Chapitre 3
Je devais avoir somnolé vingt minutes à tout péter. Comme toutes les nuits depuis plusieurs mois maintenant, il m'était difficile de trouver le sommeil. Je ne cauchemardais plus, mais impossible de m'endormir. J'angoissais dès que j'entrais dans la phase profonde, j'avais peur de ne pas pouvoir réagir s'il arrivait quelque chose. Alors inconsciemment, je m'obligeais à rester éveillée pour garder le contrôle. Les yeux explosés et la tronche en vrac, je me dirigeais vers les douches pour me rafraîchir. Heureusement, je prévoyais toujours un change sur moi. Certains me considéreraient comme maniaque, j'étais préparée à divers revirements de situation. Une personne très organisée, voilà tout. Une fois prête, je rangeais toutes mes affaires dans mon sac et pris soin de plier la couverture pour la laisser là où je l'avais trouvée. Je déchirais un coin de mon bloc-notes à partitions, que je gardais sur moi, y écrivis un simple « merci » et me mis en route vers ma salle de travail.
Aujourd'hui, je devais attaquer un nouveau projet en parallèle de la maquette de l'album. Une exposition temporaire serait créée pour annoncer la sortie de ce dernier. Celle-ci serait divisée en différents thèmes et l'on m'avait confié l'un d'eux. Je me sentais vraiment chanceuse de pouvoir en gérer un morceau entier. Surtout aussi tôt. Bien sûr, le sujet m'était imposé, j'avais cependant le choix du support et de la façon de procéder, tant que je me calais sur l'emploi du temps des membres et n'entachait pas leur travail. La boite fournissait les ressources et du matériel. C'était dingue qu'ils me fassent confiance à ce point. D'après le manager, il permettrait aux garçons de se rendre compte de mon style et donc de voir s'ils adhéraient à mon univers. Pas de pression. J'avais intérêt à gérer ! Le thème de ma partie s'intitulait « Deux mondes en parallèle ». Voilà, démerde-toi avec ça. Moment d'intense réflexion avec moi-même.
J'étais tout de suite partie sur un concept d'exposition photos, puisqu'ils m'avaient engagée dans ce but — bah ouais, perspicace ou pas ?! — . J'envisageais déjà plusieurs idées et je cherchais encore comment les mettre en place. Je devrai voir avec chaque membre à quel créneau, je pouvais les photographier quand je saurai exactement quel cliché je voulais, pour ne pas les déranger outre mesure. Ils n'auraient que quelques minutes à m'accorder.
Je souhaitais présenter pour chacun, les deux aspects de leur personnalité. Celui que tout le monde rencontrait, le rôle attribué en tant qu'artiste et qu'ils exposaient sous les feux des projecteurs : leur masque appelé Persona. Et le côté qu'ils n'exhibaient que rarement, leur vrai tempérament de base, celui qu'ils gardaient dans l'ombre : Shadow.
Ce défi comportait plusieurs difficultés. Tout d'abord, je les connaissais depuis peu et je ne me montrais pas très proche d'eux. La première facette de leur personnalité se décelait facilement, pas la seconde. J'avais dans l'idée que l'on ne pouvait pas cacher sa véritable nature en permanence et que, même lorsqu'on jouait un rôle, celui-ci était bâti sur notre individualité profonde. À force d'observations, j'arriverais sûrement à les cerner. Je faisais preuve d'empathie, ce qui me causait souvent beaucoup de soucis, je partageais la souffrance d'autrui comme si c'était la mienne. C'était épuisant. Je me nourrissais aussi de la bonne humeur des autres. Pratique, quand dans sa propre vie on avait tendance à ne pas avoir confiance en soi ou à voir le verre à moitié vide. Une éponge.
Comprendre cette personnalité à travers mes photos constituerait la seconde difficulté. Le spectateur devrait saisir au premier coup d'œil l'émotion du modèle. Sans parler de la partie où chaque membre devrait appréhender mes intentions. Même si je possédais un niveau de coréen pas dégueulasse, bien retranscrire ses sentiments dans une langue qui n'était pas la nôtre était toujours compliqué.
Finalement, la plus grosse complexité demeurerait la contrainte temporelle. La validation, l'impression, la réalisation du projet puis le travail sur l'album. Cela me demanderait du temps, et le temps, je n'en avais pas. L'introduction de mes idées, ma partie sur la maquette, la mise en scène de mon exposition, la liste s'affichait longue. Sans oublier mes cours ! Bref, j'avais du taf. Mon exploitation du thème collait parfaitement avec le concept du nouvel album, ce qui me rassurait un peu. J'espérais que ma proposition serait bien accueillie.
Trois heures que je planchais sur ma présentation. Trois heures que je m'enfilais des litres de café pour tenir le coup à regarder un nombre incalculable de vidéos pour cerner la personnalité de chacun. Bien sûr, il aurait été plus simple de les avoir directement sous la main, je faisais avec les moyens du bord.
— Ça va ? Tu as une sale tronche. C'est le fantôme du studio qui t'a mis dans cet état ?
Ah, le tact légendaire des Coréens.
— Je te remercie Daeyeon. Ma sale tronche et moi allons bien, et non, Eunji ne m'a mis dans aucun état, répondis-je sans lever les yeux de mon écran.
— Haha, admets qu'il ressemble à un revenant. Il erre tout seul la nuit dans les couloirs sans faire de bruit, avec sa peau toute blanche ! blagua-t-il amusé, en l'imitant, je devais l'avouer, de façon assez similaire.
Sa bonne humeur communicative m'arracha un sourire. Selon moi, c'était celui avec lequel j'aurai le plus de facilités pour mon projet. Son visage si expressif et son ouverture sociale simplifieraient le décryptage de ses émotions.
— Non, mais sinon, t'es sûr que ça va ? Tu ressembles vraiment à un panda, là.
Je préférais ne pas prendre mal cette remarque et me convaincre qu'il soulignait le côté doux et mignon de l'animal. Non pas à cause de mon poids et de mes cernes de trois kilomètres de long.
— Merci du compliment. Je travaille sur l'exposition qui précédera la sortie de l'album. L'agence m'a confié un des thèmes.
— Wow, génial ! Tu vas faire quoi ? Je peux t'aider ? Tu as lequel ?
Devant autant d'enthousiasme et de bonne humeur, je lui expliquais mon point de vue.
— Mais c'est une super idée ! J'ai hâte de découvrir la vision que tu as sur nous tous. On se connaît tous par cœur, à force de vivre ensemble, je suis curieux de voir comment une personne extérieure peut bien nous percevoir. Ça va être très intéressant. Ça risque d'être aussi un peu intimidant. On a pas l'habitude de montrer notre vraie nature à tout le monde.
Ah. Je n'avais pas pensé à cet aspect. À aucun moment, je ne m'étais fait la remarque qu'ils pouvaient être embarrassés de se dévoiler de la sorte. Merde.
— Si je peux te fournir un conseil, précise pas ton idée aux autres, me confia-t-il. Donne-leur juste tes directives pour le shooting. Ils seront pas influencés, gênés ou tentés de changer leur comportement.
— Ne crois-tu pas que je devrai me montrer honnête avec eux et leur expliquer mon concept ?
— Non, tu sais on a l'habitude de poser et d'agir en fonction des ordres des photographes, me répondit-il amusé. Je retourne travailler, les gars doivent m'attendre.
— OK, merci pour ton aide et bon courage.
Avec un grand sourire, il me laissa perdue dans mes réflexions devant mon écran. C'était bizarre. Je me sentais vraiment à l'aise avec lui pour discuter. Je n'étais pas autant renfermée que de coutume et ma méfiance usuelle s'estompait. J'avais la sensation de le connaître depuis plusieurs années. Au début, j'incriminais le nombre d'heures passées à observer leurs vidéos, mais je ne retrouvais pas le même lien avec les autres. J'avais l'impression que c'était réciproque. Nous nous comprenions parfaitement, malgré la barrière de la langue, de la culture et du statut.
Je m'absentais cinq minutes pour me dégourdir les jambes, m'aérer les idées et me rafraîchir. À mon retour, je découvrais sur mon bureau un café noir encore fumant avec un post-it : « Tu as l'air de beaucoup aimer ça et d'en avoir grandement besoin, bienvenue dans la famille petit panda ^^ ! Ah, je trouve ça doux et mignon comme animal ! »
Wow, je restais figée. Il se montrait tellement gentil et adorable. Je n'avais pas l'habitude de ce genre de comportement. Par contre, je devais m'assurer qu'il ne détenait pas le pouvoir de lire dans les pensées, on était jamais trop prudent. De plus, cet homme avait compris comment m'acheter, et là, c'était dangereux.
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Hey petit lecteur! Comme les chapitres sont très courts et que l'histoire est terminée, je me suis dis que publier trois fois par semaine était plus sympa.
Alors ce fantôme? Plutôt swag non?
Ça démarre doucement mais c'est normal, j'essai de rendre ça le plus réaliste possible même si on sait bien que ça ne l'est pas vraiment ^^
Bon week-end!
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