Chapitre 18
Le slow passa comme un instant ou comme une éternité.
Jamais Kageyama ne détourna ses yeux du visage d'Oikawa, pas plus que ne le fit celui-ci, pris dans leur bulle de fascination réciproque, camouflant la brutalité de leur attirance derrière une tendresse autorisée. Plus rien n'existait autour d'eux. Il n'y avait plus de temps, plus de lieu, il n'y avait plus personne pour les voir, plus rien qui importe. Leur seul repère était le lien, qui palpitait au même rythme que les battements conjoints de leurs cœurs.
Les sensations étaient tellement intenses qu'elles en devenaient floues, et Tobio ne voyait rien d'autre que Tooru, ses yeux, ses lèvres, ne sentait rien d'autre que ses mains sur son corps. Le lien était en ébullition, leurs sentiments mutuels réverbérés de l'un à l'autre au point d'être indissociables et dominés par une joie frémissante, celle des premiers amours ou des interdits franchis. Leurs pas s'accordaient naturellement dans une coordination parfaite, comme si le seul regard suffisait à établir une harmonie totale entre leurs psychés et leurs corps.
Tobio ne savait pas depuis combien de temps ils dansaient –dansaient-ils, ou restaient-ils figés sur place dans une semi étreinte, les doigts entrelacés ? Peu importait. Il aurait voulu que ça ne s'arrête jamais.
-Merci, murmura pourtant Oikawa quand la musique s'arrêta.
Le lien leur fit mal à tous les deux quand ils se lâchèrent. Il sembla à Tobio que sa main était froide et que sa taille était vide –mais son esprit s'éclaircissait, sa conscience reprenait le dessus, et en même temps apparaissaient le regret et la culpabilité ; tout le monde avait dû les voir, les gens devaient bavarder, que dirait Nico ? Oikawa n'était pas n'importe qui, Tobio avait voulu garder la distance, et voilà qu'en quelques secondes il lui était tombé dans les bras comme si plus rien d'autre ne comptait. Il adressa un rapide signe de tête doublé d'un sourire à Tooru, puis se hâta de rejoindre sa table alors que la musique changeait de nouveau, reprenait ses accords dynamiques pour déchaîner la foule, et Kageyama espéra que ce moment d'égarement se dissipe dans la chaleur de la soirée.
Nicolas ne revint pas à la table, et Tobio s'y retrouva de nouveau seul avec Kenma, échangeant quelques mots à l'occasion, souvent profitant d'une tierce présence –Lev, Akaashi, Yachi- pour étoffer leur discussions ; mais les pensées de Kageyama revenaient toujours au slow, à ce moment qu'il avait partagé avec son âme sœur et qu'il avait apprécié au-delà de toute mesure. Etait-ce une erreur ou une bénédiction ? Les deux à la fois, peut-être ? Il ne savait plus ce qu'il ressentait. Et savoir qu'Oikawa pouvait percevoir son trouble suscitait encore davantage de confusion sur ses propres sentiments.
Miya Atsumu fit un bref passage à sa table pour lui demander s'il ne changeait pas d'avis sur la boisson, et Tobio admirait son obstination ; et pour le coup, il était presque tenté, mais ce n'était pas le moment de faire plus de bêtises, et il refusa –seulement pour apercevoir le même Atsumu un peu plus tard derrière une table en bord de piste (de toute évidence un bar improvisé pour désaltérer les danseurs) lui adresser un pouce levé. Les suspicions de Tobio étaient déjà hautes, mais le lien confirma rapidement qu'Oikawa était la nouvelle cible privilégiée de son coéquipier, et il ne doutait pas que Romero soit aussi de la partie.
Son copain, son âme sœur. Les deux hommes de sa vie. Et en leur accordant chacun une danse ce soir-là, il les avait inconsciemment mis sur un pied d'égalité, menaçant de nouveau la balance de ses relations.
-Ils n'ont pas encore fini leur show ? renifla Tsukishima en reprenant place à côté de lui.
-Hein ?
-Les deux idiots là-bas.
Kageyama n'eut pas besoin de demander de qui il parlait.
-Ils dansent encore ? demanda Tobio d'un air désinvolte, même s'il était au fond impressionné de leur persévérance.
-Ça oui. Le seul truc qu'ils font autant que danser, c'est boire, et je m'en inquiéterais si j'étais à ta place.
Kageyama se contenta de hausser les épaules. Ils étaient tous les deux de grands garçons, pour ne pas dire des hommes accomplis ; et ils assumeraient le lendemain. Lui venait de prendre une gélule de dose B pour éviter que l'état d'Oikawa ne déteigne sur le sien, et n'avait pas trop de doutes quant au fait d'en reprendre le lendemain pour se prémunir contre la gueule de bois monumentale que son âme sœur subirait.
Il passa les minutes suivantes à discuter avec Koganegawa, zyeutant la piste de temps à autres pour s'assurer que tout se passait bien, et s'interrompit en la trouvant soudain un peu moins endiablée. Il prit une minute pour sonder la foule plus en détail, puis s'excusa et se leva pour aller y faire un tour –mais ses suspicions se confirmèrent, et il ne trouva ni Nicolas ni Tooru. L'inquiétude monta en flèche, et il fit plusieurs fois le tour de la salle sans parvenir à les trouver avant qu'Atsumu ne lui indique la terrasse.
Kageyama pointa donc son nez dehors, plongeant ses mains dans sa veste pour les réchauffer dans la fraîcheur subite de la nuit. Il repéra immédiatement les deux hommes qu'il cherchait, debout dans un coin à discuter avec véhémence, seuls sur la terrasse déserte ; il s'approcha discrètement, à moitié dissimulé par les plantes qui décoraient le cadre, craignant une dispute et un nouveau rebondissement dans leur relation, ce n'était pas le moment d'empirer les choses...
Quand il entendit ce qu'ils racontaient, il se figea de surprise.
-Nico-chan, disait Oikawa d'une voix gorgée de liqueur, tu sais que t'es vraiment un gars génial ? Toi, je t'admire, toi...
-Naaaah, Tooru, c'est toi. J'ai dit à Tobio, tu es quelqu'un de bien...
-Mais pas autant que toi... Toi t'es une crème...
Ils s'interrompirent, et Kageyama déduisit au son du verre qui s'entrechoque qu'ils devaient avoir trinqué. Tobio hésita à sortir de sa cachette, mais c'était sa première occasion de les voir interagir tous les deux, sans lui, et la curiosité prit le dessus.
-Y'a qu'une fois, dit Oikawa. Une seule fois où je t'ai vu faire un truc pas moral.
-Je suis pas parfait, répondit Nicolas en se mettant à rire. Mais dis-moi.
-Quand on était chez moi, tu sais, quand Tobio était en danger... Tu m'as menti.
Il y eut un instant de silence, et Kageyama arrêta de respirer –tant pour ne pas se faire remarquer que par effet de suspens.
-Tu m'as dit que Tobio attendait que le lien se défasse. Tu m'as jamais dit qu'il avait pris la décision de le casser lui-même. Tu m'as dit qu'on avait encore une chance, que je devais lui parler –mais Tobio... Tobio, il ne voulait plus entendre parler de moi. Ça, tu le savais ?
-Hmm...
Nico resta songeur un long moment.
-He never told me your name, répondit-il finalement. Why ?
-Je ne sais pas, répondit Oikawa. Pour ne pas faire de comparaison entre nous ? Parce que j'appartenais encore à son passé ? Pour éviter qu'on entre en contact ?
-Parce que tu es spécial pour lui.
Kageyama aperçut Tooru boire avant de répondre.
-Ouais, ça en donnait l'air hein ? soupira-t-il. Chez moi, en train de se rendre compte que Tobio et moi, c'était quelque chose. Ça avait presque l'air d'être tout tracé. Ushiwaka qui me dit que Tobio ne m'a jamais oublié. Hinata qui révèle qu'il avait des sentiments pour moi, qui me fait miroiter la relation platonique comme la preuve qu'il m'attend depuis tout ce temps. Toi qui me dis qu'on devrait se voir, que je pourrais sûrement le rendre plus heureux que toi, que c'est presque acté et...
Il posa sa bouteille, et Tobio entendit qu'elle était vide.
-... Et c'est pas si facile.
-Non, répéta Romero en écho. Pas si facile.
Oikawa se mit à rire, mais c'était un rire étrange –ni ironique ni amer, mais qui sonnait tout de même un peu creux.
-On est des idiots, Nico-chan. On est juste des putains d'idiots sacrificiels. On devrait se détester un peu plus.
-J'ai pas compris.
-Pas la peine. J'ai clairement pas envie de me battre contre toi de toute façon.
Kageyama entendit à sa voix qu'il tirait la langue en guise de ponctuation. Lui restait figé, dissimulé derrière les plantes en pot, les yeux perdus dans le vide.
-I saw you dancing, dit soudainement Nico.
Le cœur de Tobio se serra. Il s'en voulait d'avoir cédé, il s'en voulait terriblement, songer que ça avait attristé Nicolas suffisait à le faire se sentir profondément coupable –mais sur l'instant, il n'avait pas pu résister. Ça avait été au-dessus de ses forces.
-Je suis désolé, répondit Oikawa d'une petite voix, coupable elle aussi. J'ai –j'ai pas...
-This is the first time, reprit Romero en l'interrompant doucement, that I see him dancing with someone other than me.
Les annihilateurs B avaient beau être effectifs, Tobio sentit un double coup à cette simple phrase –du choc et du regret, et quelque chose de plus chez Oikawa, quelque chose d'assez fort pour percer dans le lien.
-Je sais ce que tu ressens, déclara Tooru d'une voix triste. Quand... Quand Iwa-chan a rencontré son âme sœur, c'était la même chose. Tout ce que je croyais qu'on avait comme complicité intime, comme petits gestes entre nous et nous seulement, son vrai sourire que je croyais qu'il ne révélait qu'à moi, ce genre de conneries –il lui donnait tellement facilement, à elle. Tellement naturellement. C'était horrible. Nico-chan, je suis désolé, je ne voulais pas te faire subir ça, je le sais, pourtant, je le sais et...
-C'est rien, coupa Nicolas. Je l'ai dit, non, Tooru ? Les âmes sœurs... You're made for each other. I –I just have to...
Voir Romero perdre ses mots était quelque chose de rare et de significatif. Kageyama mordit sa lèvre inférieure pour l'empêcher de trembler.
-I just have to accept that I'm losing him, termina-t-il enfin. Parfois j'y arrive. Parfois... Parfois non...
Il descendit le reste de sa bouteille avant de la poser à côté de celle d'Oikawa. Tobio eut l'impression qu'il touchait son visage –pour repousser ses mèches, refroidir ses joues, frotter ses yeux, il n'arrivait pas à le distinguer. Un long moment de silence se passa à nouveau, lourd et rare entre deux telles personnalités.
-I trust you to take care of him, Tooru, déclara finalement Nicolas.
-Nico-chan ! se révolta Oikawa, mais Romero n'avait pas terminé:
-Because if you hurt him. If you don't treat him well. If you make one more mistake... I'll smash you.
Le poids de la menace suffit à faire remonter un frisson d'effroi à travers le lien.
-Je... Je fais de mon mieux, promit Oikawa d'un air soudain moins saoul.
Il n'avait même plus le courage de discuter, et Tobio songea qu'il était temps de rejoindre la salle avant de se faire remarquer.
Ce qu'il avait entendu lui retournait le cœur, en vérité –que Nico sache pertinemment l'attirance irrésistible du lien des âmes sœurs, qu'il l'accepte tout en continuant d'en souffrir, qu'Oikawa se rende compte qu'il reproduisait l'exacte situation qu'il avait dû endurer des années plus tôt avec Iwaizumi... Alors c'était ça ? Les âmes sœurs ne pouvaient donc vraiment pas s'ignorer ?
Mais Oikawa ne peut pas vivre sans toi, et Nicolas oui –le raisonnement mené avec Tsukishima lui tournait en tête, implacable, purement logique. Son malaise devait se voir sur son visage, car Miya lui courut après deux bouteilles de bière à la main.
-Une seule, soupira-t-il finalement. Je conduis pour rentrer, Miya-san.
-Atsumu, répliqua son coéquipier.
Il avait dû mettre le nez dans ses propres cocktails, car lui aussi sentait l'alcool à plein nez, et il posa lourdement son bras sur les épaules de Tobio, entrechoquant leurs têtes dans le processus.
-Tobio-kun, t'aimes les langues latines hein ? Moi aussi je sais parler espagnol, tu sais ?
Kageyama voulut déclarer que sa proximité avec l'italien et le portugais était purement fortuite, mais Atsumu se mit à lui déclamer dans les oreilles :
-Sí, sabes que ya llevo un rato mirándote, tengo que bailar contigo hoy.
Tobio ne comprit rien, bien entendu, et pouvait seulement interpréter son accent langoureux avant qu'Atsumu ne lui soit littéralement arraché des bras par Oikawa, soudainement réapparu lui aussi, et qui pour le coup était parfaitement bilingue.
-La prochaine fois que tu veux te faire passer pour hispanophone, susurra-t-il à Miya, prends des cours plutôt que de réciter les paroles de Despacito.
Atsumu se contenta d'un grand sourire, pas désolé le moins du monde, avant de s'esquiver pour essayer la même stratégie avec Sakusa.
-Pelotudo, marmonna Oikawa d'un air boudeur. Faut pas te laisser draguer comme ça, Tobio-chan. Nico ne va pas être d'accord. Et moi non plus.
Kageyama haussa les épaules. Miya était le cadet de ses soucis, surtout après la discussion qu'il avait surprise –et il préféra ne pas s'attarder non plus. Autant ne pas donner au lien d'autres occasions de le rapprocher de son âme sœur ; et de toute façon, Romero revenait aussi vers Oikawa avec deux bouteilles de bières et un grand sourire de défi.
Les invités commençaient à partir au compte-goutte tandis que la soirée se poursuivait dans les premières heures du matin ; mais Tobio avait bien conscience que même si la fête traînait en longueur, il était dans son rôle de témoin de rester jusqu'à la fin. Il souhaita bonne nuit à Ushijima en le croisant vers trois heures, écouta les envolées lyriques de Takeda avant qu'Ukai ne décide de le ramener vers quatre heures, puis s'occupa dans la cuisine, aidant Osamu engagé là à faire un peu de vaisselle et à ranger les couverts. Quand, enfin, il fut cinq heures passées et que seuls les plus proches et les plus excités restaient, il décida de partir en quête de Nicolas et d'Oikawa pour voir lequel avait remporté leur petit duel de danse.
Bien sûr, il trouva la piste déserte.
-Tu n'as pas vu..., commença-t-il à l'intention de Tsukishima qui passait par là.
-Si c'est Shakira et Beyoncé que tu cherches, tu les trouveras en train de décuver dans le coin là-bas, répondit son ancien coéquipier avec un petit sourire satisfait.
Kageyama les repéra assez vite. Nico et Tooru étaient assis –ou plutôt affalés- contre un mur, tête contre tête à dormir d'un sommeil d'ivrogne ; Oikawa avait un filet de bave au coin de ses lèvres entrouvertes, ses doigts relâchés encore posés sur une bouteille, tandis que la chemise de Nico était largement ouverte, sa cravate probablement disparue quelque part. Tobio les contempla un moment sans rien dire, puis tira son téléphone pour immortaliser l'instant avant de se demander comment les réveiller.
-Nicolas, appela-t-il sans succès. Oikawa-san ?
-Pathétique, commenta Tsukishima qui l'avait suivi.
-Je sais, soupira-t-il.
Il s'accroupit et entreprit de secouer Romero par les épaules.
-Tu peux essayer de réveiller Oikawa ? lança-t-il à Kei.
-Qui dit que j'ai envie de le toucher ?
Kageyama fit la moue. Lui avait presque peur de toucher Oikawa désormais, sachant combien le lien était puissant et prêt à profiter de chaque contact physique pour leur faire perdre pied.
-Mãe... mais cinco minutos..., geignit Nico sans pour autant ouvrir les yeux.
De son côté, Tsukishima avait entrepris de renverser un pichet d'eau sur Oikawa, qui pour le coup se réveilla en sursaut :
-Mes –mes cheveux ! s'écria-t-il.
Il se mit ensuite à bredouiller ce qui ressemblait à des plaintes infantiles sur combien Megane-kun était méchant, et Kageyama laissa le temps aux deux hommes de retrouver un semblant de conscience en allant dire au revoir à Hinata et Kenma, leur renouvelant ses vœux de bonheur avant de revenir récupérer Romero et Oikawa.
-Vous êtes ridicules, les sermonna Kageyama en les soutenant tous les deux pour sortir, remerciant mentalement les longues heures de musculation imposées par son coach. J'ai l'impression d'avoir deux ados irresponsables sur les bras et c'est moi qui suis censé être le plus jeune. Qu'est-ce qui vous a pris de boire autant, hein ? Pour votre duel stupide où personne n'a gagné de toute façon ?
-Oooh, sinto muito, querido... but... 't was fun...
-Tobio-chan, j'ai besoin d'une serviette pour mes cheveux... j'ai mis du temps à les coiffer... Putain de Megane-kun... j'ai envie de pleurer là...
-T'étais déjà décoiffé de toute façon, soupira Tobio.
Il arrivait à garder le lien sous contrôle, probablement grâce aux annihilateurs encore actifs, mais tenir la taille d'Oikawa lui faisait remonter des frissons inconnus le long de l'échine –ce dont il se flagellait mentalement, surtout qu'il traînait aussi à moitié Nico à côté.
-Je te dépose chez toi ? demanda-t-il à Oikawa.
-Oui... oui ?
Tobio ferma les yeux de désespoir. Tooru n'atteindrait jamais son palier dans cet état. Et même si c'était le cas, il ne saurait pas déverrouiller sa porte.
-Tooru can sleep on the couch, assura Nico.
Ramener Oikawa chez Romero. Ce n'était vraiment pas l'idée du siècle, et Kageyama commençait à en avoir assez, mais il ne pouvait pas abandonner son âme sœur sur le trottoir non plus, et veiller à sa sécurité était tout de même la moindre des choses –il pouvait aussi le ramener à son propre appart, mais autant éviter que la première chose qu'Oikawa voit en se réveillant soit Ushijima en caleçon. Et puis, il resterait sur le canapé, ce n'était pas comme s'il était dans la chambre avec eux... Il hocha brièvement la tête et déverrouilla sa Jaguar avant de lâcher les deux ivrognes pour les regarder bien en face :
-S'il y en a un de vous deux qui est malade dans ma voiture. Sérieusement. Je vous promets que je le laisse devant le commissariat pour qu'ils le gardent en cellule de dégrisement toute la nuit, et peu importe si vous avez une réputation à tenir.
-Promis ! susurra Oikawa en affectant un salut militaire particulièrement raté.
-Promis, répéta Nicolas avec un sourire vague.
Ce qui n'empêcha pas Tobio de les surveiller attentivement tandis qu'il conduisait jusqu'à chez Nico. Tooru avait la tête écrasée contre la vitre et ronflait, et Kageyama était à peu près certain qu'il laisserait des traces dessus ; et Romero, à côté de lui, était devenu tout pâle et gardait les yeux rivés sur la route. Ils arrivèrent finalement sans encombres, au grand soulagement de Tobio, passèrent à trois dans l'ascenseur où la proximité commençait vraiment à devenir étouffante, et finalement ils entrèrent dans l'appartement.
Nicolas eut le bon sens de tituber jusqu'à la chambre pendant que Tobio s'occupait d'Oikawa –tout son self control mobilisé pour ne pas céder au besoin de contact tandis qu'il le faisait asseoir sur le canapé et lui servait un grand verre d'eau ; lui ramenant ensuite une couverture pour passer la nuit et lui faisant promettre d'être sage avant de lui souhaiter une bonne fin de nuit.
-Tobio-chan, l'appela faiblement Oikawa alors qu'il allait partir, agrippant son poignet d'une main faible.
-Oui, Oikawa-san ? demanda-t-il tout bas en se penchant pour être à sa hauteur.
Le sourire de Tooru avait beau être ivre, il n'avait jamais été plus honnête.
-Merci pour la danse, souffla Oikawa. Peut-être qu'il n'y aura jamais rien de romantique entre nous mais... Mais pendant ces quelques minutes-là, j'ai pu y croire un petit peu.
Ses doigts se détendirent légèrement et il ferma les yeux. Kageyama resta figé à le regarder s'endormir, ne sachant que dire ou que faire. Ces quelques minutes avaient été hors du temps, hors de tout. Il ne savait pas comment les expliquer, préférait tout charger sur le lien pour l'instant ; et il remonta la couverture sur les épaules d'Oikawa, contemplant son visage paisible quelques secondes avant de rejoindre la chambre à son tour et de fermer la porte derrière lui.
Il trouva Romero allongé tout habillé sur son lit et entreprit de lui retirer ses vêtements pour la nuit –sa chemise d'abord, puis ses chaussures et sa ceinture ; du moins, il essaya, avant que Nico ne saisisse ses poignets et ne commence à l'embrasser d'une manière qui ne trompait pas sur ses intentions. Ses gestes étaient rendus maladroits par l'ébriété et ses baisers avaient le goût d'alcool, mais il avait encore assez de force pour attirer Tobio sur lui –et Kageyama l'écarta avec un demi-sourire :
-On ferait mieux de dormir.
-Pas envie, contra Nico.
Lui aussi était d'une franchise déconcertante quand il était saoul, lui aussi prenait des mimiques enfantines quand il était contrarié, et les parallèles se firent dans la tête de Tobio, inévitablement.
-Oikawa-san est juste à côté, murmura-t-il. Même s'il est ivre mort, il n'a pas pris d'annihilateurs, on devrait éviter...
Une lueur de lucidité réapparut brièvement dans les orbes couleur caramel de Nicolas, et il se laissa retomber contre les oreillers d'un air déçu. Kageyama se dégagea le temps de retirer son propre costume et d'enfiler un jogging et un vieux T-shirt à la place, puis il se rallongea, tendant un bras pour enlacer son petit-ami, prêt à poser sa tête sur son épaule comme d'habitude et s'endormir là –mais ce fut l'inverse qui se produisit.
Tobio retint son souffle tandis que Nico refermait ses bras autour de lui et nichait sa tête sous son menton. C'était peut-être cliché, mais il n'avait pas souvenir que ce soit déjà arrivé depuis le peu de temps où ils dormaient ensemble –en général, c'était Romero qui assumait le rôle de protecteur, ça leur avait semblé naturel et logique à tous les deux, et qu'il choisisse ce soir-là de se mettre en position de vulnérabilité bouleversa un peu Kageyama. C'était Nicolas Romero, c'était une légende, c'était un des meilleurs joueurs de son temps, c'était la personne la plus forte que connaisse Tobio –et ce soir-là, c'était juste un homme.
-Hey, Tobio..., murmura-t-il juste sous la clavicule de Kageyama. Stay with me a little more, okay? Just a little more.
-Je ne vais pas te quitter, répondit Tobio la gorge nouée. Je –je vais rester avec toi tout le temps.
Nico ne répondit pas avant un long moment, et Kageyama croyait presque qu'il s'était endormi avant d'entendre de nouveau sa voix, basse et agitée comme s'il se parlait pour lui-même :
-Eu sei que estou a perder-te, isso não significa que não quero saber. Quero estar pronto para o dia em que partirás. Desta vez poderei dizer adeus. De que me estou a queixar?
Tobio n'avait pas assez de connaissances en portugais pour comprendre ni pour répondre, alors il se contenta de le serrer dans ses bras, longuement, jusqu'à ce qu'ils s'endorment tous les deux.
Quand Kageyama se réveilla, il était midi passé. Il se leva et s'étira, prit un cachet d'annihilateurs tant qu'Oikawa dormait encore, laissa un baiser sur la joue de Nico sans que ça le réveille le moins du monde, puis quitta la chambre. Le salon était baigné de soleil, mais Tooru semblait encore dormir, sa respiration profonde en harmonie avec l'atmosphère paisible et lumineuse de la pièce.
Tobio se dirigea vers le canapé sur la pointe des pieds pour voir son âme sœur enroulée dans la couverture, toujours profondément endormie –et voir le visage de Tooru aussi calme, dénué de toute expression pour ne laisser place qu'à la pureté brute de ses traits, était aussi satisfaisant qu'un instant volé. Ses cheveux étaient en bataille, les mèches soyeuses éparpillées sur le coussin qui lui servait d'oreiller ; ses lèvres entrouvertes, roses et pleines, tout juste assez humides pour que le soleil les fasse briller. Kageyama avait envie de toucher sa joue, de faire courir ses doigts le long de cette peau lisse, voir si elle était si douce et tiède qu'elle en donnait l'impression.
Il inspira pour chasser ce genre de pensées de son esprit. Sa connexion à Oikawa allait bien au-delà de ce qu'il avait pu imaginer, et ils allaient inéluctablement vers le scénario qu'il avait tant redouté dans le bureau de Hayashi, vers ce moment où l'attraction des âmes sœurs contrebalançait une relation amoureuse hors de ce système.
Les souvenirs de la soirée restaient clairs. Oikawa et lui qui dansaient comme si rien d'autre n'existait, Oikawa qui le remerciait de lui avoir accordé cet instant –éthéré, éphémère, dont Tobio doutait presque de l'existence, et le seul instant où ils auraient pu croire avoir accompli leur destinée d'âmes sœurs, partageant un moment de tendresse comme tous les autres couples sur la piste. Puis la scène sur la terrasse, Nicolas qui se résignait et Oikawa qui se révoltait, entremêlement de désirs profonds, de décence et de lucidité qui cherchaient à s'accorder sans pouvoir se trouver. Et pour Tobio, le nœud du problème était toujours le même. De nouveau, il refusa d'y penser et préféra se distraire en cuisinant.
Il était en train de surveiller la cuisson du riz quand du mouvement se fit entendre derrière lui, et il se retourna pour voir Oikawa rejoindre la cuisine sur des jambes incertaines, encore mal réveillé dans sa chemise blanche toute froissée, tenant son crâne d'une main douloureuse :
-Hé, Tobio-chan. Bien dormi ? Hm... Tu sais s'il y a de l'aspirine dans le coin, par hasard ?
-Je devrais pouvoir trouver ça, répondit Tobio avec un demi-sourire.
La présence d'Oikawa le mettait d'humeur joueuse. Il avait envie de se moquer, de taquiner gentiment comme il faisait avec ses autres proches, sa manière d'exprimer qu'il était à l'aise ; et en même temps, étrangement presque, la peur de lui déplaire, ce petit frémissement révélateur qu'Oikawa était différent de tous les autres –en tant qu'aîné, en tant que modèle, en tant qu'âme sœur.
-Alors ? lança négligemment Tobio en lui tendant le médicament. Qui a gagné hier ?
-Personne, grimaça Oikawa. Les trentenaires ont plus d'endurance que ce que je croyais.
-Faut dire qu'on s'entraîne tous les jours, commenta Kageyama. Je –je veux dire, au volley. Avec les Adlers.
Tooru lui lança un regard amusé, mais ne releva pas, et Tobio reprit, s'étonnant lui-même d'être si bavard :
-D'ailleurs, Oikawa-san, tu fais une pause dans le volley cette année, non ?
La question le démangeait depuis un certain temps, à vrai dire –depuis qu'il avait su qu'Oikawa revenait au Japon, mais ne l'avait trouvé dans aucune équipe de division une, ni de division deux.
-Ouais, je repose un peu mon genou, marmonna Tooru en s'appuyant sur sa main. Et puis, j'ai joué longtemps à San Juan, ça me permet de prendre de la distance... Je continue à m'entraîner un peu de mon côté quand même, histoire de rester en condition.
-Alors si Miya Atsumu ne peut plus jouer pour telle ou telle raison, c'est possible qu'ils t'appellent comme deuxième passeur dans l'équipe nationale ?
-J'en sais rien. Mais si j'y vais, c'est pas pour être deuxième, mon petit Tobio-chan.
Il lui adressa un sourire de challenge auquel Kageyama répondit avant de se concentrer de nouveau sur sa cuisine. La situation était d'un naturel déconcertant –Oikawa accoudé à la table, encore un peu somnolent, Tobio toujours en pyjama en train de faire cuire des œufs debout dans la cuisine, le tout dans la lumière du soleil et au son du grésillement de la poêle, alors que la bonne odeur de nourriture emplissait la pièce ; une scène domestique qui leur semblait à tous les deux étrangement confortable.
-Et puis, relança Tooru, c'est méchant de souhaiter à Atsumu de ne plus jouer. Le pauvre, il a l'air tellement heureux d'être à tes côtés...
Tobio sentit le coin de ses lèvres tirer sur un sourire moqueur :
-Quoi, t'es jaloux, Oikawa-san ?
-Evidemment ! s'offusqua son âme sœur. Je t'ai entendu l'appeler Atsumu hier ! Je te ferais remarquer que moi, tu m'appelles encore par mon nom, et avec les honorifiques !
-C'est l'habitude, répondit Tobio en haussant les épaules.
Il ne se voyait pas encore appeler Oikawa par son prénom. C'était trop intime, c'était franchir une limite qu'il ne savait pas placer –comme si évoluer d'Oikawa-san à Tooru affirmait un réel tournant dans leur relation, et même si celle-ci était passée par toutes les phases ces derniers mois, c'était encore trop tôt, trop significatif à ses yeux.
-De toute façon, c'est moi qui ai eu la danse, marmonna Oikawa avec un petit sourire fier.
Son expression de joie se fana un peu, et il leva un regard hésitant sur Tobio –et même en ayant affaibli le lien ce matin-là, il pouvait aisément lire sur les traits d'Oikawa qu'il était embarrassé et incertain :
-D'ailleurs, Tobio-chan, je crois que j'étais assez arrangé hier, et sachant que j'ai, comme tu dis, l'alcool honnête, est-ce que j'ai... dit quelque chose de bizarre ?
Kageyama se figea un peu. Est-ce qu'il devait lui répéter sa petite confession de la veille ? Les mots lui tournaient toujours en tête, clairs, obsédants –peut-être qu'il n'y aura jamais rien de romantique entre nous, mais pendant ces quelques minutes-là, j'ai pu y croire un petit peu. Preuve irréfutable qu'Oikawa avait réellement des sentiments pour lui ; et même si tout le monde le lui avait affirmé au préalable, de Hinata jusqu'à Makki, l'entendre de la bouche de Tooru était tout autre chose.
-J'ai pas pris d'annihilateurs, moi, fit remarquer Oikawa, langue sortie et regard perçant. Je sens parfaitement que tu hésites, alors crache le morceau. Je me suis promis d'assumer ce que je disais et ce que je faisais de toute façon.
Tobio fit mine de continuer à cuisiner pour sembler désinvolte en répondant :
-T'as dit que t'étais heureux qu'on ait pu danser à deux.
-Et ?
-Et que pendant ce moment-là, on... On ressemblait à un couple ?
Il osa jeter un petit coup d'œil à Oikawa pour voir ses joues se colorer légèrement, mais lui-même ne devait pas être dans un meilleur état en y repensant –sa main dans la sienne, leurs pas qui s'étaient ajustés naturellement, le regard de son âme sœur pendant ces quelques minutes, tellement intense, tellement magnétique.
-C'est ce que j'ai pensé, ouais, répondit Tooru en essayant de retrouver une attitude enjouée.
Kageyama aurait peut-être pu y croire quelques semaines plus tôt, mais il commençait à trop bien le connaître pour ne pas savoir qu'il s'agissait d'un mécanisme de défense et qu'il était gêné de la situation ; et Oikawa se leva, comme s'il avait besoin de se dégourdir les jambes, faisant mine de regarder un peu les photos que Nicolas avait encadrées sur le mur de la cuisine –sa famille, son fils, l'équipe nationale du Brésil, les Adlers, quelques clichés avec Tobio dans les diverses sorties qu'ils avaient pu faire ces trois dernières années.
-Mais c'est vrai, reprit soudainement Oikawa.
Il se tenait juste à côté de Kageyama, et leur proximité le fit frissonner. Son souffle passait sur son cou comme une caresse.
-Qu'on le veuille ou non, Tobio... On est-
Une porte claqua, et ils s'éloignèrent immédiatement l'un de l'autre d'un air coupable, comme s'ils étaient en train de faire quelque chose d'interdit tandis que Romero entrait dans la pièce en s'étirant. Il n'avait pas pris la peine de se rhabiller outre mesure que de passer son jogging des Adlers, et Oikawa eut l'air un peu pris au dépourvu. Nico aussi, d'ailleurs, eut l'air de se demander quelques secondes ce que l'âme sœur de son copain faisait dans sa cuisine, ses souvenirs de la veille apparemment altérés aux aussi.
-Salut, Tooru, lança-t-il néanmoins avec sa courtoisie habituelle. Tu restes pour manger ?
Oikawa lança un coup d'œil à Kageyama qui lui adressa un signe de tête –de toute façon, et sans s'en rendre compte, il avait préparé pour trois. Cette petite constatation le laissa songeur.
-Si ça ne dérange pas, répondit Oikawa avec une politesse équivalente.
Comme ce n'était pas encore tout à fait prêt, Nico déclara qu'il allait prendre sa douche –lui aussi devait être encore à moitié assommé de la soirée de la veille de toute façon- et Oikawa aida Tobio à mettre la table en attendant.
-Le fameux culte du corps brésilien, lâcha-t-il tout de même en disposant les verres. Tu crois qu'il va mettre un T-shirt ?
-Ça ne te fatigue pas d'être aussi envieux tout le temps ? soupira Kageyama d'un air amusé.
-Je –je ne suis pas envieux ! Je te signale que je suis un athlète aussi, Tobio-chan ! Moi aussi, j'ai des muscles !
Kageyama essaya de ne pas trop y penser, surtout quand son âme sœur pouvait sentir son trouble. Chose futile, puisqu'Oikawa savait déjà que Tobio ne pouvait pas lui rester indifférent physiquement parlant –et il en était à la fois conscient à travers le lien qui trahissait toutes les émotions de Tobio, et à la fois parce que Kageyama l'avait de toute manière clairement explicité par message quand il était à Osaka.
Le repas se passa dans le calme. Kageyama avait un peu peur de voir autant Nico et Oikawa ensemble ; il n'arrivait pas à définir si les deux hommes s'appréciaient ou ne se supportaient pas derrière l'apparente cordialité de leurs échanges. Aussi fut-il soulagé de voir que la conversation s'orientait sur un sujet neutre : le volley.
-C'est bientôt la Ligue mondiale, non ? lança Oikawa.
-Ouais, le mois prochain, confirma Tobio.
Nico expliqua qu'il rentrait au Brésil la semaine suivante pour un mois entier de préparation ; et de son côté, Kageyama descendait sur Tokyo pour s'entraîner avec l'équipe nationale du Japon. Ils ne se reverraient donc que début juin pendant les phases préliminaires, lorsqu'ils seraient dans la même poule à Tokyo.
-Vous allez jouer l'un contre l'autre, alors ? interrogea Oikawa en haussant un sourcil. Ça va être particulier.
A vrai dire, Tobio brûlait d'impatience. Jouer contre une grosse équipe comme le Brésil était quelque chose d'extrêmement stimulant –et Nico était toujours titulaire, autant dire que les choses deviendraient vite intéressantes s'ils se retrouvaient chacun d'un côté du filet.
-J'essaierai de venir voir, déclara Oikawa. Et puis, si je ne me trompe pas, l'Argentine est aussi dans votre poule, non ? Ce sera l'occasion de revoir quelques vieilles connaissances.
Ils restèrent autour de ce thème-là jusqu'au dessert, puis Tooru décida de rentrer –s'attarder plus longtemps ne ferait que créer du malaise. Kageyama lui en était reconnaissant, mais en même temps, le voir partir le blessait à travers le lien, comme s'il renonçait à une part de lui-même en refermant la porte derrière Oikawa.
Et cette fois, il était temps de faire face.
Les choses étaient à un point critique, il le savait. Chacune de ses interactions avec Oikawa le prouvait un peu plus. Leur proximité physique et mentale ne faisait que s'accroître, et il ne trouvait pas le moyen ni la motivation d'y mettre un terme, même en sachant que les choses glissaient lentement hors de contrôle.
Ils sont tous les deux amoureux de toi. Tu le sais parfaitement. Et tu les laisses tous les deux près de toi. C'est pour ça que je te dis que c'est normal d'hésiter.
Alors certes, il y avait eu les désillusions, l'incompréhension, la rancœur, le mépris, la haine peut-être. Il y avait eu l'attente, il y avait eu la reconnaissance et l'espoir, il y avait eu l'incertitude. Mais il n'y avait jamais, jamais eu l'oubli ni l'indifférence.
Oikawa avait toujours chamboulé sa vie, et ce de toutes les manières possibles.
Je n'hésite pas.
Tobio était conscient qu'il blâmait le lien pour tout ce qui arrivait, mais que ce n'était pas tout à fait sincère. Le lien avait un rôle à jouer, c'était sûr, le destin s'amusait avec eux ; mais lui choisissait d'aller dans son sens, il ne trouvait plus la force de s'y opposer comme lorsqu'Oikawa était loin et presque oubliable. Si les choses en arrivaient à ce stade, c'était parce qu'il le voulait bien, parce qu'il avait agi en tenant compte ou non du lien, parce qu'il l'avait tour à tour rejeté et accepté –mais son libre-arbitre existait bel et bien, et ses choix avaient été faits en connaissance de cause.
C'est juste que je ne sais pas quoi faire.
Et tout cela, ensemble, l'avait mené à sa situation actuelle –celle où il ressentait le besoin perpétuel de toucher Oikawa, mourrait d'en avoir plus, frémissait à sa simple présence ; mais c'était bien davantage que du désir brut et purement charnel. Il ne pouvait plus se voiler la face. Il appréciait réellement sa compagnie, se plaisait dans leur relation de taquineries, voyait grandir leur complicité avec une joie authentique et profonde. Et Kageyama se rendait compte que les sentiments qu'il avait pour Oikawa depuis leur première rencontre, depuis neuf ans, depuis avant le lien, et qui étaient toujours restés avec lui, étaient en train de se développer vers quelque chose de bien plus fort et de bien plus solide.
Toujours le même dilemme. Il était amoureux de Nico, vraiment, sincèrement –mais ce n'était pas tout. C'était impossible que ce soit tout.
Parce que je les aime tous les deux.
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