Séraphin au drapé d'or
Bonjour ~
Tout cet OS est inspiré de cette performance absolument magnifique !
Je vous laisse avec cette incroyable photo et les mots qui y sont associés :)
Blancheur opaline, ivoirienne, iridescente et nacrée au creux des courbes d'un corps splendidement proportionné. Immobilisme du funambulisme figé sur son piédestal doré, décoré, hors de portée. Solitaire, isolé au creux de ses barrières, il se hisse sous un faisceau de lumière, à la hauteur des dieux éphémères, et de la beauté éternelle.
Seul trésor au cœur d'un jardin enchanté, jonché d'œuvres et de tableaux, appelé : musée.
Il en est l'emblème et la fierté sous son doux nom de séraphin au drapé d'or.
Il était l'une des rares statues offertes à travers le monde par un grand sculpteur italien dont le nom échappait comme la caresse éphémère et contrainte d'une amnésie involontaire. On lisait son nom avec curiosité avant que les lettres dorées ne s'effacent de nos esprits distraits comme par enchantement. Les photographies, jamais claires, n'étaient ni lisibles, ni reconnaissables. Comme si le créateur de cette merveille n'existait qu'à travers le nom de ses anges de marbres.
Ceux-ci, sculptés dans la plus blanche des matières, épousaient les traits les plus humains dont une sculpture n'ait jamais été dotée. À rendre jalouse la pâleur des geishas.
Le séraphin au drapé d'or avait foulé pour la première fois les planches de la National Gallery Seoulite à l'aube du mois de décembre, lorsque sa peau laiteuse avait semblé plus blanche encore que la neige qui recouvrait le perron du musée et la ville endormie. Kim Seokjin en avait été émerveillé, bouleversé. En retirant le film à bulles avec la plus grande délicatesse, il avait croisé les yeux voilés de cet ange contraint à descendre sur terre. Et devant cette allégorie, il ne s'était jamais sentit si misérable, vil et vulgaire. Comme si ses yeux d'hommes déshabillant sa silhouette, devenaient le regard le plus pervers et dévoyé qui soit. Frappé par cet envoûtement foudroyant, il avait baissé la tête, assommé par la honte, donnant l'ordre aux ouvriers de manipuler la créature avec des doigts de fée. Ils l'avaient installée sur un socle de plâtre qui ne faisait que ternir sa beauté ; au centre d'une salle où chacune des œuvres qui le cernaient s'était parée du douloureux manteau de la banalité et d'un voile de trivialité.
Jin ne pouvait en détacher son regard.
Et ce pendant des heures, des jours, des semaines.
L'ange incarnait la beauté et plus encore sous la mine de plomb du commissaire d'exposition qui, chaque soir, bien après la fermeture des portes de son musée, venait capturer ses traits sur des pages vierges et jaunies.
A la nuit tombée, chaque soirée, Jin dessinait des heures, traçant sans jamais se lasser, les courbes de cet être somptueux. Il noircissait des pages et des carnets de détails, posant sur les feuilles granulées le coin de ses lèvres, l'ingénuité de son regard, la grâce de ses doigts, la force de son mouvement pourtant figé, la légèreté de ses mèches pourtant lourdes de marbre.
Plus aucune œuvre collectionnée n'avait de grâce à ses yeux à côté de cette perle de nacre aux sillons d'or. Il appliquait sur certaines pages, des feuilles cuivrées, dorées, là où le drapé étincelait.
Mais pas un dessin n'était assez bon, assez fidèle à son modèle. Pas un trait de sanguine n'était capable de rendre la douceur de sa peau de marbre, l'éclat de son sourire fin, énigmatique, presque indiscernable, ni l'élégance de cette étoffe qui virevoltait autour de lui dans un cocon de candeur et de finesse.
Jin était tombé amoureux d'une sculpture au cœur arraché, au sourire figé, à la vitalité suspendue.
Il restait des nuits entières sous le regard étonné puis habitué du gardien qui, de sa lampe torche, éclairait parfois le marbre d'une nouvelle manière. Si bien que, quelques fois, Jin lui demandait de maintenir le faisceau dirigé vers la sculpture où entraient en collision une lumière jaune et une autre blanche.
Ça dura un mois. Quatre semaines, trente et un jours où il passait dans la salle pour observer les visiteurs s'émerveiller sur son trésor, presque jaloux. Trente et une nuits où il venait, dès la fermeture de la grille d'acier devant les portes en fer forgé, déposer de nouveaux croquis sur des carnets qui croulaient sous les feuilles griffonnées.
Un soir, alors que la lune pleine apportait une troisième lueur bleutée et enchantée, Jin resta plus longtemps que d'habitude. Il vit l'aurore se lever, le jour reprendre ses droits, le soleil offrir sa lumière divine. Il contempla sur le sol, les nombreux dessins pour certains froissés, pour d'autres déchirés. Puis ses yeux détaillèrent celui qu'il tenait entre les mains. L'un des rares qui représentaient les lèvres de cet être adulé.
Ses lèvres.
Ode à la passion.
Havre d'une musique demeurant muette et pourtant si belle.
Puits de désirs inassouvis.
Il contempla longuement la page, un rictus exacerbé greffé au visage, puis il froissa soudainement le papier avec douleur. Un mal vif le frappa en plein cœur. Jamais ô jamais sa plume ne serait capable d'être assez honnête et dévouée. Jamais ses doigts amateurs ne sauraient peindre ce joyau.
Il se leva, laissant tomber sur le sol tout son matériel, brisant les mines, marchant sur les pages, et s'avança vers la sculpture désormais pleinement éclairée par l'étoile solaire. Il attrapa le ruban de velours rouge d'une main ferme et instinctive et passa en dessous. Il bafoua l'une des règles d'or de ce lieu d'exposition qui ouvrirait ses portes dans moins d'une heure.
Il grimpa sur le socle, salissant le plâtre de ses semelles sales. Il glissa sa main sur la joue de la statue immobile et retint son souffle. Combien de fois avait-il imaginé cette douceur de porcelaine, cette fraîcheur de stèle, ce lisse toucher contre la pulpe de ses doigts ?
Depuis trop longtemps maintenant ce regard le hantait et ces lèvres l'obsédaient.
Baigné d'une lumière dorée, réchauffement divin, le jeune homme laissa ses cils effleurer ses pommettes et déposa ses lèvres sur celles, glaciales, du séraphin au drapé d'or. D'une pression imprécise, il sentit sous sa chair le relief de la pierre qu'il lui sembla trembler, enveloppée d'une chaleur agréable, à peine perceptible comme la flamme d'une allumette au creux d'une journée enneigée. Cette sensation délicieuse traversa son être d'un soupir de soulagement.
Puis d'un souffle d'horreur,
Lorsque le marbre se fendit sous sa peau,
Lorsque s'essouffla le beau.
Il rouvrit brusquement les yeux et recula précipitamment, manquant de trébucher et de s'étaler sur le parquet de bois en pointes hongroises.
Devant ses yeux déchirés de panique, l'objet de tous ses rêves et désirs se brisait. La pierre se trouvait lézardée de crevasses, des morceaux entiers se détachaient, s'éparpillant en nuées de poussière nacrée sur le sol sombre et verni.
Frigorifié par la culpabilité et la peur Jin tenta de rassembler la neige de marbre entre ses doigts comme s'il pouvait sculpter de nouveau cette œuvre de maître.
Mais elle s'écoula entre ses doigts lorsqu'il se figea de stupeur. Sous l'enveloppe minérale qui se désintégrait, une seconde peau faisait son apparition. Pâle également mais d'un beige doux comme celle d'une mousse de lait caféinée, légèrement brillante à la manière du miel sous la lumière du soleil, visuellement sucrée comme la sève des arbres au printemps.
La pierre s'évanouit et se cambra respectueuse, devant le corps drapé de blanc d'un jeune homme dénudé. L'étoffe de soie recouvrait l'une de ses épaules, retombant sur son corps à la manière d'une toge romaine laissant voir quelques centimètres d'une peau de velours. Ses mèches, d'un blond rayonnant, laissaient ses yeux bleus briller par leur profondeur. Jin y vu l'infini du ciel et l'immensité de l'océan.
L'ange était définitivement tombé des cieux.
L'air ici-bas était trop sec. L'attraction terrestre trop souveraine. La masse de son corps étrangement décuplée. Il ne savait comme supporter le poids de ce cœur battant qui pulsait dans chacune de ses veines. Il ne pouvait s'habituer à cette nouvelle peau trop sensible, agressée soudainement par le froid, ni à la poussière ni même à la caresse trop prononcée de ce tissu qui semblait soudain peser la charge du plomb.
Ébranlé, épuisé, affolé, il sombra presque aussitôt dans un lourd sommeil qui semblait être son seul refuge. Jin attrapa son corps frêle juste avant qu'il ne se blesse en dégringolant de son piédestal.
Ange déchu, tombé, dénaturé, il s'éteignait comme le jour à la tombée de la nuit, dans les bras de cet humain épris et charmé.
Plus que vingt minutes. Jin entendit le bruit sourd et lointain des grilles se soulever puis les pas réguliers du personnel qui s'installait. Le musée ouvrirait bientôt ses portes et le commissaire observa hébété la poussière de marbre sur le sol et le corps inconscient qu'il tenait contre lui. La panique lui serra la gorge.
- Monsieur Kim ?
Jin fit volte-face.
- Han... murmura-t-il d'une voix teintée de peur.
- Que... s'est-il passé ? demanda le gardien, les yeux écarquillés.
- La statue s'est brisée.
Le gardien paru très ennuyé. Sans vouloir insulter la parole de son employeur, il laissa son regard loucher sur le corps drapé qui résidait dans ses bras, l'air interrogateur.
- Han... répéta Jin le teint pâle. Montre-moi les enregistrements des caméras de surveillance.
Sans faire de commentaire, il guida le commissaire jusqu'au bureau de sécurité où Jin installa la statue – ou l'ange – ou il ne savait pas bien quel nom lui donner, sur le fauteuil qui trônait au milieu de la salle. Il retira aussitôt sa veste avec laquelle il couvrit son corps, le protégeant au mieux du froid. Il demanda au gardien de remonter les bandes jusqu'au lever de l'aurore.
Impossible.
L'image grésilla, se déforma, revint au milieu d'après midi, puis au milieu de la nuit, puis au matin de la veille et trois jours avant et finalement sur l'image actuelle du socle vide, encerclé d'une poudre blanche et dorée. Le gardien tenta une seconde fois. En vain. À la manière du nom de l'artiste qui n'apparaissait jamais sur les photographies, la transformation du séraphin ne possédait aucune image lisible.
- Monsieur Kim, qui est cet homme ? demanda le gardien en pointant le corps endormi.
- Han, ce jeune homme est la statue.
- Pardon ?
- Ce jeune homme est le Séraphin au drapé d'or.
- Monsieur je ne comprends pas.
- La statue s'est brisée et il en est sorti.
- Mais c'est impossible Monsieur.
- Je sais...
Un rire nerveux s'échappa d'entre ses lèvres.
- Je sais bien. C'est impossible, irréel. Retarde l'ouverture du musée.
- Comment ?
- Simule un blocage de la grille. Ramasse la poussière de marbre et met la dans un bocal dans mon bureau. Mets l'un des panneaux « en cours de restauration » le temps que nous trouvions une solution durable.
- Mais monsieur...
- N'en parle pas au personnel. Ça reste entre toi et moi. Je dois prendre soin de lui pour l'instant, m'assurer qu'il va bien et essayer de comprendre ce qu'il s'est passé. Je vais aussi essayer de contacter l'artiste. Han... s'il te plait. Peux-tu faire ça pour moi ?
- Oui, céda finalement le gardien en laissant volontaire l'heure d'ouverture de la grille passer sur sa montre sans appuyer sur le bouton qui en commandait le mécanisme.
Rapidement il fit ce que Jin lui avait demandé tandis que le commissaire regagnait le parking presqu'en courant. Il installa le séraphin sur la banquette arrière et le couvrit d'un plaid qu'il gardait toujours à l'arrière de sa voiture. Il conduisit prudemment jusqu'à chez lui et bloqua la porte de l'ascenseur le temps de récupérer le jeune homme dans ses bras. Il pria secrètement pour qu'aucun des locataires de l'immeuble n'entre soudainement dans l'habitacle de fer mais heureusement, il arriva au douzième étage sans encombre. Il fut forcé de le déposer sur le sol gelé le temps de chercher ses clés et d'ouvrir la porte.
Sans une hésitation ni une seconde de réflexion, il s'empressa de l'allonger dans son propre lit et de l'envelopper dans son édredon de plumes espérant que ce serait suffisant pour le réchauffer. Il mesura son pouls régulier et disparu dans son salon avant d'ouvrir la copie du dossier des œuvres collectionnées. Il trouva rapidement la fiche du Séraphin au drapé d'or puisqu'il était l'une des dernières œuvres acquises mais n'en trouva ni le nom de l'artiste ni son contact. Il ne put que trouver le numéro de téléphone du précédent musée à l'avoir accueilli. Il s'empressa de le composer sur son portable.
- London National Gallery bonjour ?
- Bonjour, je suis Kim SeokJin, directeur de la Seoul National Gallery. J'aimerai un renseignement à propos d'une œuvre que vous avez momentanément ajouté à votre collection 2016 – 2018.
- Je vous écoute.
- Œuvre n°521489 Le Séraphin au drapé d'or
- Quel est le nom de l'artiste ?
- C'est ce que je venais vous demander.
- Je suis navré, aucune œuvre n'appartient à ce numéro ni à ce nom dans nos archives.
- Pardon ? Mais il est stipulé sur son itinéraire que vous l'avez exposé pendant trois ans.
- Vous devez faire erreur monsieur.
Un court silence lui glaça le sang l'espace d'une seconde.
- Très bien, pardonnez-moi de vous avoir dérangé. Merci pour votre temps.
- Au revoir, bonne journée.
- De même.
Puis la tonalité du combiné raccroché retenti dans son esprit vidé.
Cette œuvre n'existait pas. Elle était intraçable. Changeait-elle même de nom à chaque acquisition, dans chaque nouveau musée visité ? Elle n'avait pas de numéro, par d'artiste, même pas de cartel spécifiant les matériaux utilisés ou la date de création. Cette œuvre était muette, un puits de mystères.
Un bruit sourd le fit sursauter et il se précipita dans la chambre.
Le jeune homme releva un regard paniqué vers lui. Tombé sur le sol, il tentait désespérément de se relever à la seule force, visiblement affaiblie, de ses jambes. Jin fut frappé de nouveau par la beauté de son regard bleu dans lequel s'agitait des vagues déchaînées de peur et d'incompréhension. Ils brillaient comme le reflet du soleil sur la surface de l'eau. Ses pupilles noires ou bien bleues nuit semblaient rassembler à eux seuls tous les secret des fonds marins et la lueur qui y braillait semblait être un morceau d'écume tombé par hasard dans son regard. n'avaient-ils pas été bleu azur lorsqu'il les avait ouvert la première fois?
Un visage pouvait-il être si beau ? Des mèches aussi soyeuses ? Des lèvres aussi séduisantes.
Il se serait giflé à penser de telles sottises dans un moment pareil et il s'agenouilla à côté du jeune homme déboussolé. Celui-ci eu un mouvement de recul lorsque Jin amorça un mouvement de main en sa direction.
- Je ne vais pas de faire de mal, souffla-t-il tendrement. Je suis Jin, Kim SeokJin. Et toi ?
Il ne répondit pas.
- Tu as perdu connaissance et je craignais que tu n'attrapes froid, voilà pourquoi tu es ici, chez moi.
Le séraphin, devenu humain, le dévisageait silencieusement.
- Veux-tu manger quelque chose, ou boire ? Ou bien prendre une douche pour te réchauffer ? demanda Jin en désignant son corps nu, à peine recouvert d'un drapé transparent.
Le jeune homme baissa les yeux sur sa propre peau dévêtue sans osciller un sourcil.
- Est-ce que tu me comprends ? fini par demander Jin soucieux de ne recevoir aucune réponse.
Cette fois-ci il hocha la tête doucement.
- Est-ce que tu as faim ?
Une fois encore il se contenta de le regarder dans les yeux comme s'il attendait que Jin ne lise et déchiffre son regard.
- Laisse-moi t'aider.
Le commissaire passa un bras dans son dos et attrapa sa main de la sienne. Il l'aida à se redresser puis se lever sur ses jambes tremblantes. Chancelant, définitivement trop faibles pour tenir debout, le jeune homme s'agrippa au bras de Jin qui lui proposa de s'asseoir sur le lit.
- Ne bouge pas, je vais te chercher quelque chose à manger et de l'eau.
Il disparut quelques secondes laissant à l'ange la liberté d'observer la chambre. Spacieuse, élégante, de bon goût, elle était aussi chaleureuse et le petit blond s'y sentait bien. Intrigué désormais, il laissa sa peur et son inquiétude s'évanouir sans les retenir.
- Voilà.
Jin lui tendit un verre d'eau que l'éphèbe observa avec le même regard arrondi de curiosité.
- Ce n'est que de l'eau, tu peux la boire.
Il porta timidement le verre à ses lèvres et le but d'une traite, faisant sourire Jin soulagé.
- Et je n'ai pas grand-chose dans mon frigo mais voilà quelques clémentines.
Il mit un fruit orange dans la peau opaline de son interlocuteur sans manquer de noter le contraste saisissant entre les deux nuances, puis commença à en éplucher une pour lui-même. En relevant les yeux il vit que le garçon au regard océane n'avait pas touché à la sienne et observait avec les sourcils froncés celle de Jin, dépouillée de son écorce.
Jin rit doucement et la lui tendit après la lui avoir ouverte en deux et avoir détaché quelques quartiers.
- Goûte, c'est bon tu verras.
Je jeune homme porta un quartier à sa bouche et le mâcha lentement, le regard s'apaisant avant d'en manger un deuxième puis un troisième et le reste du fruit juteux.
- Tu aimes ?
Il hocha la tête.
- Tu ne parles pas ?
Jin se mordit la lèvre légèrement embarrassé par son manque de tact lorsque le séraphin posa ses doigts sur sa gorge en secouant la tête.
- Je vois...sais-tu écrire ?
Il lut l'interrogation dans ses yeux et en conclu que non. Tout était manifestement rassemblé pour l'empêcher de trouver la trace de son créateur. Et plus le temps passait plus les indices s'effaçaient, plus Jin doutait de l'existence de ce « sculpteur ».
Il jeta un coup d'œil à sa montre et fronça les sourcils.
- Je dois aller dans un studio photo à neuf heures, je n'aimerais pas te laisser seul ici, voudrais-tu m'accompagner ?
Il hocha la tête certainement sans avoir compris ce qu'était un studio photo.
- Bien, alors je vais te prêter des vêtements pour commencer.
Jin dénicha un pull blanc à col roulé qui lui allait légèrement petit et un jean noir passe partout auquel il ferait des ourlets si nécessaire. Il lui tendit le tout avec un boxer propre et neuf de ceux qu'il avait achetés et lavés récemment. Le jeune homme observa la pile de vêtement puis montra innocemment le drapé qui ne le couvrait plus vraiment et avait glissé sur son épaule, découvrant une grande partie de son torse finement sculpté.
- Tu vas mourir de froid avec ça, et ce n'est pas assez couvrant...
Le séraphin n'avait aucune honte de son corps ni pudeur. Il avait sans doute le même rapport au corps qu'un artiste dont le pinceau peignait la peau nue, les formes pures et l'essence humaine. Il n'éprouvait aucune gêne à se montre en tenue d'Eden devant Jin, un parfait inconnu pourtant. Il ne comprenait certainement pas non plus l'utilité de vêtements qui démangeraient sa chair et serrerait désagréablement sa silhouette. Le jeans surtout, il ne l'aimait pas. La sensation du tissu épais et sombre contre sa peau déforma son visage en une expression exaspérée presque boudeuse.
Jin sourit attendri mais au fond, attristé de devoir lui imposer les codes d'une société millénaire où les gens ne comprendraient pas, ne voudraient pas comprendre s'il venait à sortir simplement vêtu d'un drapé volatile. Aussi beau soit-il.
- Tu t'y habitueras...
C'était davantage une espérance qu'une certitude.
Jin se changea rapidement laissant tomber la douche ce jour-là et s'agita quelques minutes pour rassembler tout ce dont il avait besoin et remettre la main sur ses clés de voiture. Quand enfin il les trouva au milieu du dossier d'œuvres éparpillé, il aida le jeune homme à se lever et cette fois-ci il sembla tenir sur ses jambes. Quelle posture pensa-t-il. Quelle grâce naturelle. Il ferait un mannequin magnifique malgré sa petite taille.
Dans l'ascenseur, le petit blond maintint son regard braqué sur les numéros qui défilaient avec toute la concentration dont il était capable et sursauta lorsque la voix retentit annonçant le rez-de-chaussée. Tout était bonnement adorable chez ce petit être.
Dans la voiture, il observait silencieusement et admiratif le paysage et ses passants pressés qui s'agglutinaient aux extrémités des passages piétons. Il pointa le petit homme rouge puis vert avant de constater que toute cette foule se mouvait comme un seul être lorsque la couleur se transformait.
Il détailla avec de grands yeux son reflet et celui de la voiture dans l'une des nombreuses vitres de l'un des nombreux buildings vertigineux qui s'élançaient au-dessus de leurs têtes.
Puis il leva le regard vers le ciel à travers la vitre. Un ciel gris et pollué qui traversa un instant ses yeux de déception. Mais son intérêt fut rapidement attiré par l'oiseau de fer qui traversa ce bout de ciel. Il posa sa main sur la vitre sautillant sur son siège, lançant des regards interrogateurs à Jin.
- C'est un avion. Tu n'en as jamais vu ? demanda Jin sans attendre de réponse.
Il se gara devant l'une des tours à l'architecture audacieuse et invita son nouvel invité à descendre du véhicule.
- Je travaille au musée mais ici aussi à mes heures perdues.
Il pointa un immense panneau qui recouvrait la moitié de l'immeuble d'en face, affichant une publicité pour parfum et laissa le temps au blond de réaliser. Il se tourna vers lui avec un éclat dans les yeux et pointa à son tour l'immeuble.
- Oui, c'est moi, acquiesça Jin en riant légèrement. Allez viens, allons-y.
Ils entrèrent de nouveau dans un ascenseur qui semblait cette fois interminable et descendirent au vingtième étage. Là un studio bourdonnant d'activité s'offrit à leurs yeux. Des va-et-vient pressés, angoissés. Des regards vifs et surpris qui ne duraient qu'une secondes. Des éclats de voix à droite à gauche qui se mêlaient dans un brouhaha incompréhensible. Et Jin lui prit la main doucement et le guida à travers toute cette effervescence vers une porte blanche qu'il ouvrit sans annoncer sa venue.
- Oh Jin bien le bonjour, j'ai cru que tu ne t'étais pas réveillé encore.
- « Encore » ? répéta Jin. Ce n'est arrivé qu'une fois, tu exagères Jungkook !
- J'en ai pour une seconde et c'est à toi.
Le photographe n'avait ni relevé les yeux de son appareil ni tourné la tête. Il avait simplement deviné sa présence parce que Jin était bien le seul à entrer sans jamais frapper et il ne le lui reprocherait jamais. Après quelques minutes de shooting qui avalèrent la silhouette d'une jeune femme sous la lumière des flashs, le photographe se releva enfin en applaudissant sa modèle avant de s'étirer.
- Bon boulot, on se voit jeudi.
La mannequin acquiesça et enfin le dit « Jungkook » se tourna vers son nouvel invité. Ou plutôt ses nouveaux invités. Il ne lâcha qu'un « wow. » impressionné. Sans avoir encore accordé à Jin un regard, ses yeux s'étaient posés comme un aimant sur l'homme au teint d'ivoire à ses côtés.
- Qui est-ce ?
- Un ami de ma sœur qui est venu découvrir la capitale.
Jin avait prononcé ce mensonge avec une aisance qui aurait trompé le plus suspicieux des hommes. Il avait longuement réfléchit à une excuse dans la voiture et s'était arrêté sur celle-ci. Jungkook se mordit la lèvre mais ne fit pas d'autre commentaires.
- On commence. Ana tu peux me retoucher ce visage. Jin tu n'as pas dormi depuis trois jours ou quoi ?
- Si tu savais... répondit Jin en haussant les épaules.
Une maquilleuse s'occupa de photoshoper physiquement le visage de Jin sous les yeux curieux du séraphin. Tandis que Jungkook réajustait le fond blanc, les flashs et son appareil. Il photographia son modèle d'un œil distrait, d'une attention dissipée. Après quelques minutes il se redressa, une mine ennuyée sur le visage.
- Ça ne va pas ?
- Jin, excuse-moi mais je ne peux ignorer l'apollon que tu nous as amené. Je ne peux ignorer un tel potentiel.
- Tu... veux le photographier ? demanda Jin pris de court.
- Oui.
Il se tourna vers le séraphin, et fut frappé de nouveau par sa beauté.
- Accepteras-tu de poser pour moi ?
Le jeune homme ne répondit rien, n'étant pas certain de saisir le sens de la question. Jin s'approcha doucement de lui et lui réexpliqua lentement de quoi il s'agissait.
- Tu veux essayer ?
Le petit blond lui adressa un regard incertain.
- Ce ne sont que quelques photos. Il n'en fera rien de public ou commercial.
Il ne comprenait rien. Ni cette chaleur étouffante des lampes blanches qui illuminaient le studio, ni ce nouveau vocabulaire dont il ne connaissait rien, ni ce photographe l'air impatient qui croisait les bras dans le dos de Jin. Sans vraiment accepter, sans réellement avoir le choix ni le temps de donner son avis, sans l'aide d'une voix dont il était privé, il se retrouva devant le fond blanc, dépossédé du manteau et de l'écharpe que Jin lui avait prêtés.
La violence du premier flash brûla ses rétines, le forçant à fermer les yeux momentanément, presque rendu aveugle.
- Ouvre les yeux.
Le jeune homme rouvrit difficilement ses paupières.
- Tourne-toi un peu vers la fenêtre.
- Non tout ton corps.
- Lève la tête.
- Moins que ça.
- Oui comme ça.
- Lève un bras, comme si tu te recoiffais.
- Non, plus naturel.
- Plus naturel.
- Encore une fois.
- Jungkook... tenta Jin.
Le photographe leva la main lui faisant signe de se taire. Le commissaire l'avait rarement vu si concentré. Quelques assistants murmuraient des choses que Jin ne pouvait entendre sur l'incapacité de cet énergumène à poser, du temps perdu sur leur emploi du temps déjà serré, des excuses qu'il faudrait donner aux mannequins suivant pour expliquer le retard pris par le photographe. Ils n'aimaient pas l'imprévu dans une entreprise où tout était millimétré à la seconde et qui brassait des millions tous les jours.
- Non ça ne va pas, enlève ce pull.
Jin écarquilla les yeux.
- Jungkook il n'est pas–
- Silence ! C'est moi le professionnel ici ! sortez ! que tout le monde sorte d'ici ! J'ai besoin de me concentrer, ce modèle est difficile à photographier.
Les assistants quittèrent la salle en grommelant mais certainement pas en position de discuter ses ordres.
- Toi aussi Jin.
- Pardon ?
- Tu le déconcentre, il ne cesse de te lancer des regards désespérés.
- Parce que tu l'intimide ! Jungkook il n'est pas habitué à tout ça ! Tu es trop exigent, il n'a jamais posé ! Les flashs lui font du mal.
- Il y survivra, j'ai fait de gamins de cité, qui ne cessaient de cracher sur le plateau et de prendre des pauses ridicules, des mannequins internationalement reconnus aujourd'hui. Je ne laisserais pas filé un tel joyau.
- Mais il ne veut pas être mannequin !
- Ça suffit ! sort d'ici ! plus vite je le photographie, plus vite il pourra s'en aller. Et je vous paierais pour ça.
Jin soupira et lança un dernier regard encourageant au séraphin avant de quitter le studio.
Alors Le silence revint.
- Bien. Retire ton pull.
Le jeune homme le dévisagea quelques secondes silencieuses puis retira son haut, dévoilant son torse finement sculpté.
- Tout, chez toi, est source d'inspiration. Tout est à photographier.
Le photographe approcha un socle blanc semblable à celui sur lequel était posée la sculpture au sein du musée.
- Assied toi.
Il le fit et Jungkook le guida dans de nombreuses poses. D'abord oralement puis il vint le positionner sur le décor, frôlant sa peau, agrippant à plusieurs reprises ses bras, ses jambes ou son visage pour l'orienter dans telle ou telle direction. Son regard se faisait aussi plus insistant, inquisiteur, brûlant. Son objectif, les puissant éclats de lumière, semblaient désormais vouloir capturer cette créature inhabituelle.
- Non ça ne va pas. Dévêts-toi.
Le modèle ne bougea pas.
- Déshabilles-toi.
Alors doucement le séraphin déboutonna son jean en le ôta. Puis le sous-vêtement. Il n'avait aucune honte de son corps ne comprenait certainement pas le tabou qui existait autour du nu. Mais devant les yeux de ce photographe avide et dictateur, il se sentait gêné, en danger.
Le professionnel retira le socle et recouvra le sol d'étoffes pâles, brillantes, et lui demanda de s'y allonger. Il détacha ensuite son appareil de son pied, abandonnant les photographies de plein pied pour venir se pencher au-dessus de lui. Pour photographier des morceaux de son corps, des détails, des fragments de statue. Sans plus lui demander son autorisation, il touchait désormais son corps comme une poupée à qui il donnait les positions qu'il souhaitait. Inclinant vers lui les sources de lumière qui l'aveuglaient.
- Tu es si... parfait.
Son toucher sur le duvet de sa peau se fit plus lent, latent, intrusif et je séraphin frissonna soudainement parcouru d'un long frisson. Lorsque les doigts du photographe caressèrent ses lèvres il eut un mouvement de recul.
- N'ai pas peur...
Sa main glissa sur sa joue, sa mâchoire effilée, sa nuque puis se perdit dans les mèches dorées de ses cheveux qu'il finit par attraper à pleine main surprenant le jeune homme. Il captura une photographie de ce regard apeuré, soumis à sa volonté.
- Tu ne parles pas ?
Le regard fébrile et effrayé du petit blond fut sa seule réponse.
- Jungkook !
La voix orageuse de Jin brisa l'atmosphère devenue presque malsaine.
- Ça suffit ! A quoi est-ce que tu joues, non mais ça va pas !
Il tira le photographe en arrière et enveloppa le modèle dans ses bras, couvrant son corps des tissus qui jonchaient le sol.
- Je ne lui ai rien fait, marmonna Jungkook.
- Le forcer à se mettre nu ? Poser ainsi ? te permettre de le toucher ?
- Il n'a pas protesté.
Jin lui adressa un regard mauvais. Il avait dû se rendre compte qu'il ne pouvait ni parler, ni crier et en avait sans aucun doute profité.
- Est-ce que ça va ?
L'éphèbe hocha la tête doucement.
- Il t'a fait du mal?
Il fit signe que non.
Et le photographe les observait. Ce corps frêle, pâle, porcelaine pure dans les bras puissants de Jin, sa peau légèrement plus caramel, ses mèches sombres et sa silhouette enveloppante et rassurante.
- Ne bouge pas Jin.
- Quoi ?
- Ne bouge pas ! Garde le dans tes bras comme ça. Regarde-le.
- Tu plaisante...
- Deux minutes ! Cria Jungkook.
Jin se figea. Il suivit la demande du photographe puis se laissa porter cinq minutes de plus dans des poses aux airs de tragédies ou de comédie romantique.
- Fais lui relever la tête vers toi. Regardez-vous dans les yeux.
Jin, habitué de ses nombreux shooting attrapa le menton de son protégé et le lui releva. Il savait imiter la tension dramatique des films qui donnait aux photos une profondeur et une certaine magie. Il savait guider ses partenaires sans les brusquer, les accompagnants pour leur donner des airs de professionnels.
Mais en croisant son regard, le cœur de Jin se serra brutalement.
Avant que le photographe n'ait eu le temps d'appuyer sur le déclencheur, avant que les flashs n'inondent la scène de lumière, Jin se leva sans un mot.
- Qu'est-ce que tu fais ?! S'énerva Jungkook.
Le commissaire récupéra les vêtements du séraphin et l'aida à enfiler son pull puis vint essuyer délicatement ses joues de ses manches. Là où, depuis quelques silencieuses minutes maintenant, brillaient ses larmes.
Il le laissa revêtir son pantalon et l'enveloppa du manteau et l'écharpe qu'il lui avait prêtés.
- Garde ton argent, siffla Jin en encadrant les épaules frêle du blond et le guidant vers la sortie.
Jungkook avait aperçu le temps d'une demie seconde ses orbes humides et cette expression eut l'effet d'une puissante gifle.
Il ne les retint pas.
Et dans la voiture, le séraphin ne s'émerveillait plus du paysage. Il regardait le sol, les yeux bas, le visage sombre.
- Je suis désolé... Souffla Jin culpabilisant pour le comportement de son ami mais aussi le sien.
Il ne releva pas la tête.
- Il peut se montrer sec, rude, malpoli lorsqu'il est concentré et passionné par son sujet mais ce n'est pas un mauvais garçon.
Mais ce n'étaient que des excuses imbéciles qui sonnaient risibles.
La suite du trajet se fit dans le plus complet des silences. Jin n'avaient pas de mots pour excuser son attitude.
Le soir, en rentrant à l'appartement de Jin, il le vit malheureux.
- J'ai quelque chose à te montrer.
Il le mena devant la télévision et inséra un dvd dans le lecteur avant de poser un casque sur ses oreilles. Hoseok, un de ses amis de lycée avec qui il était resté très en contact travaillait désormais dans la tentaculaire industrie du cinéma et avait tourné une vidéo très artistique dans le musée de Jin. D'une main de maître, il avait filmé les salles prenant des angles de vue jamais utilisés auparavant, dévoilant les secrets de ce temple des arts aux yeux de Jin qui les avait découverts à l'écran sans même les avoir remarqué auparavant. Son ami avait réussi à montrer chacune des œuvres sous un nouveau jour et il possédait peut-être la seule et unique vidéo nette du Séraphin au drapé d'or.
La caméra passait sur la peau marbrée, blanche, lisse, glissant sur les courbes dansées de cet être figé. Elle parcourait les veines dorées, reflétant par instant une peinture, un croquis, une sculpture qui résidait à ses côté. L'objectif venait détailler les traits de ce visage somptueux, de ses yeux mystérieux puis reculait, pas à pas, comme intimidé par sa majesté. Il révélait après cette pluie de détails, l'entièreté de ce corps opalescent, resplendissant au centre de cette salle parée de moulures, de dorures et de bois lustré. Il était à sa place, incarnant l'Art et son essence.
Et les yeux du séraphin brillaient.
Suspendu aux images, transcendé par la musique, étourdis de couleurs, il admirait silencieusement.
- Tu étais là.
Le petit blond posa son doigt sur l'écran, là où se tenait la statue de marbre et Jin hocha la tête.
- Oui, c'est toi.
Ils avaient brillé de larmes quelques instants plus tôt, désormais ses yeux brillaient d'étoiles, et le cœur de Jin se serra.
- Veux-tu y retourner ?
Sans hésiter, sans même y réfléchir, l'angelot hocha vivement la tête, déjà prêt à repartir, saisissant le manteau tout juste posé. Jin n'oserait jamais le lui refuser, pas devant ce regard émerveillé.
Alors il reprit les clés de sa voiture qu'il avait à peine rangées et jeta un œil au calendrier. Par ce jour férié, le musée n'était ouvert que le matin et avait fermé ses portes à midi. Il ne serait habité que de Han, le gardien tandis que les reste du personnel serait déjà parti et ils pourraient déambuler sans que personne ne se questionne sur la ressemblance de ce jeune homme avec la sculpture, fierté de ce musée.
Dans les allées vides, le séraphin sautillait joyeusement d'une œuvre à l'autre, se laissant admirer les coups de pinceaux qui donnaient du mouvement aux vagues, de la matière à la neige ou de la texture à la pierre des palais. Il se penchait en avant, curieux de voir les détails cachés dans la maille des toiles quitte à se laisser tomber dans la peinture et son univers aux couleurs éparses et tourbillonnantes.
Il était ici chez lui, une place qui lui revenait de droit, dans laquelle le goudron ne fanait pas la pâleur de sa peau, la pollution ne grisait pas son teint, les bruits abrutissants de la ville ne plissaient pas son visage d'une expression de mal-être.
Qui était Jin pour avoir ainsi arraché une œuvre à son sanctuaire. Qui était-il pour aimer ce joyau qui n'appartenait pas à la perfidie humaine ?
La dernière salle tenait en son sein un socle vide, encerclé de rubans rouges, marquant l'absence du Séraphin au drapé d'or.
- Tu étais là, souffla Jin presque dans un chuchotement.
Le jeune homme observa pendants quelques longues minutes ce socle sans nom, sans créateur, sans œuvre. Et comme l'avait fait Jin plus tôt, il agrippa le velours écarlate et le souleva. Il grimpa sur le piédestal sans en salir le bord comme l'avait fait Jin quelques heures auparavant. Il retira le manteau, l'écharpe, le pull, chaque vêtement qui irritait sa peau et se trouva nu là où ce n'était plus ni tabou, ni intolérable. Jin ouvrit son sac et en tira le drapé de soie, le cœur lourd. À la manière d'une médaille, d'une décoration, il le lui passa par-dessus la tête, la posant sur sa nuque et ses épaules.
Le séraphin sourit.
Un sourire innocent, heureux.
Il se mit à danser.
Sur ce socle monochrome, en équilibre, comme sur un fil, il imita le pinceau sur la toile, le crayon sur la page, l'écume des vagues sur l'océan déchaîné. Il tournait, tanguait, valsait avec l'immuable qui embrassait son corps. Le voile blanc, doré, voletait autour de lui avec la grâce d'un aigle et la délicatesse d'une libellule.
Ses pieds, ses jambes, ses hanches se recouvrait de poussière enneigée, qui venait figer ce mouvement dans le temps, son temps, sa temporalité qui n'appartenait qu'à lui, à l'Art. Sous la lumière du soleil, il redevenait pierre froide au toucher. Mais avant, juste avant que le marbre ne s'empare de son visage, de ses bras et de son cœur, il se baissa vers cet humain attristé, qui le regardait avec si plein d'adoration, si plein de passion.
Et dans le dernier de ses souffles il embrassa ses lèvres.
Son temps s'arrêtait lorsque la vie de Jin reprenait. Immobile devant cette sculpture d'élégance, il se demanda un instant s'il n'avait pas tout rêvé et imaginé. Si ces vêtements éparpillés sur le sol n'étaient pas simplement une illusion de son esprit embrumé. Il les ramassa, un par un, les pliant soigneusement comme s'ils recueillaient encore quelques soupçons de réalité. Aucune camera n'avait encore fonctionné, aucune preuve ne venait confirmer que cette figure de marbre avait un jour été humaine.
Jin ne fut plus capable de le dessiner. Pas un trait, pas une page, pas un détail. Ses carnets restaient vides, gardant seulement en mémoire des dessins empreints de frénésie qui s'abimaient et s'oubliaient. Et un jour, alors que le souvenir de l'éphèbe, de son sourire, de la chaleur de sa peau disparaissaient, on annonça le départ de la sculpture en Italie.
Son créateur sans nom, sans visage, récupérait son chef-d'œuvre.
Jin signa les documents sans même les lire, le cœur déchiré par l'encre qui s'imprimait sur le papier, sur l'autorisation de transit, sur la déclaration de bien fragile. Qui saurait le manipuler avec assez de délicatesse lors d'un voyage comme celui-ci ? Qui serait capable de le transporter sans lui faire de mal ? Tout ça ne le regardait plus.
*****
Le colis trouva son chemin comme par enchantement sans qu'aucune adresse ni nom ne soitent donnés, sans que la livraison n'ait de date ou de destination. La large boite de bois, déposée dans l'herbe fraîche d'une rosée matinale, trônait avec trois autres colis bien empaquetés.
Un homme sorti alors de la maison qui bordait ce petit coin de végétation. Vêtu d'une longue robe de chambre un peu vieillotte, il s'approcha des boites, un sourire bienveillant greffé sur les lèvres. D'un geste nonchalant il ouvrit les 4 faces de chacune des trois boites, qui lévitèrent momentanément au-dessus du sol avant de s'y échouer en douceur. Le papier bulle, laid, et bruyant subit le même sort, dévoilant trois statues magnifiques, qui lui avait tant manqué.
Il s'approcha de la première sculpture dansante, et dotée d'une lyre d'où s'échappait presque une musique féerique. Il posa un pouce sur son front. Le marbre devint poussière et coula délicatement sur le corps qui se trouvait en dessous. La statue s'étira, débarrassée du poids de la pierre et sourit. Un sourire grand, riche de bonheur et de malice.
- Bonjour Hoseok, prononça l'homme en le serrant dans ses bras.
Le jeune homme tout juste libéré sautilla avec légèreté sur le sol et sentit les roses qui ne faneraient jamais, de ce jardin tant aimé. Il dansa entre les arbres fruitiers et se faufila dans la maison aux odeurs de cannelle et de cheminée allumée.
L'homme s'approcha de la seconde statue, une sculpture plus guerrière, affublée d'un sabre et d'un bouclier à tête de lion. Son regard était plus déterminé, plus féroce. De même il déposa son pouce sur son front et observa avec un sourire satisfait, le marbre se briser et s'évanouir, libérant le deuxième jeune homme de ses atouts de soldat.
- Bonjour Namjoon.
Le héros de guerre le salua solennellement et se tourna vers la troisième statue gagné par un doux sourire malgré lui.
- Réveillons-le à présent.
Il posa enfin son pouce sur le front de la troisième statue et le drapé doré voleta autour de lui, comme agité par une brise imaginaire, dévoilant le corps d'un ange qu'ils n'avaient pas revu depuis tant d'années. Le visage du séraphin s'illumina d'un beau sourire et il se jeta dans les bras de son créateur avant de faire de même dans les bras du guerrier.
- Tu as fait bon voyage ?
Le séraphin hocha la tête, heureux.
- Venez donc, bien d'autres attendaient votre retour.
Ils entrèrent tous trois dans la demeure alors que les boites de bois avaient déjà disparu sans laisser de trace. Hoseok jouait déjà un air familier près de la cheminée entourée d'autre sculptures humaines qui le regardaient ou l'accompagnaient en dansant ou en jouant d'autres instruments. À peine le séraphin eut-il passé le perron que plusieurs se retournèrent et vinrent le saluer joyeusement. L'ange se blottit dans les bras du guerrier, assis sur un fauteuil au coin de la cheminé, et se mit à écouter l'air que le joueur de lyre lui dédiait.
L'homme observa avec bonheur toute sa petite compagnie réunie et prépara un repas qui raviverait leurs papilles endormies.
Chaque statue avait parcouru le monde et les âges, visitant des musées et galeries sans jamais s'ancrer comme elles le faisaient ici. Cette demeure était leur berceau, leur ancre, leur point de repère et leur foyer. Comme des adolescents partis étudier à l'étranger, ils revenaient enfin tous à la maison pour une réunion de famille. Et les retrouvailles étaient un écrin de bonheur et de joie.
Chacune d'elles avait été créée avec une symbolique propre, une poésie personnelle. Le joueur de lyre, le guerrier, protecteur, l'ange de la délicatesse, le porteur d'eau, le gardien des créatures, et bien d'autres. Ils étaient une dizaine. Chacun possédait une chambre dans cette maison, peuplée des symboles qui lui appartenait. Hoseok tapissait ses murs d'instruments et de partitions. TaeHyung dormait aux côtés d'un jeune tigre blanc, nourrissait une famille d'écureuils, grattouillait le ventre d'un ourson et dansait au milieu des colibris. Chacun construisait son espace de tout ce qui lui ressemblait, tout ce qui le protégeait et tout ce qui le définissait.
Ici, ils pouvaient être eux-mêmes et agir comme bon leur semblait. Ils étaient libres et heureux. Et lorsque l'un d'eux s'infiltrait dans la chambre d'un autre, il laissait derrière lui un parfum symbolique, un ou deux objets qui lui correspondaient, un ou deux sourires qui illuminaient la salle d'une autre saveur. Et les affinités s'étaient créées depuis des millénaires déjà. Ainsi le séraphin avait exposé au mur des cartes dessinées soigneusement par Namjoon tandis que ce dernier possédait une étoffe de soie dorée brodée des mains de l'ange timide.
La plupart du temps, ils observaient les étoiles ou jouaient à toutes sortes de jeux dans le jardin. Lorsqu'il faisait trop froid, ils préféraient se réunir au centre du foyer, autour de la cheminée et mimer et danser des aventures qu'ils avaient vécues. L'air était chargé de leurs parfums, de leurs rires cristallins et des outils qui forgeaient leurs allégories. C'était une bien belle maison, chargée d'allusions, de métaphores et de mystères où tous vivaient en harmonie.
Des jours, des mois, des années et des vies.
Ils finissaient toujours par se rassembler.
Pourtant, en ce matin-là, après une semaine de chaleur familiale, il manquait, à la table du petit déjeuner, la présence délicate et gracieuse du séraphin qui ne s'était pas levé. Laissant les autres joyeux garnements déguster leur premier repas de la journée, le créateur frappa doucement contre la porte de l'ange, avant d'entrer.
Il était là, assis sur le bord de sa fenêtre, une jambe dansante dans le vide, les yeux perdus sur l'horizon où le soleil finissait son ascension.
« Quel tableau. » pensa le créateur en admirant les couleurs de l'aube peindre la peau pâle du jeune homme de couleurs douces et chaudes. Il s'approcha doucement de lui, posant une main rassurante sur son épaule.
- Tout va bien ?
Le séraphin se tourna vers lui et sourit. Oui, tout allait bien, lui assurait-il d'un regard. Il était heureux d'être ici, de retrouver ses paires et son père. Pourtant, son créateur le connaissait bien, mieux que quiconque en ce monde. Il avait taillé ses yeux de ses mains et donné vie à cette lueur dans ses prunelles d'un bleu saphir. Et ce matin-là, leur éclat était différent. Juste à peine, très discrètement, mais différent.
- Qu'est-ce qui te tracasse ?
Le séraphin tenta une fois encore de le convaincre que tout allait bien mais un regard insistant du vieil homme suffit à le faire avouer. Il replia ses jambes dans la chambre afin de refermer la fenêtre sur laquelle il créa un nuage de buée. Sur celle-ci il traça le contour d'un cœur avant de poser sa main sur sa poitrine, là où résonnaient les battements de son propre cœur.
L'homme ne dissimula pas sa surprise.
- Un humain a su te réveiller ?
L'ange hocha la tête.
- C'est rare, si rare. Seul un humain bon, prêt à offrir autant de respect que d'attention, autant d'amour que de justice est capable de réveiller une sculpture mystique.
Le petit blond l'écoutait tristement.
- J'ai trop rarement vu cette expression sur ton visage mon cher séraphin. J'ai mal de voir ce chagrin dans tes yeux bel ange. Le monde humain est difficile, rude, cruel parfois. Saurais-tu t'y habituer ?
Il haussa les épaules.
- Bien sûr, tu ne peux pas savoir. Je le sais. Je crains qu'il ne t'arrive malheur mon fils mais je souhaite chasser plus que toute cette peine dans ton regard. Je te sais doté d'assez de curiosité pour t'émerveiller de ce monde mais je n'oserais te laisser seul sur ce territoire avide...
Quelques coups contre la porte les surpris et tous deux se tournèrent vers Namjoon qui passait la porte. Le séraphin se leva et le guerrier ouvrit ses bras dans lesquels il vint se blottir. Namjoon adressa un regard sérieux et résolu à leur père.
- En es-tu certain ?
Le héros hocha la tête.
- Alors laissez-moi vous offrir une dernière chose mes enfants. Approchez.
Les deux sculptures s'avancèrent et il déposa sa main sur la gorge du séraphin.
- Ton silence deviendra chant.
*****
Une semaine plus tard deux statues de marbres étaient offertes à la National Gallery de Tokyo et Jin en entendit la nouvelle dans les magazines artistiques qu'il consultait quotidiennement.
Il ne comprenait pas ce retour rapide en Asie après seulement quelques semaines à peine son renvoi chez son créateur. Mais ça ne le concernait plus. Peut-être qu'un autre curieux aurait le privilège de voir le séraphin s'éprendre de vie, ou peut-être pas. Qu'un autre que lui puisse admirer son regard d'azur et son sourire de craie lui serrait un peu le cœur mais il referma le magazine en soupirant.
Ça ne le regardait plus.
Ce soir-là, en entrant dans son appartement, devant la vue de Séoul qui s'offrait à lui, il trouva le paysage bien sombre. « La pollution » se dit-il avant de fermer les rideaux. Devant la télévision, à minuit passées, essayant d'oublier la nouvelle qui ternissait sa journée, son regard loucha à plusieurs reprises sur son ordinateur posé à ses côtés.
À une heure du matin, Jin éteignit les lumières et quitta le salon pour aller se coucher.
À trois heures du matin, Jin, sur son ordinateur, réservait un aller simple pour le Japon.
À neuf heures du matin, il était à l'aéroport sans avoir fermé l'œil de la nuit.
Il s'était répété une centaine de fois déjà la composition de la bêtise qui l'habitait alors qu'il passait la douane avec à peine un sac à dos sur l'épaule et une tenue choisie au hasard dans son armoire. Il se reprochait sans se lasser son manque de bon sens et d'entendement alors qu'il grimpait les marches de l'oiseau de métal décoré du logo ailé de la Japan Airline. Il soupira une bonne dizaine de fois si bien que son voisin lui adressa un regard légèrement inquiet qui le poussa à se taire et se lamenter sur lui-même en silence.
Jin n'avait réservé aucun hôtel, ni de vol retour, il n'avait pas non plus prévenu le musée de son absence ni Jungkook pour reporter le shooting prévu aujourd'hui. Jin n'avait pas pensé à ces choses-là. Parce que la photographie du séraphin imprimée sur la page de son magazine semblait maintenant être placardée devant sa rétine et il ne pensait plus à rien.
A la sortie de l'aéroport de Tokyo, il héla un taxi pour lui demander non pas l'adresse d'un lieu ou résider et poser ses affaires mais l'adresse de la National Gallery. Le célèbre lieu d'exposition venait tout juste d'ouvrir ses portes et peu de visiteurs y étaient déjà engagés pour observer la belle collection.
Ses pas martelèrent le parquet presque de façon militaire, pressés et anxieux jusqu'à la salle des statues. Il ne prenait pas le temps d'admirer les merveilleux tableaux et autres sculptures qui l'entouraient et qu'il avait longtemps rêvé de voir hors des pages de ses magazines.
Et enfin cette course folle qui avait débuté le matin à trois heures, prit fin devant le piédestal affublé de l'inscription : Séraphin au drapé d'or. Cartel Nu, encore une fois, de toutes autres informations. Un cordon de métal le tenait éloigné à un mètre de l'ange de marbre, encerclant une zone qui déclencherait des alarmes s'il venait à la fouler.
Il se sentit soudain très idiot.
« Et maintenant » ? Pensa-t-il « Je fais quoi ? »
Il y avait certes, peu de visiteurs mais assez pour être de potentiels témoins s'il venait à dépasser la barrière. Trois camera étaient braquées directement sur le séraphin et un gardien de musée surveillait chaque faits et gestes des enfants un peu trop excités ou des visiteurs un peu trop fascinés qui tentaient de toucher les œuvres.
Oui, Jin n'avait pas pensé à ces choses-là non plus.
Alors, il resta là, planté devant la sculpture dont l'immuabilité le chagrinait, dont le sourire figé et les yeux voilés lui serraient la gorge et les entrailles. Il ne remarqua que quelques instants plus tard la présence d'une autre statue présente dans la zone délimitée, aux côtés du Séraphin. Un guerrier, visiblement taillé des mains du même artiste, grand, fier, puissant avec son accoutrement de guerre, doré lui aussi. Cette sculpture était-elle capable de s'éveiller elle aussi ? Est-ce que toutes les œuvres de ce créateur étaient capables de prendre vie ?
Étrangement, il trouva cela plausible.
Il y resta peut-être une heure. Non plus debout devant le seul cordon d'acier qui le séparait de lui mais assis sur un banc, à contempler la beauté de ce duo silencieusement. Il avait compté les secondes pour arriver ici, avant de pouvoir le revoir, avec l'espoir de le serrer dans ses bras. Voilà qu'il ne comptait même plus les heures qu'il passait devant cette sculpture sans oser s'en approcher. L'après-midi s'écoula comme les grains d'un sablier qui annonçaient hâtivement la fermeture du musée.
Lorsque à dix-neuf heures, une annonce fut passée dans les haut-parleurs et que le gardien vint le prier de se diriger vers la sortie, Jin se leva comme un pantin. Il marcha droit vers le duo opalin où la lumière du soleil couchant laissait étinceler leur attirail doré. D'un geste déterminé ou bien guidé par son inconscient il enjamba délibérément le cordon d'acier.
- Monsieur sortez d'ici ! J'appelle la sécurité !
Il n'entendit que ces mots avant qu'ils ne soient partiellement recouverts par une alarme désagréable. Avant qu'il ne grimpe sur le socle de plâtre, qu'il n'enlace la taille du Séraphin et ne vienne l'embrasser. Bien plus promptement que la première fois. Bien plus incertain que la première fois.
Quatre mains se saisirent de ses bras, de sa taille et le tirèrent brusquement en arrière, immobilisant son corps contre le sol alors que le marbre se fendait. Devant leurs regards horrifiés, paniqués, La pierre s'effritait en poussière et en cendres. Il n'en avait touché qu'une mais deux sculptures se brisaient. L'or fanait, les accessoires s'évaporaient comme s'ils n'avaient jamais existés.
- Appelez une ambulance !
La voix de Jin trancha le silence, sortant les gardiens de leur contemplation passive et hallucinée. Il profita de leur confusion pour s'extirper de ces chaînes humaines et se précipiter, juste à temps, pour recueillir le corps évanoui du séraphin qu'il serra contre lui. À Leurs côtés, le guerrier semblait affaibli mais bien conscient.
Partagé entre le devoir d'arrêter cet énergumène qui venait de détruire deux œuvres d'art et la surprise de voir deux humains là où, quelques secondes plus tôt, se tenaient deux sculptures de marbre, les gardiens du musée composèrent le numéro des urgences.
Ils n'étaient plus certains de la raison de leur appel. L'ambulance venait-elle pour secourir un « visiteur » inconscient ou interner un trio de gardiens qui juraient avoir des hallucinations ?Quoiqu'il en soit, au milieu de ce chaos où chaque parole prononcée semblait toute droite sortie d'un livre de contes, Jin, le seul qui semblait pleinement lucide fut le seul à accompagner les deux hommes à moitié dévêtis jusqu'à l'hôpital.
L'inconscient fut allongé sur un lit où sa peau opaline s'y fondait presque tandis que le guerrier prit place sur une chaise à l'extérieur de la salle. Jin lui adressa un regard interrogateur auquel le combattant, d'un charisme époustouflant lui aussi, répondit d'un sourire énigmatique. D'un simple mouvement de tête, il encouragea Jin à passer la porte de la chambre, puis la refermer derrière lui.
C'était une salle de repos simplement, aucun de ses signes vitaux n'étaient engagés, il allait bien, les médecins avaient simplement préconisé un peu de sommeil. À leur première rencontre, il avait dormi quelques heures et il en serait certainement de même cette fois-ci. S'armant de patience et taisant les questionnements qui brûlaient sa langue, Jin se contenta de contempler son visage qui lui avait tant manqué malgré lui.
Son regard insistant lui sembla pourtant de nouveau malsain et pervers et il détourna les yeux. Il ne se sentait pas digne de le contempler ainsi et se sentait coupable de ne l'admirer que pour sa beauté surnaturelle. Jamais il ne s'était reproché de poser un tel regard sur une sculpture ou un tableau et il s'interrogea sur sa relation à l'art et a l'humain.
Un être humain ne pouvait-il pas être œuvre lui aussi ? Forgé de sa complexité, de ses vertus et ses imperfections. Ne pouvait-il pas observer cet humain avec le même respect et l'admiration muette qu'il accordait aux plus beaux des tableaux ? Ne pouvait-il pas être bouleversé par la lueur de ses yeux, la douceur de son sourire comme il l'avait été devant la Tempête de neige en Mer de William Turner, la Nuit étoilée de Vincent Van Gogh ou encore Hygieia de Gustav Klimt ?
Il releva les yeux, frappé par la réponse à sa propre question.
Il rencontra immédiatement les siens.
Ouverts. Brillants. Heureux.
Jin se leva, son cœur battant trop fort dans sa pauvre poitrine et s'approcha du lit sur lequel il était allongé. Il ouvrit la bouche, pour poser une question surement stupide que le séraphin arrêta de ses doigts posés sur ses lèvres.
Il sourit.
Ses doigts glissèrent sur sa joue, dans ses mèches puis dans sa nuque qu'il agrippa doucement, invitant Jin à se pencher près de lui. Son oreille se trouva caressée par le souffle chaud de l'ange doré et il déglutit, retenant sa respiration, dans l'attente de quelque chose. Quelque chose de rêvé.
- Jimin. Je m'appelle Jimin.
-----------------------------------------------------------------
J'espère que ça vous a plu ! ^^
Je vous invite à continuer de soutenir les auteurs du Calendrier de l'avent auquel je participe hihi.
Publié sur le compte de Lhazareen
Qui s'intitule "Matriochka"
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro