e l e v e n
Ce furent les seuls mots qui lui échappèrent. Gavin ne semblait juste pas y croire. Il avait eu un mouvement de recul, se détachant de la barrière de son balcon, tandis que son chat venait se frotter aux jambes de Nines sans saisir l'intensité de la situation.
L'androïde fixait l'expression complètement perdue de son ancien partenaire, sans rien ajouter de plus. Il ne pouvait pas en vouloir à l'humain de peiner à croire son retour inattendu. Oui, il était censé être mort, avoir disparu pour toujours, et pourtant.. Pourtant il était là, bien vivant.
Avec hésitation, il s'approcha du brun qui ne bougea pas, sûrement beaucoup trop secoué, puis l'attrapa dans ses bras avec comme cette peur de le voir s'envoler et disparaître à nouveau dans la nature. Il voulait le garder contre lui, et s'assurer qu'il l'avait bel et bien retrouvé, qu'il n'allait pas se réveiller d'une minute à l'autre de nouveau au beau milieu de cette décharge. Seul.
Gavin resta immobile encore un instant, puis, comme sorti d'un profond sommeil, il serra ses poings et les frappa avec violence à l'unisson contre le buste de l'androïde sans chercher à se retirer de son étreinte pour autant. Son front reposant contre son torse, il tourna légèrement la tête en laissant ses yeux gris se perdre sur le bras droit de celui qu'il pensait disparu à tout jamais.
- T'es censé être mort ! Putain, je t'ai vu ! Je t'ai vu crever ! laissa-t-il exploser.
- Je sais.
- Je les ai vu te tirer dessus, j'ai.. Comment ? Comment ?! s'énerva-t-il en serrant si fortement ses poings posés contre Nines que ses jointures en devinrent blanches.
- Mon programme a redémarré cinq mois après.
L'humain ne dit plus rien, ses sourcils finissant par s'abaisser légèrement de tristesse. Il ne pleurerait pas, non, mais il était tellement épuisé.. Ces nuits à s'énerver contre le monde, à ne pas réussir à s'endormir, à revoir son visage encore et encore comme s'il s'était retrouvé gravé sous ses paupières.
Il pensait avoir réussi à se faire à l'idée qu'il ne reviendrait plus, qu'il était tout bonnement parti, mais il avait tout faux. Il n'avait jamais commencé à accepter la mort de Nines, car c'était trop injuste. Et maintenant, il le serrait dans ses bras. Plus rien n'avait de sens, plus rien n'était putain de logique.
Il était autant en colère que soulagé. En colère car il l'avait abandonné, mais soulagé car il était là, dorénavant. Il en espérait que, si c'était un rêve, il ne s'en réveillerait jamais, car ce serait juste bien trop douloureux de continuer après ça.
Mais il entendait son cœur, bien qu'artificiel, battre dans sa poitrine. Il sentait bel et bien sa présence, son corps pressé contre le sien. Ce qu'il avait souhaité tout bas depuis cinq mois s'était réalisé. Nines était revenu, on le lui avait rendu.
- T'étais où ? demanda finalement Gavin, se calmant peu à peu.
- J'ai été mis en pièce et jeté à la déchetterie. Je me suis réveillé là-bas, mais je n'ai plus de souvenirs. A part, toi.
Il sentit la poitrine de l'humain contre lui se surélever, pour s'abaisser longuement dans un soupir qui se voulait à bout de force. Il aurait voulu continuer à s'énerver, à lui crier dessus à s'en faire éclater les poumons, mais il n'y arrivait pas. Il était, juste, fatigué de tout ça.
- Te retrouver a été compliqué. avoua l'androïde en observant le chat regarder au loin à travers les barreaux.
- J'allais pas te faciliter la tâche, tu m'as abandonné.
- Je suis désolé.
- Putain de toaster.. grogna l'humain en tapant plus gentiment le buste du RK900 de son poing droit.
Gavin fit un pas en arrière, se détachant de l'étreinte de Nines qui semblait s'en être retrouvé déboussolé. Il fuit un instant son regard, avant d'accrocher ses yeux devenus vairons. L'un glacial, et l'autre si sombre. Son esprit divagua de lui-même sur cette nuit catastrophique, où il l'avait vu tombé inerte sous la balle d'un policier incompétent. Il serra ses dents, ayant envie de crier milles choses.
- T'as été voir ma sœur ?
- Oui. Elle m'a donné ton carnet.
- Et merde.. râla-t-il en murmurant presque, son regard déviant sur le côté.
- Gavin..
Il replanta ses yeux gris dans les siens, ne répondant rien. Il avait toujours trouvé cela étrange, lorsqu'il l'entendait prononcer son prénom. Il avait finit par s'habituer au "Détective Reed" qui était presque devenu un surnom.
Le scrutant en silence, Nines hésitait. Que devait-il dire, que devait-il faire ? Il était là, devant lui, et il ressentait de nouveau la peur parler à sa place.
Non.
Arrêter de réfléchir, c'est ça, ce qu'il devait faire. Qu'est-ce qu'il voulait, là, maintenant, en regardant cet homme pour qui il s'était lui-même mit contre la loi le temps de quelques jours ?
Il fit un nouveau pas dans sa direction, faisant se froncer naturellement les sourcils de l'ancien détective qui ne bougea pas pour autant, affrontant ses yeux devenus si intenses. Nines leva son bras, reprenant peu à peu contrôle sur ses gestes qui étaient devenus hésitants, peu sûr d'eux. La peau de sa main s'effaça à petit feu, pour laisser place au blanc de sa peau d'origine, avant qu'elle ne se pose sur la joue du brun face à lui.
Il le regarda encore une petite seconde, avant de finalement se pencher vers lui pour sceller ses lèvres contre les siennes, comme s'il avait soudainement peur que quelqu'un entre pour les séparer de nouveau.
En cet instant précis, Nines oubliait un peu tout. Il oubliait que le monde tournait, que la Terre entière était peuplée, qu'il était considéré encore par certains comme une machine, et non comme quelqu'un. Une véritable personne. Il oubliait tout ça, il oubliait les gens, ses tourments, ses réflexions, sa peur de vivre. Il ne se souvenait que de Gavin, comme lorsqu'il avait ouvert les yeux directement sur un plafond d'étoile.
Il était maintenant sûr et certain qu'il avait toujours été question de Gavin. Ce creux qui séjournait dans sa poitrine se retrouvait dès à présent comblé, par sa simple présence à ses côtés. C'était étrange, troublant, sans aucun sens pour une intelligence artificielle comme lui. Sauf que, maintenant, il voulait vivre comme un humain. Et lorsque nous sommes humains, il y a parfois certaines situations dans lesquelles réfléchir est simplement inutile.
Les sentiments parlent, le cœur explose, la raison se tait. L'amour n'a rien de vraiment terre à terre. L'amour ne prend pas en compte l'enveloppe charnel ou autre corps, c'est quelque chose de plus fort, de plus intense. Ce sont les âmes qui se rencontrent, qui se cherchent et se mêlent. Les plaisirs charnels sont simplement un moyen, minime, pour rapprocher ne serait-ce qu'un peu plus les âmes gardées au fond du cœur.
L'amour n'est pas physique.
Et Nines l'a enfin comprit. Il n'est pas humain, il est vivant. Il a une âme. Une âme qui aime celle de Gavin, et Gavin tout entier. Et il sait. Il est même certain, qu'il ne l'oubliera jamais. Peu importe le nombre de fois qu'on tentera de le désactiver, de le détruire, de l'enterrer, il y aura toujours quelque chose, au fond de lui, de bien vivant, qui se battra chaque jour pour remonter à la surface et retrouver le Détective. Pourquoi ? Car il est tout simplement gravé. Il est gravé dans cette âme que l'androïde a toujours chéri pour cette liberté qu'elle lui offrait.
Mais la liberté, c'est effrayant. C'est vaste, inconnu, dangereux, semée d'embûche. Il nous faut toujours quelqu'un pour nous guider, dans cet espace bien trop grand pour une seule personne.
Mais Nines a confiance en Gavin. Il est certain que, question liberté, il est tombé sur le meilleur des professeurs.
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