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Chapitre 14


Le cœur de Kageyama s'arrêta au moment où il aperçut Oikawa inanimé.

-Non, non, non, non, balbutia-t-il.

Il se précipita à ses côtés et tomba à genoux, sans savoir quoi faire, dominé par la panique, incapable de penser clairement. Il voulait le toucher, le secouer, mais n'osa pas, ses doigts tremblants errant convulsivement au-dessus de son corps inerte.

-Oikawa, articula-t-il finalement. Oikawa !

Son âme sœur ne réagit pas, et la panique grimpa encore d'un cran si possible.

Qu'est-ce que je fais, qu'est-ce que je fais-

Appeler les secours.

Il se raccrocha à cet objectif –mais il était parti trop vite et n'avait pas son téléphone sur lui, chaque seconde comptait, et il chercha nerveusement du regard le portable d'Oikawa ; il l'aperçut par chance un peu plus loin sur une table basse et se rua dessus, s'y reprenant à trois fois pour composer le numéro d'urgence, se traînant de nouveau près de son âme sœur alors que les tonalités s'éternisaient, mort d'inquiétude en sentant le lien se fragiliser toujours un peu plus.

Quelqu'un décrocha.

-Oui ?

-S'il vous plaît, supplia-t-il aussitôt sans quitter Oikawa des yeux. Je –Je suis avec une personne qui fait une overdose, il a perdu connaissance, s'il vous plaît-

-Je fais préparer une ambulance, répondit la standardiste d'une voix calme et professionnelle. Quelle est l'adresse ? Vous savez ce qu'il a consommé ?

Kageyama indiqua l'immeuble et le numéro, puis déglutit, ses yeux désormais glués à la boîte vide.

-Une boîte d'annihilateurs de dose C, dit-il avec difficulté, les mots à moitié coincés dans la gorge.

-Est-ce qu'il respire ?

Tobio passa en haut parleur et laissa le téléphone sur le tapis, levant une main à hauteur des lèvres d'Oikawa, sanglotant presque de soulagement quand il sentit un souffle infime contre ses doigts.

-Il respire, confirma-t-il. Dites-moi ce que je dois faire, s'il vous plaît-

-J'envoie l'ambulance, déclara la standardiste. Qui est la victime pour vous ?

-C'est mon âme sœur.

Il était toujours agenouillé à côté d'Oikawa, pris dans un sentiment d'urgence de plus en plus extrême. C'est mon âme sœur, c'est lui, ça a toujours été lui.

Si son cœur cesse de battre, est-ce que le lien se brise ?

La voix s'éleva de nouveau du téléphone, clinique et précise.

-Si ce n'est pas déjà le cas, mettez-le en position latérale de sécurité pour éviter qu'il s'étouffe.

Tobio suivit la procédure, et poser ses doigts sur le corps d'Oikawa lui parut à la fois étranger et familier –il le roula sur le côté avec délicatesse, comme s'il touchait un objet sacré, amortissant d'une main sa tête pour éviter qu'il ne la cogne dans le processus ; et ses doigts semblaient faits pour se poser contre la courbe de cette joue. Il se recula finalement, se faisant violence, essayant de dominer les émotions qui le submergeaient. Des larmes affleurèrent à ses yeux et il battit des cils, essayant de se concentrer. C'était une question de vie ou de mort.

Il m'a sauvé la vie, songea-t-il soudainement. Et peut-être qu'il va mourir à cause de moi.

Il eut l'impression de ne plus pouvoir respirer.

-Utilisez le lien pour le maintenir éveillé, poursuivit la standardiste.

-Je ne sais pas me servir du lien !

-Prenez-lui la main et parlez-lui en continu. Essayez de capter son attention, même s'il n'ouvre pas les yeux, il est possible qu'il vous entende. L'ambulance devrait arriver dans quelques minutes.

Kageyama reprit difficilement son souffle, essayant de se calmer. Il se sentait lui-même à deux doigts de faire un malaise, mais obtempéra, et il saisit la main d'Oikawa.

Elle était glacée, et il frissonna –et en même temps, le fait de toucher physiquement son âme sœur sembla combler un manque ailleurs dans sa conscience.

-Oikawa-san, chuchota-t-il. S'il te plaît, réveille-toi. Je –je ne sais pas, serre ma main, ouvre les yeux, s'il te plaît, juste...

Le visage de son âme sœur était d'une pâleur mortelle. Tobio ne reçut aucune réaction, et il sentit le coin de ses yeux piquer, serrant la main d'Oikawa plus fort entre ses doigts, essayant vainement de se concentrer sur le lien pour lui transmettre quelque chose, de la chaleur, de la sécurité, de la vie, n'importe quoi :

-Je –je sais que tu m'entends, Oikawa-san. S'il te plaît, reste avec moi. Je ne veux pas que tu meures. Tout ce que j'ai dit, c'était... c'était pour le lien, pour les âmes sœurs... mais je ne veux pas que tu meures.

Il enfonça ses dents dans sa lèvre inférieure déjà meurtrie et ferma les yeux, cherchant le lien en lui –toujours actif depuis des années, toujours vivace en dépit de ses fluctuations, installé dans sa cage thoracique, blotti tout contre son cœur.

-Je suis là, murmura-t-il.

Le lien guidait ses mots. Il n'était même pas sûr de les prononcer à voix haute.

- Je suis avec toi, Oikawa-san. Je reste avec toi.

Les secours débarquèrent, et Tobio vécut le reste dans le flou. Il répondit machinalement aux questions, regarda sans comprendre ce qu'il voyait pendant que les ambulanciers évacuaient Oikawa, monta dans l'ambulance parce qu'on le lui demanda, se retrouva de nouveau à tenir la main de son âme sœur sans savoir si c'était de sa propre initiative ou non. Le contrecoup l'assommait, et le lien reprenait le dessus à présent que sa panique diminuait, le rendant lui aussi à moitié léthargique.

Il se retrouva dans une chambre d'hôpital vide, assis sur une chaise sans réussir à digérer tout ce qui venait de se passer. Un moment, il se demanda s'il venait d'être sauvé de son enlèvement et si le temps tournait en rond, si d'autres choses étaient arrivées depuis qu'il avait quitté cette cave.

La porte s'ouvrit, et une infirmière apparut en face de lui.

-Vous êtes son âme sœur ? demanda-t-elle doucement.

Il hocha la tête.

-Tenez, dit-elle en tendant une main vers lui. Vous en aurez besoin.

Kageyama leva les yeux. Dans la paume de l'infirmière se trouvait quelque chose qu'il reconnut immédiatement –il avait passé les dernières semaines à s'en gaver. C'était une gélule de dose C.

-Non ! s'écria-t-il.

Il eut un mouvement de recul.

Si j'en avais pris ce matin, je n'aurais rien senti, Oikawa serait mort.

-Je touche plus à ça !

C'était ceux-là dont avait abusé Oikawa, également. Tobio s'était toujours méfié des annihilateurs, n'en avait pris que parce que c'était la seule solution à ses yeux, un peu à contrecœur, conscient qu'ils avaient contribué à la dégradation de son état. Et à voir les résultats, sa dépendance frénétique, l'overdose, la pensée qu'ils auraient pu tuer Oikawa, et qu'ils auraient pu l'empêcher de venir à son aide...

-C'est pour vous, déclara l'infirmière avec patience. Si votre âme sœur doit subir de lourds traitements, une intubation, un lavage gastrique, ce genre de choses –vous allez tout ressentir. Le lien dissocie les sensations en elles-mêmes de leur perception par leur possesseur ; lui sera anesthésié, mais pas vous. Il faut neutraliser le lien pour ne pas que vous souffriez à travers lui.

Si Oikawa a fait ça, c'est parce que je l'ai poussé à bout. Parce que j'ai fragilisé sa santé mentale. C'est de ma faute.

Tout est de ma faute.

-Tant pis, dit-il à moitié dans une plainte. Je ferai sans.

Ça faisait près d'un mois qu'ils souffraient ensemble, avec ou sans annihilateurs. L'un contre l'autre et pourtant toujours en chœur. Tobio ne savait pas s'il considérait que subir les conséquences de ce qu'il avait infligé à Oikawa suffirait à lui accorder le pardon, mais il le sentait comme un passage obligé.

Assume ce que t'as fait, Tobio.

Et si Nico ne lui avait pas retiré ses annihilateurs... Il se sentait glacé jusqu'à la moelle à cette simple pensée. Oikawa aurait pu agoniser dans l'indifférence générale. Lui l'aurait appris plus tard, trop tard, ne l'aurait même pas su à travers le lien puisqu'il s'acharnait à le faire taire à coups de médicaments... Et qu'aurait-il fait ensuite ? Que serait-il devenu ? Est-ce qu'il aurait vraiment pu trouver le bonheur sur le cadavre de son âme sœur ?

-Ce sera beaucoup trop douloureux, protesta l'infirmière. Je comprends que vous soyez méfiant après ce qui s'est passé, mais je vous assure, une seule gélule ne causera aucun dommage-

Une seule gélule aurait suffi à faire taire le lien ce matin. Ce qui signifiait aussi que c'était Nico, en lui retirant ses annihilateurs, qui lui avait permis de sauver la vie d'Oikawa ; cruelle ironie... Tobio secoua catégoriquement la tête, et son regard suffit à dissuader la pauvre infirmière ; elle sortit tandis qu'il replongeait à nouveau dans un état de semi-conscience, drogué par l'anesthésie que subissait Oikawa, toujours en état de choc.

Les secondes s'égrenèrent, et il ne se sentait pas bien, pas bien du tout, percevant tout des sensations d'Oikawa, le flou, le froid ; et l'image de son corps inanimé dansait devant ses yeux en continu. Une part de lui se rebellait, une colère choquée, pourquoi t'as fait ça, Oikawa-san !? Et chaque fois la même réponse, celle qui l'écrasait sous le remords, parce que j'ai tout fait pour que ça arrive.

Je voulais qu'il prenne ses annihilateurs.

Il les a pris.

Sans prévenir, une sensation déplaisante courut dans sa bouche, toucha sa gorge, sa trachée, descendit, et il commença à suffoquer. Oikawa devait être en train de se faire intuber. Il se mit à tousser, mais la sensation persista, étrangère, irritante, de plus en plus douloureuse alors qu'elle remontait son œsophage. Il serra les dents pour ne pas crier, agité de tremblements incontrôlables alors qu'il avait l'impression d'être déchiré de l'intérieur, asphyxiant à moitié, une main crispée sur sa poitrine pour essayer de supporter le processus.

Tout est de ta faute, alors assume, assume, assume-

Il aurait voulu mordre quelque chose pour ne pas gémir, mais il n'avait pas de ceinture, et la chambre était complètement vide hors des deux fauteuils. Un goût de sang lui emplit la bouche, il vit des taches clignoter devant ses yeux. Un gémissement étouffée lui échappa, et en désespoir de cause, il mordilla sa main –la mordant franchement quand la douleur devint intolérable.

Toutes les longues minutes que durèrent la fin de l'intubation puis le processus d'épuration, il ne laissa plus échapper que des plaintes étouffées par la chair, concentré sur le goût de sa peau pour atténuer les quintes de toux et les pics de souffrance –y noyant en même temps tout ce qui le traversait, la pensée qu'il avait presque commis un meurtre, qu'il avait presque tué Oikawa, sa propre âme sœur, que c'était lui et nul autre qui était responsable de cette situation...

La douleur sembla enfin diminuer, et Tobio détacha ses dents de la peau où elles étaient profondément fichées, apercevant à peine les marques pourtant distinctes, violacées et barbouillées de sang.

Il resta assis sur sa chaise, seul dans la salle vide, épuisé. C'était la deuxième catastrophe en un mois ; son enlèvement d'abord, puis cette overdose...

Et dans les deux cas, c'était leur lien qui leur avait permis de survivre.

Oikawa lui avait porté secours, et Tobio lui avait rendu la pareille. Peu importait l'état de leur relation à ce moment, ses gestes avaient juste été guidés par la peur de perdre Oikawa, de le perdre pour toujours, de voir disparaître une personne qui avait tant compté à ses yeux et qui comptait toujours, peu importe ce qui s'était passé entre eux.

C'est peut-être ça qu'il a ressenti quand il m'a sauvé. Ni désir de reconnaissance, ni obligation de la police.

Juste l'envie et le besoin de sauver son autre moitié.

Son téléphone se mit à vibrer dans sa poche, et il le sortit –se rendant alors compte que ce n'était pas le sien. C'était le portable d'Oikawa, à partir duquel il avait appelé les secours et qu'il avait dû fourrer dans sa poche en montant dans l'ambulance. Le nom « Makki » apparaissait sur l'écran, et Kageyama hésita trois secondes –trois longues secondes où il se demanda s'il était prêt à décrocher- avant d'accepter l'appel.

-OIKAWA !? hurla littéralement la voix d'Hanamaki, et Tobio éloigna l'appareil de son oreille.

-Non, c'est Kageyama..., répondit-il d'une voix faible, et il fut presque étonné qu'elle ne soit pas cassée –mais les douleurs dans sa gorge n'avaient été que fantômes, il n'y avait eu aucun vrai dommage.

Il entendit une respiration lourde et précipitée venir de l'appareil, accompagnée par les bruits de la ville, et la voix de Makki s'éleva à nouveau, essoufflée mais un peu plus calme :

-Je m'en doutais. J'étais à peine arrivé chez Oikawa que j'ai trouvé les voisins massés devant, qui me disaient qu'une ambulance venait juste de partir ! Je suis en train de courir vers l'hôpital, c'est bien là que vous êtes !?

-Oui.

-J'arrive !

Il raccrocha dans la foulée, laissant Tobio seul face aux tonalités. Il n'avait même pas demandé ce qui s'était passé, ce qui était arrivé à Oikawa... Mais il avait été très clair quand Kageyama l'avait croisé au supermarché. Lui et les autres amis d'Oikawa suspectaient quelque chose, ils craignaient déjà qu'il ne fasse une bêtise. Celui-ci avait dû profiter de leur absence pour s'enfiler la boîte de cachets.

Puisque Makki arrivait, Kageyama pouvait aussi bien s'en aller et rentrer. Oikawa était sauvé, il allait s'en remettre ; pour le moment, il devait être en salle de réveil. Tobio sentait sa conscience qui lui revenait petit à petit, le lien se faisait plus palpable. Il allait probablement bientôt remonter. Et alors que se diraient-ils ? Il n'était pas prêt à être confronté à lui, pas après tout ça... Mais partir lui donnerait l'impression de fuir, de se comporter en lâche. Il devait être là, il le savait, il le sentait –à ce moment, sa place était aux côtés de son âme sœur.

La porte s'ouvrit brutalement, et Hanamaki apparut dans la chambre toujours vide, trempé de sueur et à bout de souffle. Il repéra immédiatement Kageyama, et ils se regardèrent quelques secondes sans savoir quoi se dire.

-Trouvé, dit-il, pantelant. Un bail que j'avais pas fait tant de sport.

Il se laissa tomber sur la deuxième chaise, enfouit ses mains dans ses poches, et attendit un moment avant de reprendre la parole, zyeutant discrètement un Kageyama toujours mutique.

-Je me doutais que c'était toi, déclara-t-il finalement en écho à ce qu'il disait au téléphone. Le seul qui pouvait le sentir et le sauver... C'était son âme sœur.

Kageyama avait mal au cœur. Il aurait voulu rentrer chez lui.

-Je me doutais qu'il allait faire quelque chose de stupide, poursuivit Makki. Depuis cette histoire... Depuis qu'il nous a avoué que tu étais son âme sœur, ça a été de pire en pire. Ce n'est pas de ta faute, bien sûr. C'est lui qui n'a pas su gérer.

Si, c'est de ma faute. Mais comment Tobio pouvait-il avouer ça à un ami d'Oikawa ? Le regarder dans les yeux et lui déclarer qu'il aurait tout aussi bien pu mettre la boîte d'annihilateurs dans la main de Tooru, le résultat aurait été le même ?

-Ouais..., poursuivit songeusement Makki. Toutes les conneries qu'il a faites, ça lui pesait sacrément.

-Lesquelles ? demanda finalement Tobio.

Il était fatigué, mais laisser Hanamaki parler tout seul lui semblait impoli, même si repartir dans les remords d'Oikawa était la dernière chose qu'il avait envie de faire.

-Un peu de tout, répondit Makki. Depuis le collège jusqu'à très récemment. Le fait qu'il pensait pouvoir te reconquérir, que tu lui tomberais dans les bras du jour au lendemain. Mattsun et moi, on lui a dit pourtant –mon gars, c'est contre Nicolas Romero que tu veux jouer, t'es sûr d'avoir une chance ? Il n'a pas été très cool avec nous. Il nous a dit qu'on ne comprenait rien, que votre lien était beaucoup plus fort que tout ce qu'on ne connaîtra jamais.

-Le lien..., répéta Tobio en baissant tristement les yeux. Il est fort, oui. Et unique, apparemment, mais...

Il baissa les yeux et ajouta :

-Mais il ne fait pas tout.

-T'as bien raison, approuva Hanamaki. Et même s'il est plus puissant que la moyenne, il lui aurait suffi de prendre des annihilateurs ou d'attendre quelques années.

C'était comme ça que ça devait se passer. Tobio serra les dents.

-Il aurait dû..., commença-t-il.

-Ouais, il aurait dû, l'interrompit Hanamaki. Mais il ne voulait pas le faire et il ne l'a pas fait.

Kageyama leva les yeux d'un air interrogatif. Tooru lui avait dit qu'il voulait garder le lien en cas de danger, mais cet argument ne l'avait que moyennement convaincu ; et puis, Oikawa avait dû craquer à force de ressentir tout ce que Tobio lui infligeait volontairement de son côté. Pourquoi n'aurait-il pas voulu se débarrasser du lien après ça ? Pourquoi aurait-il voulu mettre fin à ses jours, si ce n'était pas pour se soustraire à la douleur que lui infligeait leur connexion ?

-Pourquoi ? demanda-t-il donc calmement.

Makki le considéra longuement, une petite étincelle dans les yeux, puis sourit d'un air désolé :

-Parce qu'il est amoureux de toi.

Tobio ouvrit la bouche, mais ne sut que répondre. Oikawa –des sentiments pour lui ? Oikawa faisait confiance au lien, se reposait sur sa toute-puissance, et Kageyama avait considéré que s'il voulait leur donner une chance, c'était uniquement au nom de cette connexion, de cette ficelle invisible qui les rattachait l'un à l'autre, mais hors de toute attraction personnelle. Que s'ils se mettaient en couple, c'était parce qu'ils étaient voués à être ensemble. Il n'avait jamais mis les sentiments dans la balance.

Tu sais, il tient à toi.

Il a peur de vous perdre.

Ou plutôt, il les avait toujours refusés.

Avoir une âme sœur et être amoureux étaient deux choses bien distinctes, il était bien placé pour le savoir. Mais Oikawa devait les confondre ; il devait mélanger l'attachement naturel au lien avec ce qu'il croyait être des sentiments amoureux, croire que son obsession était due à quelque chose de vrai et de sincère plutôt qu'à la présence de leur connexion. Après tout, il ne le connaissait pas. Comment pourrait-il être amoureux alors qu'ils n'avaient jamais eu de vraie discussion ? Qu'ils n'avaient jamais passé de temps ensemble ? Qu'ils se connaissaient à peine ? Hors du lien, ils n'étaient rien l'un pour l'autre qu'un aîné et son ancien cadet, et encore, le tu étais putain de détestable restait bien ancré dans sa mémoire.

-Je ne crois pas, répondit-il. Oikawa-san et moi-

La porte s'ouvrit pile à ce moment-là, et une infirmière, différente de la première qu'avait vue Tobio, leur adressa un signe :

-Le patient va être ramené dans sa chambre. S'il vous plaît, pas plus d'une personne dans la pièce avec lui.

Tobio voulut se lever, mais Makki posa une main sur son épaule –autant pour le river à sa chaise que pour s'y appuyer et se remettre debout.

-Je vais faire un tour, dit-il d'un air désinvolte. De toute façon, je meurs d'envie de me descendre une bouteille d'eau fraîche.

Il quitta la pièce, et Tobio se retrouva seul. Il sentait qu'Oikawa était plus ou moins réveillé, sa conscience encore un peu troublée, les anesthésiants pesant toujours sur son système ; et il percevait qu'ils étaient de plus en plus proches l'un de l'autre, que la distance physique entre eux s'amenuisait, irrémédiablement, jusqu'à ce qu'il entende le lit rouler dans le couloir et que la porte s'ouvre.

Kageyama se leva. Deux hommes en tenue d'hôpital entrèrent et manœuvrèrent le lit médicalisé pour le remettre à sa place ; mais Tobio leur accorda à peine un regard, son attention immédiatement happée par son âme sœur, le lien en ébullition de les trouver si près l'un de l'autre.

Oikawa était toujours aussi pâle, mais ses yeux étaient entrouverts. Ses sens lui revenaient progressivement ; sa gorge était encore irritée et il avait mal au ventre, mais ce n'était que du détail à côté des émotions qui le traversèrent en reconnaissant Kageyama. De l'humilité, du soulagement. De la tristesse. Tobio ne comprit pas –où étaient la colère, le reproche et le dégoût ?

La porte se referma. Kageyama voulut rompre la tension avant qu'elle ne s'installe, rapprochant sa chaise du lit d'Oikawa avant de s'y asseoir de nouveau. S'ils parlaient, autant épargner à Tooru de devoir trop solliciter sa voix. Cette nouvelle proximité ne manqua pas d'activer le lien, et Tobio eut envie de reprendre sa main, de le toucher, de retrouver cette infime sensation qu'il avait connue le matin même, noyée dans la panique mais tout de même perceptible, celle de savoir que tout contact entre eux serait forcément harmonieux.

Il n'arriva pas à parler, cependant, et ne put que maintenir le regard encore lointain d'Oikawa pendant ce qui lui sembla des heures –détaillant la couleur chaude de ses yeux, le chocolat de ses iris, le trou béant de ses prunelles insondables. Finalement, ce fut Tooru qui parla en premier, et ce ne fut qu'un mot :

-Pardon.

Kageyama eut envie de fondre en larmes. Pourquoi s'excusait-il ? C'était Tobio qui l'avait poussé à bout, Tobio qui les avait conduits là. Quel blâme avait-il à prendre ? Etait-il encore bloqué sur leurs dernières altercations, même à présent qu'il s'éveillait tout juste de ce qui aurait pu être son dernier sommeil ?

-Pourquoi ? demanda-t-il donc à voix basse.

Pourquoi tu t'excuses ?

Pourquoi t'as fait ça ?

Pourquoi est-ce qu'on se déchire comme on le fait ?

Oikawa laissa échapper un léger soupir et détourna les yeux.

-J'ai même raté ça, dit-il d'une voix légèrement altérée.

Un instant de vide se passa avant que Tobio ne comprenne. La colère monta en lui, brûlante et immédiate, et ses doigts se crispèrent sur le rebord en métal du lit :

-Raté !? Oikawa-san, tu allais mourir !

Il ne savait pas comment le lui faire comprendre, mais le lien suffisait amplement à traduire toute sa révolte et son indignation –même s'ils étaient en désaccord et en conflit ouvert, la vie d'Oikawa restait au-dessus de ça ! La vie était au-dessus de tout ! Tobio n'était pas prêt à vivre d'autres deuils, il ne l'aurait jamais supporté !

Tooru soutint son regard de longues secondes, puis lui adressa un sourire triste :

-Mais le lien aurait disparu. Tu serais libre. C'est ce que tu voulais... C'est ce que tu m'as dit.

Je ne veux plus de ce lien. Je voudrais juste qu'il disparaisse. Qu'il se brise, là, maintenant, et me laisse vivre en paix.

Tobio ouvrit la bouche, mais aucun son n'en sortit.

Si Oikawa avait pris les annihilateurs, ce n'était pas pour se libérer lui-même. Ce n'était pas pour arrêter de souffrir, ce n'était pas parce qu'il ne supportait pas toutes les épreuves physiques que lui faisait endurer Tobio.

Non, s'il avait fait ça, c'était pour Kageyama. Pour exaucer son vœu d'être débarrassé du lien pour toujours, pour que Nico et lui soient à égalité, sans aucun lien pour les entraver ni d'un côté ni de l'autre, pour qu'ils soient libres et heureux, indépendants de tout système d'âmes sœurs à présent que les leurs avaient disparu...

Et ça changeait tout. Ce choix était révélateur. Ce qu'il signifiait, c'était qu'Oikawa Tooru avait placé le bonheur de Tobio au-dessus de sa propre vie.

-Je pensais que ça arrangerait les choses pour toi, poursuivit Oikawa d'une voix cassée. Je t'ai fait souffrir trop longtemps. J'ai dépassé toutes les limites. Tu méritais d'être tranquille.

Ses yeux étaient humides, et il les essuya en feignant d'être amusé :

-Ah ! C'est de ta faute, dit-il tendrement. Je ne suis pas triste, c'est toi qui me fais pleurer.

Tobio mit une seconde à répondre, et son timbre était aussi brisé que celui d'Oikawa.

-Je suis désolé.

Il espéra que son âme sœur comprenne la portée de ces excuses. Il ne savait pas s'exprimer, il avait toujours autant de mal avec les mots –mais il était toujours à cœur ouvert devant Oikawa, celui-ci lisait en lui sans problème, et Tobio aurait pu rester muet ou mentir que ça ne changeait rien au fait que son âme sœur savait mieux que personne quels sentiments le possédaient. Tooru hocha lentement la tête, puis ils revinrent au silence. Il y avait de la peine et de la douleur entre eux, mais la colère était partie. Leurs sentiments allaient par paire –il n'y avait rien à sens unique. Tous les deux le comprenaient assez.

-Tobio, murmura finalement Oikawa. Pourquoi est-ce qu'on se fait ça ?

Il le regardait avec sérieux, la tête posée contre les oreillers. Tobio le sentait calme, détaché –fatigué, un peu coupable, mais à des lieues des pics de colère et d'agitation qu'il lui avait déjà connus. Sa lèvre inférieure se mit à trembler, et il la mordit quelques secondes sans trouver de réponse.

-Pourquoi est-ce qu'on ne peut jamais être heureux en même temps ? poursuivit Tooru.

Parce qu'on est faits pour être ensemble, et on ne fait que se fuir. C'était une douloureuse évidence, mais elle était plus claire que jamais.

-Je croyais que je serais heureux sans toi, avoua Kageyama en baissant les yeux. Ces dernières semaines... Je voulais vivre comme si le lien n'existait pas...

Il avait voulu vivre libre, vivre sans entraves, vivre comme s'il pouvait ignorer la moitié de lui-même. Mais la vérité, c'était qu'il avait vécu en évoluant au ralenti, shooté aux annihilateurs, vivant dans la peur de croiser Oikawa, écrasé sous les remords. La vérité, c'était qu'il n'avait existé que pour le temps passé avec Nico, bâtissant leur nouvelle relation sur des mensonges et une vengeance à peine dissimulée, et que ça n'avait fait qu'empirer le tout.

Il plongea la tête dans ses mains.

-Mais je n'y arrive pas, chuchota-t-il d'un air de défaite.

Des doigts longs et fins se posèrent sur ses cheveux, réarrangeant distraitement quelques mèches, et Kageyama se figea. Ce geste lui était familier –Nico le faisait, Miwa le faisait... Mais il n'aurait jamais pensé qu'Oikawa lui accorde une telle marque d'affection.

-Je te console, c'est tout, répondit maladroitement Tooru face à son interrogation. Tu n'as pas à t'en vouloir. C'était mon choix, seulement mon choix. Je ne pensais pas que tu interviendrais.

Le contact physique avec son âme sœur l'apaisait, lui donnant un nouvel aperçu de la puissance de leur lien. Il se souvenait de leur étreinte le soir de l'enlèvement, du sentiment d'être entier, d'être complet ; ce n'était pas de l'amour, ce n'était que de l'alchimie pure et simple, mais il y avait comme une pointe de magie à cela.

Tobio releva les yeux, écarta doucement la main de Tooru, et inspira.

-Je ne pouvais pas te laisser mourir, Oikawa-san, déclara-t-il finalement. Je n'aurais pas été plus heureux sans toi. On ne s'entend pas, on peut peut-être même se détester de temps en temps, mais...

-... Mais on ne peut pas vivre l'un sans l'autre, compléta Oikawa. C'est pour ça que je t'ai sauvé la vie...

-... Et c'est pour ça que j'ai sauvé la tienne, termina Kageyama.

Il sentait que c'était vrai. Peut-être qu'avant, il n'avait plus besoin d'Oikawa, et que le lien se serait résorbé naturellement au terme des quatre ans ; et tout se serait passé pour le mieux. Oikawa serait resté en Argentine et Tobio aurait poursuivi sa vie tranquillement avec Romero, croisant seulement son ancienne âme sœur dans d'éventuelles compétitions internationales.

Mais tout avait été bouleversé du jour au lendemain. Le lien s'était réactivé, les événements les avaient rapprochés, et ils ne pourraient plus jamais revenir à la situation d'avant l'enlèvement. S'ils devaient avancer, peu importe vers quoi, ils devaient le faire ensemble et être complètement en accord l'un avec l'autre. Ça ne marcherait jamais autrement.

-Alors, qu'est-ce qu'on fait ? demanda Oikawa d'un air hésitant.

Je veux nous donner une chance, je veux apprendre à te connaître. C'est ce que je pourrais te donner.

Il avait envisagé de sortir avec toi.

Il est amoureux de toi.

Tobio ne savait pas quel crédit lui donner, trop de choses se mêlaient. Leur situation était intenable, et la seule solution était d'être l'un avec l'autre ; mais ça ne changeait rien au fait que Kageyama était déjà engagé et que les mots blessants d'Oikawa étaient encore très clairs dans son esprit. Et le lien ne pouvait pas effacer ses sentiments ni ce qu'il devait à Romero.

-Je veux qu'on fasse la paix, Oikawa-san, déclara-t-il fermement. Je suis fatigué. Tu l'es aussi. Il faut qu'on arrête de se disputer et de se détruire comme on le fait.

-Je crois qu'on a épuisé toutes nos munitions, de toute façon, sourit faiblement Oikawa.

Tobio l'avait senti aussi, ils s'étaient tout dit. Oikawa au téléphone, complètement ivre mais à vider son sac, et Kageyama ne s'était pas privé de lui faire payer ses outrages passés. Ils étaient quittes ; incertains, navrés, mais sur la même longueur d'onde désormais. Ils s'étaient battus à la même mesure, s'étaient excusés, avaient dévasté tout ce qui pouvait l'être –et à présent, tout ce qui leur restait à faire était de reconstruire sur ce champ de ruines, d'essayer de bâtir quelque chose de sain et de positif.

-Mais il faut qu'on se fasse confiance, reprit Kageyama. Sans confiance, il n'y a rien. J'ai cru en toi dans cette cave, j'ai tout laissé reposer sur toi...

-... Et c'est comme ça qu'on s'en est sortis, affirma Oikawa. C'est vrai.

-J'ai besoin que tu me fasses confiance quand je te dis qu'un drame ne va pas se reproduire. Que si je suis avec Nico ou Ushijima-san, il n'y a aucun danger pour moi. Et il faut que je puisse te croire quand tu me dis que tu vas prendre tes annihilateurs...

Il s'en voulut un peu, craignant de manquer de délicatesse en mentionnant les annihilateurs si tôt après l'overdose. Oikawa le sentit, bien entendu, et lui adressa un faible geste pour dire que ce n'était pas grave. La tension dans la pièce avait quasiment disparu.

-Je comprends. Tu as ta vie privée et j'ai la mienne. Je pense avoir retenu la leçon, Tobio-chan.

Kageyama sentit qu'il était profondément gêné, à se repasser tout ce qu'il avait dû sentir les dernières semaines ; mais en lieu et place de ses remords habituels surgit un étrange amusement, comme si tout n'était déjà plus qu'un passé dont ils pouvaient plaisanter. Oikawa s'adoucit à cette sensation, mais Kageyama sentait que la fatigue commençait à peser sur lui, et que parler lui demandait de plus en plus d'efforts.

-On se mettra d'accord sur tout ça quand tu sortiras d'ici, déclara Tobio.

Kageyama se leva. Le lien protesta un peu en le sentant prêt à s'éloigner d'Oikawa, mais il le rejeta dans un coin de sa tête, conscient qu'ils se reverraient bien assez vite ; il se rappela soudain qu'il avait toujours le téléphone d'Oikawa, et le déposa sur sa table de chevet avant de se diriger vers la porte.

-Je vais te débloquer, dit-il en posant la main sur la poignée, désignant le portable d'un geste du menton. Tiens-moi au courant.

Oikawa leva une main moqueuse à hauteur de son front et affecta un salut militaire :

-Sans faute.

Tobio lui accorda un demi-sourire avant de quitter la pièce.

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