Le Langage des Fleurs (MinSung)
Style : Romance, UA Hybrides, Omégaverse A/B/O
Pairing : Minsung
14 553 mots
Pour : Puppy0461 qui a gagné le tirage au sort du mois de juin !
Résumé :
Fleuriste dans une petite ville en plein essor, Jisung est un Oméga heureux et plein de joie de vivre. Seul ombre au tableau : son odeur qui le fait complexer mortellement. Pourquoi sent-il une odeur qu'il déteste au plus haut point ?
Lorsque l'ancien livreur de journaux part à la retraite, il découvre un Alpha attentionné avec une odeur intrigante. Jisung va alors instaurer un petit rituel pour l'approcher et surtout en apprendre plus sur cet inconnu...
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Lorsque la clochette d'entrée de la boutique retentit, Jisung attrapa de justesse le sécateur qu'il avait dans les mains avant de le faire tomber. Le jeune hybride poussa un soupir de soulagement en voyant qu'il avait évité une nouvelle blessure sur ses mains : il déposa l'outil coupant sur son plan de travail sans encombre. Devant lui, une jolie composition de tournesols, aux cœurs bruns et aux pétales jaunes soleil, dégageait une odeur d'été et de vacances. Son petit nez pointu inspira son parfum et un air satisfait s'étendit sur son visage. Dans ses yeux noirs baignait une certaine fierté : celle de pouvoir composer et savourer les bouquets de fleurs comme personne d'autre n'était capable.
Peut être était-ce là un avantage de sa nature d'hybride ? A moitié écureuil, le garçon avait un odorat prononcé pour les fleurs et la nature en général. Il laissait souvent son museau traîner dans les cartons de fleurs qu'ils recevaient à la boutique, s'imprégnant avec puissance de chacune d'entre elles. Malgré ses griffes noires qu'il avaient au bout des mains, il prenait un grand plaisir à tresser certaines fleurs pour s'en faire des couronnes et ainsi laisser le pollen envahir son pelage roux à longueur de journée, jusqu'à ce qu'ils ne ferment le commerce. Ce jour là d'ailleurs, des brins de lavande étaient entremêlés à ses cheveux et ses oreilles pointues, pour agrémenter son odeur qu'il jugeait fade et sans intérêt.
« Il y a quelqu'un ? » appela une voix de femme d'un certain âge dans le magasin.
Jisung sortit de sa rêverie et abandonna son sécateur pour essuyer les mains dans le tablier vert qu'il portait. Il était seul ce matin à la boutique, aussi il s'habilla de son plus beau sourire avant de faire volte-face, en prenant garde de ne rien renverser à cause de la queue d'écureuil qu'il traînait derrière lui, avant de sortir de la remise.
Son petit commerce de fleuriste avait l'angle d'une rue au sein d'une ville en plein essor. Bien loin des grosses villes à travers le pays, chez lui les rues étaient encore faites de pavés inégaux et de trottoirs larges pour les piétons. Les carreaux de sa vitrine étaient si nombreux qu'il était facile de voir ce qu'il proposait de l'extérieur : des gerbes de fleurs plus colorées les unes que les autres, aux senteurs délicates et entêtantes. Sur les présentoirs en bois, les baquets d'eau laissaient les fleurs s'abreuver autant qu'elles le désiraient tout en penchant du côté de la rue pour savourer le soleil de ce début de printemps.
A l'entrée de la boutique se trouvait une hybride mésange. Habillée d'une jolie robe à encolure cœur et au motif de plumes, elle lissait nerveusement les plumes du bout de ses mains en observant Jisung entrer dans la boutique. L'hybride était timide, mais il esquissa un sourire en apercevant cette cliente.
« Bonjour Madame, je peux vous aider ? » demanda t-il poliment.
« Oui, je me suis disputée avec son fils hier et je regrette sincèrement ce que j'ai dis. Auriez-vous une idée de quelles fleurs je pourrais lui offrir ? »
La femme semblait réellement peinée de parler d'une chose pareille, mais paradoxalement,
l'hybride sentit son cœur se gonfler de joie. La seconde chose qu'il aimait dans la vie, après les fleurs, était le langage de celles-ci. Il aimait plus que tout composer des bouquets vivants, entourer avec amour chaque tige pour permettre à ceux qui les achetait de transmettre le message caché dont ils avaient besoin. Jisung hocha alors la tête d'un air entendu.
« Je vous aurais volontiers proposé des perces-neiges pour transmettre vos excuses, mais la saison vient de se finir malheureusement. » commença t-il en se réfrénant pour trop en dire. Son collègue n'avait de cesse de lui rappeler qu'il s'emballait toujours trop lorsqu'il parlait de ses fleurs adorées. « Néanmoins, un bouquet de tulipes blanches sera parfait pour l'occasion ! »
Apparemment soulagée, la cliente fit confiance à Jisung et ce dernier fila donc le long des étales pour attraper une dizaine des fleurs qui l'intéressait. Il les secoua délicatement pour en enlever l'excès d'eau avant d'aller derrière le comptoir de la boutique pour déposer les tulipes sur son poste de travail en bois massif.
« Si vous les offrez ce soir, je ne peux que vous conseiller de couper les pointes pour faciliter leur accès à l'eau. » reprit Jisung en attrapant des branches de millepertuis blanc pour habiller son bouquet. Pendant qu'il composait, il continuait de parler : « Votre fils pourra les garder une dizaine de jours à condition de ne pas les exposer à la chaleur et à ne pas les mettre au soleil. »
Ses mains expertes allaient et venaient sur les tiges, enlevant débris et feuilles fanées pour composer un bouquet de tulipes blanches ravissant. Il emballa le tout dans un papier journal de la veille avant de demander à la cliente de régler. L'hybride mésange fut ravie en prenant le bouquet dans ses mains, aussi retrouva t-elle le sourire tout en observant Jisung.
« Merci, vous êtes un fleuriste passionné, et vous sentez très bon ! Bonne journée ! »
Toujours aussi poliment, l'hybride écureuil la remercia avant que celle-ci ne s'éclipse. Pourtant, lorsque la clochette retentit de nouveau pour laisser Jisung seul, il se sentit submergé par la mélancolie et son sourire s'effaça.
Son odeur était un réel souci à ses yeux. Tous les Omégas qu'il connaissait étaient de véritables plaisirs à sentir. Des parfums frais, délicats, floraux voir parfois épicés, qu'il enviait. Malgré l'assurance de ses amis, même des plus proches qui lui disaient que son odeur était agréable, Jisung avait conscience que ce n'était pas le cas.
Il sentait l'encre chaude et le papier bon marché, une odeur d'imprimerie qui lui donnait presque l'urticaire. Ne supportant pas son odeur depuis qu'il avait apprit qu'il était Oméga, il s'était alors perdu dans la passion des fleurs. Il s'y était vautré jusqu'à s'en rendre malade. Sa famille n'avait pas les moyens de lui offrir du parfum pour diminuer sa peine, aussi avait il simplement décidé d'embrasser la carrière de fleuriste pour rester au plus proche de ses précieuses fleurs. Des années auparavant, il avait ouvert cette boutique avec son ami Félix, un magnifique Oméga au parfum de miel dont il jalousait ouvertement l'odeur.
Ainsi que la relation qu'il entretenait avec son compagnon.
Félix était uni à Changbin, un Bêta hybride ours, bien plus effrayant d'apparence que dans la réalité. Il pouvait sembler pataud et parfois bourru, mais à chaque fois que Jisung l'avait vu il ne pouvait pas s'empêcher de le trouver incroyablement attentionné avec son Oméga. Rien qu'en y songeant, le jeune hybride fit une moue boudeuse dans son magasin. Bien entendu que son ami méritait plus que tout d'être heureux et bien portant, il le souhaitait de tout son cœur. Mais lui, avec son odeur poussiéreuse et rance, que pouvait il espérer ?
Jisung savait que c'était ce qui repoussait beaucoup de ses prétendants. Au début intéressés, les différentes personnes qui l'avaient invité à faire une promenade avec lui ou à déjeuner en sa compagnie finissaient par se rendre compte de la supercherie. Ce n'était pas l'Oméga qui sentait délicieusement bon le lilas et le parfum délicat des freesias. Ses couronnes de fleurs faisaient office de cache misère et il ne pouvait pas ignorer les nez retroussés après chaque rendez-vous manqué ou baiser interrompu par la gêne de l'autre. Alors qu'il se sentait en proie à la mélancolie et que son cœur se comprimait dans sa poitrine, il décida de retourner dans l'arrière boutique pour finir sa composition de tournesols. Il ne voulait pas trop y penser. Ça ne servait à rien.
Prenant son courage à deux mains, l'hybride prit fermement un baquet vide dans ses bras pour le remplir d'eau dans la cour arrière du magasin. Il prit le temps ensuite d'y déposer délicatement son bouquet avant de déambuler maladroitement dans la boutique pour le placer vers l'entrée afin qu'il occupe une place de choix.
Arrivé à mi-chemin, il fut surpris d'entendre de nouveau la clochette de la boutique retentir. Tordant le cou pour voir qui était le nouveau venu, Jisung sentit ses genoux fléchir à la seconde où il posa ses yeux sur l'inconnu dans sa boutique.
Il s'agissait d'un hybride félin : d'un chat plus exactement. Son pelage sur ses mains était délicieusement mordoré, bardé de tâches noires et elles étaient soulignées par des griffes rétractables d'une blancheur éclatante. Son visage était fin, taillé avec précision avec ses pommettes hautes et son nez allongé. Ses grands yeux étaient d'un vert presque gris, la pupille verticale faisant manquer un battement au cœur de Jisung. Avant même de pouvoir prononcer un mot, l'Oméga sentit l'odeur de cet hybride à quelques mètres de lui : une odeur chaude, épicée, qui lui faisait penser aux clous de girofle sans que ça ne soit exactement ça. Persuadé de connaître cette odeur, il contemplait l'inconnu la bouche grande ouverte et les bras encombrés de son baquet d'eau plein.
« Euh... Je suis bien à la boutique « Un Autre Jour ? » » demanda l'hybride chat du Bengal d'une voix suave qui fit trembler les mains de Jisung au point qu'il ne lâche brutalement son baquet d'eau dans un bruit sourd.
L'Alpha devant lui le subjuguait. Il était hypnotisé par les yeux délicats de cet hybride, par son odeur envoûtante, sans parler de son visage... Pourtant, l'inconnu écarquilla les yeux avant de s'approcher de lui sans attendre.
« Oh, attention, vous allez mouiller votre sol !! » s'exclama t-il avant de désigner du doigt le baquet d'eau renversé sans compter le triste bouquet de tournesols qui faisait désormais grise mine.
« Oh mon dieu, je suis désolé !! » répondit Jisung sur le même ton avant de se précipiter pour ramasser la catastrophe avant que ça ne s'empire. Heureusement que le sol était nettoyé tous les jours, il avait presque gagné du temps sur ce coup ci. Maladroit et le cœur battant de façon erratique dans sa poitrine, il cru perdre pied lorsqu'il se rendit compte que l'hybride n'était qu'à un mètre de lui. « Pardonnez ma maladresse, oui vous êtes bien à la bonne boutique. »
Amusé, l'hybride chat esquissa un sourire qui dévoila ses crocs et son nez se mit à s'agiter. Gêné, le fleuriste pria de toute son âme que l'inconnu ne se rende pas compte de son odeur naturelle et se contentait de la lavande piquée dans ses cheveux.
« Excusez-moi, je venais me présenter. » reprit l'inconnu en souriant. « Je suis votre nouveau livreur de journaux, mon prédécesseur est parti en retraite et je le remplace. »
L'espace d'un instant, Jisung crut que l'inconnu s'était mis à ronronner mais ce n'était pas le cas. D'un coup d'œil, il détourna son attention du visage si parfait de son interlocuteur pour voir qu'en effet, ce dernier portait l'uniforme habituel de la société qui livrait les journaux depuis bien longtemps. Il était vrai que monsieur Lee avait un certain âge et parcourir toute la ville à vélo devait être devenu difficile pour lui. Pour étayer ses propos, l'hybride chat sorti un journal frais de sa besace pour le déposer à l'abri, sur le bord du comptoir de la boutique.
« Je ne peux pas rester plus longtemps, je vous aurais volontiers aidé mais je dois encore me présenter à beaucoup de boutiques. » reprit l'inconnu en souriant. « Je vous dis à demain. »
Aussi rapidement qu'il était entré, l'hybride était déjà ressorti, laissant Jisung pantois avec son baquet d'eau à moitié vide, un bouquet de tournesols qui semblait avoir traversé bien des épreuves et surtout un cœur battant une chamade furieuse contre ses côtes.
Il eu bien du mal à se ressaisir. Pendant de longues secondes, il resta sans bouger en observant la porte de sa boutique se refermer sur l'inconnu avant de se rendre compte que ses joues étaient complètement rouges. Embarrassé, il arrangea son bouquet du mieux qu'il le pouvait avant d'aller chercher de quoi nettoyer le sol du magasin trempé d'eau. Il était maladroit, ce genre d'incident arrivait régulièrement. Félix ne lui en tenait jamais rigueur et heureusement.
D'ailleurs, lorsqu'il raconta son aventure à son ami, ce dernier semblait aussi surpris qu'amusé. Félix était un hybride chat marsupial : il avait une jolie fourrure châtain claire tachetées de blanc avec une crinière de cheveux longs. Ses grands yeux noirs pétillaient d'excitation lorsqu'il racontait sa mésaventure et sa rencontre désastreuse avec le nouveau livreur de journaux.
« Oh Jisung ! » s'exclama t-il alors qu'ils se trouvaient tous les deux à l'arrière boutique entrain de ranger les fleurs non utilisées pour les compositions du jour. « ça serait peut être l'occasion rêvée de pouvoir sympathiser avec une nouvelle personne non ? »
« J'ai été ridicule Félix. » répondit l'hybride écureuil en se mettant presque à geindre. « C'était pathétique, j'ai tout gâché. »
« Allons, ce n'est rien. Il est parti parce qu'il avait juste beaucoup à faire. » reprit Félix en fermant une des nombreuses boites vides dans lesquelles ils avaient reçu leur livraison tôt ce matin là. « Il a l'air de te plaire... »
C'était stupide. Jisung n'avait vu cet hybride que l'espace de quelques secondes, et pourtant il avait une odeur particulière. Quelque chose qui mettait ses sens en émoi et son cœur en frémissait encore. Il ne croyait pas au coup de foudre, cet inconnu était juste magnifique, sentait divinement bon, et il avait peut être intensément regretté de ne pas avoir osé demander son prénom. Il savait que c'était sans grand intérêt pour l'hybride chat, après tout, il devait forcément connaître des gens très intéressant et bien plus cultivés que lui... Pourquoi s'intéresser à un fleuriste qui sentait le papier bon marché ?
« Ce n'est rien de grave, il reviendra de toute façon demain pour faire son travail. » grommela Jisung en caressant machinalement une grappe de lavande qui se trouvait dans ses cheveux.
« Demande lui au moins son nom. » reprit son ami en soupirant. « Arrête de vouloir t'isoler, tu as le droit de sympathiser. Et peut être que cet inconnu sera ravi d'en apprendre plus sur le bel écureuil que tu es. »
Jisung leva les yeux au ciel : même s'il faisait mine d'être exaspéré, il était touché par les mots de son ami. Il voulait trouver une manière agréable d'aborder l'inconnu, de pouvoir déclencher la conversation sans paraître pour l'empoté qu'il était. En jetant un coup d'œil sur le plan de travail où se trouvait le journal qu'avait déposé l'hybride chat en effectuant sa tournée, Jisung s'approcha de l'amas de papier pour l'attraper du bout des doigts. L'odeur forte de l'inconnu s'était déjà dissipée et il ne restait que l'odeur de l'encre et celle du papier qu'il ne connaissait que trop bien.
Ce fut en déposant son regard sur des bleuets délicats, livrés du matin même qu'il eu l'idée.
Les fleurs aux pétales piquants, d'une jolie inflorescence de couleur violacée, dégageaient une odeur tendre. Elles symbolisaient la timidité et représentaient très bien l'état d'esprit dans lequel il se trouvait à l'heure actuelle. Peut être pouvait il lui offrir quelques fleurs le lendemain pour se faire pardonner de son effroyable présentation.
Le lendemain, il arrangea une couronne de bleuets et de pâquerettes tressée dans ses cheveux du mieux qu'il pu. Arrivé le premier à la boutique, il prit le temps de faire un minuscule bouquet de bleuets avec un morceau de raphia pour le faire tenir. Son cœur bondissait déjà dans sa poitrine tant il avait hâte de revoir l'inconnu, aussi fut il prit au dépourvu en voyant Félix venir plus tôt dans la boutique. L'hybride chat marsupial semblait devoir se retenir de rire en se rendant compte de l'air déçu de son ami.
« Je suis juste curieux, promis je me ferais tout petit dans l'arrière boutique ! » s'exclama t-il en arrangeant sa crinière de beaux cheveux châtains. Jisung s'en voulait d'être jaloux, mais il pouvait facilement admettre que les inconnus ne trouvent son ami plus intéressant que lui.
Pour une fois, il avait envie de faire les choses bien. Cet hybride l'intriguait, il semblait être un Alpha avec une odeur incroyable et il était magnifique. Peut être accepterait il d'au moins échanger des banalités avec lui ? Il n'espérait rien de plus. Peut être un peu en fait. S'il était honnête avec lui même, Jisung admettrait qu'il n'aurait jamais refusé un rendez-vous ou une promenade avec cet inconnu.
Exaspéré de se retrouver encore à rêvasser, Jisung déposa son bouquet de bleuets dans une coupelle d'eau et s'attela à ses tâches quotidiennes. Pendant que Félix s'occupait de ranger leur remise et de faire le tri dans leurs feuillages, l'hybride écureuil s'occupa de vérifier l'état des fleurs dans la boutique. Il enleva celles qui commençaient déjà à faner avant de prendre son balais pour aller nettoyer le pas de leur commerce. Dès qu'il posa le pied à l'extérieur, il salua le moindre passant d'un sourire tout en époussetant son coin de trottoir. Malgré son odeur, il était un commerçant apprécié par ses pairs et par les habitants de leur ville. Avec Félix, ils habillaient les intérieurs de tout le monde avec un grand plaisir.
Alors qu'il finissait de déblayer sa devanture, il entendit sans peine la sonnette d'un vélo s'approcher de lui. En tournant la tête, Jisung sentit son cœur s'arrêter. Le nouveau livreur de journaux était juste à quelques mètres de lui, un sourire accroché au visage et lui faisait signe pour le saluer. Le fleuriste rassembla toutes ses forces pour ne pas faire tomber son balai dans un fracas embarrassant : son esprit était déjà ivre de l'odeur de l'Alpha devant lui.
« Bonjour monsieur Maladroit ! » lança l'hybride chat en se fendant d'un air amusé. « Désolé de vous déranger. Vous allez bien ? »
Jisung sentit ses joues s'empourprer alors que ses doigts restaient crispés sur le manche de son balai. Sa gorge était sèche et son cœur tambourinait déjà contre ses côtes. Il déploya un effort surhumain pour articuler sans se mettre à balbutier :
« Bonjour, oui merci. Encore désolé pour hier, j'étais surpris et... »
« Oh ne vous en faites pas, vous n'avez pas à vous excuser. » reprit le livreur sans cesse de sourire. Il fouilla dans sa besace avant de tendre le journal du jour à Jisung. « Les fleurs dans vos cheveux sont jolies, comment s'appellent-elles ? »
L'espace d'une seconde, Jisung avait oublié le petit bouquet qui attendait dans la remise. Son visage se figea de surprise avant de faire signe à l'inconnu de ne pas bouger.
« Juste, une minute ! J'arrive et je vous explique tout !! »
Ignorant son embarras et ses joues écarlates, le fleuriste se précipita dans sa boutique. Sans aucune douceur, il laissa son balai dans l'entrée avant de se ruer vers le comptoir pour le contourner et entrer dans la remise. Il fut néanmoins surpris par Félix, qui lui tendait le bouquet de bleuets d'un air amusé. Ses grands yeux pétillaient de malice quand Jisung lui arracha presque les fleurs des mains tant il était pressé. Il ne savait pas s'il devait le remercier ou le maudire. Un tout petit peu des deux peut être.
En sortant de nouveau de la boutique, Jisung fut presque surpris de voir que l'inconnu l'attendait patiemment, le journal en main. Lui même semblait étonné de voir le fleuriste sortir comme un boulet de canon de son commerce avec le bouquet de bleuets serré entre ses mains.
« Excusez-moi. » reprit il le souffle court en arrivant à hauteur du livreur de journaux. « Il s'agit de bleuets, et je voulais vous les offrir pour... pour... »
Il n'y avait absolument aucune raison valable à ses yeux pour offrir ces fleurs. Jisung se sentait absolument misérable, lui qui espérait donner une bonne impression, il passait pour un empoté et se sentant ridicule. Alors que le doute s'insinuait dans son ventre, il fut surpris de voir l'inconnu tendre ses deux mains : une chargée de son journal et l'autre vide.
« Faisons simplement un échange. » reprit l'hybride chat sans cesser de sourire. « Je m'appelle Minho, je suis le fils de monsieur Lee, l'ancien livreur. Et vous ? »
« J-je m'appelle Jisung. » répondit le fleuriste alors qu'il déposait le bouquet dans la main du dénommé Minho tout en attrapant le journal. « Je tiens cette boutique avec un ami et... et je suis ravi de faire votre connaissance. »
L'inconnu, qui n'en était désormais plus un car il connaissait son prénom, hocha la tête pour marquer son accord. Il portait le bouquet de bleuets à son nez pour en sentir l'odeur, avant de faire jouer le raphia entre ses doigts pour le fixer agilement au guidon de son vélo. Jisung sentait encore le sang battre dans ses tempes lorsque Minho reporta son attention sur lui.
« Merci pour le cadeau Jisung, elles vont m'accompagner toute la journée. Je vous dis à demain, bon courage ! »
Peut être l'hybride aimait un peu trop la façon dont Minho prononçait son prénom, mais par réflexe il se mit à lui faire un signe de la main en souriant. Le livreur lui rendit son sourire avant de s'éloigner d'un coup de pédale pour aller visiter le commerce suivant. Le fleuriste serra le journal contre lui en se mordillant les lèvres avant de faire demi-tour. L'impression agréable d'être sur un nuage vaporeux lui avait manqué. Quant bien même il ne connaissait rien de Minho, son odeur l'attirait et il le trouvait vraiment charmeur. En rentrant dans la boutique, il ne fut aucunement surpris de trouver Félix accoudé au comptoir, un grand sourire sur les lèvres et l'air très amusé.
« Il a l'air plutôt mignon ton livreur. » lança t-il sans quitter des yeux Jisung alors que ce dernier posait le journal sur leur comptoir tout en rougissant. « Il a accepté ton cadeau ? »
« Oui, mais je ne pense pas que ça ira plus loin. » grommela le fleuriste avant de contempler avec dépit son balai tombé dans l'entrée de la boutique.
« Roh, pourquoi tu dis ça ? Il avait l'air content d'avoir des bleuets pourtant ! » répondit Félix avant de venir à côté de son ami sans cesser de sourire. « Offre lui autre chose demain, ça peut instaurer une habitude entre vous deux. Je suis certain qu'il ne prend pas le temps de discuter avec tout le monde comme il le fait avec toi. »
Peu convaincu, Jisung déploya des efforts colossaux pour ne pas y penser le reste de la journée. Il préférait se contenter de servir leurs clients du jour et au fil des commandes, il réussit à penser à autre chose qu'au regard de chat que lui avait décoché Minho. A défaut de pouvoir l'intéresser plus que ça, peut être pouvait il au moins devenir bonne connaissance.
Avant de quitter la boutique ce soir là, il prit le temps de vérifier les stocks de la boutique. Peut être que l'idée d'offrir chaque jour une fleur différente à Minho pouvait forcer en effet la conversation. Jisung n'avait pas envie d'être un poids, mais il devait admettre que l'idée lui plaisait outre mesure. Incapable de s'exprimer simplement, il chercha du regard longuement dans les étales de l'arrière boutique. Ce ne fut que lorsque Félix quitta la boutique pour la journée qu'il jeta son dévolu sur des violettes parfumées d'un joli parme. Elles dégageaient un parfum absolument divin et correspondaient plus que jamais à la sensibilité et à la pudeur que le fleuriste ressentait. Il mit de côté la grappe de fleurs qui l'intéressait, se promettant de la retrouver le lendemain matin.
Ce soir là, l'idée de rencontrer de nouveau le livreur tournait en rond dans son esprit. Au travail, il avait de quoi s'occuper mais désormais seul avec ses propres pensées, l'hybride écureuil ne pouvait que se remémorer encore et encore son odeur épicée et chaude de Minho. Au chaud dans son lit ce soir là, les joues écarlates et le cœur lourd, il espérait peut être un peu trop que le livreur de journaux soit au moins aussi intrigué par lui que l'inverse. Ils se connaissaient à peine. Mais Jisung voulait le connaître, ne serait ce qu'un peu.
Aussi, toute la force qu'il avait réussi à se donner cette nuit là vola en éclat à la seconde où Minho arrêta son vélo devant la boutique le lendemain matin. A son plus grand soulagement il était seul dans le commerce. Dans ses mains, il serrait étroitement le bouquet de violettes qu'il avait préparé le matin même. Les joues rouges, le cœur battant, il ne pouvait pas quitter du regard le livreur de journaux qui s'arrêta à côté de lui avec un grand sourire et ses yeux rieurs. Jisung remarqua aussitôt que le bouquet de bleuets de la vieille était encore accroché au guidon du vélo, légèrement fané mais toujours vaillant.
« Bonjour Jisung ! » lança Minho en posant le pied à terre à côté du fleuriste. Ce dernier déglutit péniblement avant de trouver la force de parler.
« Bonjour Minho, vous allez bien ? » demanda t-il sans bégayer, un miracle à son humble avis.
« Oui merci, et vous ? » reprit le livreur, après un hochement de la tête de la part de Jisung, il reprit : « Vous avez préparé de nouvelles fleurs pour aujourd'hui ? »
« O-oui, ce sont des violettes. » répondit le fleuriste en espérant trouver la force de continuer de parler. « Je ne pensais pas que vous garderiez les bleuets je vous avoue. »
« Oh, j'aime l'odeur pourtant. » continua Minho sans cesser de sourire en coin. « Les fleurs sont vraiment fascinantes, elles peuvent sentir tout ce qui est possible d'imaginer. »
Jisung savait que le jeune homme avait raison : bien souvent les fleurs pouvaient sentir divinement bon comme elles pouvaient être intrigantes. D'ailleurs, il était certain qu'il s'agissait là de l'odeur de Minho : il se souvenait d'avoir sentit quelque chose de chaud et de délicat comme ce que le livreur sentait mais il n'arrivait pas à remettre le doigt dessus. En serrant les violettes entre ses doigts, Jisung se mit à se mordiller la lèvre. Il voulait demander à Minho ce qu'il sentait, mais s'il le faisait il risquait de réciproquer la question et il n'était pas prêt pour ça. Il ne voulait pas se sentir obligé de répondre quoi que ce soit qui pouvait le mettre dans l'embarras. Pourtant, il fut sortit de ses pensées par le rire gêné de Minho devant lui, qui passait maladroitement sa main dans sa nuque.
« Je suis navré, ce compliment était peut être trop osé pour vous. » murmura t-il sur le ton de la confidence.
Les fleurs sont vraiment fascinantes, elles peuvent sentir tout ce qui est possible d'imaginer.
Les joues de l'hybride virèrent au cramoisi alors qu'il tentait de se cacher désespérément derrière son bouquet de violettes. Minho venait-il de le comparer à une fleur ? Oh, le cœur de Jisung battait si vite dans sa poitrine qu'il était certain qu'il allait finir par perdre connaissance.
« N-non ! Je ne l'avais pas compris !! » balbutia t-il en tendant le bouquet de ses deux mains vers le livreur de journaux. « Acceptez aussi ce cadeau aujourd'hui, s'il vous plaît. »
« Peut-être pourrions nous nous tutoyer ? » demanda alors l'hybride chat sans cesser de sourire. « Si cela vous convient bien entendu. »
Jisung sentait son corps trembler rien qu'à ces quelques mots. Minho était terriblement beau et impressionnant, il aurait pu lui demander de le suivre à travers toute la ville en courant derrière son vélo qu'il aurait accepté pour profiter encore de sa délicieuse odeur. Le fleuriste hocha avidement la tête alors qu'il sentait les doigts de Minho frôler les siens quand ce dernier récupérait le bouquet de violettes délicatement. Comme la veille, il prit le temps de le nouer autour de son guidon pour agrémenter les bleuets déjà présents. Le livreur fouilla dans sa besace pour lui donner alors le journal du matin, un sourire accroché à ses lèvres.
« Bien, passe une bonne journée alors. » lança t-il en faisant mine de sentir l'odeur de Jisung à un mètre de lui. L'hybride écureuil fit de son mieux pour ne pas frissonner.
« Merci, fais une bonne tournée Minho ! » répondit Jisung en lui faisant un signe de la main comme la veille encore. Le livreur hocha la tête avant de reprendre son vélo entre ses mains pour s'éloigner de lui. Le fleuriste n'en revenait pas. Peut être qu'au fond, Minho était aussi curieux que lui ?
Perdu dans ses pensées, il ne quitta des yeux le livreur que lorsque celui ci tourna au coin de la rue suivante pour s'engouffrer dans une rue commerçante. Une odeur de pétrichor se fit sentir et Jisung tourna la tête et ne sursauta pas en voyant Changbin à quelques mètres de lui. Le compagnon de son ami avait une carrure impressionnante, des épaules larges et robustes ainsi qu'un regard noir perçant. Mais malgré ses grosses mains et son air peu engageant, il se transformait en véritable ourson en compagnie de Félix. Son odeur de pluie rappelait à Jisung l'automne et les coloris magnifiques des arbres en cette saison.
« Tu sais qu'il ne connaît peut être pas le langage des fleurs ? » lança Changbin en haussant les sourcils d'un air amusé. « ça va être compliqué de communiquer avec lui ! »
« Je me débrouille comme je veux ! » répondit Jisung prit au dépourvu par son ami, à tel point qu'il fit une moue boudeuse.
« Il avait l'air aussi empoté que toi si ça peut te rassurer. » reprit l'hybride ours avant de faire un signe au fleuriste.
Jisung était dépité par le comportement de Changbin mais ne fit aucun commentaire. En rentrant dans la boutique, il fut nullement surpris de trouver Félix entrain d'enfiler son tablier derrière le comptoir du magasin, tout sourire.
« Je n'ai pas osé vous déranger, alors ça avance ? » demanda t-il en espérant avoir plus d'informations pour nourrir sa curiosité.
« Laisse moi prendre mon temps... » marmonna Jisung en posant le journal sur le comptoir d'un air absent. « Je n'ai pas le même charme que toi pour faire tomber qui je veux entre mes griffes... »
« Je n'ai jamais fais ça à Changbin ! » s'exclama Félix avec un air faussement choqué.
« Comme si tu ne t'étais pas pavané en te collant à lui avec ton odeur de miel ! » répondit l'hybride écureuil en attrapant nerveusement une de ses oreilles pour la malaxer entre ses doigts. « Je ne peux pas faire ça moi, je dois jouer sur un autre tableau... »
« Jisung, combien de fois devrais-je te dire que ton odeur n'a rien de déplaisante ? » demanda son ami avec un air peiné. « Regarde, le livreur n'a pas l'air repoussé ou quoi que ce soit. »
Gêné, le fleuriste préférait se taire. Il n'avait aucune confiance en son odeur. Bien entendu, il savait que son apparence était assez mignonne pour attirer l'attention mais ça n'allait jamais plus loin. Il ne voulait pas non plus passer pour une personne désespérée auprès de Minho. Il était intrigué par l'hybride au-delà de son attirance pour son odeur bien entendu. Mais comment lui faire comprendre ?
Jisung était un garçon têtu. Aussi, jour après jour, il offrait des fleurs à Minho.
Il profitait de leur échange du matin pour demander quelques petites choses sur la vie du livreur de journaux. Minho ne pouvait jamais rester bien longtemps, car il avait une longue tournée, mais chaque jour il prenait soin d'attacher le bouquet offert par le fleuriste au guidon de son vélo. Jisung le trouvait amusant, et il ne se lassait jamais de voir les joues de Minho prendre une teinte rosée lorsqu'il lui offrait des fleurs différentes chaque jour.
Jisung lui avoua qu'il aimait les échanges qu'ils avaient tous les deux au moment où il offrit des anémones en signe d'affection. Il sauta le pas la fois où il lui donna un bégonia blanc pour lui demander s'ils pouvaient être amis. Ses jambes faillirent se dérober sous lui lorsque le livreur accepta avec un immense sourire sa proposition, en glissant cette fois-ci la fleur dans ses cheveux plutôt sur sur le guidon de son vélo. Quelques jours plus tard, le fleuriste se sentit particulièrement hardi en donnant trois hibiscus à Minho pour lui faire comprendre qu'il le trouvait magnifique. Le cœur battant dans sa poitrine et les joues écarlates, Jisung luttait fermement contre son envie de glisser les hibiscus dans les cheveux du livreur.
« Jisung, je sais que ça peut paraître incongru mais... » commença alors Minho en détournant légèrement les yeux. « J'aimerais t'inviter à boire un café avec moi un soir. Si tu as envie bien entendu. Nous n'avons jamais vraiment le temps d'échanger bien longtemps tous les deux. »
C'était hypnotique, la façon dont les joues de l'Alpha se teignaient de rouge au fur et à mesure de ses mots. L'hybride écureuil jouait nerveusement avec le bout de ses griffes. Il était très tenté d'accepter. Plus les jours passaient, plus il tombait sous le charme du livreur de journaux et il priait un tout petit peu au fond de lui que la réciproque était vraie. Minho lui faisait oublier ses soucis même s'ils ne se voyaient que quelques minutes chaque matin. Il arrivait presque à se dire qu'il pouvait peut être autant lui plaire que l'inverse.
« D-d'accord. » répondit Jisung en hocha la tête, les mains croisées dans son dos pour essayer de se donner de la contenance. « ça me ferait très plaisir. »
Minho semblait surpris car il observa le fleuriste quelques secondes avant de se mettre à sourire chaleureusement. Il semblait se retenir de bouger, jusqu'à finir par avancer sa main pour replacer doucement une mèche de cheveux derrière l'oreille pointue de Jisung qui n'osait plus respirer. L'air dans ses poumons semblait s'être évaporé tant il avait l'impression de rêver.
« Alors faisons ça. Demain il n'y a pas de tournée, on peut se retrouver à 17h au café. Ça te va ? »
Après un hochement frénétique de la tête de Jisung, les deux hybrides se souhaitèrent une bonne journée avant de se séparer. Telle une cocotte-minute, le fleuriste retourna mécaniquement dans la boutique en serrant son journal contre lui alors qu'il était rouge jusque dans son cou. Hélas pour lui, Félix et Changbin étaient derrière le comptoir et le firent rentrer tout de suite. Les battements erratiques de son cœur ne l'aidaient pas à le faire se tenir debout, aussi son ami fleuriste prit le temps de le soutenir pour le faire s'asseoir.
« Alors, qu'est ce qu'il t'as dit pour que tu sois dans cet état là ? » demanda Félix, complètement sidéré de voir les jambes maigres de son ami flageller à ce point.
« Il m'a invité à boire un café avec lui. » répondit Jisung d'une voix blanche. Soudain, ses yeux se firent gigantesques. « Oh non, je ne sais pas quelle fleur il préfère, il faut absolument que je fasse la plus belle des couronnes ! »
L'idée même que Minho puisse se rendre compte que son odeur était affreuse effrayait Jisung. Il ne pouvait pas se permettre de décevoir le livreur, même s'ils se connaissaient peu, l'Oméga avait développé un certain attachement envers l'hybride. Il voulait passer du temps en sa compagnie, savourer son odeur chaude et épicée. Et si jamais Minho le trouvait fade... Qu'est ce qu'il allait pouvoir faire ?
« Allons, ce n'est pas une histoire de fleurs, vas-y le plus naturellement possible ! » reprit Changbin, apparemment excédé par la réaction de Jisung.
Ce dernier songea que l'hybride ours ne pouvait pas comprendre. Lui avait un compagnon qui sentait littéralement ce que son côté animal adorait. Il avait réussi à l'aborder et à le charmer, son odeur de pétrichor étant douce pour beaucoup. Jisung serra les dents pour ne rien rétorquer. Il ne pouvait pas simplement se présenter devant Minho avec son odeur de papier et d'encre, ce n'était pas possible.
Ce soir là, Jisung prit le temps pour choisir les plus belles branches d'églantines qu'ils avaient en stock dans la boutique. Les pétales étaient d'un rose pâle délicat, blancs vers le centre. Le pistil et les étamines éclaircissaient la fleur en la soulignant de jaune. Une fois le couple d'amis éclipsé, l'hybride écureuil prit le temps de les préparer pour le lendemain. Il devait les tresser avec application pour s'en faire une couronne et en offrir également à Minho. Les églantines étaient le symbole d'un amour naissant, et l'Oméga se devait de l'admettre. Peut être que l'Alpha l'intéressait plus que pour être un simple ami...
Mais Jisung s'interdisait de penser à plus. Il ne voulait pas être déçu et se sentir triste à cause de ça. Il voulait juste profiter de l'instant présent, en apprendre plus sur Minho, découvrir son caractère et ses habitudes. Jamais il n'avait imaginé pouvoir se lover dans ses bras pour le sentir et enfin pouvoir se faire petit dans les bras de cet Alpha dont l'odeur lui faisait perdre tous les moyens. Peut être un petit peu dans le fond.
Ce fut un sentiment doux amer que Jisung ressentit en fermant la boutique ce jour là. Il espérait sincèrement que son odeur ne rebuterait pas le livreur de journaux. Il voulait juste être apprécié, être vu pour qui il était et par quelqu'un qui l'estimait autant que l'inverse. En se mordillant les lèvres, il se rendit compte qu'une minuscule fissure s'était formée sur son cœur en imaginait le visage de Minho déformé par une mine de dégoût. Il espérait sincèrement que les églantines allaient sentir assez bon et assez fort pour couvrir son odeur naturelle.
Sa nuit ne fut qu'un long fleuve d'anxiété et sa mine épuisée dans son miroir le lendemain matin semblait le narguer. C'était au tour de Félix d'ouvrir la boutique et il pouvait venir plus tard. Aussi, il prit le temps de trouver des vêtements adaptés à son premier rendez-vous en compagnie de Minho. En espérant que ça soit le début d'une longue série. Il prit donc le plus doux de ses pulls : un jaune à grosses mailles qui était étonnamment léger pour profiter du beau temps de la journée. Il l'agrémenta d'un pantalon blanc dans lequel il était à l'aise avant de tout mettre dans un sac pour se changer en fin de journée. Son cœur battait déjà la chamade, il se sentait ridicule.
La journée se déroula dans une lenteur exaspérante. Il n'y avait que peu de clients, aussi Jisung pu prendre son temps pour tresser sa couronne de fleurs. Incorporant des ipomées blanches dans sa création, il voulait tout simplement mieux connaître Minho. Après tout, si ce dernier l'avait invité... il y avait une bonne raison.
Ce fut avec le cœur dans la gorge et les mains crispées sur son bouquet d'églantines que Jisung se présenta au café du village à l'heure dite. Les joues écarlates, la sueur froide coulant le long de son dos, l'Oméga déglutit péniblement en jetant des coups d'œil à droite à et gauche dans la rue. Il n'y avait pas d'hybride chat à l'odeur épicée dans les parages. L'établissement dans lequel ils avaient rendez-vous était respectable : un petit café de quartier aux charpentes visibles et aux tables en fer forgé à l'extérieur qui habillaient le commerce. Il y avait déjà quelques clients en terrasse, à siroter des boissons fraîches ou des cafés brûlants. Nerveusement, Jisung n'osait pas aller s'installer. Persuadé d'avoir été reconnu par certains des clients, il ne voulait pas vivre la déception de s'asseoir et devoir attendre longtemps que Minho ne vienne. A condition qu'il vienne.
Les minutes passaient et le fleuriste commençait à se dire qu'il devait rebrousser chemin lorsqu'une odeur épicée envahit ses poumons. Surpris de reconnaître Minho par son odeur avant de le voir, il releva les yeux vers l'hybride chat qui se trouvait à peine à un mètre de lui. Les yeux gris étaient déjà posés sur lui et Jisung sentit son souffle se couper. Le livreur était vraiment beau, c'était la première fois qu'il portait autre chose que son uniforme de travail en présence du fleuriste. Ce dernier détailla avec attention l'encolure de la chemise blanche, soulignait la couleur de peau de Minho sous le tissu, accordée à celle de son pelage. Il déglutit péniblement alors que Minho semblait légèrement essoufflé.
« Je suis désolé pour ce retard ! » lança t-il en passant le dos de sa main le long de sa tempe pour y essuyer une perle de sueur. « Je ne pensais pas prendre autant de temps pour venir, ça fait longtemps que tu attends ? »
« Non, ne t'en fais pas. » répondit le fleuriste, la gorge sèche et les lèvres tremblantes. « On peut aller s'asseoir, ça te fera du bien. »
Les deux hybrides entrèrent alors dans le café. Une odeur de boissons chaudes y régnait, accordée à celles des pâtisseries et des viennoiseries. Les grands murs étaient tapissés de vaisselle fine, de distributeurs de thé en vrac, de café, de pots en tout genre renfermant des trésors de goût. Les boiseries sombres luisaient grâce à la cire utilisée et le sol de pierre était dissimulé sous de lourds tapis brodés pour habiller la pièce. Un serveur se présenta à eux pour les placer dans une alcôve proche de la baie donnant sur l'extérieur, mais assez à l'abri des regards pour être tranquille. Jisung préférait cette intimité, quant bien même cela l'impressionnait en compagnie du livreur. Après tout ils étaient tous les deux plutôt connus dans leur ville.
Sur la table en bois reposait une nappe crochetée blanche, avec une bougie et deux cartes de l'établissement. Minho remercia le serveur et contourna la table rapidement afin de tenir la chaise pour que Jisung s'asseye. Le fleuriste avait le sang qui battait dans ses tempes tant il était nerveux, aussi se félicita t-il de réussir à s'asseoir sans se casser lamentablement la figure. Le livreur semblait embarrassé lui aussi en poussant la chaise sur laquelle Jisung venait de s'asseoir avant de lui même prendre place en face de lui, les joues rosées et le souffle court.
« Tu... Elles sont vraiment jolies les fleurs que tu portes aujourd'hui. » lança t-il en souriant à l'Oméga alors que ce dernier posait le bouquet sur la table.
« Merci, ce sont des églantines. » répondit Jisung en se retenant de décrire la réelle signification de ces fleurs. La passion, l'amour, l'intérêt, il était bien trop timide pour dire tout ça. « Je les aime bien, elles sentent bons. Et j'ai ajouté des ipomées dans la couronne aussi. »
« C'est vraiment passionnant. » reprit Minho en s'appuyant sur son coude sans le quitter des yeux. « J'ai essayé de me renseigner sur les fleurs, je dois avouer qu'en recevoir un bouquet différent par jour a piqué ma curiosité. »
« Ah ? Qu'est ce qui t'intéresse dedans ? » demanda alors l'hybride écureuil, plus détendu à l'idée d'aborder un sujet qu'il appréciait.
« La façon dont elles poussent, comment s'occuper d'elles, les voir éclore... » répondit le livreur en esquissant un sourire. « En vrai j'ai pris plein de livres à la bibliothèque sur le sujet. »
Jisung se sentait fier. Au fond de lui, il se rendait compte que Minho s'intéressait sincèrement à ce qui faisait son monde. Les fleurs lui permettaient d'affronter le regard des autres, les jugements sur son odeur et il adorait toujours en apprendre plus.
« Je suis plus doué pour les arranger que pour les faire pousser je dois avouer. » reprit Jisung en souriant à son tour, plus détendu.
« Je pense que tu es très doué pour tresser des couronnes surtout. » lança Minho, l'œil rivé sur l'ornement dans les cheveux du fleuriste. « Tu penses que je pourrais apprendre ? »
Surpris, Jisung fit presque abstraction du serveur qui venait prendre leur commande. Il se sentait débordé par ses propres sentiments : il voulait bien entendu acquiescer, il était certain que Minho était un hybride incroyablement doué de ses mains et dans sa vie en général. Ses yeux débordaient de douceur, l'Oméga avait l'impression d'être enrobé dans un châle vaporeux sous le regard du livreur. Au sein de ses yeux gris, il espérait y voir un éclat de tendresse.
Après avoir commandé deux cafés frappés avec un gâteau à la crème pour Jisung, ce dernier puisa dans son maigre courage pour répondre :
« Oui je pense que tu sera très doué pour faire ce genre d'activités. »
« Je reformule : tu accepterais de m'apprendre ? » demanda alors Minho en avançant sa main sur la table. Le cœur de Jisung s'arrêta dans sa poitrine en voyant l'Alpha pencher la tête sur le côté en attendant sa réponse. Les poumons plein de l'odeur épicée de l'hybride en face de lui, le fleuriste hocha fébrilement la tête pour accepter.
Minho semblait satisfait de savoir qu'il acceptait car il reprit la parole sans tarder. Étrangement, Jisung se sentait autant intimidé qu'attiré par le livreur de journaux. Il était dynamique, parlait avec un mélange de retenue et d'enthousiasme sur des sujets divers et variés. Fils de monsieur Lee, qui avait été le livreur de journaux de la ville pendant des décennies, ses vieux os devenaient trop douloureux pour lui permettre de faire sa tournée complète. Ayant perdu sa femme très tôt après la naissance de leur seul enfant, Minho, monsieur Lee travailla d'arrache-pied pour son garçon. Il avait ensuite apprit le dur métier de livreur dès son plus jeune âge, s'occupant principalement des particuliers de son quartier lorsqu'il était petit avant de remplacer son père au fur et à mesure.
Les commandes finirent par arriver et plus la conversation filait, plus Jisung se sentait à l'aise. Minho l'invita à parler de lui alors le fleuriste se sentit assez en confiance pour se dévoiler. Membre d'une gigantesque fratrie, il désirait trouver sa voie au milieu de ses frères et sœurs qui se battaient pour prendre l'espace des autres. Au milieu en terme d'âge, Jisung s'était occupé de ses cadets et avait à moitié grandi grâce à ses aînés. Il préféra garder sous silence sa triste histoire pour son odeur. Dans sa famille, il était le seul à ne pas avoir un parfum proche de la nature au plus grand désarroi de ses parents. Il raconta néanmoins sa rencontre avec Félix et leur amitié forte au point d'ouvrir un commence ensemble une fois en âge de gagner leurs vies.
« Oh, tu as... un ami ? » demanda alors Minho en sirotant son café frappé l'air de rien. L'Oméga aurait pourtant juré voir un léger froncement de sourcil sur son visage.
« Un ami oui. » répéta Jisung, hochant la tête pour appuyer ses propos. « Il vit avec son compagnon à quelques rues du commerce, souvent il le dépose le matin avant de filer à son propre travail. »
« Oh, je vois. »
S'il n'était pas aussi embarrassé, Jisung se serait permis de taquiner l'hybride chat. Il avait l'impression de l'intéresser, aussi il ne voulait pas laisser passer sa chance. L'ambiance dans le café était agréable, calme et douce, et le temps filait sans demander son reste. Une fois plus détendu, l'un comme l'autre se mit à rire et Jisung admit enfin que le beau livreur de journaux était bel et bien entrain de ravir son cœur. Il adorait les mimiques de son visage, les frissons de ses moustaches et ses grands yeux qui semblaient le dévorer entier.
Le plus naturellement du monde, alors que Minho lui parlait de sa passion pour la lecture, le fleuriste sentit la main de l'Alpha en face de lui se glisser sur la sienne. De nouveau, les rougeurs sur ses joues ravageaient sa peau. La main du livreur était douce, son pelage était bien entretenu alors que lui même avait des callosités à cause de son travail. Pourtant, Jisung se raisonna et n'ôta pas sa main par gêne. Au contraire, il plongea ses yeux dans ceux de Minho tout en buvant ses paroles encore et toujours.
Les heures filèrent et bientôt le café allait fermer ses portes. Ce fut avec un grand regret et le cœur battant la chamade que l'hybride consentit à relâcher ma main de Minho. Ce dernier insista pour payer l'invitation et Jisung attendit nerveusement à l'extérieur de l'établissement que l'Alpha le rejoigne, tout en triturant son bouquet d'églantines.
Pourtant, la nervosité se mit à éclore dans son cœur lorsque d'un coup de vent, il se rendit compte que l'odeur des fleurs s'était déjà estompée. Plus nerveux, il osa jeter un coup d'œil dans le café pour voir que Minho venait de finir de régler la note : il ne pouvait pas filer sans se faire voir. Le livreur allait sentir son odeur et allait très certainement ne plus vouloir spécialement s'approcher de lui. En songeant l'espace d'un instant les doigts brûlants de Minho contre les siens, il se serait damné pour sentir la caresse de nouveau quelques secondes. Tout allait-il déjà lui filer encore les doigts ? Peut être que s'il agitait assez le bouquet, son odeur serait dissimulée... ?
Jisung faillit sursauter en entendant déjà l'Alpha à ses côtés : il s'était approché sans qu'il ne s'en rende compte.
« Jisung, merci pour ce rendez-vous. » lança alors Minho en arrangeant le col de sa chemise. « Tu es toujours d'accord pour m'apprendre à tresser des couronnes ? »
« O-oui bien entendu. » balbutia l'Oméga en retour, avant de tendre maladroitement son bouquet devant lui, les oreilles rouges. « Je tenais à t'offrir ce bouquet d'églantines, elles ne sentent plus très fort mais... »
L'hybride crut sentir son cœur s'arrêter en sentant les mains de Minho englober complètement les siennes pour prendre le bouquet. Pris de court, Jisung releva les yeux vers le livreur pour découvrir son élégant visage orné de joues roses et d'un sourire si tendre que ses genoux se mirent à trembler. Ils étaient étrangement proche, aussi il déglutit péniblement lorsqu'il sentit l'Alpha à ses côtés s'avancer. Un frisson parcouru son échine entière quand il sentit le frôlement des lèvres de Minho sur son front, juste à la naissance de ses cheveux, avant qu'il ne recule aussitôt. Le livreur semblait inquiet d'avoir osé déposer un baiser si léger, aussi Jisung avait l'impression de fondre sur pied.
« Merci Jisung. » reprit l'hybride chat en serrant entre les mains de l'Oméga dans les siennes. Il prit une inspiration sans cesser de sourire, avant de pencher la tête sur le côté. « On se voit demain matin alors ? »
« O-o-oui, demain matin. » glapit Jisung en se mordillant la lèvre. Il n'arrivait pas à lutter contre l'immense sourire qui envahissait ses lèvres. « Repose toi bien. »
Après un dernier sourire, Minho ôta un brin d'églantines de son bouquet pour le déposer délicatement derrière l'oreille du fleuriste. Ce dernier avait l'impression que son cœur était liquide dans sa poitrine. Aussi il lutta fermement pour ne pas retenir l'Alpha par la main et se contenta de lui faire un signe lorsque celui ci s'éloigna de lui. Minho ne connaissait pas le langage des fleurs, mais au fond de lui, le fleuriste voulait s'imaginer que c'était le cas, et que peut être, l'Alpha était aussi intéressé que lui.
Pour la première fois depuis longtemps, Jisung avait le cœur léger en rentrant chez lui le soir. Un sourire béat collé au visage, il ne pouvait pas s'empêcher de se remémorer encore et encore le délicat baiser de Minho sur son front, sa douce voix lorsqu'il lui parlait, ses grands yeux gris qui ne le quittaient pas, sans parler du fait qu'il semblait toujours intéressé par ce que disait le fleuriste. Il ne l'avait jamais interrompu, il lui avait laissé le champs libre pour s'exprimer, et il l'écoutait avec un regard si doux que Jisung était certain d'avoir rêvé.
A partir de ce jour là, Minho était devenu tactile lors de leurs entrevues quotidiennes.
A chaque bouquet de fleurs, il trouvait le moyen de caresser les cheveux de Jisung, de frôler ses mains ou encore, lorsqu'il lui offrit des gardénias symbolisant son amour caché, un délicat baiser sur sa joue. Jisung regagnait la boutique le sourire aux lèvres, le cœur battant une chamade folle, et des rêves plein la tête.
Pourtant, son odeur était toujours là.
Il craignait sincèrement que tout finisse par se gâter à cause de son odeur. Il complexait tellement à ce sujet qu'il s'était rendu compte qu'il n'avait jamais vu Minho sans être orné d'une couronne de fleurs pour cacher son parfum naturel. N'ayant aucune confiance en lui là dessus, il savait que cette fichue odeur pouvait être un frein dans tout ce qui semblait éclore pour eux. Jisung avait honte. Il savait qu'il n'était pas stupide ni même inintéressant. Mais à chaque fois qu'il voulait oser prendre la main de l'Alpha, cette constatation le frappait en plein visage : il risquait de décevoir Minho.
Malgré l'intense bonheur qu'il ressentait, cette anxiété tortillait toujours son ventre et le travaillait jour et nuit. Même si Félix essayait de le rassurer, ça ne suffisait jamais vraiment.
« Écoute. » lança l'hybride chat marsupial d'un air compatissant quelques semaines après le premier rendez-vous entre Minho et Jisung. « Demain, il n'y a pas de tournée. Propose lui de venir à la boutique, je ne viendrais pas moi et tu pourras lui montrer comment tresser des couronnes. »
C'était encore la meilleure chose à faire. Ce matin là, les cheveux ornés d'un accessoire fait de fleurs de rhododendron roses et blanches, l'Oméga cru que son cœur allait déborder de sa poitrine lorsque Minho s'arrêta à sa hauteur dans la rue pour lui livrer le journal. L'hybride chat l'observait de grands yeux brillant. Le guidon du vélo était orné de dizaines de bouquets plus variés les uns que les autres, la plupart entrain de faner mais certains encore étaient vaillants et résistaient aux longues tournées.
« Bonjour Sungie. » lança Minho avec un sourire collé aux lèvres. « Des rhododendrons aujourd'hui ? »
« C'est de plus en plus difficile de te surprendre ! » répondit le fleuriste en souriant à son tour. « Tu commences à bien trop t'y connaître en fleur ! »
Au fil des jours, le livreur de journaux s'était avéré être avide de connaissance à propos des fleurs en tout genre. Il avait emprunté un grand nombre de livres à la bibliothèque d'après lui et passait beaucoup de son temps libre à jardiner désormais. Minho l'avait même proposé de venir chez lui un jour pour voir à quel point il se débrouillait bien.
« Tu seras toujours meilleur que moi pour les fleurs je pense ! » répondit l'Alpha en fouillant sa besace pour en sortir un journal.
« A ce propos, tu m'avais demandé si je pouvais t'apprendre à faire des couronnes l'autre jour... » reprit Jisung en luttant contre ses joues écarlates et en tendant son bouquet de fleurs. « Demain je sais que tu n'as pas de tournée et il y a peu de monde dans la boutique, donc... »
« Je peux venir demain ? » demanda Minho, le visage illuminé d'un brin de joie. Lorsque l'Oméga hocha la tête, il échangea le bouquet de fleurs contre le journal avant d'attraper la main libre de Jisung. Contre toute attente, il porta délicatement la main du fleuriste jusqu'à ses lèvres pour y déposer un léger baiser. « Avec un grand plaisir alors, je viendrais le matin. Ça te va ? »
Bien entendu que ça allait pour Jisung. Il fut comme sur un nuage toute la journée. Félix arrivait à peine à capter son attention. Il faillit d'ailleurs se blesser avec son sécateur en fin d'après-midi avant de réussir à se ressaisir. Ça serait la première fois qu'il serait seul en compagnie de Minho, sans avoir quiconque autour d'eux. L'embarras et l'appréhension se bousculaient en lui. Il savait que le livreur l'appréciait et il priait plus fort que tout que son odeur ne gâche rien.
En prévision de cette matinée, Jisung arpenta les stocks de la boutique pour en sortir les plus belles fleurs qu'il avait. Il voulait transmettre tout ce qu'il ressentait en elles, son amour naissant, la façon dont il désirait Minho et dont il voulait s'accrocher à lui à tout prix. Au fond de la remise, il trouva la plante en pot parfaite à offrir le lendemain au livreur de journaux : un délicat azalée blanc et rose. La moitié des fleurs étaient déjà écloses, le reste en bouton, mais lorsque Jisung passa ses doigts le long des pétales généreux, un grand sourire envahit ses lèvres.
« La vie à tes côtés me rend heureux. » murmura t-il en prenant le pot de l'azalée entre ses mains pour aller l'arroser et l'emballer, afin qu'il puisse l'offrir au départ de Minho le lendemain.
Utilisant un papier de soie doux au toucher et du raphia qu'il colorait lui même, Jisung prépara la plante avec toute l'attention nécessaire. En contemplant son œuvre, son cœur se gonfla de joie dans sa poitrine. Peut être que le livreur ne comprendrait pas, certainement même, Changbin avait raison. Mais lui savait que cet azalée témoignait de la joie et de la tendresse qu'il éprouvait envers Minho et c'était le plus important à ses yeux.
Il réserva la plante dans un coin de la remise avant de se remettre à chercher les fleurs qui l'intéressait. Il trouva des orchidées papillon blanches et jaunes, reflétant la perfection que dégageait l'hybride chat, ainsi que des renoncules roses pour vanter sa beauté. Le fleuriste sentit son cœur s'emballer lorsqu'il attrapa d'une main tremblante des arums blancs, symbole de l'entente des amants et l'invitation à l'amour. Il compléta sa gerbe de fleurs par des roses rouges : Jisung admit que c'était moins subtil que le reste, mais il était trop timide pour mettre des mots sur son attirance, préférant se fier au langage des fleurs.
Le lendemain matin, retrouver Minho à la presque ouverture de la boutique sidéra l'hybride écureuil. Il s'était attendu à ce que le livreur arrive en milieu de matinée, qu'il profite de son jour de congés pour se réveiller plus tard, mais il n'en fit rien. Il était bien là, sur le palier de la boutique, avec un grand sourire et des joues roses qui donnait le tournis à Jisung.
« J'ai pris l'habitude de me lever plus tôt le matin pour m'occuper de mes plantes. » lança alors Minho en guise de bonjour, l'air embarrassé. Il glissa nerveusement une main dans son cou devant le fleuriste qui s'étouffait de rire. « J'espère que ça ne te dérange pas que je sois là si tôt... »
« Oh ! Non pas du tout ! » s'exclama Jisung en faisant signe à son invité de rentrer dans la boutique. Il avait eu à peine le temps d'enfiler son tablier de travail pour protéger sa tenue. « Je vais juste devoir aménager la devanture, promis je n'en ai pas pour longtemps ! Tu peux aller visiter la remise en attendant si tu veux. »
Malgré ce petit rendez-vous, Jisung devait tenir la boutique seul pour la journée. Il n'y avait habituellement que très peu de client en cette fin de semaine, les gens ne se levaient pas spécialement tôt et il avait largement le temps de s'occuper de Minho. Comme à son habitude, peut être en se pressant un peu plus, il balaya l'entrée de la boutique, vérifia l'état des fleurs pour en enlever les feuilles fanées et rajouta de l'eau dans les baquets avec l'arrosoir du magasin. Il essayait d'aller vite pour se consacrer au livreur, aussi lorsqu'il tourna le petit panneau sur « Ouvert » à l'avant de la boutique, il se tourna vers l'accès à la remise pour rejoindre Minho.
Mais la surprise fut grande en voyant l'hybride chat simplement appuyé dans l'encadrement de la porte, à observer ses faits et gestes. Aussitôt prit sur le fait, Minho détourna le regard en même temps que le fleuriste, qui sentait la chaleur consumer ses joues. Son cœur tambourinait déjà contre ses côtes avec passion.
« D-désolé j'ai été plutôt long ! » lança alors Jisung en s'approchant de la remise pour faire signe au livreur d'entrer à l'intérieur. « S'occuper des plantes ça prend du temps et... »
« Ce n'est rien, c'était agréable de simplement te regarder t'occuper de ta boutique. » répondit l'Alpha en faisant demi-tour avant de marquer une pause et de reprendre. « Ce que je veux dire c'est que ça se voit que tu es passionné et que c'est beau de voir une chose pareille... »
Jisung devait s'empêcher de rire bêtement en entendant un tel discours : Minho lui faisait perdre tous ses moyens. Lorsque le livreur fut assez avancé dans la remise, au milieu des gerbes de fleurs gigantesques et leurs parfums plus délicats les uns que les autres, le fleuriste attrapa du bout des doigts le tablier de Félix pour le tendre à son invité du matin.
« Tu peux mettre ça pour protéger tes vêtements, je peux t'aider si tu veux. » lança t-il avant que Minho ne s'exécute.
Le cœur dans la gorge, l'Oméga resta dans le dos du livreur pour l'aider à nouer l'attache du tablier le long de sa taille. Jisung aurait aimé pouvoir appuyer sa tête dans le creux de ces épaules larges, pouvoir simplement s'enivrer de cette odeur de clou de girofle qu'il aimait tant.
La prise de conscience fit sursauter le fleuriste. Bien sûr !! Minho sentait tout simplement la giroflée ! Cette fleur était délicate et très odorante, avec ses grappes de pétales et sa vivacité, elle symbolisait la fidélité, la constance, la chaleur d'un foyer. Habituellement réservée aux massifs et aux décorations de murs en pierre, la giroflée n'était pas la fleur qui passait le plus souvent dans les réserves de la boutique. Jisung se sentit rougir : il s'en voulait de ne pas s'être rendu compte plus tôt de l'odeur de Minho.
Pourtant, il prit sur lui pour faire comme si de rien n'était. Le sourire aux lèvres et le cœur en pagaille, l'Oméga guida alors son invité jusqu'à l'établi de la remise, à côté de laquelle il avait déjà déposé la gerbe de fleurs qu'il avait réservé la veille. Comme à son habitude, il secoua les brins pour enlever l'excès d'eau avant de se tourner vers Minho. Celui ci avait de grands yeux curieux et un sourire en coin qui aurait fait trembler les genoux de Jisung.
« Avant toute chose, il faut déterminer quelle est la fleur de tête pour ta couronne. » commença Jisung en prenant un renoncule rose dans sa main. « Je te conseille celle-ci, les roses ont trop d'épines elles ne peuvent servir que de décoration, et la tige des orchidées est assez creuse donc pas assez solide. »
« Pourquoi ne pas prendre un arum alors ? » demanda Minho en désignant l'arum blanc du bout du doigt. Rien qu'en songeant au sens caché de la fleur, les joues de Jisung s'embrasèrent davantage. L'amour charnel, le désir.
« Tu connais cette fleur ? » enchaîna l'hybride écureuil en laissant son élève attraper un arum entre les doigts. Le long tube de la fleur luisait encore un peu d'eau.
« Oui, je t'ai dis je me suis renseigné sur les fleurs. » répondit le livreur sans cesser de sourire, les joues roses. « Je les trouve atypiques. »
Un adjectif bien de circonstances à l'avis de Jisung. Ce dernier retint un rire avant d'attraper le sécateur posé sur l'établi et de tirer de son autre main la bobine de fil de fer accroché au mur. Il en tira une petite longueur à deux reprises avant de couper net le fil et d'en donner un à Minho pour garder le second pour lui.
« Pour que la couronne tienne il faut absolument un support. Sinon dès que les fleurs sont déshydratées, c'est fini d'accord ? » continua alors l'Oméga en prenant le bout de son fil de fer pour le replier, attendant que Minho en fasse de même avant de continuer. « Très bien, alors tu places ta première fleur bien à l'horizontale le long de ton fil, et tu peux faire le premier nœud de cette manière... »
Jisung prit un plaisir fou à expliquer étape après étape comment la couronne devait être faite. Il se sentait plus à l'aise à côté de Minho, le guidant à travers la confection de son accessoire. Il n'y eu que quelques clients dans la matinée, mais rien qui ne l'empêcha d'instruire son invité. Le livreur était concentré et nouait avec application les tiges, coupant les feuilles dépassant de sa couronne naissante et essayant de ne pas se blesser à cause des épines ou des bords coupant du sécateur.
« Je ne compte même plus le nombre de fois où je me suis blessé avec. » lança Jisung en pliant une tige d'orchidée pour la coincer entre celle d'un renoncule et de la tige de fer, pendant que Minho en faisait de même avec une rose contre l'arum blanc contre lequel il bataillait. « Je suis très maladroit, je me suis coupé un nombre incalculable de fois. Encore aujourd'hui ! »
« Pour quelqu'un de maladroit, tu fais des miracles de tes mains pourtant. » répondit le livreur en esquissant un sourire mais sans quitter son travail des yeux. « Tu entretiens tout un univers beau, coloré et qui sent comme un véritable paradis sur terre. Tu es une personne exceptionnelle. »
Pris au dépourvu, l'Oméga se mordit la lèvre pour ne pas démentir les paroles de Minho. Il dansa un pied sur l'autre avant de reprendre :
« Tu sens comme une fleur, tu le sais ça ? » demanda t-il d'une voix tremblante, craignant que le livreur lui parler de sa propre odeur. Il priait intérieurement que Minho n'aborde pas le sujet. Il fallait qu'il l'esquive.
« Oui, la giroflée. » répondit alors l'Alpha en se tournant vers lui, le sourire aux lèvres. « Peu commun pour une fleur n'est ce pas ? Beaucoup pensent que je sens simplement le clou de girofle, mais un passionné comme toi ne pouvait pas se tromper. »
Soulagé que Minho ne semblait pas vouloir aborder le sujet de sa propre odeur, ils continuèrent à tresser brins après brins leurs couronnes avant de pouvoir donner le dernier coup de crochet afin de nouer l'accessoire en un cercle parfait. Jisung n'avait douté à aucune seconde du talent du livreur : certes sa couronne n'était pas aussi bien finie que la sienne, mais il n'y avait aucune honte en ce que l'Alpha avait confectionné. Le rouge profond des roses faisaient ressortir le blanc pur des arums et leurs odeurs entremêlées firent frémir le nez de l'hybride écureuil.
« Tu es vraiment doué Minho ! » s'exclama le fleuriste en contemplant le travail de son invité. « Je n'ai pas eu un si beau résultat à ma première couronne !! »
« J'ai eu un excellent professeur. » répondit Minho en souriant toujours et encore avant de se tourner vers lui. « Le meilleur qui soit. »
Le cœur figé dans sa poitrine, Jisung put simplement observer le livreur soulever la couronne de roses et d'arums entre ses mains pour la déposer avec délicatesse sur la tête de l'Oméga. Celui ci se mit à rougir furieusement en sentant le poids de la couronne sur lui, les doigts de Minho se perdant dans ses cheveux et contre ses oreilles duveteuses.
« Merci pour ce moment Sungie, j'ai appris beaucoup de choses aujourd'hui. » déclara l'Alpha avant de s'approcher de lui d'un pas. Le fleuriste sentait son sang battre dans ses tempes : le rythme de son cœur était irrégulier et une envie irrépressible de se mettre sur la pointe des pieds pour embrasser Minho se fit dévorante dans sa poitrine.
Alors qu'il allait fermer les yeux, la clochette de la boutique se fit entendre ainsi que plusieurs pas lourds dans l'entrée du magasin. Jisung maudissait sa vie l'espace de quelques instants, avant de laisser ses yeux papillonner, comme s'il reprenait pied.
« Il y a quelqu'un ? » lança une voix de l'autre côté du mur, appelant pour lui.
Devant le fleuriste, Minho détourna les yeux en s'appuyant contre l'établi. L'Oméga murmura un « désolé » avant de faire demi-tour pour s'occuper de son client. Jisung n'avait pas le choix, même en tombant sur son client aussi sympathique était-il, il mourrait d'envie de retourner dans la remise.
Bien mal lui en prit, le client formula une longue commande, interminable même, pour le mariage d'une de ses filles prévus dans le mois. Jisung griffonnait la liste des différentes compositions demandées par l'hybride en face de lui sur le registre du magasin. Son esprit fut bientôt plein de lys et de pivoines dont il adorait fournir les événements aussi heureux, aussi il fut grandement soulagé de voir que le client ne s'attardait pas outre mesure. Lorsqu'il retourna dans la remise, Minho avait déjà enlevé le tablier de Félix et il observait le fleuriste avec un sourire peiné sur le visage.
« Je pense que je devrais te laisser travailler pour aujourd'hui, tu as à faire. » déclara t-il avant de détourner le regard. « Je... Je pourrais revenir pour recommencer ? »
« Bien entendu ! » s'exclama l'Oméga, le cœur gonflé dans sa poitrine. Au début déçu, il était finalement rassuré. « Oh, attends avant de partir, j'ai quelque chose pour toi. »
Pour une fois que le fleuriste pensait à tout, il s'en félicita lui même. Jisung contourna donc l'hybride à ses côtés pour aller récupérer l'azalée emballé la veille, portant le paquet contre sa poitrine avec un large sourire. Devant lui, les yeux de Minho s'écarquillèrent en voyant la plante et ses magnifiques boutons de blanc et de rose.
« C'est un azalée ! » reprit Jisung, les joues brûlantes. « Pendant ta tournée c'est difficile de prendre une plante pour te charger comme ça, donc aujourd'hui... je me dis... »
« Merci, j'en prendrais grand soin. » répondit l'Alpha en souriant de nouveau, ce qui fit emballer de nouveau le cœur du fleuriste.
« Tu sais déjà quoi faire pour t'en occuper ? » s'étonna alors l'hybride écureuil en voyant Minho si sûr de lui.
« J'ai beaucoup appris grâce aux livres, plus que tu n'imagines tu sais. »
De nouveau, lorsque leurs yeux se croisèrent, Jisung sentit son cœur s'arrêter de battre. Pourtant, l'Alpha n'insista pas et remercia l'Oméga avant de s'éclipser de la boutique. Le fleuriste aurait aimé que cet instant dure plus encore... Mais peut être Minho avait-il raison : il avait du travail et être à la boutique était synonyme d'être régulièrement dérangé. Avait-il vraiment failli embrasser le livreur ou était ce un jeu de son esprit ? Jisung fit une moue en entendant la porte de la boutique s'ouvrir sur un nouveau client : il n'allait pas avoir beaucoup de temps d'y penser.
Sauf qu'il y pensait constamment.
Même si ça n'avait duré que quelques instants, l'hybride écureuil était persuadé qu'il aurait pu embrasser Minho. Ce dernier ne semblait pas spécialement récalcitrant à l'idée. Il n'avait pas reculé en déposant la couronne de fleurs sur sa tête, au contraire, il s'était approché de lui. L'Alpha lui avait offert sa toute première couronne de fleurs, c'était un beau geste. Ce fut à cette pensée que Jisung se rendit compte qu'il n'avait pas porté son accessoire habituel pour cacher son odeur tout le long de l'atelier qu'il avait partagé avec Minho.
La sidération le fit se figer alors qu'il rendait la monnaie à une cliente en fin de journée. L'hybride ne semblait pas faire attention au fleuriste, complètement figé derrière son comptoir alors que son cœur semblait s'être arrêté dans sa poitrine. Minho avait sentit sa vraie odeur. Il avait subit son parfum toute la matinée sans se plaindre une seule fois. L'anxiété prit alors place dans le ventre de Jisung. Et si l'Alpha n'avait pas supporté cette contrainte et avait fini par s'éclipser pour pouvoir respirer ailleurs ? Et s'il s'était rendu compte qu'au final, malgré toute la sympathie et l'hypothétique attirance qu'il avait pour l'Oméga avaient été réduites à néant par cette odeur affreuse de papier et d'encre d'imprimerie. Un sanglot dans la gorge, Jisung essaya de se concentrer sur autre chose. Il fallait qu'il pense absolument à tout sauf ça.
Pourtant, arrivé chez lui après sa longue journée de travail n'arrangea rien. La gorge nouée et le ventre en pagaille, Jisung se mit à se morfondre dans son petit appartement. Ignorant les tâches ménagères qu'il avait à faire, il fit une longue toilette et prit le temps de nettoyer en profondeur ses glandes odorantes pour essayer d'en diminuer le parfum. Il se sentait la mort dans l'âme en observant son reflet dans le petit miroir qu'il avait chez lui.
Certes, il n'était pas laid, au contraire. Son pelage était bien entretenu, ses grands yeux noirs étaient expressifs et il savait que ses joues rondes étaient mignonnes. Mais cette odeur... cette fichue odeur gâchait toujours tout.
Avec toute la délicatesse dont il était capable ce soir là, il ôta la couronne d'arums blancs et de roses rouges que Minho avait confectionné pour la poser sur la coiffeuse de sa chambre. A défaut de pouvoir devenir plus proche de l'Alpha, il pouvait toujours rester ami avec. C'était mieux que rien. Il décida de faire sécher la dite couronne pour la conserver le plus longtemps possible. Malgré le cœur serré dans sa poitrine, il voulait faire bonne figure. Il pouvait toujours être l'hybride joyeux et timide qu'il était en temps normal.
Sa nuit fut affreuse et le lendemain matin fut une véritable torture. Il se dépêcha de se préparer pour faire l'ouverture de la boutique : Félix n'allait venir qu'en milieu d'après midi et tout reposait sur lui encore. En arrivant au magasin, il allait s'occuper de ses tâches matinales lorsqu'il fut surpris de voir une silhouette bien familière derrière les petits vitraux de sa devanture. Celle d'un hybride chat de Bengal, grand et élancé, qui s'arrêta devant la porte de la boutique. Malgré le panneau « Fermé » encore affiché sur l'entré, Minho entra dans le commerce avec un air incertain.
Au son de la clochette, Jisung ne pouvait pas quitter l'Alpha des yeux. De nouveau habillé de son uniforme de travail, Minho riva ses yeux sur lui en quelques secondes à peine. Pour le fleuriste, son cœur se serra dans sa poitrine : il aurait aimé pouvoir être aussi enjoué que d'habitude mais il avait beaucoup de mal.
« Bonjour Sungie. » lança Minho en entrant timidement dans la boutique alors que Jisung était occupé à remettre de l'eau dans les baquets. Pris au dépourvu, l'hybride s'arrêta pile à temps avant de faire déborder le récipient, évitant de peu une catastrophe comme celle dont il était coutumier. « Je ne te dérange pas trop à venir si tôt ? »
« Bonjour Minho, non ne t'en fais pas ! Ce n'est pas habituel, tu as besoin de quelque chose ? » demanda Jisung en sentant la tension dans ses muscles grimper en flèche. Le livreur de journaux ne venait jamais avant le milieu de matinée, aussi il était perplexe quant à sa venue si tôt dans son magasin.
« A vrai dire... j'aurais besoin d'un bouquet. » répondit l'Alpha en esquissant un sourire. « Tu peux me faire ça s'il te plaît ? »
Pris au dépourvu, Jisung accepta en hochant la tête et en reposant son arrosoir. Alors qu'il allait demander à Minho pour quelle occasion il désirait offrir ce bouquet et ainsi adapter les fleurs en fonction de celle ci, le livreur reprit :
« J'aimerais une composition avec des camélias rouges et des fleurs de myrte si possible. Tu aurais ça en stock ? »
Dans la poitrine de Jisung, ce dernier sentit un immense vide se creuser. Les quelques rougeurs qu'il avait sur ses joues s'évaporèrent pour laisser place à un teint terne et pâle. Les camélias, rouges de surcroît, étaient symbole d'amour éternel. Et les fleurs de myrte, par leur blancheur et leurs pétales ciselés, étaient attribuées à l'amour partagé. Minho n'était qu'à quelques mètres de lui, l'air embarrassé et semblait vouloir regarder tout ce qui n'étaient pas les yeux de Jisung. Ce dernier sentit la tristesse pointer dans le creux de son ventre : voilà pourquoi le livreur n'avait jamais osé faire plus ou être plus franc. Peut être s'était il rendu compte de son odeur il y a bien longtemps et avait il simplement décidé de s'approcher de lui pour en apprendre plus sur les fleurs et pouvoir ainsi en couvrir son ou sa tendre partenaire.
Quelle ironie.
« O-oui, j'ai ça. Je te fais ça tout de suite. » trouva t-il le courage de répondre avant de faire demi-tour dans la remise pour en sortir ce dont il avait besoin.
Bien malgré lui, il prit le temps de choisir les plus beaux camélias qu'il avait, les fleurs étaient énormes, sanguines et sentant terriblement bons pour le fleuriste. Il prit six branches de camélias, synonyme d'amour, avant de prendre quelques tiges de myrtes et de feuillages pour habiller le tout. En retournant dans la boutique, il essaya d'ignorer Minho derrière le comptoir pour se concentrer sur son travail.
Le silence était plutôt pesant, mais Jisung n'avait aucune envie d'ouvrir la bouche. Il se sentait mal, presque trahit, ce qui était hypocrite car le livreur ne lui avait jamais rien demandé dans le sens d'une potentielle relation. Certes, ils échangeaient entre eux, certes il l'avait invité à boire un café, certes ils aimaient passer du temps ensemble... Mais au fond, qu'était-ce aux yeux de l'amour ?
Ses mains courraient le long des tiges et des feuilles pour faire le plus beau bouquet de camélias possibles. La gorge nouée, il trouva le courage d'annoncer le prix à l'Alpha pour qu'il lui règle la note. Lorsque ce fut fait, Jisung prit le bouquet dans ses bras pour contourner le comptoir et faire face à l'hybride chat, qui avait les joues écarlates.
« J-je ne sais pas à qui tu vas offrir ça. Mais cette personne a de la chance. » murmura t-il en tendant le bouquet à Minho, qui l'observait de ses grands yeux gris en prenant la composition dans ses mains. Il laissa échapper un rire étouffé.
« De la chance je ne sais pas... Mais, si tu juges que c'est le cas... »
Avant même de pouvoir esquisser le moindre mouvement, Jisung contempla avec sidération le livreur de journaux poser un genou devant lui, le bouquet dans ses bras et les joues brûlantes de gêne. Le flot de tristesse dans son cœur s'arrêta net devant l'air embarrassé de Minho. L'hybride se rendit compte que ses genoux tremblaient.
« Elles sont pour toi Sungie. » reprit le livreur sans oser regarder le fleuriste dans les yeux. « Je sais que je ne suis pas très adroit dans ma façon de m'exprimer ou même de me comporter, mais je tiens vraiment à t'offrir ces fleurs. »
Pris au dépourvu, Jisung fut incapable de bouger pendant quelques secondes. Ses mains étaient sales, il portait des vêtements affreux et n'avait aucune couronne pour cacher son odeur d'imprimerie. La gorge nouée, il essaya de former des mots sans que rien ne réussisse à sortir. Lorsque Minho releva ses yeux vers lui, il y lu du doute.
« M-mais... Minho, ces fleurs, elles doivent signifier quelque chose, je... » commença t-il d'une voix tremblante et mal assurée.
« Je le sais, quand je te disais que je me renseignais sur les fleurs et sur les plantes, j'ai découvert qu'elles avaient un langage bien à elles. » reprit le livreur en essayant de calmer sa respiration. « Je le sais depuis notre premier rendez-vous à vrai dire. »
Jisung essaya de se souvenir des fleurs qu'il avait offert à Minho depuis. De nouveau, ses joues se teintèrent de rouge de plus en plus en songeant à tout ce qu'il avait essayé de faire comprendre à l'Alpha. Son intérêt, le désir qu'il ressentait pour lui, son attirance et même son amour. Embarrassé, l'Oméga tendit la main pour reprendre le bouquet dans ses bras tout en contemplant le livreur, toujours un genou au sol.
« Ce qui veut dire que... » chuchota alors Jisung, qui essayait de connecter les points entre eux.
« Oui Sungie, je sais depuis longtemps que tu m'aimes. » répondit Minho en souriant. « Et je sais que tu es timide et que tu n'as pas forcément confiance en toi, je voulais entrer assez dans son univers pour te faire comprendre à quel point moi aussi, je t'aime. »
Avant même de pouvoir répondre, le fleuriste observa l'hybride devant lui se relever. Il se sentait minuscule, mis à nu et surtout, il sentait ses sentiments déborder en lui plus que jamais. Embarrassé, il déglutit péniblement en serrant le bouquet contre son torse à l'instant même où Minho fit un pas vers lui.
« J'aurais aimé me confesser hier, mais nous étions sans cesse dérangé alors je suis venu tôt aujourd'hui... » murmura t-il avant de tendre la main pour replacer délicatement une mèche de cheveux de l'Oméga derrière son oreille. « Alors... »
« Mais... et mon odeur ? » répondit Jisung, le cœur broyé par la tendresse de l'Alpha et par sa délicatesse. Il se sentait dépossédé de tout et surtout de ses moyens. Il n'avait qu'une envie : se rouler dans les bras de Minho pour sentir son parfum de giroflée envahir ses poumons pour l'enivrer. Mais en avait-il le droit ?
« Quoi ton odeur ? » demanda alors le livreur en esquissant un sourire.
« Elle est affreuse, comment tu peux la supporter, pourquoi tu dis ça alors que je... »
Alors qu'il allait commencer à déblatérer son discours habituel concernant son odeur qu'il trouvait horrible et toute la haine qu'il éprouvait envers elle, Jisung sentit la main du livreur se glisser sous son menton pour l'empêcher de parler. Surpris, l'hybride l'observa de ses grands yeux noirs, les joues écarlates et le souffle court.
« Sungie... » chuchota Minho en souriant toujours et encore. « J'aime ton odeur. Tu sens le papier neuf et l'encre de chine, je suis livreur de journaux, j'aime lire à longueur de journée car les livres sont une de mes passions... Tu n'as pas songé une seule seconde que j'aimais particulièrement ce que tu sentais ? »
L'Oméga sentait les larmes monter à ses yeux. En quelques mots, Minho venait de balayer ses doutes, ses craintes et la haine qu'il entretenait envers lui depuis des années. Il serra ses lèvres l'une contre l'autre fort pour s'empêcher de sangloter, jusqu'à ce qu'elles ne soient réduites qu'à un mince trait. Le sourire du livreur s'effaça de son visage. Inquiet, il prit le bouquet des mains de l'hybride écureuil pour le poser sur le comptoir et ainsi pouvoir saisir ses mains avec tendresse.
« P-pardon, je ne pensais pas q-que... » balbutia Jisung en essayant de retenir ses pleurs de toutes ses forces.
« Tout va bien, je suis là d'accord ? » répondit l'Alpha en retrouvant son si beau sourire. « Tu sais, c'est grâce à toi aussi que j'ai apprécié mon odeur. »
Surpris, le fleuriste laissa ses doigts s'entrecroiser à ceux de Minho pour le tenir tout contre lui. Sa fourrure était douce contre la siennes, il adorait déjà la sensation de leurs pelages l'un contre l'autre pendant qu'il s'approchait par instinct de l'hybride chat.
« Comment ça ? » demanda alors l'Oméga, trouvant désormais le courage de ravaler ses larmes et d'observer le livreur de journaux dans les yeux.
« Je pensais que c'était simplement l'odeur du clou de girofle, agressif et désagréable qui était ma réelle odeur. » reprit Minho en abandonnant une des mains de Jisung pour venir glisser la sienne le long de sa joue. Le fleuriste sentit son cœur s'emballer dans sa poitrine à la caresse. « Mais grâce à toi j'ai découvert que j'étais autre chose. Je n'aime pas beaucoup les gens Sungie, tu es le premier hybride à oser s'approcher de moi depuis bien longtemps. »
Guidé par son instinct, Jisung se hissa sur la pointe des pieds pour s'approcher de l'Alpha et il ferma les yeux. Tout ce qu'il sentit à ce moment là fut la douceur des lèvres de Minho sur les siennes, son odeur de giroflée envahissant ses poumons et lui faisant tourner la tête. Son cœur battait un rythme infernal dans sa poitrine en sentant ses doigts s'entrecroiser à ceux de l'Alpha les uns après les autres. La main de Minho était chaude sur sa joue, elle le fut davantage lorsque elle le guida pour pencher sa tête et ainsi laisser ses lèvres caresser davantage celle de l'hybride à ses côtés.
Lorsqu'ils se séparèrent, le fleuriste se sentait comme sur un nuage. Le haut des oreilles et le cou rouge d'embarras, il osa ouvrir les yeux sur Minho, qui semblait être dans le même état que lui.
« Lorsque j'ai vu l'azalée hier... » murmura t-il sur le ton de la confiance. « Je me suis dis que c'était assez et que ça avait assez duré. Je t'aime, Sungie. Tu es un Oméga fantastique et j'aimerais pouvoir devenir ton compagnon pour autant de temps que tu le souhaiteras. »
De nouveau, un sourire envahit le visage de Jisung. Il se mordit les lèvres sans pouvoir détourner le regard une seule seconde, embarrassé et flatté par la tournure des événements. Jamais il n'aurait imaginé pouvoir embrasser Minho ce matin en se réveillant.
Au sein de la boutique et de la jungle de fleurs luxuriante, le fleuriste vint se lover tout contre l'Alpha pour enfin s'abreuver de son odeur. Dès qu'il plaqua son oreille contre le torse de Minho, il sentit un ronronnement chaleureux s'échapper de la poitrine du livreur de journaux. Abandonnant la joue de l'Oméga, l'hybride finit par enserrer la taille de Jisung pour le blottir tout contre lui.
« Tu aurais dû me dire que tu connaissais le langage des fleurs... » chuchota t-il doucement tout contre l'uniforme de Minho.
A ces mots, l'Alpha se mit à rire. Son ronronnement berçait plus que tout le fleuriste, qui sentait déjà en son sein la douceur d'un foyer et de l'amour le plus pur qui soit. Lorsque Minho ouvrit de nouveau la bouche, l'hybride était certain de fondre de plus en plus à chacun de ses mots :
« Oh... Mais pour toi Sungie, je suis capable d'apprendre toutes les langues du monde si c'est pour te dire « Je t'aime ». »
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