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- Bordel, je déteste finir après 20 heures.

- Pourquoi cela, Détective ?

- Parce qu'à c't'heure-là, tous les cons sont complètement éclatés à l'alcool et à la drogue. Et qui c'est qui doit aller les repêcher ? Nous ! Donc ça te fait terminer ENCORE plus tard et résultat, t'as dormi que trois heures !

Nines regarda son partenaire en silence, ce dernier soufflant bruyamment en terrant ses mains dans les poches de sa veste. Le soir était tombé depuis bien longtemps, mais le soleil commençait à peine à se coucher. L'androïde observa la moue agacée du Détective, tandis que l'ombre orangée dansait élégamment sur ses traits masculins.

- Vous vous plaignez souvent, Détective.

Gavin tourna prestement la tête vers le géant brun à ses côtés, la mine surprise mais les sourcils froncés.

- Huh ?! Non mais- ! Je vois pas en quoi t'as le droit de protester ! T'es mon partenaire, alors c'est à toi de supporter mes- Hé ! JE NE ME PLAINS PAS !

Presque immédiatement, Nines sentit un sourire s'étirer sur le bout de ses lèvres, ce qui fit pousser un grognement de frustration à Gavin. Avec le temps, ils avaient appris à se supporter l'un et l'autre. Seulement, l'androïde notait qu'en ce moment, le détective semblait constamment sur les nerfs, lorsqu'il était dans les parages.. Et sa réaction ce soir le faisait se poser encore plus de questions.

Il regarda l'humain s'énerver seul, ou plutôt, grommeler dans sa barbe des messes basses incompréhensibles, qu'il pensait tout de même pouvoir traduire par "Stupides androïdes", ou une autre insulte à l'égard de son espèce dans le genre.

Il s'en sentit.. amusé. Mais la pensée qui le troubla le plus fut cette subite envie de lui prendre la main, afin de découvrir la sensation que cela lui procurerait, et la réaction que cela créerait chez Gavin.

Il en sentit la stabilité de son logiciel troublée. Et, étonnement, c'était quelque chose de vraiment récurrent, en ce moment.. Il commençait à appréhender une erreur dans son système.

Alors qu'ils marchaient tranquillement, chacun se perdant dans leurs pensées causées par le silence de la rue, et la présence rassurante de l'autre, une silhouette se positionnant devant eux les firent s'arrêter presque instantanément.

Nines posa ses yeux de glace sur l'homme qui se tenait face à eux. Il avait les poings serrés, l'air malade, les traits tirés mais surtout, surtout, une colère affreuse dévorant son regard fiévreux. Son rythme cardiaque était irrégulier, beaucoup trop rapide, tout comme sa respiration qui faisait danser sa poitrine de manière saccadée.

L'instinct de l'androïde en fut réveillé, si bien qu'il devança d'un pas Gavin, comme pour, inconsciemment, le protéger de cette personne qu'il voyait comme une menace à éliminer.

- Un problème monsieur ? demanda le géant en le fixant, le visage stoïque.

Les soupçons du robot-policier furent en une fraction de seconde tous justifiés, lorsque l'inconnu sortit de son son haut, un revolver qu'il pointa directement sur le Détective Reed. Son bras ne tremblait pas, et il semblait tout à fait conscient. Sa volonté de blesser, voire pire, de tuer un homme, était tout à fait voulue. Et cela se voyait dans le feu qui consumait ses prunelles devenus si sombres, noires des cendres de la colère.

- J'vais vous buter, tout les deux, pour avoir emprisonner mon frère ! Bande de bâtards ! hurla le dangereux en semblant retenir des larmes de frustration.

Nines sentit son système réagir au quart de tour. Alors qu'il commençait déjà à analyser la situation, le terrain autour de lui et les possibilités de neutraliser le jeune garçon, il sentit la main de Gavin attraper violemment son poignet.

- Tu bouges, et je te jure de te tuer après qu'on ait réglé ça. murmura le détective.

L'androïde obéit bien sagement, et resta dans cette position, non sans avoir quelques inquiétudes. Inquiétudes qui se transformèrent en angoisse lorsqu'il vit son partenaire approcher, d'un pas lent, celui désorienté, puis en panique en prenant conscience que l'inconnu n'était pas désorienté.

Le Détective Reed allait y laisser sa vie, s'il avançait encore. Le garçon ne l'écoutait pas, il était simplement rivé sur son objectif qu'était de faire payer à la police l'arrestation de son frère qu'il voyait comme une erreur.

Non..

Non...

Non !

NE PAS BOUGER.

Il n'était pas d'accord.

NE PAS BOUGER.

Il ne pouvait pas le laisser faire.

NE PAS BOUGER.

Il ne voulait pas le voir mourir.

NE PAS BOUGER.

Pas lui..

Nines sentit quelque chose en lui s'agiter. D'abord faiblement, puis, tel un lion en cage, se cogner contre les parois de son corps. Ou, de son système. Sans qu'il ne comprenne quoique ce soit, le monde vira au rouge, alors qu'il s'arrêta de tourner. Gavin était à quelque pas de l'homme et du canon de son arme, et l'androïde ne put se résumer à le laisser se jeter aussi facilement dans la gueule du loup.

NE PAS BOUGER.

Un premier coup.

NE PAS BOUGER.

Un deuxième coup, plus fort.

NE PAS BOUGER.

Un troisième coup, violent, qui fit vibrer la barrière, la limite de son système.

NE P4S B0UG3R.

Il y mit sa colère.

NE PAS BO000002220000UGER.

Sa frustration.

N3 PA4444444444444444444SSSS BOUGER.

Ses inquiétudes, ses angoisses, sa panique, sa détermination.

NE PAAAAA44S BO00UG33E33R.

Sa liberté.

Et la barrière se brisa comme une vulgaire statue de cristal. Les bouts de verres rouges virevoltèrent tout autour de lui, tandis que ses conduits auditifs n'échappaient pas au bruit de sa limite qui criait sa douleur de s'être fait anéantir, de le laisser libre.

Il reprit conscience du monde,

de la Terre,

de Gavin.

Et, sans même attendre une seconde de plus, se jeta sur l'homme armé, faisant partir la balle, destinée à se loger dans la tête du Détective Reed, se perdre dans les airs en ne manquant pas de lui couper un bout de la pommette, et de l'oreille. Il ne sentit pas le thirium couler, mais l'oreille touché devint sourde en ne laissant qu'à son audition une douloureuse mélodie de grésillements à en faire grincer des dents.

A partir de ce moment-ci, tout s'enchaîna vite. Si vite que Nines était surpris d'en avoir encore le souvenir, tant il avait l'impression de n'avoir été que spectateur durant ces secondes qui changèrent pourtant plusieurs vies.

Il désarma l'inconnu si rapidement, que même ce dernier ne comprit pas que la situation se retournait contre lui. Il entendait Gavin lui crier dessus, le réprimander, lui demander sûrement de ne plus bouger.

Mais l'androïde n'écoutait plus.

Il était au-dessus de l'agresseur, ses genoux au sol encerclant sa taille et l'arme pointée sur le front de ce dernier, l'empêchant de bouger, de s'enfuir.

Le policier voyait rouge. Sûrement à cause de sa LED de même couleur, ou de la colère qui consumait désormais son regard de glace. Il se retrouvait à la place qu'occupait le garçon un peu plus tôt : Celui d'un agresseur déterminé à éliminer son ennemi.

C'était sûrement pour cela que, de son oreille indemne, il entendit l'arme de Gavin se charger, en même temps que celui-ci lui ordonnait de poser son revolver. Mais avant que l'information passe au travers des filets de sa haine, il entendit plusieurs autres armes se braquer sur lui.

Et, soudainement, il comprit. Il était vu comme l'agresseur. Et la position du Détective, qui n'avait pas eu d'autre choix que de le menacer pour lui faire retrouver la raison, portait fortement à confusion.

- Pose ton arme ! hurla l'un des officiers.

Il s'exécuta, la faisant glisser vers eux pour lui montrer qu'il se soumettait complètement à leurs ordres. Puis, tandis qu'il se releva, doucement, libérant celui qui n'était pas une victime de son emprise, il vit du coin de l'œil Gavin baisser son arme.

- Les mains en l'air ! fit l'autre, l'androïde obéissant.

- Calmez-vous, vous vous tromp-

Mais le Détective n'eut pas le temps de terminer sa phrase, que les officiers tirèrent.

Et Nines eut à peine le temps de sentir une balle se loger dans son œil, et l'autre dans sa pompe à thirium, qu'il sentit le poids de son corps être subitement attiré par le sol, le faisant tomber à genoux. La voix de Gavin criant son nom était à peine perceptible, alors que la sensation de son visage s'écrasant lamentablement sur le goudron était lointaine.

Si.. lointaine..

.. Gavin..

- Hé, Nines, regarde un peu par là !

L'androïde s'exécuta, relevant son regard vers son partenaire qui tenait entre ses mains un étrange appareil.. Il resta immobile, silencieux, attendant un ordre tandis qu'un bruit provenant de l'objet du détective parvint à ses oreilles. Et ce ne fut qu'après ça qu'il remarqua le doigt grossièrement levé dans sa direction, de l'humain.

Celui au yeux gris ricana en tournant l'objectif de cette chose étrange vers lui, récupérant une image d'abord toute noire entre ses doigts, fier.

- Qu'est-ce que c'est, Détective ? demanda Nines sans le quitter des yeux.

- Un truc pour faire parler les cons. il tourna la tête vers lui, agitant l'image encadré de blanc entre ses doigts. Et ça marche.

L'expression lassé de brun au yeux glacés fit rire bêtement Gavin, qui semblait véritablement tout heureux de son nouveau joujou.

- Nan, plus sérieusement, c'est un polaroid. Un appareil photo.

- Oh.

Après quelques secondes, l'humain tendit la photo à son partenaire qui la saisit délicatement. Sur cette dernière, Nines s'y voyait, en train de regarder patiemment Gavin qui, lui, lui faisait un doigt d'honneur.

En relevant son regard vers le détective dans le but de lui demander à quoi cela pouvait bien l'avancer de prendre des photos comme celles-ci, resta finalement muet en voyant le gros sourire enfantin de son partenaire. Il y avait dans ses yeux cet air inévitablement vicieux, mais aussi une très grande fierté. Il devait être heureux de lui apprendre quelque chose. Et ses mots confirmèrent ses doutes :

- Tu le savais pas, ça, hein, Monsieur-Je-Sais-Tout ?

- Non, en effet.

- Ha-ha ! Je le savais !

Son corps tout entier criait "Victoire !".

Nines observa le polaroid dans les mains de Gavin, ce dernier le remarquant bien vite, en finissant par le lui tendre.

- J't'autorise à t'en servir, si tu fais pas de conneries avec. C'est tellement cher ces merdes, aujourd'hui.

L'androïde prit l'appareil photo délicatement, après les dires du policier, puis le regarda sous toutes ses coutures, ce qui arracha un rire moqueur de la part de l'humain qui devait se délecter de le voir aussi bête, avec ce simple objet dans les mains. Mais il n'y fit pas vraiment attention, se demandant déjà quelles genres de photo de Gavin il allait bien pouvoir prendre..

Attendez..

Pourquoi Gavin ?

Clic !

Gavin se retourna subitement, regardant Nines avec des yeux ronds comme des billes. Il s'était redressé, précédemment appuyé contre une des tables de la cafétéria.

- Tu m'as pris en photo ?!

- .. Oui. répondit l'androïde en secouant l'image qu'il récupéra de l'appareil.

- Donne-moi ça !

En le voyant s'approcher dans le but de lui voler son bien, Nines tendit le bras tenant la photo bien haut, la mettant hors-de-porté de Gavin qui râla, pesta, et jura contre le monde entier.

- Putain d'androïde ! fit-il en frappant son buste.

Et Nines sourit.

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L'erreur de la mémoire interne a été réparée avec succès. CyberLife vous remercie d'avoir patienté !

La mémoire a bien été restaurée.