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Chapitre 9 - Retour à Ibai

Elle se souvenait encore de ce jour où elle était revenue chez elle, les genoux écorchés et la mine boudeuse ; elle avait passé l'après-midi entier à s'amuser (du moins, c'était le terme qu'elle donnait) à jeter des cailloux sur ses petits camarades à peine âgés de sept ans, tout comme elle. Mais un père était arrivé et l'avait gravement réprimandée après qu'elle ait accidentellement envoyé une petite pierre dans le visage d'un enfant. Anthémis n'avait pas compris pourquoi on la grondait ; elle n'avait fait que jouer, comme n'importe quel enfant de son âge l'aurait fait. En rentrant, elle avait été bousculée, était tombée et s'était blessé les deux genoux. Elle en avait profité pour se venger, et avait lancé un dernier caillou dans le dos de celui qui l'avait poussée.

Les yeux plissés et les poings serrés, elle était arrivée jusque chez elle en furie. Ambroisie l'avait stoppée dans le couloir, et, de son air sévère, lui avait demandé sur un ton plein de reproches pourquoi tous les enfants du parc voisin étaient en pleurs ; évidemment, ce n'était pas la première fois que cet incident arrivait. « Pourquoi ne peux-tu pas t'empêcher d'embêter tous tes camarades ? » l'avait-elle blâmée. Mais quelque part, elle savait que sa petite sœur se sentait terriblement seule, et n'avait pas forcément toujours eu une éducation irréprochable. Elle l'avait prise sur ses genoux, et avait désinfecté ses écorchures.

Ambroisie avait une odeur de lavande. Elle se parfumait tous les jours, sans exception. Elle disait que les gens du monde au-delà de l'océan le faisaient aussi, que c'était la mode là-bas, à l'époque où Hodei n'avait pas encore été bâti. Elle avait la peau douce, aussi. Anthémis aimait enfouir son nez dans son cou et se laisser bercer par sa grande sœur quand elle la prenait sur ses genoux ainsi.

Mais Ambroisie ne pourrait plus jamais la bercer. Alors, seule au monde, Anthémis retournait au seul endroit où tous ses souvenirs passés avec sa sœur reposaient, là où Ambroisie, si elle vivait encore, était peut-être.

Plus elle s'approchait d'Ibai, plus les alentours semblaient calmes, et surtout vides ; ce premier aspect qui se reflétait à Anthémis ne la rendait que davantage anxieuse. Pourquoi n'y avait-il aucune de ces créatures d'ébène ? Elle ne souhaitait pas spécialement en rencontrer, c'était même le contraire, mais il y en avait tellement lors de cette nuit où lui avait été arrachée Ambroisie ; tous les Miroirs auraient-ils donc disparu ? Non, c'était impossible. Ils étaient encore là. Elle n'avait qu'à continuer la marche, pour rapidement croiser la route de certains d'entre eux. Par précaution, elle partit se cacher derrière les rochers qui bordaient la route reliant les deux villes, par laquelle passaient les charrettes contenant la marchandise en provenance de Lunaria. Et, les pieds fatigués de sans cesse fouler sans un bruit le sol dur de terre sèche, elle continua sur sa lancée.

Au bout de plusieurs minutes, enfin, elle reconnut au loin la mince et grande silhouette noire d'un Miroir. Des frissons lui parcoururent tout le long de l'échine ; ses ongles s'enfonçaient dans sa peau tant elle serrait ses mains moites, se concentrant tant bien que mal pour faire le moins de bruit possible. Elle se baissa, et continua d'avancer à quatre pattes sur le sol terreux, cachée derrière les rochers.

C'était du suicide. Elle aurait probablement dû faire demi-tour à ce moment-là, rentrer à Lunaria, repartir de zéro, mener une petite vie paisible loin d'Ibai. Mais finalement, elle ne le pouvait pas. Sa vie ne serait jamais paisible, elle ne pourrait plus jamais paraître normale. Son destin avait pris une toute nouvelle tournure, et ce depuis l'attaque d'Ibai, depuis qu'elle s'était fait toucher et que son œil avait pris cet ocre lumineux. Elle ne pouvait plus rien faire. Alors oui, c'était du suicide, oui, elle en avait conscience, et oui, tout cela ne rimait à rien. Anthémis ne rimait à rien, sa vie non-plus. Qu'aurait-elle dû faire, qu'aurait-elle dû éviter ?

Elle parvint bientôt aux premières maisons d'Ibai ; les vitres avaient été brisées, des éclats de verre gisaient au sol. Elle avait autrefois connu les habitants de ces maisons. Elle avait oublié leur nom. Qui était encore présent pour se remémorer d'eux et de leur prénom ?

La longue suite de rochers prenait bientôt fin ; Anthémis allait devoir trouver un autre moyen de se cacher, d'autant plus que les Miroirs se faisaient plus présents dans l'enceinte du village que le long de la route. Elle ne savait rien d'eux ; s'ils tuaient, s'ils étaient puissants, s'ils étaient rapides, s'ils se jetteraient ou non sur elle dès qu'ils la verraient. Elle n'avait qu'enregistré le nom qu'Aenor Hodei leur avait donné, et c'était tout ; qu'étaient-ils réellement ? La seule chose qu'elle arrivait à deviner était qu'ils ne demeureraient pas longtemps à un même endroit s'il ne restait plus d'humains ; ce qui signifiait probablement qu'il y avait des survivants dans les environs.

Sans prendre le temps d'hésiter, car elle n'aimait pas couper son élan, elle se retira du derrière de la bordure de rochers pour courir aussi discrètement qu'elle le put jusque dans le jardin de la maison la plus proche. Le souffle affolé, elle se rendit compte avec horreur que son déplacement n'avait pas été effectué sans bruit, et qu'elle avait peut-être alerté les quelques Miroirs qui se trouvaient à proximité. Elle se précipita sur la première porte qu'elle trouva et essaya de l'ouvrir en s'acharnant sur la poignée, mais elle était fermée à clef. Elle contourna une partie du bâtiment pour faire face à une fenêtre dont la vitre avait été brisée, mais ses rebords étaient coupants. Le cœur en panique, elle essaya de se calmer et de garder les idées claires ; elle attendit quelques minutes dans le jardin, dont la végétation avait été sauvagement piétinée – il n'en restait plus que quelques fleurs aux pétales légèrement abîmés. Aucun Miroir ne vint. Elle s'était mise dans tous ses états pour rien, elle se sentit quelque peu stupide, mais à la fois soulagée. Elle se reprit bien vite en main, et continua sa route jusque dans le quartier d'Ibai qu'elle connaissait le mieux. Là où sa maison reposait, dont la façade était encore intacte.

La rue était vide, autant de vie humaine que de créature d'ébène. Anthémis entendait ses pas résonner dans toute l'allée. Le ciel était gris, le paysage sombre, comme si la pénombre avait dévoré Ibai depuis l'attaque. Elle arriva sur le seuil de la porte, sortit les clefs qu'elle avait précautionneusement gardées dans la poche de sa veste, et déverrouilla la serrure. En entrant dans sa maison, la première chose qu'elle remarqua fut cette odeur qui lui était tant familière, celle qui embaumait le logement et qui avait marqué l'enfance d'Anthémis. La seconde chose qui la frappa fut ce portrait d'elle et d'Ambroisie accroché au mur de l'entrée. Elles souriaient, dessus. C'était à l'époque où elles étaient encore heureuses.

Les larmes montèrent d'elles-mêmes aux yeux de la jeune fille ; elle ne chercha pas à les essuyer, ni à les retenir. Cet endroit la faisait atrocement souffrir, et pourtant elle aurait voulu y rester une éternité.

Elle trouva sur le côté du porte-manteaux une des deux cannes dont se servait Ambroisie pour se déplacer. Les mains tremblantes, elle la saisit et caressa du bout des doigts le bois vernis qui recouvrait l'ustensile. Elle se souvenait encore de l'hospitalisation de sa soeur, deux ans auparavant. Un Varlet lui avait tiré une balle dans la jambe parce qu'elle avait osé défendre un dit "criminel" ; depuis, elle n'arrivait plus à marcher sans canne qu'en boitant. En y repensant, c'était probablement à cause de cet handicap qu'Ambroisie n'avait pas eu la moindre chance d'échapper aux Miroirs. Anthémis aurait dû l'aider à s'enfuir, la soutenir pour qu'elle puisse marcher. Si seulement ...

Du bruit retentit depuis la cuisine. Le coeur de la jeune fille s'emballa à nouveau. Il était pourtant censé n'y avoir personne dans la maison ... Sur ses gardes et tenant toujours la canne dans les mains, la jeune fille s'approcha sur la pointe des pieds de la pièce d'où provenait le bruit. Elle entendit la porte du réfrigérateur s'ouvrir. Un-e rescapé-e de l'attaque venu-e se réapprovisionner ici ? Elle pénétra la salle en même temps que son regard fut attiré par la masse noire qui ornait la table de la cuisine. Deux longs et maigres bras fouillaient l'intérieur du réfrigérateur et jetaient tout son contenu sur le sol, comme par désir de mettre le désordre. Les placards avaient eux aussi été fouillés, et le carrelage du sol de la cuisine était pratiquement entièrement recouvert de farine, de sucre, de miettes et d'eau.

Une petite tête se dégagea lentement de l'intérieur du réfrigérateur et se tourna vers Anthémis. Deux yeux ocre se fixèrent immédiatement en direction du visage de la jeune fille. Son sang se glaça en moins de deux secondes. Elle put presque sentir ses cheveux se hérisser sur le haut de son crâne ; l'angoisse monta en elle en un instant, grimpant tout le long de son échine, de façon cette fois-ci beaucoup plus prononcée que quelques minutes auparavant. Et pourtant, la seule pensée qui la traversa à ce moment fut que ce Miroir se trouvait à l'intérieur même de sa maison,  qu'il était donc possible que l'ancienne personne qu'il avait été connaissait cet endroit.

D'une voix tremblante, le seul mot qui lui sortit de la gorge fut le nom d'Ambroisie.

Mais elle eut à peine le temps de le prononcer que le Miroir laissa de côté le réfrigérateur pour s'élancer vers elle à une vitesse hallucinante. Elle aurait aimé pouvoir esquiver, si seulement elle en avait été capable. Elle avait toujours été la meilleure du groupe dans les activités sportives qu'elle faisait après l'école, mais la vitesse de cette créature était bien trop élevée pour qu'elle réussisse à échapper à son coup - ou plutôt, à son toucher.

Le Miroir la prit au cou, lui arrachant un cri de douleur. Une intense brûlure se propagea le long de sa nuque, et elle sentit une sorte d'odeur de cramé se faufiler sous ses narines. Une odeur de peau carbonisée.

Une pensée lui vint alors directement en tête.

Elle ne voulait pas finir comme Ambroisie.

Ses sourcils se froncèrent d'eux-mêmes, la colère pouvait se lire sur son visage. Prise d'une soudaine confiance en elle, elle leva haut la canne de sa soeur et l'abbatit sur le crâne de la créature. Malheureusement, cette dernière ne bougea pratiquement pas d'un pouce. Anthémis recula, jusqu'à faire demi-tour et se diriger en courant vers l'entrée, prête à sortir se cacher autre part à Ibai. Une soudaine confiance en elle, oui, mais elle ne dura visiblement pas longtemps.

Le Miroir la poursuivit. Étant donné sa vitesse, la jeune fille se doutait bien qu'il finirait tôt ou tard - de toute évidence, tôt - à la rattraper. Elle dû se retourner avant même d'avoir atteint la porte d'entrée et se mettre sur ses défenses, la canne tendue vers la forme noire qui, d'un coup, apparut face à elle. Anthémis donna des coups de bâton dans tous les sens - et principalement dans le vide -, ne pouvant faire autrement au vu du rapide déplacement de la créature.

Contre toute attente, Anthémis arriva, du moins durant les premières secondes, à éloigner d'elle le Miroir. Son cou continuait de la faire violemment souffrir, et pourtant ce n'était qu'une petite zone de la nuque qui avait été touchée ; qu'avait donc ressenti Ambroisie, lorsque son corps entier s'était transformé ? Avait-elle senti cette brûlure se propager entre chaque parcelle de sa peau, la manger tout entière ? À cette nouvelle pensée, Anthémis se raviva, et malgré sa peur, la paralysie qui menaçait de la clouer au sol se fit moins présente. La jeune fille, prise par une colère que même l'angoisse ne pouvait qu'à peine cacher, resserra ses doigts autour de la canne et s'avança, pas par pas, vers le Miroir, tout en continuant de donner des coups au hasard. Elle poussa la créature jusque contre un mur, s'apprêta à asséner la canne plusieurs fois sur sa tête, quand, dans un brusque mouvement, le Miroir réussit à se dégager et passa à une allure folle dans le dos d'Anthémis, lui touchant quelques cheveux au passage. Elle crut que c'était la fin quand elle vit sur le papier peint l'ombre du monstre se pencher vers elle. Ce n'était définitivement pas Ambroisie. Cette créature n'avait rien d'humain, elle ne pouvait se faire à l'idée que sa sœur s'était transformée en la même horreur.

La mèche qui avait été touchée noircit plus qu'au naturel, et tomba au sol avant de se désagréger sur le carrelage. Et ce fut tout. Aucune main d'ébène ne vint lui toucher l'épaule, aucun œil ocre ne s'approcha dangereusement de son visage. Un bruit sourd retentit, une main l'attrapa brusquement par le bras et l'entraîna à l'extérieur, tandis que le Miroir restait face au mur dans l'entrée de la maison, comme s'il avait momentanément oublié ce qu'il était en train de faire quelques secondes auparavant. Anthémis voulut voir qui était cette personne qui l'avait sauvée du toucher de la créature, mais elle n'en eut pas le temps ; elle fut précipitée vers un arbre, et une voix féminine et autoritaire lui ordonna de monter sur le toit de la maison. Ni une ni deux, la jeune fille obtempéra et grimpa à l'arbre avant de sauter et d'atterrir le plus silencieusement possible sur la toiture, suivie de près par sa sauveuse. Cette dernière s'agenouilla au-dessus de la gouttière et observa les Miroirs s'approcher de leur refuge.

- Tu les as attirés en criant, tout à l'heure, dit-elle de sa voix rauque. Ils n'ont pas bonne ouïe, mais ceux qui étaient dans les alentours ont vite rappliqué.

Elle tourna la tête en sa direction, un petit sourire en coin.

- Heureusement, j'étais juste à côté.

C'était une jeune femme, qui ne devait pas avoir plus de trente-cinq ans. Ses cheveux blond platine descendaient le long de sa nuque en une mince queue-de-cheval. Une petite pelle était attachée dans son dos, comme on se munirait d'une véritable arme, et ses deux petits yeux gris la toisaient avec curiosité. Anthémis la reconnut immédiatement, mais voir cette femme à cet endroit et à ce moment la déstabilisa grandement.

- Madame Domance ? émit la jeune fille.

- Mmh ? On se connaît ? Désolée, je ne suis pas très physionomiste, rétorqua sa sauveuse. On en parlera après, tu veux. Ces bestioles nous traquent.

Ce « bestioles » pouvait paraître bien dérisoire pour qualifier de tels monstres, mais il n'était pas prononcé sans légère colère dans la voix de Madame Domance.

Certains Miroirs commençaient à essayer de les rejoindre sur le toit, mais ils étaient visiblement incapables de réfléchir correctement, et tentaient tant bien que mal d'escalader la façade de la maison, sans pourtant y arriver.

- Je te déconseille de rester à Ibai si tu ne veux pas finir comme eux. Moi je passe par derrière, à toi de voir ce que tu veux faire, déclara la femme.

Elle se redressa et tint en équilibre sur les tuiles, avant de prendre appui sur une branche d'arbre et de se laisser tomber sur l'herbe. Elle leva la tête vers Anthémis, qui, tenant difficilement debout sur le toit, s'était agenouillée.

- Tu restes ? lança Madame Domance à son adresse.

La jeune fille hésita.

- Vous allez où ? demanda-t-elle alors.

- Un peu à l'écart, vers le lac de Diaphane. Des gens m'y attendent. Tu veux qu'on t'héberge pour la nuit ?

La femme la prenait sûrement pour une survivante de l'attaque – ce qu'elle était effectivement, bien qu'à l'inverse des autres rescapés, elle était revenue à Ibai de son plein gré. Mais cela, elle se garda de le dire à Madame Domance.

- C'est quoi, ton nom ? l'interrogea cette dernière.

- Anthémis.

- Tiens, oui, ton prénom et ton visage me disent quelque chose. Tu n'étais pas une de mes anciennes élèves ?

- Si.

- Appelle-moi Adélaïde, je préfère ça à ce vulgaire Madame. Ça, c'est bon pour l'école. Bon, tu viens oui ou non ?

La jeune fille finit par accepter. Elle se dépêcha de descendre du toit et s'enfuit avec ladite Adélaïde. Elle ne savait pas exactement où elles allaient, ni si leur destination lui serait bénéfique, mais il fallait au moins essayer ; cette femme n'avait pas l'air si effrayée par les Miroirs, ce qui la surprit et attisa sa curiosité par la même occasion. De plus, sa sauveuse ne semblait pas se poser la moindre question à son sujet, pas même à propos de son cache-oeil, et ce fut une première pour Anthémis, qui commençait déjà à se méfier d'elle-même. Adélaïde l'avait sauvée et lui avait proposé de l'héberger sans hésiter ; la jeune fille ne pouvait pas laisser s'échapper une pareille occasion, et tant pis si elle ne retrouvait pas Ambroisie de cette façon. Anthémis ne pouvait rien seule contre les Miroirs.

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