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Chapitre 4


Kageyama devait reconnaître une chose, le plan de Fukuro pour renforcer les liens de l'équipe avait été fructueux, et l'ambiance, quoique toujours sérieuse, commençait à devenir complice sur le terrain.

Quelques jours étaient passés depuis la soirée au bar quand, en plein milieu d'une session de service, Nicolas se dirigea vers Tobio et lui passa négligemment un bras autour des épaules –et Kageyama s'immobilisa aussitôt, inaccoutumé à ce genre de contact aussi direct, et en même temps fasciné par leur proximité.

-Tobio, I've been watching you for some time, déclara Romero. Your serves are really good, but you I think you can make them more powerful.

En dépit de sa nature orgueilleuse, Kageyama n'était jamais contre un conseil et il prenait toutes les occasions de progresser ; d'autant plus quand il pouvait les recevoir d'un joueur de classe mondiale.

-Look, try to do more like this and...

Tobio le regarda avec attention, puis tâcha de répéter les gestes –du détail, une simple question de trajectoire, mais c'était ce qui pouvait faire toute la différence. Il s'y essaya plusieurs fois, puis finalement réussit, notant l'amélioration avec plaisir –plaisir partagé par Nicolas, qui la gratifia aussitôt d'un high-five :

-Well done ! You're a quick learner.

Tobio s'autorisa à sourire légèrement, tout heureux d'avoir acquis une nouvelle technique et un compliment en prime. Cette euphorie le poursuivit jusqu'au soir et jusqu'au lendemain midi, le jour où il mangeait habituellement avec Tsukishima. Ils étaient devenus proches tout au long du lycée, et le fait que Kei continue à jouer au volley, et professionnellement qui plus est, avait achevé de le fixer dans l'estime de Kageyama ; ils n'avaient pas de mal à discuter de tout et de rien, des années Karasuno aussi bien que de leurs équipes respectives.

-Koganegawa parle tout le temps de toi, faisait remarquer Tsukishima. Il t'idolâtre. Je dois lui rappeler à tous les entraînements qu'il devrait se trouver heureux de ne pas avoir ton sale caractère.

-Va te faire foutre, répondit négligemment Tobio en portant son verre à ses lèvres. De mon côté, j'ai amélioré mon service.

-Il avait vraiment besoin d'être amélioré ?

-Romero-san m'a aidé.

Les sourcils de Tsukishima s'arquèrent par-dessus ses lunettes :

-Le Romero-san ? T'as de la chance. Pour un champion international, il a quand même carrément moins la grosse tête que le grand roi. Lui n'a jamais voulu t'apprendre, non ?

Oikawa. Encore et toujours. Facétie du lien, une fois de plus, de lui rappeler que son âme sœur était toujours là, toujours présente, toujours unie à lui en dépit de leurs vies radicalement différentes ? Il tâcha de ne pas en paraître affecté et répondit, feignant l'indifférence :

-Ouais. Ça a toujours été un connard égoïste.

-Pas faux, marmonna Tsukishima. Après tout, tu lui ressembles.

Tobio se demanda s'il se doutait de quelque chose. Tsukishima était quelqu'un avec un sens aigu de l'observation, peut-être comprenait-il que ces mots allaient bien plus loin qu'un simple refus d'apprendre un geste technique à un cadet. Mais il ne le mentionna pas, et Tobio lui en fut reconnaissant.

Les semaines suivantes s'écoulèrent paisiblement. Le lien était plutôt tranquille grâce à la distance entre ses deux racines, et Tobio pouvait donc se concentrer pleinement sur le volley –l'entraînement portait ses fruits, il progressait, gagnait la confiance de ses coéquipiers, prenait du plaisir à jouer et tout se passait bien. En fait, il n'y avait qu'une chose qui commençait à le tracasser.

Il appréciait les moments de complicité qu'il avait avec Romero, sur le terrain et en dehors. Mais une chose le perturbait, qu'il ne pouvait juste pas ignorer : Nicolas était extrêmement tactile. Bien sûr, ça ne s'arrêtait pas à Tobio –il était toujours très fraternel avec tout le monde, mais Kageyama avait l'impression d'être le seul que ça dérangeait.

Et ça ne le dérangeait pas pour les raisons attendues. Lui aurait cru que tant de contact l'aurait brusqué et peut-être répugné à la longue, puisqu'il n'avait pas l'habitude –mais c'était tout le contraire. A force de recevoir des attentions de la part de Nicolas, il finissait par en vouloir plus ; et il espérait à chaque point marqué, presque avec avidité, de nouvelles marques d'affection aussi ouvertes.

A vrai dire, ce n'était pas si étonnant : lui qui avait pris l'habitude et la résolution d'être seul depuis qu'Oikawa l'avait rejeté, et même avant, depuis que Kazuyo l'avait quitté, s'accrochait désormais à tout ce qui pouvait combler ses manques affectifs. Emménager avec Ushijima avait été une première étape, mais les démonstrations de Nicolas ne tardèrent pas à lui donner envie de plus –et il avait parfois l'impression d'être un petit animal de compagnie, attendant après chaque bonne action recevoir sa récompense : une tape dans le dos, sur l'épaule, un high-five, parfois même une main dans les cheveux.

Il s'attacha donc à Romero, plus rapidement et plus intensément qu'il ne l'avait jamais fait avec un autre. Non seulement ils étaient dans des situations similaires du point de vue des âmes sœurs, mais Nicolas était un homme remarquable et charismatique –toujours joyeux et prévenant, et Tobio se surprit bien vite à rechercher sa présence, qui lui donnait un sentiment de sécurité et d'apaisement. En conséquence, leur proximité physique s'accrut.

-Romero-san, je peux m'asseoir à côté de toi ? demanda-t-il lors du départ pour leur premier camp.

Les Adlers disposaient d'un bus vaste et confortable pour se rendre en déplacement, et ces derniers ne manquaient pas ; en plus de se rendre dans toutes les grandes villes du pays pour jouer leurs matchs de championnat et les diverses coupes, ils avaient aussi des camps d'entraînement et des formations qui nécessitaient parfois de se rendre à plusieurs heures de leur base. Tobio avait jeté un œil vers Ushijima, vu qu'il avait déjà quelqu'un à côté de lui, et saisi l'occasion en voyant que le siège à côté de Romero était encore vide.

-Of course, sourit le champion. But only if you call me Nicolas.

Kageyama sentit le sang affluer à ses joues, et marmonna en baissant les yeux:

-Please, Nicolas.

L'aller fut plutôt agréable, l'équipe était enthousiaste, Hoshiumi se retournait sans cesse sur son siège pour faire passer des friandises et discuter avec tout le monde. Ushijima dormait, un masque sur les yeux, Sokolov et Fukuro étaient en pleine conversation d'organisation logistique avec les coachs et managers à l'avant.

Peut-être auraient-ils eu moins hâte s'ils avaient su que le camp serait si éprouvant. L'entraînement était extrêmement rigoureux, même pour des athlètes préparés ; et le dernier jour, Kageyama n'avait qu'une hâte en rentrant dans le vestiaire, se laver, manger et dormir.

Ses plans furent quelque peu bouleversés par un message de Hinata qu'il commit l'erreur d'ouvrir.

Boke : DEVINE QUI J'AI VU AU BRESIL !!!

Boke : [image]

Etait jointe une photo où apparaissaient Hinata et Oikawa, l'air triomphalement stupides à faire des grimaces à la caméra. Il aurait dû s'y attendre : le lien était toujours présent, et il avait ressenti un peu plus tôt une infime surprise dont il connaissait maintenant la cause ; mais voir Oikawa tout à coup, aussi clairement, par un biais aussi intime qu'un message personnel plutôt que dans la distance d'un match en replay, lui serrait vraiment le cœur. Il fixa l'image quelques secondes, maudissant le système des âmes sœurs qui lui renvoyait chaque fois Oikawa, de la même manière que la marée ramène toujours ses objets sur le rivage ; puis il se décida à la montrer à Ushijima. Au moins, le champion et lui pourraient juger leurs rivaux expatriés ensemble, et il se sentirait un peu moins seul.

Il avait beau se dire que c'était normal et qu'il devrait subir ça jusqu'à temps que le lien se dissipe, il n'empêchait que la photo l'avait assez bouleversé pour lui couper l'appétit et le priver de sommeil. Il resta allongé entre ses coéquipiers à fixer le plafond, se demandant encore et encore pourquoi le destin l'avait attaché à Oikawa.

C'est la plus belle chose qui existe. La nature est vraiment bien faite.

Les mots de Kazuyo lui restaient en mémoire. Mais comment leur donner du crédit alors qu'il était réduit à l'impuissance, à savoir que son âme sœur était à l'autre bout du monde et l'avait oublié ? Comment concéder que la nature était bien faite alors que leur lien ne disparaissait pas malgré son inutilité ? Il aurait voulu y croire, se dire qu'il était fait pour être avec Oikawa, qu'Oikawa était fait pour être avec lui, mais rien ne venait apporter de preuves à ce fait. Son ancien aîné avait passé son temps à le fuir. Tobio n'allait pas lui courir après éternellement.

Vivement que le lien se brise, songeait-il, puis : mais si le lien se brise, je perds mon âme sœur. Que je le veuille ou non, il fait partie de moi. Il se raisonnait immédiatement après –ce n'est pas la meilleure partie de moi de toute façon, alors qu'importe ? Mais lui restait, au fond, la pensée qu'on n'avait qu'une âme sœur, une seule, et il ne trouvait toujours pas assez de volonté pour couper le lien, préférant attendre qu'Oikawa le fasse de son côté. Après tout, c'était lui qui ne voulait pas de cette relation, qu'il s'en occupe lui-même.

L'insomnie le poursuivit toute la nuit, et il était épuisé le lendemain –il jeta ses dernières forces dans l'entraînement du matin, somnola tout le midi et manqua d'oublier la moitié de ses affaires en chargeant son sac dans le bus (Ushijima eut la bonté de les lui ramener). Il reprit la même place qu'à l'aller dans le bus, ayant l'intention de discuter avec Romero ; mais, à vrai dire, à peine avaient-ils démarré qu'il sentit tout le contrecoup du stage et de la nuit de veille, et ses paupières se fermèrent toutes seules tandis qu'il posait sa tête contre le dossier de son siège.

Quand Tobio retrouva un peu de conscience, gardant les yeux fermés et avec la vague impression qu'il avait dormi quelques heures, il fut pris par cette sensation de ne pas vouloir quitter son lit –le réveil n'avait pas sonné, il pouvait encore se reposer un peu. Il rajusta vaguement sa tête avec aise, puis étira un bras pour étreindre son oreiller, ou sa couette, il n'était pas certain, mais il avait l'envie engourdie de rapprocher de lui cette source de confort, de chaleur, qui sentait si bon et où il dormirait bien encore un moment...

Et puis, dans un éclair de lucidité, il se souvint qu'il s'était déjà levé ce matin-là, et qu'il n'était absolument pas dans son lit.

Il ouvrit les yeux, reconnut les sièges du bus, constata leur angle étrange, et déduisit finalement que sa tête avait dû glisser de son dossier pour se poser contre ce qu'il y avait à côté de lui. Et ce qu'il y avait à côté de lui, c'était...

Il releva la tête, et son visage se retrouva à quelques centimètres de celui de Nicolas Romero, qui détourna les yeux de son téléphone pour lui sourire :

-Oh, you're awake.

Si Tobio avait pensé rougir la veille, il avait à présent la certitude que tout son visage était en feu. Il s'écarta précipitamment, essuya hâtivement un peu de salive au coin de ses lèvres, et inclina la tête :

-I'm sorry !

-Don't worry about it, se contenta de répondre Nicolas avec sa bonne humeur habituelle.

Il n'avait pas l'air le moins du monde embarrassé, mais Kageyama se flagellait mentalement. A la fois parce que c'était ridicule de s'endormir sur un coéquipier, et parce qu'il avait presque envie de recommencer –de retrouver cette sensation qui l'avait bercé dans cette phase confuse de demi-sommeil où il ne se rendait pas encore compte de la situation.

Ce qu'il se promit de ne jamais refaire sur le coup devint une habitude.

Chaque fois qu'ils partaient en déplacement, soit environ toutes les semaines, les choses se passaient de la même manière. Il s'asseyait à côté de Nicolas, ils parlaient à l'aller, essayant d'échanger quelques notions d'une langue à l'autre ; puis, sur le retour, épuisé après avoir tout donné dans les matchs qu'ils commençaient à dominer ou après s'être investi à fond dans les stages, il somnolait, s'endormait, et avait finalement assez peu de vergogne à prendre Romero comme oreiller. Hoshiumi l'avait déjà bombardé de photos à son insu la première fois où c'était arrivé, donc il n'avait plus vraiment à craindre le ridicule.

Et puis, c'était confortable. Réconfortant. Il n'avait jamais pu partager ce genre de moments avec quelqu'un depuis bien trop longtemps, et il se raccrochait à cette intimité nouvellement acquise comme si elle pouvait enfin stabiliser son existence, comme si elle pouvait compenser pour ce lien qui ne cessait de le tourmenter.

La saison se poursuivit avec cette routine, seulement interrompue par les moments où les joueurs étaient appelés en équipe nationale pour préparer la Ligue Mondiale ou les Jeux Olympiques qui se tiendraient cet été-là. Kageyama passait les sélections à Tokyo, retrouvant ses coéquipiers de l'équipe nationale jeune, Ushijima, Atsumu, Sakusa, Bokuto, tandis que Nicolas rentrait au Brésil pour se préparer de son côté. Chaque fois, et en dépit de sa concentration sur les qualifications et les matchs internationaux, Tobio ressentait cruellement son manque –et ils prirent l'habitude de se tenir au courant par messages, quitte à s'appeler de temps à autres.

-T'appelles qui comme ça Tobio-kun ? l'apostrophait souvent Miya en dépit des efforts de Tobio pour s'isoler et passer ses appels au calme. C'est ton copain ?

-C'est Romero, répondait alors Ushijima pour lui.

-Quoiii ?

Kageyama ne s'en souciait pas. Il avait trouvé quelqu'un sur qui reporter ses besoins d'affection et tempérer tous les manques qu'une âme sœur absente lui laissait, et il se sentait enfin plus serein sur le plan sentimental. Il ne s'interrogeait pas sur ce qui se passait avec Nicolas, si leur relation était amicale, fraternelle, ou si elle prenait un tour différent, plus ambigu –il avait parfois l'impression que questionner ses sentiments serait aller contre le lien des âmes sœurs, et malgré son envie de renier le lien pour de bon, il n'osait pas franchir cette limite purement psychologique.

Tobio passa les fêtes d'hiver dans son appartement, en solitaire puisqu'Ushijima était parti voir son père en Californie et ne reviendrait que pour la reprise de l'entraînement. Il alla voir ses parents une après-midi, mais c'était davantage pour passer du temps avec sa sœur que pour eux à proprement parler. Les anciens de Karasuno proposèrent une sortie tous ensemble, et il accepta, seulement pour le regretter –une fois encore, ce n'était que des couples, Daichi et Suga, Tanaka et Kiyoko, Yamaguchi et Yachi.

J'aimerais que Nicolas soit là, songea Tobio en les voyant se tenir la main et échanger des regards complices. Lui ne rentrait que dans quelques jours, toujours dans sa famille au Brésil –et Kageyama se demandait si c'était aussi dans les plans du destin que tous les gens qui lui étaient chers, son âme sœur, son meilleur ami, et maintenant la personne à qu'il s'était profondément attachée, soient tous à l'autre bout du monde. Que ce soit pour parler avec Nicolas ou Hinata, de toute façon, il devait soit se lever tôt, soit se coucher tard, conséquence de douze heures de décalage horaire.

Les Adlers se retrouvèrent quelques jours avant la reprise pour célébrer les fêtes ensemble, et Kageyama n'hésita pas avant d'accepter de sortir, cette fois, sachant qu'il y reverrait tous ses coéquipiers et Romero. Le champion l'accueillit en lui ébouriffant les cheveux :

-Tobio ! I missed you !

-I missed you too, répondit Tobio.

Comme la fois dernière, ils prirent la grande table, et chacun raconta comment s'étaient passées leurs fêtes ; l'attraction principale fut Hoshiumi, complètement ulcéré que sa belle-sœur Shouko soit plus grande que lui, à la grande hilarité de Fukuro, Sachiro et du reste des Adlers. De son côté, Nicolas faisait défiler les photos de ses vacances sur son téléphone pour les montrer à Tobio, et celui-ci s'arrêta sur une image en particulier –celle de Romero et d'un petit garçon qui devait avoir quatre ou cinq ans, et qui lui ressemblait comme deux gouttes d'eau, adressant le même sourire joyeux à la caméra.

-Who is he ? demanda Kageyama intrigué.

-Hm ? That's my son.

Son. Tobio eut l'impression d'entendre Yachi faire une petite leçon dans son cerveau. Fille se dit daughter. Fils se dit son. Il cligna lentement des yeux, essayant d'assimiler ce que ça voulait dire. Depuis des mois qu'il fréquentait Nicolas au quotidien, il n'était même pas fichu de savoir qu'il avait un enfant. La pensée lui faisait tout drôle.

-Oh, dit-il doucement à défaut d'autre chose.

Que devait-il dire dans une situation pareille ? Authentifier sa surprise ? Ça ferait bizarre –alors un commentaire quelconque ? Il réunit le peu de pensées cohérentes qui lui restait pour articuler en rendant le téléphone à Romero, laissant encore un peu traîner ses yeux sur la photo :

-He's cute.

-He is indeed, répondit Nicolas en lui tirant la langue. He looks just like me.

Cela n'empêcha pas Tobio de rester songeur le reste de la soirée. Si Nicolas avait un fils, c'était qu'il avait eu une relation, qu'il était peut-être marié –mais Tobio ne vit aucune alliance à son doigt. Alors était-il possible que les relations entre âmes sœurs se fissurent, qu'il en avait une quand même, ou bien était-ce juste une histoire sans lien ? Il ne savait pas, n'arrivait pas à trouver du sens, l'idée l'ennuyait sans qu'il sache pourquoi et finalement, après être resté un temps acceptable avec les autres, il annonça qu'il rentrait.

-Déjà ? lança Hoshiumi d'un air déçu. Ushijima n'est pas là, tu peux traîner un peu, non ?

-Je suis fatigué, prétexta Tobio.

-Pas drôle, soupira Kourai.

-I'm going too, annonça Nicolas. I need to rest from jetlag.

Ils quittèrent donc le bar à deux, et firent un petit bout de route ensemble en silence. Tobio avait fourré ses mains dans les poches de sa veste pour les réchauffer dans le froid de la nuit hivernale, et regardait le sol défiler sous ses pas, une moue absente sur les lèvres.

-What's wrong ?

-Nothing.

Nicolas le bouscula légèrement de l'épaule, gentiment, par jeu.

-It's too easy to tell when you're lying.

Tobio soupira, et le regarda du coin de l'œil –mais le sourire de Nicolas ne manquait jamais de l'adoucir, et il céda, haussant les épaules:

-I didn't know you had a son.

Et il ajouta, précipitamment :

-So you do have a soulmate?

Romero ralentit le pas, et pour la première fois, son sourire s'effaça peu à peu.

-Yes, dit-il finalement. I had one, before.

Tobio eut l'impression de lentement geler de l'intérieur en comprenant ce que ça signifiait. Le ton de Nicolas ne trompait pas, ce n'était pas une rupture, pas un divorce –ce genre de chose restait rare entre deux personnes liées ; et la tristesse dans ses yeux ne laissait pas de doute. Il déglutit, se sentant soudain coupable d'avoir posé la question.

-She died a few years ago. She never met our son. I guess it's life, you never know what's going to happen, but...

-C'est toujours trop tôt, murmura Tobio.

Loin, très loin, il se souvenait que Kazuyo avait souhaité être là quand il connaîtrait son âme sœur. Même si sa relation avec Oikawa était restée lettre morte, s'il avait dû en parler à quelqu'un, s'il avait dû révéler son nom, ça aurait été à son grand-père. Mais non. Il ne le saurait jamais.

Parce qu'ils ne se reverraient jamais.

Une boule se forma dans sa gorge. Ça faisait quatre ans qu'il évitait soigneusement de parler du deuil, et il n'était pas prêt à y être confronté si brutalement.

-I don't know why, poursuivait Nicolas avec cet air triste qui paraissait tellement étranger sur lui. I mean, she was an amazing person. I never knew someone who could understand me like she did.

Moi non plus, songea Tobio. Personne ne pourrait jamais remplacer Kazuyo. Rien ne pourrait lui rendre la complicité qu'ils avaient, la manière dont son grand-père pouvait le comprendre avant même qu'il ne parle –et plus jamais ils ne joueraient ensemble. Il mordit l'intérieur de ses joues.

-It was too difficult. I couldn't deal with it. I didn't know what to do.

Kageyama revit ses entraînements en solitaire jusqu'à tomber d'épuisement, ses interactions devenues inexistantes avec son entourage. Tout m'a glissé entre les doigts à ce moment-là. Revivre tout ça était douloureux, trop douloureux, il ne voulait pas y repenser –il n'avait jamais voulu réfléchir à cette période de sa vie, l'avait enfermée dans un coin de sa tête ou de son cœur, mais elle était toujours là –échec après échec, la mort de Kazuyo, le roi du Terrain, la balle jamais frappée, Ne viens pas à Aoba, Shiratorizawa, Je ne veux pas de toi.

Il frissonna et murmura plaintivement :

-Please stop.

Mais Nicolas ne l'entendit pas, trop pris dans ses propres souvenirs.

-You can't stay the same when you've lost the person you loved the most, dit-il en levant les yeux vers le ciel.

Tobio suivit son regard par réflexe. Les étoiles semblaient lui faire un clin d'œil familier.

Est-ce que tu me regardes de là-haut ?

Il sentit quelque chose d'humide et chaud couler sur ses joues, et ce fut avec étonnement, presque avec peur, qu'il se rendit compte qu'il était en train de pleurer. Les souvenirs enfouis resurgissaient, des choses qu'il avait terrées en lui depuis des années, et qu'il daignait enfin regarder au contact de cet autre deuil.

Il n'avait jamais réussi à faire le sien. Il n'avait eu personne pour l'y aider.

-That's why I left and came here, continuait Romero. My son is too young to travel with me, he's staying with my pa-... Tobio ?

Kageyama ne voulait pas le regarder. Pas dans cet état. Personne ne l'avait vu aussi vulnérable, pas même ses amis les plus proches, pas même sa famille –il était Kageyama Tobio, il était le roi du terrain, il était voué à être toujours seul, à porter son fardeau en solitaire. Il voulut cacher ses larmes, mais Nicolas s'approcha de lui en deux pas, posa ses mains sur ses joues, et, doucement mais fermement, le força à le regarder. Tobio ne put se dérober, se fondant malgré lui dans la chaleur des paumes qui maintenaient son visage.

-Why are you crying ? demanda Nicolas, sa voix soudain beaucoup plus souple, beaucoup plus tendre. Is it because of what I said ?

Tobio ne sut pas répondre, les dents serrées pour garder les sanglots à l'intérieur. Il n'arrivait pas à l'exprimer, il souffrait toujours autant, rien n'avait changé...

Mais si, quelque chose a changé. Nicolas était là. Il comprenait ce que c'était, de perdre quelqu'un qui était cher. Il comprenait ce que c'était de ne pas avoir d'âme sœur. Il avait été plus proche de Tobio que n'importe qui avant, psychologiquement et physiquement parlant.

Il n'avait jamais parlé à personne de Kazuyo. Miwa et lui n'en avaient jamais franchement discuté depuis son décès, Hinata et les autres n'avaient pas idée de qui il s'agissait. Mais peut-être qu'il pouvait faire une exception. We can be alone together.

-No, I..., commença-t-il avec difficulté. I know what you feel, because... because...

-Because you lost someone too.

Tobio ne put qu'hocher la tête, autant que possible alors que Romero le tenait toujours. Celui-ci le regarda un bref instant, et Kageyama eut juste le temps de penser qu'il était vraiment beau ainsi, dans l'éclat nocturne de la ville, les néons et les lampadaires se reflétant en paillettes de lumière dans ses yeux ambrés, les cheveux gorgés d'obscurité, son souffle dessinant de petits nuages de vapeur à intervalle régulier, laissant deviner le dessin de ses lèvres –et puis cette vision disparut quand Nicolas l'attira contre lui et l'enlaça.

Tobio resta d'abord figé, presque tétanisé par une proximité aussi soudaine. La dernière personne qui l'avait pris dans ses bras devait être Miwa, à l'enterrement de Kazuyo –il n'avait pas réagi, les bras ballants, incapable de trouver du réconfort où que ce soit et avec l'impression qu'elle faisait ce geste par circonstance, parce que c'était ce qu'elle devait faire. Mais là, c'était différent. C'était quelque chose qu'il ne connaissait pas, qu'il n'avait jamais connu. Les bras de Nicolas étaient noués autour de sa taille, forts, sécurisants, protecteurs, le tenaient plaqué contre son torse –et Kageyama se laissa aller, pour la première fois, écouta son instinct. Ses doigts se glissèrent dans le dos de Nicolas, s'agrippèrent à sa veste presque avec désespoir, et il enfouit sa tête dans son épaule, y retrouvant la même chaleur et le même parfum que quand il se reposait contre lui.

La sensation qu'il y avait enfin quelqu'un pour le stabiliser, pour prendre soin de lui, pour partager ses peines, était à la même hauteur d'intensité que le soulagement et le bien-être que provoquait cette étreinte –et il mordit ses lèvres jusqu'au sang pour s'empêcher de craquer, sentant que ses larmes ne tarissaient pas. Il ne savait pas s'il était heureux ou triste, submergé par la souffrance du deuil et par la pensée qu'il y avait enfin quelqu'un pour le comprendre et le soutenir, noyé dans trop de sentiments pour qu'il puisse les démêler.

Peut-être qu'il était temps d'avancer, à présent. De faire son deuil, d'accepter ce qui s'était passé, de se dire que les choses avaient évolué pour le mieux. De voir qu'il n'était plus un roi solitaire, qu'ils étaient deux contre le reste du monde, et qu'ils se tenaient l'un contre l'autre au milieu de la nuit glaciale.

-You're allowed to cry, you know, murmura Romero.

La profondeur de sa voix fit frémir Tobio, et il se pressa davantage dans l'étreinte, savourant la sensation malgré son cœur toujours lourd. Nicolas parla à nouveau, et Kageyama sentit qu'il avait retrouvé un ton plus léger ; il pouvait littéralement le sentir sourire, et songea dans un instant de confusion que c'était probablement le genre de chose que les âmes sœurs pouvaient percevoir, elles aussi.

-And if it helps, I let you know that you're still cute even when you cry.

Ce soir-là, Kageyama découvrit qu'il était possible de pleurer et sourire en même temps.

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