- J'aurais simplement besoin de savoir si vous connaissez un certain Gavin Reed.

Kara resta silencieuse, puis secoua négativement sa tête. En voyant les yeux de Nines qui dévièrent d'eux-même vers la table basse, elle comprit à quel point il devait être exténué. Comment l'aider ? Ce nom ne lui disait rien, et elle avait arrêté d'analyser le visage de chaque personne qu'elle croisait..

- A quoi ressemble-t-il ? lui demanda-t-elle en attirant de nouveau son regard.

- Il est brun, des yeux gris. Il porte une cicatrice sur l'arrête du nez et a cet air méchant.

Suite à ses mots, un silence embêtant s'installa. Ni Luther, ni Kara ne se rappelait d'avoir croisé quelqu'un répondant à ses critères. Peut-être était-ce le nouveau voisin ? Ils n'avaient pu apercevoir que le camion.

- Je sais qui c'est.. fit la petite voix timide d'Alice.

Les yeux des adultes se rivèrent sur elle, qui les regarda tour à tour très rapidement. Elle s'arrêta finalement sur Nines, dont les yeux semblaient s'être raviver d'une lueur d'espoir. Elle espérait ne pas se tromper, elle ne voulait pas le rendre triste..

- Je l'ai vu, en jouant dehors. Il est venu jouer avec nous au ballon, mais je ne sais pas dans quel immeuble est-ce qu'il habite.

Le brun géant hocha la tête, préférant la croire sur paroles. Il ne pouvait de toute façon pas vérifier par lui-même, il n'allait pas faire peur à la petite en se baladant librement dans sa mémoire.

- Merci, Alice. dit-il avec un sourire vraiment léger.

Elle le lui rendit, un peu plus grand, puis posa sa tête contre le bras de Luther. Kara se leva du canapé, venant voir Nines en semblant à son tour soulagée. Maintenant que la nuit était tombée, les longues heures allaient commencer. Il se demandait bien comment est-ce que la famille arrivait à s'occuper au quotidien. Alice ne pouvait pas aller à l'école toute sa vie, et ne pouvait travailler non plus. Il fallait bien que quelqu'un s'occupe d'elle.

- Vous pensez pouvoir vous occuper, cette nuit ?

- Ne vous préoccupez pas de moi, je vais trouver quelque chose.

La jeune androïde hocha la tête, puis disparut dans le couloir menant aux autres pièces de l'appartement. Nines reposa ses yeux sur le père et sa fille, restant là un instant à les observer en pensant étrangement à Hank et Connor. Ils étaient un peu comme ça, non ? Hank considérait Connor comme son fils, et Connor considérait Hank comme son père. Le Lieutenant avait perdu une famille, mais en avait retrouvé une autre en rencontrant le RK800. Et ce dernier, androïde perfectionné tout comme lui, avait quelqu'un pour le guider dans sa nouvelle vie.

Est-ce que Gavin le guidera, lui aussi.. ?

La nuit fut moins longue qu'il ne le pensait. Alice l'avait invité à regarder les dessins-animés avec elle pendant les premières heures, puis ils avaient finalement jouer à résoudre des puzzles et des rubik's cubes dit impossibles. La petite-fille était bien plus mature que ce qu'elle en avait l'air. Elle lui avait demandé de lui raconter son histoire, d'où il venait. Il lui avait alors expliqué sa situation, puis elle avait sourit en lui souhaitant le meilleur pour la suite.

Ça lui avait fait du bien, de parler si ouvertement avec quelqu'un. Sa tête avait pu se vider, et il avait bénéficié d'une oreille attentive et d'un avis extérieur. Bien sûr, cela restait enfantin, lorsqu'elle lui avait dit "Vas-y tête baissée", mais cela restait un bon conseil.

Accoudé à la barrière du balcon, il observait silencieusement la ville se réveiller. Le ciel se teintait doucement de bleu, le vent balayait les nuages sans pitié, et le soleil commençait à montrer le bout de son nez. Il devait être aux alentours de huit heures, car beaucoup de personnes sortaient des immeubles. Certains étaient emmitouflés dans des manteaux, et d'autres étaient habillés de tenues d'été à en faire rougir de colère les basses températures qui n'avaient aucun effet sur eux.

Alice avait raison, il devait arrêter de trop se poser de questions. Il réfléchissait sans cesse aux différentes émotions, aux différentes sensations qu'il pouvait ressentir, alors que la solution pour combattre son appréhension sur sa future-vie en tant qu'être libre était de simplement vivre. Il devait laisser le monde l'emporter, ouvrir les yeux, écouter ce qui l'entourait.

Alors, en revoyant Gavin, il devait simplement faire la première chose qui lui passera par la tête.

Il baissa son regard sur ses mains légèrement pendantes dans le vide, tandis que son système auditif se concentra sur le bruit que fit l'une des portes-fenêtres en s'ouvrant un peu plus loin. Il n'y prêta pas plus attention que cela, ni même lorsqu'un chat se mit à miauler fortement une fois, puis deux, puis trois, avant qu'il n'entende une voix pester.

- Mais qu'est-ce que t'as, saleté ? Tu vas finir obèse si tu continues de réclamer à manger. fit cette voix qui sonnait.. familière ?

Après une petite hésitation, Nines osa jeter un regard sur sa droite, et ses prunelles si différentes l'une de l'autre accrocha une silhouette masculine. Trois balcons les séparait. Soit deux de cet immeuble-ci, puis un de celui adjacent.

Son attention remonta du chat blanc qui chantait la sérénade à l'inconnu, jusqu'au visage de ce dernier qui lui fit l'effet d'un court-circuit dans son système maltraité depuis son réveil. Un air naturellement méchant provoqué par ses sourcils froncés, des yeux gris embrumés, des cheveux bruns rejeté en arrière, et surtout, surtout, cette cicatrice unique sur l'arrête de son nez.

Analyse en cours...

Gavin Reed

Nines se rejeta précipitamment en arrière, passant de nouveau la porte-fenêtre en flèche sous les yeux ébahis d'Alice et Kara qui ne surent quoi dire. En voyant leur air troublé, il s'arrêta un instant, le temps de tracer son chemin dans son esprit.

- Je l'ai retrouvé.

Il termina sa phrase au moment où il ouvrit la porte, la refermant derrière lui pour se précipiter sur la porte du hall, et descendre les escaliers deux par deux. Vite, vite, vite, avant que Gavin ne disparaisse sans qu'il ait pu lui parler.

En ouvrant la porte afin d'entrer dans le hall principal, il tomba nez à nez avec une femme qui sursauta en le voyant débarquer tel une furie. Elle le fixa de ses yeux ronds, avant de se pousser pour le laisser passer, et le suivre des yeux lorsqu'il sortit de l'immeuble pour de bon.

Il se précipita vers le bâtiment F, réfléchissant déjà à un moyen d'entrer. Il songea aux interphones, mais un androïde sortit au même moment. En voyant cet autre androïde aux yeux vairons se précipiter vers lui, ou plutôt, vers la porte, l'inconnu se plaqua un peu plus contre cette dernière pour laisser passer ce furibond qui ne s'arrêta pas un seul instant, à part pour ouvrir la porte menant aux escaliers.

Quatrième étage, deuxième porte. Gavin était dans cet appartement-là. Il était tout proche, il avait réussi.. Il avait réussi !

Sa course dans les escaliers ne ralentit pas, et il ne croisa personne pour le ralentir, cette fois-ci. Poussant la porte du hall du quatrième étage avec force, il se força à freiner son corps en se postant devant la deuxième porte d'appartement. Sur la sonnette, il y lut rapidement le nom "Reed". C'était là, il était là, il l'avait retrouvé..

Approchant sa main, pas le moins du monde essoufflé, dans le but de toquer, sa main buta contre le bois une première fois, avant que la porte ne s'ouvre doucement sous la surprise de l'androïde. Elle avait été mal fermée ?

Ne s'attardant pas, il la poussa un peu plus, puis entra en refermant doucement derrière lui. Il sentait son cœur artificiel faire n'importe quoi dans sa poitrine, et ses codes s'emmêlaient bêtement dans sa tête. Il ne savait plus quoi penser, il se contentait de laisser son corps agir. Ses jambes marchèrent d'elles-même jusqu'au balcon, et ses yeux refusaient d'observer la décoration intérieure comme ils aimaient d'habitude le faire.

Il n'y avait que Gavin.

L'androïde s'arrêta au seuil de la porte-fenêtre un instant, avant de finalement l'enjamber en se retrouvant rapidement aux côtés de l'ancien Détective, qui tourna la tête dans sa direction sûrement alerté de voir quelqu'un chez lui, pour finalement croiser son regard.

Et la surprise de l'humain se fit immédiate. Ses yeux s'ouvrirent en grand, ses pupilles s'écarquillèrent, et le choc parut si soudain qu'il en lâcha sa cigarette, qui s'en alla lamentablement s'écraser au sol quatre étages plus bas. Il y eut trente secondes de silence, puis une minute, avant que la poitrine de Gavin ne se gonfle exagérément d'air, comme s'il s'était interdit de respirer depuis tout ce temps.

- Putain de merde.