Une nuit d'orage et nos natures en paix
► Teardrop, Massive Attack ♫
Les roseaux gémissaient. Leur huée était adressée aux nuages, qui osaient dissimuler de leur présence nébuleuse les gracieux astres nocturnes. Ces végétaux, privés de leur lumière de nuit, voyaient leurs plaintes entretenues par un vent très insistant, mais qui ne parvenait pourtant pas à chasser l'imposante couche nuageuse. Une étendue, rendue noire par l'obscurité, reflétait des cieux éclairés d'une tâche luminescente difforme ; c'était la Lune, cachée de tous derrière la muraille vaporeuse des nuages.
Le lac, car il s'agissait d'une masse d'eau conséquente, frémissait légèrement à cause du vent. Son miroir pur était troublé de vaguelettes presque imperceptibles qui semblaient le transformer en champ de blé ondulant. Mais, alors que l'image du champ évoque un tiède et sec après-midi d'été, ici un froid humide persistait à vouloir glacer tout être vivant alentour, et cela durait depuis que le soleil doré s'était retiré pour laisser place à sa sœur d'ivoire. Le crépuscule avait emporté avec lui le chant des oiseaux, lui remplacé par un silence pesant que l'air tentait de combler en sifflant ; toutefois ses efforts pour imiter la mélodieuse voix des merles était vain, et malgré ça il continuait.
Tandis que la nuit avançait, une attente vint à peser sur les lieux : celle du déchaînement des éléments.
Chaque brin d'herbe savait, au plus profond de ses fibres, qu'il serait bientôt arraché à la terre par un coup de rage d'Éole. Que le vent rependrait ensuite l'entièreté de son courroux en battant la terre ainsi dénudée de ses habitants à racines, puis celle-ci se gorgerait d'eau lorsque les nuages déverseraient leurs torrents de gouttelettes, qui deviendraient bien vite d'énormes gouttes, nacrées comme autant de perles luisantes. Bientôt, les berges du lac perdu au beau milieu de la nature se retrouveraient inondées ; la plainte des roseaux se serait tue, bien que de toutes façons on ne les entendraient plus avec le vacarme de la pluie. Les perles d'eau auraient évolué en balles, criblant la plaine en crépitant.
Et, alors que le bruit deviendrait berceuse et que la danse du vent commencerait à être lassante, se joindrait un dernier invité que l'on voit habituellement à l'ouverture du bal : la foudre s'abattrait sur l'unique arbre lacustre des bords de l'étendue. Ses branches frêles d'arbrisseau s'embraseraient d'un coup avant de s'éteindre aussi vite, rapidement retrempées par le déluge. Le tonnerre résonneraient longtemps après avoir fait son entrée fracassante.
L'ondée violentée écumerait, impuissante sous le triple assaut des éléments enragés.
Vent ; eau ; électricité.
Ce serait à qui dominerait les deux autres, à qui créerait l'apocalypse la plus totale. Alors que la partie paraîtrait se prolonger, que la faune et la flore subissant en silence se mettraient à désespérer, alors enfin l'orage se manifesterait en deux éclairs consécutifs, plus éloignés du lac que le premier, en imposant sa victoire et le clou du spectacle par la même occasion.
La pluie se soumettrait et se calmerait progressivement. Un ciel étoilé apparaîtrait car le vent, mauvais perdant, continuerait à souffler de toutes ses forces et chasserait les nuages en partie vidés de leur substance. Puis la lune illuminerait un paysage de désolation mais néanmoins victorieux : la tempête devenue souvenir, les plantes recommenceraient à envahir la plaine et les rongeurs à évoluer dans un océan de verdure. Les eaux du lac s'apaiseraient, et retrouveraient leur aspect translucide, les poissons émergeraient de la protection des algues pour reprendre leur vie aquatique. Des volatiles vifs et gazouillant iraient planer au-dessus de cette animation terrestre en bon spectateurs aériens et passagers qu'ils étaient sur une plaine dont seuls les plus gros profiteraient de la prolifération de vie.
Oui, la nature serait victorieuse.
Mais, en attendant la tempête, les roseaux chantaient leur inquiétude au vent impatient de se mesurer aux autres éléments.
La seule trace d'humanité des environs consistait en un cabanon de pierre à un kilomètre à vol d'oiseau du lac. La bâtisse résisterait sûrement à une manifestation de rage telle que celle dont la menace planait, maintenant que l'obscurité s'était peu-à-peu installée. Du moins ses occupants du moment l'espéraient-ils avec ferveur.
Ils étaient deux, deux garçons sur les visages desquels se mêlaient les courbes de l'adolescence et les traits harmonieusement marqués de l'âge adulte. L'un d'eux portaient une chemise de nylon, le logo d'une académie brodée sur celle-ci à l'emplacement du cœur, l'autre un t-shirt plus adapté aux conditions de pleine nature. Tous deux sentaient que l'orage allait éclater dans la nuit, et pour rien au monde ils ne voudraient manquer pareille vision. Toute la journée durant ils avaient marché et la garantie d'une nuit entre quatre mur et sous un toit les enchantait, certes, mais pas autant que la perspective d'admirer une tempête depuis un spot aussi bien placé que cette cabane délaissée, en bon état cependant.
Deux tasses de voyage fumantes en main, l'un des jeunes hommes rejoignit son compagnon de route sur le seuil du logement abandonné. Il s'assit à côté de lui et lui tendit une tasse, que l'autre accepta de bon cœur. Pieds nus, il réchauffait ses orteils sous une couverture à motifs écossais, piquante mais nettement plus chaude que son vieux duvet, rendu perméable au froid tant il était élimé, dans lequel il dormait depuis une semaine. Celui qui avait apporté les tasses, un châtain aux yeux couleur d'ambre, envoya ses chaussures valser à travers l'unique pièce de la sordide cabane, imitant son ami, un métisse à la sombre tignasse bouclée. Il se joignit à lui sous la couverture. Le brun hésitait à renoncer à la veillée, complètement frigorifié malgré le plaid et l'eau brûlante entre ses mains, qu'il porta à sa poitrine comme pour absorber toute sa chaleur.
Le métisse perçut ses tremblements, que la couverture lui transmettait en tressautant comme une feuille ; pris d'un instinct subit, doucement afin de lui laisser le temps de se dégager, il passa un bras sur les épaules de son ami pour l'attirer à lui. Ce dernier se figea de surprise malgré le froid qui le faisait presque convulser, saisi d'un tout autre sentiment : il se mit à rougir.
Le métisse se méprit sur son trouble et s'apprêtait à retirer son bras, déçu et gêné au possible, quand le brun saisit son poignet pour se redresser... et mieux se blottir contre lui. Il ne se remettait pas de son propre geste. Le buste du métissé était agréablement tiède contre son dos, tout comme son souffle qu'il sentait s'écraser contre sa tempe. Il ne bougea pas pendant plusieurs secondes, laissant sa main s'attarder sur le poignet de son ami, et un silence apaisant s'installer entre eux deux. Puis il se rassit tant bien que mal – et presque... à regret ? –, à moitié tourné vers le métisse, qui lui regardait droit devant lui, sa tasse au bord des lèvres pour dissimuler son sourire. Mais il était trahi par une fossette sur sa pommette, que son ami se surprit à trouver absolument craquante ; cette fois pourtant il le pensa sans honte aucune.
Sentant sur lui le regard du brun, le jeune homme à la peau mate se tourna vers lui et sentit ses joues chauffer à son tour en remarquant à quel point ils étaient proches. Leurs têtes continuèrent à se rapprocher, presque mues par une volonté propre. Leurs nez glacés se frôlèrent. Leurs lèvres s'effleurèrent et se rencontrèrent enfin. Retenant leur souffle de peur que l'instant se brise à la première expiration, ils restèrent immobiles. Sauf que quand le brun posa sa main sur l'épaule du métisse, ce dernier sursauta et enfouit brusquement son visage dans le creux du coup de son compagnon, loin de son regard mais au plus près de sa peau.
Il n'avait pas réfléchi. En réalité, il n'avait jamais embrassé un garçon, jamais songé à le faire de manière concrète... alors pourquoi maintenant ?
Il avait toujours mis de côté ses pensées divergentes concernant son ami qui était sensé le considérer comme un frère de cœur, mis ses interrogations sans réponse sous clé dès qu'elles se formaient dans sa tête, s'était reclus lorsqu'une vérité nouvelle s'était imposée à lui il y avait quelques mois de cela. Alors pourquoi ? Puis il se reprit. Le brun contre lui n'était pas juste défini par son genre. C'était la personne qui l'attirait, qu'il aimerait quoi qu'il arrive, et l'amour, platonique ou non, va au-delà des apparences et de la nature. Le métisse réalisa qu'il était en paix avec celle-ci. Restait à savoir s'il en allait de même avec son ami.
Soudain la pluie, en faisant une entrée fracassante, interrompit ses pensées tumultueuses. Les trois coups avaient été frappés, le spectacle pouvait commencer. Alors le métisse se redressa et, se tenant la main aussi naturellement et simplement qu'ils respiraient, les deux jeunes hommes observèrent le ballet des éléments jusqu'à tard dans la nuit.
Hello !
Comment allez-vous ?
Avant de me perdre complètement dans mes réflexions, j'espère que le texte vous aura plus !
Je n'écris pas extrêmement bien, pas comme beaucoup de personnes que j'admire ici, mais j'ai confiance en vous pour me dire si ce que je fais est convenable.
Ce petit texte indépendant n'aura pas de suite (sans blague, il est indépendant...), je pense, et c'est mieux comme ça. J'ai du mal à m'engager dans une histoire sachant que je risque de perdre la moitié de mes idées en route... Champagne pour le premier couple homosexuel que j'ai mis en scène - pas qu'il y ait de grosses différences, on aime qui on veut (tant que ça reste dans la catégorie êtres humains, hein).
La conclusion ? 1) Je suis une adolescente qui se sait hétérosexuelle, pour le moment du moins. Mais ce n'est pas pour autant que je n'espère pas que tous les couples homosexuels (et autres bien sûr) ne se laisseront pas stopper par le regard d'une société pleine de jugements, malgré des changements en cours. 2) J'avais un coup de mou en termes d'écritures, mais me revoilà ! (3) Je suis complètement nulle pour les conclusions, presque autant que pour suivre une recette de cuisine.)
Merci à BoubouOwlChouette pour m'avoir permis d'écrire cette nouvelle en me donnant un thème précis. C'était certes sur ma demande mais tu m'as beaucoup aidée ❤
PS: Si vous avez des idées d'histoires à me proposer, n'hésitez pas !
Des bisous à tous,
Imaginart.
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