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Chapitre 4 - Lunaria (p.1)

Edel ouvrit une petite porte grinçante, qui ne tarda pas à éveiller la curiosité de deux hommes attablés atour d'un meuble de bois ; jusqu'alors, ils discutaient calmement entre eux tout en mastiquant avec peine ce qui reposait dans leur assiette, au goût plus proche du plastique qu'à de la vraie viande. Ils virent leur jeune compagnon entrer dans la cuisine, suivi de la fille qu'ils avaient retrouvée inconsciente en plein cœur de l'ancienne Capitale, il y avait deux jours de cela. Elle pénétra dans la pièce silencieusement. Un bandeau lui cachait l'œil gauche.

- Bonjour, dit simplement le garçon.

Il s'assit sur un tabouret dans le calme le plus complet, tandis que les deux hommes s'étaient tus et regardaient la jeune blessée qui attendait toujours au cadre de la porte. Edel le remarqua et l'incita à les rejoindre à table. Toujours sur ses gardes, la fille s'approcha et se posa sur un autre tabouret, visiblement non craintive mais simplement méfiante vis-à-vis des deux inconnus qui lui faisaient face.

- Donc elle s'est réveillée ? remarqua le plus vieux des deux hommes, s'adressant à Edel comme si l'intéressée n'était pas là.

- Oui.

Le vieil homme prit un air grave, mais continua sur le même ton :

- D'où vient-elle ?

- Je ne sais pas, elle semble muette. Ou alors elle refuse de parler, je ne sais pas trop.

- Muette ?

- Oui. Attends.

Edel se tourna vers la blessée et lui présenta les deux hommes. Ainsi, elle apprit que le plus âgé se nommait Igor et était le père d'Edel, tandis que l'homme d'une quarantaine d'années s'appelait Berbéris et qu'ils se connaissaient depuis un bon moment déjà. « Neuf ans, pour être plus précis », ajouta-t-il. Le vieil homme semblait pourtant bien trop vieux pour être le père d'un adolescent comme Edel, songea Anthémis.

De l'autre côté de la table, le dit Berbéris regardait l'étrangère avec autant de méfiance qu'elle en avait elle-même dans les yeux, bien qu'il n'eût rien à craindre d'une petite fille comme elle d'une quinzaine d'années seulement.

- Pourquoi porte-t-elle un cache-œil ? demanda Igor.

- Elle a dû se prendre un coup à l'œil, il était injecté de sang et semblait la faire souffrir. J'ai dû désinfecter comme j'ai pu, bien que ce soit une région fragile. On est en manque de pansements, il faudra penser à en racheter au marché d'ailleurs. Donc je lui ai mis un cache-œil, c'est ce que j'avais de plus efficace sous la main. J'espère que ça suffira, déclara Edel sans hésiter.

Il n'avait pas parut bien malin à Anthémis les premières minutes, mais elle devait avouer qu'il savait mentir sans sourciller.

- Et elle part quand ?

- Quand elle sera complètement rétablie et qu'elle saura où aller. Pour l'instant elle semble n'avoir nulle part où s'abriter, je crois qu'elle vivait à Ibai et qu'elle s'est enfuie suite à l'attaque, mais je n'en suis pas certain.

Cette fois, Berbéris cogna du point contre la table violemment, visiblement très contrarié. Il adressa un regard noir à la jeune fille mais fit comme les deux autres et parla comme si elle n'était pas là :

- Ça suffit ! Une inconnue muette, qui débarque sûrement d'Ibai sans qu'on ne sache ce qu'il s'est réellement passé là-bas ... C'est vrai ça, on n'en sait rien ! Elle pourrait très bien être contaminée, contagieuse, ou complètement détraquée !

- Berbéris, essaya de le calmer Edel, tu vois bien qu'elle se comporte bien, on n'a rien à craindre ...

- Toujours est-il que ce qui s'est passé ce soir-là à Ibai reste un grand mystère, qu'on ne sait pas si cette fille peut vraiment être de confiance, ni même si elle compte nous voler ou ...

- Berbéris ! Arrête d'être paranoïaque ! C'est moi qui me suis occupé de cette fille durant son sommeil, et c'est moi qui étais là à son réveil, alors que tu ne daignes même pas la considérer comme une humaine normale ! Qu'est-ce que tu en sais de plus que moi, qu'elle est de confiance ou pas ?

- Je suis d'accord avec Berbéris, déclara Igor. J'en ai fait des cauchemars, de cette nuit-là à Ibai. Tu dis que son œil était injecté de sang, et elle a aussi été blessée au ventre, qui nous dit que ce ne sont pas ces monstres qui l'ont attaquée ? On ne sait rien d'eux, aussi bien les blessures qu'ils infligent sont dangereuses si on est en contact avec. C'est risqué de garder chez nous une inconnue rescapée d'une telle horreur.

Edel faisait les yeux ronds.

- Quoi ? Vous êtes vraiment sérieux ?

Il y eut un silence complet.

- Mais c'est une blessée, bon sang ! C'est bien pour ça qu'on tient une infirmerie, non ? Pour guérir les gens blessés, pourquoi donc faire une telle obsession sur elle en particulier ? Je veux bien comprendre que vous ayez peur de ces créatures, mais tant qu'on ne sait rien, je ne pouvais pas la laisser à terre, à moitié morte au plein milieu du désert que sont les ruines ! J'ai juste voulu sauver une vie, arrêtez de me dire sans cesse quoi faire car à ce que je sache, vous vous n'avez sauvé aucune vie. En voyant l'attaque d'Ibai et ses victimes qui vous suppliaient de les aider, vous vous êtes juste enfuis comme des lâches !

Edel reprit longuement sa respiration, fatigué du monologue qu'il avait lâché pratiquement sans respirer. Anthémis le regarda, toujours sans rien dire, mais étonnée de la vivacité de son discours et de l'attachement qu'il avait à la défendre, elle, alors qu'il ne connaissait pas même son prénom.

Berbéris grogna à l'autre bout de la table.

- Tu vas finir par nous perdre, Edel.

Ce dernier ne voulut pas en entendre davantage, se leva et fit signe à Anthémis de le suivre. Elle obtempéra, préférant rester avec celui qui la défendait plutôt que ceux qui la traitaient comme si elle était réellement dangereuse. Encore un peu plus, et ils allaient croire que la créature qui l'avait touchée lui avait transmis des pouvoirs maléfiques dignes d'une véritable sorcière. Il était vrai qu'Anthémis avait elle-même peur de son œil à moitié ocre, mais elle se sentait aussi humaine et aussi dénuée de pouvoirs maléfiques qu'avant l'attaque d'Ibai.

*

Quand ils sortirent dehors, Anthémis inspira un grand coup, soulagée de pouvoir gonfler ses poumons de l'air pur que lui offrait cette matinée d'automne. L'île d'Hodei étant placée au beau milieu de l'océan Atlantique, ses côtes étaient très venteuses et lui permirent de respirer librement, après avoir passé, d'après Edel, deux nuits entières dans l'infirmerie isolée et renfermée, sans reprendre conscience.

Elle ouvrit les yeux, fit quelques pas jusqu'au haut d'une petite colline, et observa les alentours avec fascination. Elle n'avait pratiquement jamais quitté Ibai, à part pour aller à l'école, à Loreak, la ville voisine la plus proche de son village natal. Lunaria était une grande ville, du moins elle était grande pour une ville d'Hodei, et surtout une ville du fief Nord, connu pour sa pauvreté. Voir un espace si grand s'étaler au-delà de son champ de vision, une région peuplée uniquement de bâtiments, d'habitations, avec des centaines de cheminées desquelles se dégageait une fumée grisâtre à peine visible, une zone où fourmillaient de partout, dans chaque rue, dans chaque recoin, des personnes toutes différentes et toutes ayant une histoire, une vie distincte, cela, tout cela, Anthémis le voyait pour la première fois ; et elle en était émerveillée.

L'océan s'étendait à perte de vue à quelques mètres d'elle ; il ne lui aurait fallu qu'une vingtaine de pas pour atteindre les barrières, et observer de plus près les vagues déferlant contre les hautes falaises qui surplombaient l'île d'Hodei du niveau de l'eau. L'air maritime lui chatouillait les narines, et même si son village natal était lui aussi parfumé de cette agréable odeur, il en restait bien moins imprégné que Lunaria. Qu'elle aurait aimé prendre un de ces bateaux dont lui avaient parlé son père, naviguer sur les flots, plier bagage et s'évader au loin, vers cette ligne bleutée qu'on appelait l'horizon et qui en faisait rêver plus d'un ...

Mais ce rêve illusoire lui fut vite arraché de la tête lorsqu'elle aperçut un Varlet patrouiller le long d'une rue proche de la colline qu'elle culminait. Satanés Varlets. Ils devaient bien être plus de deux-mille en Hodei, soigneusement sélectionnés parmi une ribambelle d'habitants désespérés et ayant préféré prendre la voie de la facilité, qui leur accordait fortune et tranquillité, plutôt que de se rebeller contre ce gouvernement tyrannique. En bref, les Varlets étaient d'anciens villageois qui s'étaient laissé laver le cerveau à coup de propagande, et qui se focalisaient plus sur ce que leur offrait leur statut (richesse et autorité, essentiellement) qu'aux horribles choses qu'ils encourageaient au sein d'Hodei. Leur rôle était de surveiller les habitants, les sanctionner à coups d'amende pour les infractions les moins importantes, jusqu'à la convocation chez le Vassal responsable pour ce qu'on appelait les crimes, soit les délits les plus graves. Il y avait quatre Vassaux en Hodei en tout ; un Vassal pour chaque fief de l'île. Ils étaient responsables de la région qui leur était assignée, et avaient été choisis par la Famille Dirigeante parmi les plus anciens Varlets pour diriger avec assurance leur territoire.

Anthémis les détestait. Ils lui avaient pris son père.

Il ne lui restait que de simples bribes des évènements de ce soir-là à Ibai, mais elle se souvenait très clairement qu'Ambroisie avait été gravement blessée. Etait-elle morte ? Elle ne le savait plus. Etait-elle encore vivante ? Il n'y avait que peu de chance que ce soit le cas. Et cela, Anthémis n'arrivait pas à le supporter. Si ce dont elle se souvenait était vrai, il ne lui restait plus personne. Plus de mère, plus de père, plus de sœur. Elle avait tout perdu.

Elle entendit Edel la rejoindre en haut de la colline.

- Voici Lunaria. Voici ma ville. C'est plutôt joli, pour le fief Nord, tu ne trouves pas ? Le reste de la région ressemble plus à des ruines qu'à des villages.

Il se rendit compte que la jeune blessée pouvait se sentir offensée par cette remarque, au souvenir de son village natal détruit en bonne partie par les créatures d'ébène. De son côté, Anthémis n'en avait que faire. Elle commençait déjà à broyer du noir, et pourtant, au vu des derniers évènements, elle savait que ce n'était qu'un début, et que les choses risquaient de très vite dégénérer.

- Bon, tu viens ? Je vais te montrer les phares.

Anthémis suivit silencieusement le jeune garçon. Ils descendirent la colline, passèrent tout près du Varlet qu'elle avait déjà repéré mais qui ne leur prêta aucunement attention, et s'approchèrent de l'océan. Bientôt, ils arrivèrent devant une petite cabane de bois, dont la moisissure avait altéré sa couleur d'un verdâtre teinté de gris peu gracieux. Sa toiture, en revanche, constituée de panneaux de métal, avait été soigneusement peinte de rouge et de blanc, lui donnant un aspect légèrement plus plaisant. Edel la fit entrer par une étroite porte, la succéda et referma aussitôt derrière lui ; sûrement ne voulait-il pas que des indésirables puissent apercevoir ce qui se cachait derrière cette porte.

Anthémis observa l'intérieur de la pièce. Il n'y avait personne, et presque rien. Seuls une chaise, une table et un long tuyau tout droit dirigé vers l'océan grâce à une petite ouverture dans le mur étaient disposés dans la cabane. Elle se demanda en quoi ce qu'Edel voulait lui montrer avait un rapport avec des phares. Bien qu'elle n'en ai jamais vu de ses propres yeux, on lui avait parlé des phares, de grandes tours au sommet lumineux qui éclairaient les bateaux pour leur montrer le chemin à suivre. Il n'y en avait pas en Hodei. Il n'y avait rien en Hodei qui semblait être comme ce qu'il y avait là-bas, dans le monde au-delà de l'océan.

Face à son regard interrogatif, Edel expliqua, tout en manipulant avec précaution le long tuyau de métal doré :

- Ici, c'est une des quelques salles secrètes de Lunaria. Les Varlets pensent qu'on y range le matériel pour les champs d'à côté, mais en vérité on y a installé tout un système de longue-vue cachée de la vue de l'extérieur mais pouvant observer au loin l'horizon. Celle-ci n'est pas encore prête, mais dans les autres salles, ils ont réussi à intégrer une forte lumière qui éclaire quand on active le mécanisme, pour faire signe aux bateaux qu'on est ici. Il n'y a pratiquement aucun Varlet la nuit, alors on en profite.

Il soupira légèrement, dégagea sa main de la longue-vue, et s'adossa au mur.

- Mais on n'a jamais vu aucun bateau à l'horizon. Aucun. Comment est-ce possible ? Pourquoi personne ne vient nous chercher ? Pourquoi personne ne s'approche d'ici ?

Son regard était marqué d'une profonde peine. Anthémis le regardait, sans rien faire. Elle aussi aurait aimé qu'on vienne les chercher, mais elle avait vécu en Hodei toute sa vie, ses parents aussi, elle ne se souvenait plus de ses grands-parents, alors que savait-elle vraiment du monde au-delà de l'océan ? En vérité, ce dernier lui faisait peur en même temps qu'il la fascinait. Il était pour elle comme l'Univers ou les fonds des abysses : immense, rempli de mystères et inaccessible.

Elle s'avança vers la table, se baissa, attrapa la longue-vue et y jeta un coup d'œil. L'interminable ligne de l'horizon s'étendait et s'étendait encore, sans jamais s'arrêter, et le grand bleu que formaient les flots était parsemé de grandes et de petites vagues colorées d'écume, mais il n'y avait rien. Il n'y avait même pas d'oiseau dans le ciel. Les seuls animaux visibles depuis Hodei étaient ceux qui, justement, peuplaient l'île.

Ils étaient indéniablement seuls.

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