Tout droit venue du Japon, j'effectuai maintenant une étape en Corée du Sud dans le cadre de mon projet backpack. J'étais partie juste avec un sac à dos rouler ma bosse dans le monde entier avec les fonds qui me restaient. J'avais laissé derrière moi mes amis, mon travail, ma petite routine à Paris pour me consacrer aux voyages et à la découverte de nouvelles choses et de nouvelles personnes. C'est une philosophie de vie que j'ai adopté depuis maintenant huit mois, ayant fait une halte chaque mois dans un pays différent tous aussi éloignés les uns que les autres : Suède, Italie, Afrique, Russie, Etats-Unis, Australie, Japon, Chine et maintenant, la Corée du Sud. En fait, pour choisir le prochain pays à visiter, je laissai tomber une toupie dansante sur une mappemonde et abandonnait mon destin entre les mains du hasard.

-Welcome in Seoul.

Ca y est ! J'y suis. Je me dirigeai vers les bagages pour y retirer le mien, impatiente de découvrir la vie séoulienne et à la fois, plus généralement, coréenne. Certaines personnes fans de ce pays s'entichent pour ce dernier simplement par la musique et les boysband canons. Moi, je voyais plus loin que ça. J'avais soif de découvertes, de nouvelles rencontres, de nouvelles saveurs. Même si dans quelques pays j'eus de mauvaises surprises, je me disais que cela faisait parti du charme de la vie. Car cela nous montrait qu'une fois à l'abri, les mauvaises choses ne sont que des souvenirs et nous apprennent à apprécier les bonnes.

Je sortis de l'aéroport et me dirigeai vers un taxi. J'avais dégoté une bonne adresse d'auberge de jeunesse qui faisait office de restaurant par le même coup. Tout sur place, j'avais le bon tuyau. Une fois bien installée, j'irai me balader en quête de nouveautés.

-Excusez-moi.

-Oui ? répondis-je en anglais pour me faire comprendre.

Je me retournai, un jeune homme à lunettes noires me fit face. Il me tendait quelque chose. Mon porte-clef fétiche !

-Oh, merci beaucoup ! J'y tiens énormément.

-C'est un porte-clef de Russie ? dit-il en anglais, comprenant que j'étais étrangère. Il est inscrit quelques lettres russes.

-Oui, c'est bien ça.

-Alors vous voyagez ?

-Oui, j'ai pas mal voyagé. Je viens de France, et...

-France ! Vraiment loin, wouah !

Il était ébahi. Comme à chaque fois que je racontais mon parcours à une nouvelle personne.

-Mais vous avez dû voir tellement de bonnes choses ! Des gens, des fleurs, des animaux, des villes et de nombreux plats tous aussi bons que j'en salive ! Vous avez vraiment beaucoup de chance.

-Pourquoi vous me dites ça ? Vous ne pouvez pas vous le permettre ? Vous savez, j'ai tout plaqué et je suis partie comme ça. Ne passez pas à coté d'une telle occasion à vous ouvrir au monde ou vous le regretterez plus tard.

Il réfléchit un instant à mes paroles puis sourit en enlevant ses lunettes. Il avait de beaux yeux sombres, rieurs, en forme d'amande. C'est à ce moment-là que je fis attention à son physique et que je me rendis compte qu'il était mince, élancé, et bien habillé. Il me tendit une main.

-Mon nom est Ten. Je suis thaïlandais mais je travaille en Corée. Et vous ?

-Je m'appelle Arianne, mais tout le monde m'appelle Kazume. J'aime beaucoup la culture asiatique et d'aussi loin que je puisse  me souvenir, j'ai toujours eu ce surnom.

Il sourit puis ouvrit la bouche pour prononcer encore quelque chose mais quelqu'un lui attrapa l'épaule et le retourna. On lui adressa la parole en coréen, donc je ne compris pas de quoi il s'agissait.

-Eh bien, je pense que notre rencontre s'arrête ici. Je ne devrais pas faire ça mais... je m'ennuie en ce moment. Est-ce que tu as... WhatsApp ?

-Ou-oui ! Oui bien sûr !

Il sortit son portable discrètement, ce que je ne compris pas également, puis me le tendit pour que je puisse noter mon numéro. Ceci fait, je le restituai.

-Alors à plus tard ! Kazume.

Il ponctua sa phrase par un clin d'œil puis se sauva dans la foule, je le perdis alors de vue. Etrange rencontre mais agréable ! Je repris ma recherche d'un taxi, il était temps que je prenne une douche et que je me repose. C'est très physique comme projet.

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Une semaine que j'étais en Corée et je n'avais pas encore fini d'en voir ! Les gens ici étaient tellement adorables et même si nous ne nous comprenions pas, nous réussissions tout de même à faire passer le message au-delà de la barrière de la langue. C'est extraordinaire et c'est à la fois normal, parce que nous sommes tous conçus de la même façon et nous sommes tous humains. J'avais visité des palais, des musées, des parcs ; j'avais participé à des festivals, des concerts, des avant-premières d'un film ou d'un lancement de produit dans un centre commercial. Ici la vie se vivait à 200 km/h. Wow.

Mon téléphone sonna.

"Bonjour ! J'ai du temps aujourd'hui, voulez-vous que l'on se rejoigne quelque part ?"

Je souris. C'était un message de Ten. Je lui répondis par l'affirmative et nous convenions d'un rendez-vous ce soir à 20h pour dîner, dans un des restaurants traditionnels de la ville. Je continuais ma balade, le cœur léger, contente de m'être faite une nouvelle connaissance. J'avais gardé contact avec pas mal de gens et d'en avoir encore me réjouissait. Plus tard, si l'un d'eux voudrait venir en France, je leur ouvrirai volontiers la porte.

Le moment venu, je rejoignis Ten à l'adresse qu'il m'avait indiqué. Il s'agissait d'un restaurant traditionnel coréen. Quand j'entrai, il me fit signe immédiatement pour que je puisse le trouver.

-Alors ? Prête à goûter à de nouvelles spécialités ?

-J'ai déjà mangé depuis une semaine, vous savez.

Il éclata de rire, m'entraînant avec lui. Il prit soin de m'expliquer tout ce qu'il y avait à la carte et commanda pour nous deux.

-Sans indiscrétion, il est normal pour nous de demander l'âge afin que l'on puisse s'adresser à la personne dans la bonne manière. Quel âge avez-vous ?

-J'ai 23 ans.

-Donc tu es plus jeune ! Je te tutoie et toi tu continueras à me vouvoyer.

-En France, la plupart du temps, ce n'est qu'à partir du moment où on se connait bien que l'on peut se permettre de tutoyer. Ou bien on pose la question à la personne si on pense qu'elle a le même âge que nous. Auquel cas, on ne s'embête pas à se dire "vous" entre jeunes.

-C'est ce que j'ai fait, non ?

-Alors ça veut dire que vous avez le même âge que moi ?

-... Oui.

-Gagné ! Donc je tutoie aussi.

Il claqua sa tête sur la table en guise de défaite, ce qui me fit rire à nouveau. On continua notre repas, bientôt arrivés au dessert. Il me posa tout un tas de questions, au bout d'un moment je me disais que c'était maintenant à mon tour de lui en poser.

-Tu fais quoi dans la vie ?

-Oh, je... enfin, ce n'est pas très intéressant, tu sais.

-Mais si, allez !

-Je travaille dans la musique, voilà.

-Ooooh, je vois. Est-ce qu'un jour je pourrais avoir l'honneur d'écouter ce que tu fais ?

-Hm, peut-être. Ca dépendra de toi.

-Ouais ouais. Tu as quitté la Thaïlande depuis longtemps ?

-Quelques années, oui. Un petit bout quand même. Ma famille me manque mais j'aime ce que je fais ici. Et j'ai de très bons amis !

-Ca je veux bien le croire vu comment tu es très sociable et enjoué.

Il sourit de toutes ses dents, d'un sourire franc et enfantin. Le repas terminé, nous allions nous balader le long du fleuve qui bordait le quartier. On continua à parler longtemps, longtemps, jusqu'à ce que je jetai un coup d'œil à ma montre et me rendis compte qu'il était déjà 2h du matin.

-Oulah ! Je suis désolée d'avoir pris de ton temps.

-T'inquiète pas ! Ca n'a pas de prix de passer du temps avec une personne aussi plaisante. Il faut qu'on remette ça, ok ?

-Oui, avec plaisir. Quand tu veux !

-Ca marche. Maintenant que tu le dis, il faut vraiment que je file. J'ai du travail demain. A bientôt !

Il agita sa main puis remonta la rue à droite. Je souris en penchant la tête sur le côté ; il est adorable.

Depuis, j'avais passé plusieurs soirées en joyeuse compagnie, rien qu'avec Ten. Et mon voyage ici au pays du matin calme n'était que plus revigorant.

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Ma troisième semaine en Corée du Sud touchait bientôt à sa fin quand je me rendais dans un centre commercial. J'avais entendu parler d'un magasin de cosmétique qui vendait des soins vraiment bien. Quand j'avançais dans le rayon, je vis que certains produits étaient à l'effigie de stars de K-POP, la pop coréenne qui cartonnait. Soudain, je reconnus l'un des visage. T-Ten ! Oui, c'est bien lui ? J'ouvrai la bouche en grand et saisis la crème pour les mains, avec le visage de ten dessus en mode "cartoon". Je regardai autour de moi et me rendis compte que j'étais arrivée dans les produits en collaboration avec une agence de divertissements, la SM Entertainment.

Je fonçai droit à la caisse, ne perdant pas de temps pour acheter ce produit mystérieux puis sortis du magasin. J'appelai Ten, il ne décrocha pas. Je laissai alors un message écrit.

"Il faut qu'on se voit, c'est important. RDV ce soir 20h, à la rivière Han dans notre petit parc"

Tout se bousculait dans ma tête. Je ne savais plus quoi penser. Ten serait une idol ? Et pourquoi il ne me l'a jamais dit ? Si, il m'avait bien dit qu'il travaillait dans la musique mais est-ce bien suffisant ? Voilà où j'en étais maintenant, à me perdre dans des scénarios pas possibles comme :

-Est-ce qu'il bravait les interdits juste pour sortir et me voir ?

-Est-ce que du fait qu'on terminait tard nos soirées il était fatigué et donc, je ruinais son travail ?

-Est-ce que par malchance on nous avait vu et qu'il s'était ou se fera réprimander ?

Je décidai de rentrer boire un verre au restaurant de mon auberge de jeunesse en attendant l'heure. J'avais sérieusement besoin d'explications même si j'étais juste surprise, mais pas en colère.

Mon téléphone vibra dans ma poche, il était 19h34. Je décrochai.

-C'est Ten. On se retrouve dans dix minutes au parc.

Puis il raccrocha. Il devait être vachement pressé ou devait-il jouer la carte de la discrétion. J'abandonnai mon verre de mojito pour me ruer vers la sortie, direction le parc. Je le vis de loin, assis à un banc, la capuche sur sa tête.

-Ten.

-Oh ! Salut Kazume, ça v-

Je lui tendis le tube de crème. Ses yeux glissèrent lentement vers moi puis il se mit à rire. D'un rire jaune.

-Désolé, je... je voulais t'en parler bientôt mais tu m'as pris de court, ah ah. Hum... bon, tu m'as démasqué. Mais écoute-moi. J'ai fait exprès de ne pas te le dire pour que tu sois le plus naturelle possible avec moi. Ce n'est pas parce que je suis connu dans un boysband qu'il faut avoir des manières. Alors c'était délibérément que j'ai décidé de ne pas te le dire tout de suite. Tu comprends ?

Je laissai un silence pesant s'installer puis je le frappai plusieurs fois avec le tube de crème sur la tête.

-Idiot ! Gros bêta ! Débile ! J'aurais été tout aussi naturelle même si je le savais puisque cela ne me fait ni chaud ni froid ! Des personnes sont des personnes. Même si tu es une star, cela ne change rien à ta nature propre ! Tu es un être humain comme les autres, après tout ! Idiot.

Bouche-bée, il ne savait plus quoi dire. Je soupirai et l'enlaçai dans mes bras pour le réconforter une bonne fois pour toute. Il mit du temps à glisser ses mains dans mon dos, mais quand il resserra notre étreinte, une chaleur vive me parcourut le ventre jusque dans la tête. Je toussotai puis me reculai pour lui prendre fermement les épaules.

-Ça va mieux ?

-Oui, beaucoup mieux. Bon, maintenant que je suis démasqué... ça te dit d'allait faire un tour là où je travaille ?

J'ouvrai les yeux en grand.

-Mais théoriquement je n'ai pas le droit, non ?

-Théoriquement, dit-il en me faisant un clin d'oeil complice.

Il me prit délicatement la main puis m'entraîna sur le chemin de son agence. Et si quelqu'un nous voyait, là maintenant, main dans la main ? Ou pire, à l'agence, si un membre du personnel le voyait emmener une inconnue dans leurs locaux ?

Je me laissais tout de même faire quand il poussa la porte d'entrée puis m'emmena dans une salle qui avait l'air d'une salle de danse. La musique battait son plein et des garçons gesticulaient dans tous les sens au rythme de la musique. Il s'adressa à eux en coréen en inclinant sa main vers moi (il avait pris soin de lâcher la mienne juste avant d'entrer). C'est alors que les garçons me sourient et s'adressèrent à moi en anglais.

-Salut ! Alors c'est toi le fameux rendez-vous secret de Ten ? Il nous cache bien des choses, tu sais.

-Tu viens de France ? C'est loin ! Alors comment tu trouves la vie ici en Corée du Sud ?

-Viens viens ! On va t'apprendre des trucs ! Tant que tu es là, autant s'amuser tous ensemble. Tu nous la prêtes, Ten ? T'es bien gentil.

Ten me présenta tour à tour les garçons, certains étaient de son groupe de musique d'autres d'un autre groupe de l'agence. Ils étaient tous aussi chaleureux les uns des autres. J'avais déjà oublié les noms tellement ils me parlaient tous en même temps. Ils se remirent au travail tandis que Ten m'installait confortablement dans un coin de la pièce pour suivre leur cours. Puis ils me firent signe de les rejoindre pour apprendre leur chorégraphie. C'était génial ! Décidément, la Corée du Sud avait tellement de choses à m'offrir.

Quand je regardai ma montre, il était à présent 1h37.

-Wow ! Faut que je file. Désolée de vous avoir accaparé pendant si longtemps.

-Ce n'est pas grave, enfin ! Ils aiment tous autant que moi de passer du temps avec toi, me sourit Ten. Allez viens, je te raccompagne.

Je saluai les garçons en m'inclinant et en agitant la main puis je sortis, Ten m'attendant dehors. Tandis que nous marchions en silence sur le trottoir, je pensais à mon départ prochain. J'en avais pratiquement le cafard.

-Ecoute, Ten, je...

-Ne dis rien.

Il posa sa main sur ma bouche. Son regard était triste mais il essayait de sourire malgré tout.

-Je ne veux pas d'adieu déchirant le jour où tu partiras alors faisons comme si tu vivais ici. Je veux garder le maximum de bons souvenirs avec toi.

Il remit une mèche de cheveux derrière mon oreille avant de laisser sa main s'attarder sur ma joue. Je baissai la tête, sentant les larmes affluer au coin de mes yeux. Il la releva doucement puis colla son front au mien.

-Je ne veux pas de ça, Kazume. Ton sourire est plus beau que tes larmes. Est-ce que tu te rappeleras de moi quand tu rentreras ?

-Oui bien sûr ! Tu pourras même venir me voir en France. Enfin... si tu peux... te détacher de ton emploi du temps...

Penser que je ne pourrais plus jamais le revoir me déchirait le coeur. Il remarqua que quelque chose avait changer dans mon regard alors il s'approcha et fit ce que deux jeunes amoureux font la plupart de leur temps en couple. Il déposa un baiser rempli de tendresse et d'affection sur mes lèvres. C'est à ce moment-là que je me rendis compte que j'avais développé des sentiments à son égard. Je le serrai fort contre moi alors qu'il continua à me montrer tout son amour. Une larme roula sur ma joue.

-Je ne veux pas partir. Je veux rester avec toi.

-Même si tu restes ici, est-ce que tu serais prête à m'attendre si longtemps quand je travaille ou je pars en tournée ?

-Je t'attendrai toute ma vie s'il le faut.

Il sourit à nouveau puis m'embrassa. Je sentais qu'il y mettait tout son coeur, qu'il tenait à moi. Ses yeux brillaient dans la nuit séoulite éclairée par les néons des restaurants et des magasins de la petite rue où nous étions. Sa main se perdait dans mes cheveux tandis que je m'aggripai à ses vêtements de toutes mes forces.

-Oui bien tu rentres comme stagiaire à l'agence et on travaille ensemble.

J'éclatai de rire même si je me rendis compte que l'idée n'était pas mauvaise. Mais il faudrait que j'apprenne le coréen, que je trouve un endroit où m'installer durablement, que je prévienne ma famille en France, que je trouve un travail malgré tout. Mais quand je regardais Ten, je voyais dans ses yeux que l'univers réservait bien des surprises et que le destin m'avait emmené ici. Chez lui, avec lui. Et que ma vie prenait un tournant, ce soir.

Une nouvelle destination. Celle de l'amour.