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Jusqu'à la fin des temps (Minsung)

Style: Romance, Historique, Surnaturel/Réincarnation d'âmes

Pairing: Minsung

 5 528 mots

Pour: @FilledesSonges3 quia gagné la deuxième place du concours des 1000 abonnés!

Résumé:

A travers les époques et le temps, Jisung sentait que son âme était irrémédiablement reliée à celle d'une autre personne. Elle portait toujours un autre visage, un autre nom.

Mais son amour lui, était intact.




« ça ne donnait pas la sensation d'être un rêve Félix, crois-moi ! »

La chaleur de l'été étouffait Jisung. C'était une splendide journée, où les nuages avaient déserté le ciel et où les cafés étaient prit d'assaut par les passants afin d'obtenir quelques boissons froides. Malgré son café frappé dans le ventre, le jeune homme ne supportait pas cette chaleur étouffante. En compagnie de Félix, il venait tout juste de finir une halte rafraîchissante. Son ami leva les yeux au ciel à côté de lui alors qu'ils sortaient de leur établissement préféré.

« Jisung, sans vouloir te vexer je ne pense pas que tu sois allé à aucun moment en Italie dans ta vie. » reprit son ami, l'air sérieux.

« Je sais, mais... enfin, d'accord je dormais, mais j'avais une sensation vraiment spéciale lorsque j'ai vécu tout ça... »

Depuis qu'il était adolescent, Jisung se savait particulier. Au fur et à mesure des années, les rêves qu'il faisait une fois endormi n'étaient en rien semblables à tout ce qui était décrit dans les livres concernant l'onirologie. La plupart des témoignages évoquaient des schémas répétitifs de ce que toute personne traversait lorsqu'elle était perdue dans ses songes : une perte de dent, la sensation d'être poursuivi, ou encore des rêves sans aucun sens logique. Lui avait la sensation de revivre des périodes de sa vie...

Mais à des époques et des lieux bien différents.

Que ce soit perdu dans des steppes mongoles, à l'abri dans des yourtes lors de grandes invasions de guerriers à cheval, entrain de vénérer des déités incas perdues dans des temples enfouis dans des jungles luxuriantes, ou encore en pêchant des poissons sauvages sur la banquise arctique, Jisung vivait les mêmes scènes, encore et encore. Il traversait ce qu'il assimilait à des souvenirs, comme un fantôme du passé. Il connaissait les gens autour de lui, savourait sa vie sous chaque nouveau jour et adorait les parcourir.

A chaque rêve, il rencontrait toujours une personne bien particulière.

Un homme, ou une femme, cela dépendait des époques. L'être en face de lui avait toujours des yeux bruns attendris, un regard pénétrant et désarmant, pour lequel Jisung sentait son cœur se mettre à battre la chamade. L'étrange sentiment qui étreignait son cœur le faisait presque suffoquer. Il voulait dire à quel point cette sensation était similaire à celle de l'amour, mais il n'arrivait jamais à s'approcher de cette personne. Les quelques moments volés avaient le goût de baisers fugaces et du sel de leurs larmes. Jisung ressentait toujours une mélancolie étouffante dès qu'il retrouvait cette personne dans ses rêves...

« Je me dis tu sais, c'est peut-être un délire de rêves mystiques. » reprit-il, peu convaincu par sa propre théorie.

« Je t'avoue que je ne suis pas un grand spécialiste des rêves, surtout aussi élaborés que ça. » répondit Félix alors qu'ils descendaient la rue pour arriver au niveau d'un passage piéton.

« Tu connais de bons bouquins pour m'aider ? » demanda Jisung en se mordillant la lèvre. « Parce que je suis désespéré. »

Malgré toute sa bonne volonté, le jeune homme n'avait jamais trouvé de réponses à ses questions. Ce n'était pas faute d'avoir écumer des centaines de sites spécialisés, d'arnaques en tout genre ou encore de faire appel à des services de voyance pour savoir s'il y avait une quelconque explication spirituelle à tous ses rêves. Mais jamais il n'avait trouvé la réponse. Même si cela ne l'empêchait pas de vivre au quotidien, à chaque réveil suivant ses songes si spéciaux, il sentait un grand vide dans sa poitrine. Les yeux bruns de son être aimé, si cher et si fort à ses yeux, n'étaient plus là pour le contempler.

Jisung soupira, à cause de la chaleur et à cause de la fatigue. La nuit même, il avait rêvé d'être retrouvé en Toscane, dans la magnifique ville de Florence. Il se souvenait de ses bras fins plongés dans l'eau froide d'un bassin de teinture, l'odeur brûlante lui remontant dans la gorge alors qu'il imprégnait les draps de couleurs flamboyantes. La caresse des soieries et la transpiration collant à son dos, il avait accepté avec joie le verre de vin dilué servi par un jeune noble au regard brun, si tendre et si chaleureux...

En relevant la tête, lorsque la signalisation passa au vert, Jisung commença à traverser la route. Félix sur les talons, il laissa son regard balayer la foule de badauds se pressant sur le passage piétons pour traverser en sens inverse. C'était un week-end chargé, beaucoup de familles, d'enfants et de couples étaient de sortie pour profiter du temps estival. Perdu dans ses pensées, Jisung se tourna pour faire faire à l'étrange sensation d'être observé qui l'étreignait.

Lorsqu'il le vit, il se sentit paralysé.

Face à lui, un jeune homme d'une beauté à couper le souffle. Les cheveux châtains coupés courts, le visage anguleux, le nez droit... et ce regard brun, pénétrant, brûlant. Jisung sentit son cœur s'arrêter de battre dans sa poitrine. Il le regardait droit dans les yeux, sans détourner son attention une seule seconde. Tétanisé, Jisung se figea en plein milieu du passage piéton. Il le connaissait.

Il était certain de connaître l'homme en face de lui.

Nuit après nuit, il le croisait, sous d'autres corps, d'autres visage... Malgré tout ce qu'il pouvait traverser dans sa vie, Jisung était certain de se souvenir de lui sous toutes ses formes. Même si son esprit lui donnait la sensation de fonctionner au ralenti, il sentait toute son âme se mettre à vibrer. Sous ses yeux ébahis, il était là. L'être qui partageait chacun de ses rêves, de ses souvenirs étranges qu'il avait la sensation de revivre à l'infini.

Et le temps se figea.

« Ce sera tout pour aujourd'hui. »

Antinoüs tremblait d'impatience alors qu'il enroulant les rouleaux de papyrus étalés sur le bureau devant lui.

Contrairement aux garçons de son âge, il avait la chance de pouvoir être éduqué par les meilleurs précepteurs de l'Empire romain. Malgré la fatigue de ses enseignements à longueur de matinée, l'éphèbe ne pouvait pendant qu'être heureux de son destin. En ce mois d'automne, il appréciait la douceur du temps et la beauté des paysages qui s'offrait à ses yeux.

Le jeune homme n'avait cependant pas de temps à perdre. Repliant le chiton au niveau de ses cuisses, il attrapa sa besace de cuir de bœuf pour y placer ses rouleaux manuscrits. Son précepteur était déjà occupé à quitter la salle dans laquelle tous les deux se trouvaient. Au temple de Thot, les écritures étaient sacrées et l'amour de la vie d'Antinoüs l'avait envoyé ici afin de parfaire son apprentissage pour devenir plus érudit.

L'Empereur Hadrien en personne.

Malgré leur différence d'âge flagrante, l'éphèbe ne cessait de se remémorer de leur première rencontre. Au détour d'un palais, à l'ombre d'une colonnade alors qu'il était occupé à récurer le sol, Antinoüs avait sentit le regard brun se poser sur lui. Sous sa peau de miel, son cœur s'était emballé et le jeune homme était tombé éperdument amoureux de l'homme le plus puissant du monde. Ce dernier l'avait élevé au rang de favori, se délectant de sa jeunesse et de sa naïveté, jusqu'à vouloir l'intégrer davantage dans les rouages du pouvoir. Sans parent, Antinoüs n'avait pu qu'apprécier cette proposition, le cœur étreint d'un amour qu'il avait la sensation d'éprouver depuis une vie antérieure.

L'éphèbe replaça ses cheveux bouclés d'un geste rapide avant de quitter la salle privative dans laquelle il se trouvait. Ses yeux tombèrent aussitôt sur la grande salle de culte, où la statue imposante du grand Thot apposait son regard sur les mortels. Son long bec d'ibis penchait vers le sol, sur l'autel où des fidèles avaient déposé des offrandes pour le dieu des scribes. Antinoüs ne pouvait cependant pas s'attarder davantage : il avait rendez-vous le long des rives du Nil. L'Empereur rendait visite ici là, et l'éphèbe voulait pouvoir accueillir son amant comme il se devait.

Il quitta donc le temple dédié à Thot, découvrant la cité d'Hermopolis Magna sous ses yeux. Les grandes murailles de pierres jaunes entouraient les lieux de culte d'une blancheur éclatante, éclairés par le soleil encore splendide de l'automne. Pressant sa besace contre son torse, Antinoüs détailla l'espace d'un instant les longues colonnades ainsi que les arbres plantés dans des bacs noyés par l'eau du Nil, les marches blanches guidant le peuple d'Égypte à travers la cité, savourant le bruit des passants non loin de lui... L'éphèbe laissa son regard se porter alors à l'horizon : depuis les hauteurs du temple, il pouvait apercevoir les berges du grand fleuve longeant la ville.

N'ayant plus le temps de repasser dans son logement prêté par l'Empereur Hadrien en personne, Antinoüs décida de se rendre directement sur les berges à l'endroit convenu. Il savait que là-bas, quelques pirogues de papyrus et de cordes étaient apprêtées afin de permettre aux proches de leur dirigeant de s'approcher de sa barque afin de venir le saluer et de lui offrir des gerbes de bleuets. Le jeune homme trépignait d'impatience à l'idée de revoir enfin l'Empereur qu'il aimait tant.

Ne prêtant aucune attention aux quelques fidèles se pressant pour entrer dans le temple de Thot, Antinoüs se décida à en quitter l'enceinte. Il descendit les escaliers avec attention, veillant à ne pas froisser son chiton de lin blanc offert par son amant, avant de rejoindre la cour principale. Ci et là, quelques badauds se déplaçaient, traînant des ânes chargés de provisions, des tablettes d'argiles ou encore des rouleaux soigneusement repliés dans un sac de cuir. Antinoüs ne s'attarda pas, préférant filer dans la foule amassée autour des premières habitations afin de traverser la cité. Le cœur en joie et l'âme légère, il longea les habitations de briques, fabriquées à partir de la boue du Nil et de la paille de ses roseaux. Ignorant les quelques enfants se pressant afin de regagner leur foyer, l'éphèbe sentit son impatience grandir.

Hadrien était un homme bon, sage et à la connaissance accrue. Son statut d'Empereur le forçait à investir davantage la ville de Rome ou d'Athènes, voir même d'Alexandrie plutôt que de venir se perdre jusqu'à Hermopolis Magna. La vanité d'Antinoüs lui chuchotait à l'oreille que c'était grâce à lui que l'Empereur descendait si loin sur les rives du Nil, bravant les dangers de la nature et les brigands afin de se délecter de sa présence. L'orgueil étouffant l'éphèbe, ce dernier fut incapable de retenir un sourire sur ses lèvres.

Son long périple se solda enfin sur son arrivée auprès des berges du fleuve. Large de plusieurs encablures, une grande foule s'était déjà regroupée afin d'accueillir l'Empereur de ce peuple. Antinoüs préférait éviter de se précipiter sur les premières rives encore claire de monde le long des pontons, et voulait remonter au nord afin d'avoir une meilleure vue sur l'arrivée de son amant. Il poursuivit donc son chemin, évitant les curieux en longeant la grande rive du Nil afin de remonter jusqu'au port principal. Le soleil était haut, mais la fraîcheur de l'eau permettait de ne pas souffrir de sa chaleur. Antinoüs avait cependant hâte de pouvoir s'installer dans sa pirogue et de s'y reposer en attendant Hadrien. Son impatience pour l'embrasser, et lui raconter ses journées interminables de cours, commençait déjà à l'étouffer.

Qu'il avait hâte de retrouver ce regard brun caressant sa peau.

Alors qu'il s'approchait du grand ponton principal, Antinoüs dû faire des pieds et des mains pour fendre la foule compacte. Pressant sa besace de cuir tout contre lui, le jeune homme eu grande peine à s'approcher de la garde impériale. Ce ne fut qu'à grand renfort de coups de coude et de dédain que le jeune homme réussi à s'approcher du premier rang.

« Halte. » lui somma un garde tout proche. « Personne ne passe sans autorisation. »

« J'en ai une en ma possession. » justifia Antinoüs avant de fouiller dans sa précieuse besace. « Veuillez la vérifier. »

Le garde eu l'air septique, cependant il vérifia le papier tendu par l'éphèbe. Signé de la main d'Hadrien lui-même, ainsi que du sceau de Quintus Marcius Turbo, son général des armées le plus notables, le laisser-passer fit pâlir le gardien. Il redonna l'attestation à Antinoüs, se confondant en excuse, avant de sommer son escouade de laisser passer le jeune homme.

Avec un plaisir mal dissimulé, l'éphèbe s'avança donc parmi les soldats en poste pour assurer la protection de l'Empereur. Il suivit l'indication du garde, lui montrant le chemin pour emprunter une pirogue avec une vue des plus impressionnantes pour l'arrivée d'Hadrien. Le cœur en liesse, Antinoüs laissa ses sandales battre les lattes de bois du ponton, ravi de pouvoir accéder à une place privilégiée pour son amant. Il trouva une barque où trois autres personnes avaient déjà embarqués, l'air pincées et sérieuses, elles observèrent le jeune homme monter avec eux sans un mot.

Le piroguier grimpa alors à l'arrière de l'embarcation, laissant tout le loisir à Antinoüs d'observer les passagers avec lui. Il y avait deux femmes, d'un âge plus avancé que le sien, ainsi qu'un petit garçon d'une dizaine d'années. Malgré toute sa bienséance, l'éphèbe eu du mal à contenir la jalousie qui étreignait son cœur en détaillant les courtisanes de son amant ainsi qu'un de ses fils. Ces femmes assuraient la descendance d'Hadrien, quand bien même n'était-elle pas officielle. Sa lignée ne pouvait pas s'éteindre avec lui.

L'embarcation quitta alors le ponton, s'éloignant légèrement de la rive afin de s'engouffrer sur le Nil. Antinoüs n'était jamais à l'aise sur l'eau : il ne savait pas nager et ses rares escapades ne l'avait jamais emmené bien loin. Cependant, l'affection qu'il portait pour Hadrien pouvait lui faire soulever des montagnes, et le jeune homme ravala sa peur afin de rester ici à attendre son bien aimé.

La fraîcheur de l'eau était plaisante, l'éphèbe se laissa bercer par le clapotis régulier de son embarcation. Les deux femmes à ses côtés étaient terriblement silencieuses, et Antinoüs en était fort ennuyé. Cependant, il était impoli d'adresser la parole aux courtisanes de l'Empereur si elles n'initiaient pas la conversation, et la jalousie rance de l'éphèbe l'empêchait alors toute dérogation à la règle.

Malgré le temps qui s'étirait comme de la glaise, le jeune homme sentit son cœur manquer un battement lorsqu'il entendit la clameur du peuple sur la rive.

Surpris, il se redressa et fit le grand rassemblement autour des pontons disposés ça et là. Le peuple exultait, criait et manifestait sa joie, alors qu'à l'horizon se dessinait enfin la silhouette immense de la barque d'Hadrien. Extatique, Antinoüs fut incapable de se retenir. Il se mit à moitié debout dans la pirogue instable, observant d'yeux brillants l'embarcation charriant l'amour de sa vie jusqu'à lui. Le piroguier manœuvra habilement pour se stabiliser, et l'éphèbe se maintint maladroitement au bord de la barque.

Son cœur débordait de joie, il peinait à croire qu'enfin, il allait être réunis avec l'Empereur. Il lui hâtait de retrouver l'âtre béante de ses appartements, de se loger dans le creux de ses bras et de pouvoir lui laisser déguster sa chair. Le regard brun posé sur lui, brillant de bienveillance et d'amour lui manquait au-delà des mots...

Lorsqu'il sentit une main le pousser en avant, Antinoüs comprit aussitôt que cela resterait des espoirs vains.

Sans pouvoir se raccrocher au bord de l'embarcation, son corps bascula en avant et il tomba la tête la première dans l'eau du Nil. La pression de l'eau l'aveugla et le rendit sourd immédiatement, l'obligeant à fermer les yeux et la bouche. L'impatience l'abandonna brutalement, remplacée par une panique effroyable. Rien ne l'entourait, il sentait juste la façon dont l'eau l'engloutissait avidement pour le faire plonger. Par réflexe, Antinoüs commença à se débattre. Il devait retrouver Hadrien. A tout prix.

Mais plus les secondes passaient, plus l'espoir quittait son corps. Il sentait ses forces le quitter au fur et à mesure, alors qu'il se sentait happé par les ténèbres résidant dans le fond du Nil. Il allait rejoindre les roseaux, la vase et les offrandes jetées dans le fleuve. La surface s'éloignait de plus en plus, et l'air commençait à lui manquer.

Personne ne viendrait l'aider.



Jisung ne pouvait pas pas quitter des yeux l'homme en face de lui. Le passé l'étouffait. Il connaissait ce regard brun et l'avait gravé dans sa chair au fil de ses vies passées. L'amour qui s'y trouvait était bien plus fort que tout autre chose existante, et transcendait même l'éternité.



Alors que le soleil se levait au dessus du Languedoc, Margot était déjà à la cueillette depuis une bonne heure.

Il était commun pour elle de se lever si tôt. L'aurore était l'instant parfait pour recueillir les plantes afin de prodiguer ses soins auprès de la population de son comté. Ces derniers mois avaient été plutôt éprouvants pour elle. Contrainte par le clergé de vivre légèrement à l'écart de son village à cause de son travail de guérisseuse, elle se voyait de plus en plus considérée comme une pestiférée par les siens. Ils voyaient dans ses remèdes à base de plantes des malédictions de sorcière.

La seule personne faisant exception à cette règle désastreuse était son amour et amant, le fils du forgeron.

Étienne était un jeune homme respecté, raisonnable et bon. Il était sérieux et également un bon parti dans leur village. Margot s'était éprise de lui alors qu'ils n'étaient encore que des enfants. Alors privée de ses parents, la petite avait été élevée par sa grand-mère. Le fils de forgeron avait attrapé son cœur dans les premières années de sa vie. Habituellement bagarreur et plutôt tête bêche, le petit garçon s'était également entichée de l'orpheline aux longs cheveux roux. Ses grands yeux bruns la baignait d'affection et de douceur, elle qui n'avait jamais connu que la caresse âpre des ongles de sa grand-mère dans sa tignasse. Margot s'était alors accroché à ce garçon, savourant ce contact et la bonté dont il faisait preuve à son égard.

Et la jeune femme savait que tout pouvait basculer d'un jour à l'autre désormais.

Le cœur lourd, elle ramassa avec attention les passiflores sans abîmer la moindre pétale dans son panier.

Auparavant, elle vivait dans l'ancienne bâtisse de sa grand-mère : un vieil abri en pierres solides construit des décennies auparavant. Au décès de celle-ci, l'ordonnateur du comté lui avait autorisé à rester dans sa demeure. Elle n'avait que 16 ans, mais elle était vaillante. Reprenant les enseignements de son aïeule, Margot s'appliqua à approfondir ses connaissances des plantes sauvages afin de remplacer sa grand-mère dans le village.

Mais l'arrivée d'un nouveau prêtre avait bousculé les habitudes de tous.

Autrefois appréciée par les habitants, Margot fut surprise de voir ses remèdes en tout genre ne plus trouver aucun preneur. Elle avait toujours été à part au sein de la population, de par son histoire et aussi de la méfiance qu'engendrait sa chevelure de feu, mais elle était aussi respectée pour toujours aider les nécessiteux. Cependant, le nouveau prête avait décidé de reprendre le comté d'une main de fer, d'être moins à l'écoute de la population et de prêcher à tour de bras les faibles afin d'accueillir de nouvelles brebis dans son troupeau. La guérisseuse avait comprit rapidement que malgré sa dévotion à l'église chaque dimanche, l'homme de foi la jugeait comme s'il se prenait pour Dieu lui-même. Embarrassée par ses discours moralisateurs, Margot sentait son cœur se serrer à chaque fois que la messe dominicale approchait.

Et elle avait sentie les regards des siens changer.

Au mieux amicaux, au pire indifférents, les habitants de son village l'observaient désormais avec méfiance. Elle avait longuement parlé de cette sensation désagréable à Étienne, pour lui faire comprendre qu'il était peut-être bon pour le fils du respecté forgeron de ne plus côtoyer la guérisseuse du village. Lui offrant son regard débordant d'amour, le jeune homme avait balayé sa proposition d'un revers de la main sans aucune hésitation.

Margot était rassurée mais aussi terriblement inquiète.

Elle se redressa du sous-bois où elle se trouvait ce matin là, le panier chargé de fleurs médicinales afin de préparer ses remèdes. D'un pas décidé, elle voulu regagner l'abri qu'elle occupait désormais en périphérie du village. Chassée par le prêtre et quelques fanatiques de son propre logement, Margot avait décidé de bâtir un baraquement de fortune pour rester proche de ses rares amis, et surtout d'Étienne. Le menuisier du village l'avait aidé discrètement : même si la guérisseuse avait sauvé sa femme d'une mort en couche, il ne voulait pas ternir son image en étant vu entrain de l'aider.

Incapable de lui en vouloir, la jeune femme avait accepté son sort avec un triste sourire.

Elle longea le chemin de terre afin de sortir du bois dans lequel elle se trouvait. Le temps était beau, et le léger brouillard matinal baignait la campagne du Languedoc dans des volutes orangés grâce à la lumière de l'aurore. Le cœur lourd, elle souleva sa robe afin de ne pas la faire traîner dans la poussière. Ses chaussures trop usées la faisait souffrir à chaque pas, mais elle n'avait pas les moyens de demander service au tanneur.

Au détour d'un bosquet se trouvait son abri de fortune. Tout fait de planches de châtaigner, la modeste bicoque n'avait qu'une pièce minuscule lui permettant de dormir à l'abri de la pluie et en sécurité. Aussi, Margot se sentit se figer en voyant une silhouette assise sur son palier. La guérisseuse sentit l'inquiétude monter dans son ventre avant de se dissoudre dans le soulagement. Elle reconnu bien rapidement le visage de son amant à travers la légère brume.

En s'approchant de lui, Étienne se redressa maladroitement. Éperdue, la jeune femme se perdit aussitôt dans son regard brun, dans sa chaleur et sa douceur, alors que le fils du forgeron venait à sa rencontre. Margot l'accueillit d'un sourire, détaillant ce visage parfait à ses yeux et à son âme.

« Ma douce... » chuchota Étienne en s'approchant d'elle. « Ma belle, je n'ai pas pu sortir hier. »

« Ce n'est rien. » répondit la guérisseuse en tendant sa main libre pour la glisser dans celle de son amour. Cette dernière était rêche et granuleuse à cause du travail à la forge.

« Mes parents ont été infernaux. » reprit le jeune homme d'un air contrarié. « Ils m'ont encore parlé de ce mariage arrangé avec la jeune Agathe... »

A aucun instant Margot n'avait douté de l'amour inconditionnel du fils du forgeron. Mais ses parents étaient des gens avares et ils n'avaient aucune envie de voir leur fils aîné épouser une souillon comme elle. Elle était au courant depuis des années : Étienne était censé épouser Agathe, la fille cadette du boulanger depuis bien six mois. Et son compagnon avait beau lutter de toutes ses forces et manifester son mécontentement, rien n'y faisait. Ses parents étaient plus têtus que des bœufs.

« Mon amour, je crains que notre destinée ne soit difficile... » répondit-elle, le cœur pesant une tonne dans sa frêle poitrine. « Je ne suis qu'une paria aux yeux de tous. »

A de nombreuses reprises, Margot avait hésité à en finir une bonne fois pour toutes. Malgré tout l'amour qu'elle portait au fils du forgeron, il était évident qu'ils ne pourraient jamais vivre heureux ensemble dans leur village natal. La seule solution était de tout quitter et de s'établir de l'autre côté du comté. Et elle n'était pas certaine que cela suffise.

« Ma douce, ne perd donc pas espoir, je sais que... »

Les quelques mots d'Étienne furent suspendus dans le temps, car la guérisseuse se tourna vivement en entendant des bruits de sabots s'approcher d'eux. Elle recula aussitôt d'un pas, préférant ne pas porter préjudice à son amour en étant vu si proche d'elle. L'inquiétude baigna son cœur lorsqu'elle devina à travers le brouillard et les rayons du soleil plusieurs silhouettes à cheval. Tétanisée, elle sentit sa respiration se couper. Les cavaliers portaient une torche pour éclairer les environs, et Margot se sentit trembler lorsqu'elle eu le déplaisir de reconnaître qui chevauchait l'étalon de tête.

Il s'agissait du prêtre de leur paroisse, l'air sévère et la mine grave. La jeune femme déglutit péniblement, le chant des oiseaux autour d'eux s'était tût et la pression dans son cœur l'étouffait. Elle se mordilla la lèvre nerveusement alors que son regard se posa sur les deux membres de la garde du comté descendre de leurs propres montures.

« Margot des Vaux, aussi appelée Margot la guérisseuse ? » héla alors le prêtre sans une once d'humanité dans son regard.

« O-oui ? » bredouilla t-elle, mal à l'aise.

« Par l'ordre du Tout-Puissant et de l'Inquisition susnommée, je vous arrête pour acte de sorcellerie. » lança l'homme d'Église. « Pour fornication avec le Malin, sortilèges de tromperie et parjures. »

La jeune femme sentit le sol se dérober sous ses pieds. Malgré les vociférations d'Étienne à côté d'elle, les deux gardes n'en avaient cure. Ils empoignèrent Margot sans une once de douceur, laissant tomber sur panier d'herbes médicinales sur le sol. Les fleurs éclatèrent en un bouquet coloré dans la poussière, alors que la guérisseuse sentait la force des hommes l'entourant la soulever de terre.

« Je ne suis pas une sorcière !! » s'exclama t-elle, la voix étranglée par la peur.

« Vivre en dehors de la communauté et arborer une chevelure plus incendiaire que les Enfers ne plaident pas en votre faveur. » gronda le prêtre d'un ton sans appel.

« Vous m'avez chassé de chez moi !! » protesta la jeune femme.

Malgré l'intervention de son amant, Margot fut installée de force sur un des chevaux des gardes. Incapable de se débattre davantage, elle tenta de descendre de la monture d'un geste brusque.

« Si vous continuez à vous débattre, ce garçon sera accusé d'accouplement avec une succube. » reprit l'homme de foi, intraitable.

La guérisseuse se figea alors.

Sous le regard désespéré d'Étienne, la jeune femme se résigna sous la peur. Elle ne voulait, ne pouvait pas infliger une telle punition à l'amour de sa vie. Elle cessa donc de bouger, pressée contre le garde qui la maintenait en place sur le cheval. De nature sensible, Margot sentit les larmes monter à ses yeux.

L'inquisition était la juridiction qui régnait sur le comté depuis l'arrivée du nouveau prêtre. Son régime de terreur avait déjà fait plusieurs victimes : que des femmes isolées, deux mendiantes qui auraient pu avoir l'âge de sa mère ainsi qu'une nonne voyageuse. Il avait accusé cette dernière de souiller ses propres vœux en étant une religieuse itinérante, au lieu de servir Dieu à l'abri dans son couvent. La pauvre avait finie par périr suite à une cure par l'eau, lorsqu'on avait trouvé un grain de beauté sur son épaule. La marque évidente, selon le prête, que le Malin l'avait souillé.

Tétanisée, Margot se mit alors à trembler alors que le garde ébranla sa monture. Elle pouvait se défendre, elle savait qu'avant l'arrivée de cet homme de foi, les villageois l'appréciaient. Sa grand-mère était une femme à la réputation d'ermite, mais elle avait reprit avec assiduité ses enseignements. Malgré sa chevelure rousse, la jeune femme était toujours restée une bonne chrétienne, et ce n'était pas le malaise que lui faisait ressentir l'inquisiteur qui l'avait empêché d'assister à son office.

Toujours était-il qu'elle était terrifiée.

Dans un silence étouffant, la délégation retourna dans le centre du village. Le soleil se leva enfin totalement, couvrant de ses rayons la surface froide du sol. Les maisonnettes en brique de boue et en paille se dressaient fièrement sur leur passage. Margot n'osait pas relever la tête : elle craignait d'être reconnue et que la rumeur ne se répande comme une traînée de poudre.

Elle était accusée d'être une sorcière.

Alors qu'ils approchaient de l'arrière cour de l'église, cette bâtisse basse et austère, aux ouvertures si larges que le froid y pénétrait sans peine, la jeune femme se sentit brutalement poussée du cheval. Ne s'y attendant pas, Margot fut déstabilisée et elle tomba maladroitement, se raccrochant à l'encolure de la monture pour ne pas se briser le crâne sur le sol. Derrière elle, le gardien ria d'un air goguenard avant de descendre et d'attraper son bras pour l'empêcher de s'enfuir.

« Nous allons vérifier si tu n'es pas l'envoyée du Malin. » cracha le prêtre alors qu'il descendait à son tour de son cheval, laissant le soin à l'autre garde de s'occuper de sa monture.

« Je ne le suis pas ! » rétorqua Margot d'une voix terriblement éraillée. « Vous faites erreur, j'ai toujours été dévouée au Seigneur ! »

« Ne souille pas son nom en le prononçant ! » gronda l'homme de foi. « Nous verrons assez tôt si tu mens ou non. »

Désespérée, la jeune femme se fit emmener jusqu'à des geôles froides et humides, aménagées dans le cellier du presbytère attenant à l'église. Les ténèbres enveloppèrent Margot rapidement alors qu'elle se faisait rudoyer dans une minuscule cellule au sol glacial et à l'odeur rance des venaisons pendues au plafond. Elle se fit enfermée derrière des barreaux d'acier solides, et se laissa engloutir par la peine.

Lorsque le silence retomba autour d'elle, Margot s'assit et enserra ses jambes de ses bras. Même si elle ne connaissait pas tous les tourments que pouvait imposer l'Église sur les hérétiques, la jeune femme savait qu'elle risquait de les rencontrer afin de prouver son innocence... Les deux mendiantes avaient disparues du village sans plus d'explication, et la pauvre nonne accusée s'était noyée sous les tortures de ses gardiens.

Étouffant un sanglot, la jeune femme préférait songer à tout ce qu'elle aimait. La cueillette dans les sous-bois, la caresse du soleil sur sa peau, l'odeur du ragoût de lapin de sa grand-mère... et Étienne. Son doux Étienne, avec son regard si tendre et la pression de ses mains le long de sa taille. Elle ne pouvait pas l'entraîner dans cette chute effroyable. Elle allait devoir assumer seule son statut d'orpheline, sans demander son aide. Non seulement, il lui était inimaginable de risquer la vie de l'homme qu'elle aimait, mais elle savait que le prêtre ne l'écouterait jamais...

Elle ne voulait pas jeter l'opprobre sur la famille du forgeron.

Il lui était insupportable l'idée même de faire honte à Étienne. Comment allait-il pouvoir même traverser le visage la tête haute sans risquer de se faire dévisager par les autres villageois ? Margot ne pouvait pas l'entraîner dans sa chute, rien qu'à cette idée, elle en frissonnait de terreur. Malgré toutes les épreuves qu'elle allait traverser, elle ne souhaitant que le meilleur pour son amant.

Qu'il trouve l'amour dans les bras d'une autre, si c'était ce qu'il désirait.

Mais Margot savait que c'était faux. Ses rêves lui murmuraient régulièrement qu'Étienne et elle étaient liés par delà les âges et leurs apparences. C'était inexpliqué, mystérieux, mais la guérisseuse sentait ce lien indéfectible qui l'unissait à l'âme de son amour. Si jamais elle survivait aux épreuves du prêtre inquisiteur, Margot se fit une promesse.

Sur le bûcher incendiaire qui risquait de lui ôter la vie, elle comptait chercher ce regard brun, si doux, si amoureux dans la foule. Elle s'y noierait en lui promettant de toujours le retrouver.



La sensation d'être envahit par une bouffée d'air frais fit grelotter Jisung des pieds à la tête. Encore immobile au milieu du passage piétons, la voix lointaine de Félix l'appelant pour le faire sortir de ses pensées, le jeune homme fut incapable de bouger en voyant l'amour de ses vies s'approcher de lui. Malgré ses traits bruts, sa beauté et la tendresse dans son regard brun fit vibrer l'âme entière de Jisung. La foule se bousculait autour d'eux, mais rien n'avait d'importance.

Il l'aurait reconnu quoi qu'il advienne.

Lorsque le jeune homme s'arrêta face à lui, Jisung ne pouvait que le contempler. Il détailla la perfection de ses traits, l'étincelle de l'amour qui emplissait son regard... et la chaleur de son âme si proche de la sienne. Elle était familière, comme un amant pressé tout contre lui dont il se souvenait de la chaleur de son corps. Le souffle coupé, Jisung le détaillait, les yeux embués de larmes.

« Je te retrouve enfin... » lui murmura t-il en tendant une de ses mains pour attraper la sienne.

Incapable de lutter, ignorant la chaleur caniculaire de l'été qui s'écrasait sur lui, Jisung sentit ses membres s'engourdir lorsque le jeune homme entrecroisa ses doigts aux siens. Abasourdi, il reconnaissait la douceur de sa peau, le timbre de sa voix, la langueur dans ses gestes. Il était l'être qui écumait ses rêves depuis tant de temps, enfin il était face à lui et pour de bon.

« Je m'appelle Minho. » reprit le jeune homme sans le quitter des yeux, tout aussi émerveillé de le retrouver que lui.

« Je m'appelle Jisung. » trouva t-il la force de chuchoter.

Le sourire que lui offrit le dénommé Minho valait toutes les joies que le jeune homme avait traversé dans sa vie. Tétanisé, il ne pouvait que le contempler, s'abreuver de sa présence et de lui tout entier.

Jisung ne pouvait qu'espérer vivre cette vie longtemps, et pouvoir retrouver l'âme de sa moitié dans la suivante.


Encore, encore, encore...

Et jusqu'à la fin des temps.


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