi ? Tu me fais pas confiance ?
— Si, bien sûr que si. Mais tu me connais. Je n'affectionne pas parler de moi, j'ai du mal à me livrer. La jeune fille que j'étais avant de venir est une partie de moi dont je ne suis pas fière.
— On t'aime tel que tu es. Ton passé est comme il est et on peut pas le changer. Mais nous, on t'apprécie et c'est la personne que tu es maintenant que l'on connaît. Ton histoire t'a forgé et a fait ce que tu es devenu. Crois-moi quand je te dis que de cette personne, tu peux en être fière.
— Merci, Dae, ça me touche beaucoup.
Dans un grand sourire, il me serra dans ses bras. Il n'avait plus peur de ma réaction.
— Tu sais que tu peux compter sur moi, me chuchota-t-il à l'oreille. Si je dois t'apporter ton café tous les jours pour que tu souries, je l'accomplirai.
— Ahah, attention, je pourrais te prendre au mot.
***
Les jours s'écoulèrent à une vitesse hallucinante, rythmés par les visites de Daeyeon, ou d'Insook, parfois les deux. Ils veillaient sur moi de façon adorable. Mon temps consacré à mes activités personnelles se retrouvait limité et j'essayais d'en profiter avec Eunji quand son travail le permettait. Nous étions début mai et pour une fois, je pouvais passer un moment avec lui. En ce dimanche pluvieux, nous regardions un match de basket, enracinés sur mon lit.
— Jouer ne te manque pas trop ? demandais-je mon menton posé sur le sommet de sa tête alors qu'il s'était installé dans mes bras.
— Parfois, mais je n'ai même plus le temps d'y penser donc j'y renonce vite, répondit-il sans lâcher l'écran des yeux. Je me contente de le regarder à la télé quand je peux.
— Mmmh, je vois. Je sais que ce n'est pas pareil, mais tu veux qu'on aille lancer quelques paniers au gymnase de l'entreprise cet après-midi ?
— Tu aimes le basket toi ?
— Oui, j'adorais ça plus jeune. Je n'étais pas aussi bonne que lui, mais je me débrouillais, plaisantais-je en désignant un mec à l'écran.
— Bonne ?! s'insurgea-t-il.
Il se redressa pour me regarder droit dans les yeux, une expression outrée sur le visage.
— « Lui », mon ange, c'est le meilleur joueur de sa génération ! précisa-t-il un sourire narquois au coin des lèvres. Il n'est pas juste « bon ». Il est incroyable !
Je ne l'écoutais plus.
Mon ange.
Il n'avait pas l'air de réaliser la façon dont il m'avait appelée. Moi, je n'avais entendu que ce mot-là dans toute sa phrase. C'était la première fois qu'il me nommait ainsi. Ce surnom lui était venu tout naturellement. Ce n'était pourtant pas son genre, ni le mien d'ailleurs. J'avais adoré. J'espérais qu'il recommence !
— Tu m'écoutes ?
— Hein ?
— Tu as encore bugué, rigola-t-il.
— Ah pardon. Tu disais ?
Il afficha un rictus — celui qui annonçait une attaque sournoise de sa part — avant de reprendre :
— Que j'avais d'autres plans en tête pour cet après-midi, mon ange !
Oh le fourbe !
Bien sûr qu'il avait capté m'avoir mis dans tous mes états. En même temps, est-ce que j'avais réussi, ne serait-ce qu'une seule fois, à lui cacher quelque chose ? Probablement pas.
— Oh, je vois. Et quel genre de plans ? enquêtais-je comme si son attaque ne m'avait fait aucun effet.
— Un style d'activité physique, m'informa-t-il, complètement retourné pour m'enjamber et se placer face à moi. Le genre où deux joueurs sont nécessaires.
— Tu m'en diras tant ! Tu es conscient qu'on peut pratiquer ce sport à plusieurs équipes, ajoutais-je, joueuse.
— En effet, mais j'ignore si je suis prêt à te partager avec quelqu'un, ni même à ce qu'une autre personne te voit ainsi.
Il m'embrassa lentement dans le cou, la température dans la pièce montait petit à petit.
— Ça veut dire, pas d'acclamation du public non plus ?
— Pas besoin, c'est toi que je ferais crier.
— Tu sais bien que je suis plutôt du genre silencieuse.
Je lâchais un grognement de plaisir, malgré moi, suite au million de picotements survenus lorsqu'il mordit la peau au-dessus de ma clavicule.
— Ça, c'est parce que personne ne s'est occupé de toi comme je vais le faire.
Je n'eus pas le temps de répliquer qu'il fondit sur mes lèvres, bien déterminé à me faire crier son nom. C'est ce que je fis, à plusieurs reprises, alors que lui continuait de m'appeler par ce même surnom, qui m'affectait chaque fois. Parce qu'il symbolisait ses moments que nous seuls connaissions ; parce qu'il me comprenait sans que je n'aie rien à lui dire ; parce qu'il savait lire entre les lignes ; parce que malgré nos différences, nous étions les mêmes ; parce que malgré nos ressemblances, nous nous complétions parfaitement.
***
— Je te dis qu'il faut d'abord régler les automations, sinon ça ne sert à rien !
— Mais pas du tout ! Tu peux très bien faire les modifs et appliquer les automations sur tout le groupe de pistes !
— Mais c'est mieux si tu les isoles une par une.
— Pas forcément !
Une heure ! Une heure que ce débat durait et que ces deux énergumènes n'arrivaient pas à se mettre d'accord. Ma tête allait exploser. Je n'avais pas beaucoup dormi cette nuit, suite à une urgence sur le plateau d'un clip musical. Une des personnes de l'équipe artistique était tombée malade et j'avais dû la remplacer. Sans compter sur Eunji, responsable de mon épuisement de la veille. Je le retenais, lui et ses envies de basket ! Même si en réalité il avait été un des plus beaux après-midi de ma vie. Fatigant, intense, tellement bien.
— Tu sais quoi ? On a qu'à appeler Eunji, s'impatienta Daeyeon, son téléphone en main qu'il plaça à son oreille après deux manipulations.
— Que veux-tu ? répondit la voix du producteur.
— Hyung ! Avec Shinny, on a besoin de ton aide !
— Attends, passe-le-moi, répliqua ce dernier. Tu vas encore tout t'embrouiller dans tes explications et il ne comprendra rien.
J'eus un petit rire face à la mine renfrognée de Daeyeon. Shin lui, précisait la situation à son aîné. Il avait eu raison de prendre les devants. Quand Daeyeon se passionnait à ce point pour un sujet, il parlait beaucoup trop vite, s'emmêlait les pinceaux et utilisait son propre vocabulaire, pas toujours facile à décrypter.
— Noona ! Ne moque pas de moi ! râla-t-il.
— Quoi ? Mais Mark est là ? entendis-je à l'autre bout du fil. Mais vous ne pouviez pas lui demander, plutôt que de me faire chier ?!
— Mais Mark s'y connaît en production ? s'enquit Shinny.
— Hyung, c'était qu'un prétexte pour écouter ta douce et belle voix ! ironisa le plus jeune pour sa part au courant de mes quelques compétences dans le domaine.
— Je ne sais pas ce que Noona bricole pendant ses jours de repos, mais elle n'est pas vraiment en état de réfléchir, enchaîna le danseur.
Je discernais le rire franc et spontané d'Eunji à l'entente de cette révélation. Lui maîtrisait bien ce que je « bricolais » de mes jours de repos. Shin, ce traître ! Il allait me charrier pendant des mois maintenant !
Étape une de ma vengeance : rendre la monnaie de sa pièce à Eunji. C'est lui qui crierait mon nom la prochaine fois.
Étape deux : apprendre aux deux hurluberlus à fermer leur bouche !
***
Une semaine de plus défila et je n'avais pas revu les garçons. Ils bossaient sur leur prochain album, moi sur celui d'un autre groupe de l'agence. Je n'avais pas pu mettre mes menaces à exécution. Aujourd'hui, je les accompagnais à un événement. Ils promouvaient leur prochain album. Pour l'occasion, on m'avait demandé de photographier la conférence de presse. Eunji me manquait terriblement et j'allais devoir jouer le jeu de l'indifférence devant tout le monde. Compliqué, mais indispensable, pour que personne ne comprenne le lien qui nous unissait.
Je retrouvais les managers dans la salle louée pour la manifestation. Énormément de gens se rassemblaient. Des journalistes, des fans — venus encourager les garçons devant du bâtiment — ainsi que tout le staff pour les préparer. J'attendais patiemment leur entrée avec les autres journalistes et, quand ceux-ci arrivèrent, les flashes commencèrent à crépiter instantanément. Le bruit de tous les appareils photo m'assourdissait. Eux n'avaient pas l'air d'être gênés plus que ça. Ils avaient l'habitude après tout. Ils s'assirent derrière une grande table mise à leur disposition avec des micros et saluèrent la foule avant de se présenter un par un. C'était fluide et on comprenait qu'ils avaient l'expérience de ce genre d'événement. Ils répondirent patiemment aux questions des journalistes, gardaient leur calme quand certains les poussaient à bout ou cherchaient à leur faire avouer une info qui constituerait les gros titres. Je les prenais en photo et parfois, mon regard croisait celui d'un des membres. Daeyeon me souriait, tandis qu'Eunji restait de marbre.
Après une heure de conférence, ils se levèrent, remercièrent tout le monde pour l'intérêt porté à leur travail et repartirent dans les loges. Je me dirigeais vers le couloir pour les rejoindre et rentrer avec toute l'équipe dans nos locaux. Je fus accueilli par un Daeyeon tout content de m'apercevoir.
— Noona ! Je t'ai vue parmi tous les journalistes. Tu fais tellement pro avec ton badge et bien habillée !
— Tu es superbe noona, confirma Insook.
— Merci les garçons. C'est Shin et Alice qui m'ont aidée, expliquais-je. Je ne voulais pas vous faire honte devant tous ces journalistes.
— Alors, vous validez ? s'enquit le danseur qui nous avait rejoints.
— Franchement, grave ! On a plus l'habitude de la voir en jean basket, qu'en pantalon à pinces et chemisier. Ça te va super bien, renchérit le plus jeune. La touche rock avec ses cheveux blancs et sa veste retroussée qui laisse apparaître ses tatouages, j'adore.
— Tu ne sembles plus si petite, avec des talons, se moqua Daeyeon.
— Hey !
Ils se bidonnèrent comme des baleines. J'appréciais tout de même les compliments. Peu habituée d'être vêtue de la sorte, j'avais eu peur de paraître ridicule.
Alors qu'Eunji entrait dans mon champ de vision, je l'observais pour déceler dans ses yeux son avis. Il ne me prêta aucune attention. En soi, je comprenais et je ne m'en formalisais pas. S'il souhaitait me donner son point de vue, il le ferait plus tard. Par contre, je n'appréciais pas la sublime créature qui le collait telle une sangsue. Surtout qu'il ne disait rien, laissait faire, et même lui souriait. Mon cœur se serra douloureusement dans ma poitrine.
C'était une chose de ne pas pouvoir l'approcher en public, de ne pas le croiser pendant des jours et de faire semblant devant tout le monde. C'en était une autre d'assister à ce spectacle avec cette fille qui, clairement, flirtait avec lui. Mon mal-être augmenta encore d'un cran quand elle passa la main sur son épaule puis lui remit une mèche de cheveux en place.
— Mark, ça va ? s'inquiéta Insook
— Ouais ouais, nickel, répondis-je sans les lâcher des yeux.
À l'entente de mon prénom, Eunji se tourna vers nous. Je voulus lui cacher mon visage, consciente qu'il y lirait en un instant, toutes mes émotions. Pas assez rapide, il m'avait vue. Les larmes me montèrent aux yeux, tandis que je fuyais en direction de la sortie.
— Noona où tu vas ? m'interpella Daeyeon.
— Je rentre à l'agence, annonçais-je sans me retourner, pour masquer mes pleurs.
— Mais il pleut ! Attends, on te ramène, on a bientôt fini.
— Je prendrais un taxi, répliquai-je. J'ai du travail, je dois filer.
Je m'engouffrais dans le couloir et partis vers l'accès réservé aux membres du personnel. Celui-ci débouchait à l'arrière du bâtiment. Avant que la porte ne se referme, j'eus le temps d'entendre une voix féminine demander :
— C'est qui, celle-là ?
Vite, je devais prendre l'air. J'avais du mal à respirer. Depuis mon voyage en France un mois auparavant, plus aucune crise ne s'était manifestée. Je ne voulais pas qu'elles recommencent. Surtout pour une raison aussi débile. Je savais bien que cette meuf ne représentait rien pour lui. Qu'il y avait énormément de femmes — et même d'hommes — attirés par lui qui rêvaient d'avoir ne serait-ce qu'un pour cent de ma chance. L'observer de mes propres yeux, sans le voir broncher, était beaucoup trop douloureux. Surtout quand le manque se révélait aussi présent. Je pris la direction de l'agence, sous une pluie battante.
— Mark ! Reviens !
Mes larmes dévalaient à présent mes joues. Je tournais dans une rue moins fréquentée pour lui échapper. Ma technique de fuite ne fonctionna absolument pas puisqu'il me rattrapa en quatre secondes.
— Pourquoi es-tu partie ? demanda-t-il en saisissant mon bras pour me stopper et me retourner vers lui. Pourquoi pleures-tu ?
— Je ne pleure pas, c'est de la pluie.
— Bah voyons. Regarde-moi !
— Non.
— Regarde-moi.
Mon menton entre ses doigts, il leva mon visage vers le sien.
— Non, je suis répugnante.
Mes yeux vitreux et gonflés, je sentais une légère irritation qui devait probablement les rendre tout rouges. Les joues humides de larmes et de pluie, je me mettais vraiment dans tous mes états. Pour quoi ? J'étais beaucoup trop à cran ces temps-ci. Il me prendrait pour une folle et c'était bien la dernière chose que je voulais. Passer pour la petite copine complètement hystérique. Sans parler de mes cheveux qui frisottaient dans tous les sens. D'un geste tendre, il m'essuya les pommettes à l'aide de ses pouces.
— Non, tu es toujours aussi magnifique. Je n'imagine pas un jour où tu ne l'es pas. Alors, qu'est-ce qu'il y a ?
— À ton avis ?
Je le regardais avec colère et surtout avec beaucoup de tristesse. Mon cerveau jugeait parfaitement mon emportement, mes émotions ne l'écoutaient pas. J'avais tout gardé en moi depuis beaucoup trop longtemps et que maintenant, tout débordait. J'étais devenue pleurnicheuse et susceptible et ça me faisait chier !
— C'est à cause de cette fille ?
Wow bravo genius ! Tu as trouvé tout seul.
— ...
— Tu as conscience qu'il n'y a rien entre elle et moi, que je la laisse faire uniquement pour ne pas créer de scandale, n'est-ce pas ?
— Ouais, je sais, soupirais-je.
— Alors pourquoi réagis-tu ainsi ?
— Ce n'est pas parce que je le sais que ça ne me blesse pas de voir une meuf te coller en public alors que moi, je peux à peine te regarder, encore moins te toucher. En parler à quelqu'un, je ne l'imagine même pas.
— Oh, mon ange.
Il me prit dans ses bras et nous restâmes un moment, sous la pluie l'un contre l'autre sans bouger. Le fait qu'il m'appelle à nouveau ainsi, ce qui n'était pas arrivé depuis notre après-midi basket, me détendit un peu. Finalement, il se recula pour m'embrasser. Je sursautais, mais je le lui rendis immédiatement, de manière tendre. Je tentais de lui transmettre toutes mes émotions. Mon amour pour lui, l'absence, et la peur. La peur que l'on nous découvre, la peur qu'on nous sépare, la peur qu'il se lasse. Bien vite, le manque — qui semblait lui peser, à lui aussi, à en croire la façon dont il dévorait mes lèvres — prit le dessus, il me poussa contre le mur de la petite ruelle et intensifia l'échange.
— Attends, le coupais-je dans son élan. Pas ici. On pourrait nous surprendre.
— Je sais, grogna-t-il. J'ai pas pu m'en empêcher. Viens, tu es trempée et tu vas attraper froid. Le dortoir se trouve à deux blocs.
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Hey ! Bon vendredi,
Mark est à fleur de peau et veux trucider tout ce qui bouge, tout va bien.
Vous sentez les ennuis arriver ? Mouhahaha
Prenez soin de vous et à dimanche.
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