Eléonore n'avait jamais été ce genre de personne. Vous savez, celle qui se rend sur la tombe de ses proches toutes les semaines pour leur parler de sa vie. En réalité, elle se sentait mal-à-l'aise dans ce cimetière. Elle prenait à chaque fois conscience que la vie pouvait être si...courte. Petite, elle y aller pour voir un papi lointain décédé bien avant sa naissance. Elle restait fixée devant la tombe et sa mère finissait toujours par lui donner un coup de coude. Eléonore cédait: elle faisait un rapide signe de croix avant de replonger ses yeux sur la pierre.

Elle n'avait jamais vraiment cru aux religions. Elle voulait penser que son destin lui appartenait, que seule elle avait du pouvoir sur sa vie. Si elle mangeait des pâtes le samedi, ce n'était pas parce qu'une force supérieur l'avait influencé, ni parce que c'était son destin.

Elle avait envie de pâtes. Point.

Puis, sa mère était morte. Et Léo était mort. Depuis, elle allait au cimetière à la Toussaint mais aussi à la date de l'accident. Le 3 mars. Elle se faisait belle pour y aller, elle se maquillait, mettait ses plus beaux vêtements....

Son père l'embêtait avec ça. Beaucoup. Mais elle trouvait que, s'ils ne la voyaient plus que deux fois par an, elle se devait d'être présentable devant eux.

Désormais, elle tenait la main de Kyle et suivait le chemin de gravier jusqu'à l'allée sept. C'était elle qui donnait le coup de coude à Kyle. «Pour maman, Idiot!», chuchotait-elle à chaque fois. Et c'était bien, d'une certaine manière. Sa mère ne lui ferait pas les gros yeux en la revoyant dans quelque années, parce qu'elle n'avait pas éduqué son petit-frère.