Le plus beau sourire ~

Lorsque les trois artistes furent rentrés chez eux et que le roi demanda à ses enfants lequel d'entre eux devait rester, Jimin pris la parole en premier.

- Le plus jeune d'entre eux.

- Bien et toi ma fille?

- Tous trois sont doués père et n'étant qu'une amatrice en pratiques artistiques je suivrais l'avis de mon frère.

- Bien. J'enverrai donc chercher le peintre Jeon Jungkook dès la première heure.

C'est ainsi que le seul n'ayant pas encore capturé les traits du prince sur sa toile revint au château avec son propre matériel. Il disposait de deux heures par jour avec chacun des deux enfants du roi pendant huit jours. Il usait de son savoir-faire pour peindre la princesse avec grand respect et terminerait son portrait en temps et en heure. Cependant le même blocage s'opérait auprès du prince, ses mains moites ne lui permettaient pas de représenter un être qui dépassait de loin le plus beau des tableaux.

Jimin délaissa son fauteuil et vint s'asseoir sur un modeste tabouret en bois taché de peinture, à côté du peintre.

- Votre majesté vous allez vous salir...

Jimin sourit, trempa son doigt dans une peinture bleue et traça un trait net sur sa propre joue.

- Et alors? Si j'étais moins intimidant saurais-tu capable de me peindre?

Le jeune homme rit doucement.

- Ce serait désavantager votre beauté auprès de vos prétendantes.

Jimin haussa les épaules.

- Je ne tiens pas à ramener de nouvelles prétendantes...

- Vous devriez vous mariez pour votre prospérité votre majesté.

Jimin appréciait son franc parlé.

- Te marierais-tu avec quiconque pour assurer ta descendance ?

- Je n'aurais rien à leur offrir, ni votre beauté, ni votre bonté, ni votre richesse votre majesté. Et je ne saurais combler ma femme sans de tels attraits.

Le prince pris un pinceau et le trempa dans un noir abyssale avant de tracer du bout des doigts le profil du jeune peintre sur une feuille froissée. En quelques secondes il posa la ligne de sa mâchoire, celle de ses yeux, de son nez et esquissa quelques mèches. La lumière s'infiltrait à travers le papier par endroit abîmé, par d'autres, déchiré travaillant elle-même un clair-obscur presque naturel. Le peintre resta muet de stupeur lorsque Jimin reposa le pinceau et tourna la feuille en sa direction.

- Tu as beaucoup plus à offrir que tu ne le pense Jeon Jungkook.

- Votre majesté... vous peignez ?

- Quelques fois.

- Est-ce moi ?

- Qui d'autre ? S'amusa le prince.

Le peintre observa ses propres traits dressés sur la feuille se demandant un instant si le prince ne les avait pas embellis.

- Je ne puis être plus fidèle au visage qui se tient devant moi. Murmura Jimin comme s'il lisait son inquiétude. Jeon Jungkook, tu es ici aujourd'hui parce que parmi les trois peintres qui se sont proposés je t'ai choisi.

- Mais je n'ai rien posé sur toile la dernière fois votre majesté...

- Je le sais.

Jimin posa une main rassurante sur celle du peintre.

- Jungkook, peint moi. Je te donnerais le temps qu'il te faudra, des mois si tu le souhaite.

Envoûté par son regard et ses mots, le jeune homme sembla retrouver la mobilité de ses doigts et la grâce de ses gestes. Mais Jimin ne repris pas la pause sur le canapé de velours et ne nettoya pas non plus le bleu qui colorait sa joue. Il retira sa veste traditionnelle découvrant une chemise d'une simplicité pure et blanche, laissant paraître le bas de sa gorge et les prémices de ses clavicules. Il retirait tous ses attraits princiers pour offrir à la peinture la sincérité de son être.

- Soit fidèle, ne gomme pas les imperfections.

- Quelles imperfections... ?

- Celles que tu découvriras.

Les premières esquisses glissèrent sur son corps, retenant les courbes principales, le contour lisse de son visage, les reliefs de ses épaules. Jungkook prenait ce qu'il souhaitait prendre même s'il s'agissait de peindre la naissance de son torse, cette part de peau dont personne n'était en droit de voir chez un prince. Le second jour les traits de graphites disparurent sous les premières couches de peinture. Une couleur claire, un respect acharné de la pâleur de sa peau, de la brillance de cette précieuse porcelaine. Et chaque jour, Jimin brouillait les traits de sa joue droite d'une nouvelle tâche de couleur. Jungkook s'en amusait, Jungkook peignait. Et ce durant six jours. Le portrait n'était jamais achevé, n'atteignait jamais la perfection de son modèle. Et le septième jour, Jimin dû rester alité. Jungkook resta à ses côtés, selon le roi il pourrait profiter de ses deux heures quotidienne pour reprendre quelques détails sur son tableau. Mais il n'en fut rien. Jungkook ne toucha pas un instant le drap qui reposait sur sa toile pour la protéger. Il tira son tabouret de bois près de l'immense lit et observa le prince endormi. Il prit quelques feuilles jaunis par le temps et une simple mine de charbon pour capturer les traits affaiblis du prince qui ne perdait en rien sa beauté malgré son teint plus pâle encore et les quelques gouttes de sueur qui perlaient sur son front. Il dessina pendant les deux heures consécutives.

Ses yeux clos, ses lèvres entrouvertes, sa gorge agitée d'une respiration difficile. Ses mains, ses doigts fins, serrés sur les draps, la douleur qui froissait par moments son visage. Et le secret de ses imperfections lui fut révélé. Park Jimin était humain après tout. Ni un ange tombé du ciel, ni une quelconque poupée de porcelaine...

Et au huitième jour, Jungkook retrouva son prince assis sur le tabouret de bois, une tache de peinture rouge sur la joue, semblable à du sang. Et sur sa toile où une divinité était peinte, il la transforma en être humain. Il détailla une longue cicatrice qui happait sa tempe, presqu'invisible mais bien présente. Il gerça ses lèvres qui étaient charnues mais abîmées par les promenades à répétition du Prince en dehors du château. Promenades dont son père, le Roi, n'avait certainement jamais pris connaissance. Il peignit dans ses yeux jusqu'ici irradiant de perfection, un air plus triste, une lueur rêveuse, de désir d'aventure, de découverte. Non pas sur un étalon et vêtu de vêtement princiers sur les routes tracées par l'armées qui le protégerait mais bien à pieds, vêtu de modestes vêtements, sur des chemins broussailleux.

Un désir d'anonymat.

- Je pense ne plus être capable d'ajouter quoique ce soit votre Majesté.

Jimin frissonna, surprit par sa voix. Jusqu'ici perdu dans ses pensées, il tourna un visage sans sourire vers Jungkook.

- La fin de cette œuvre signifie-t-elle que nos chemins ne se recroiserons pas ?

Jungkook déglutit sans répondre. Il tourna simplement sa toile vers le prince qui la détailla avec une humble admiration.

- Tu as su être fidèle Jungkook. Merci.

- Parce que vous m'avez laissé voir vos faiblesses votre Majesté.

- Pas toutes il semblerait...

Le peintre leva un regard interrogateur vers Jimin.

- Il manque une lueur dans les yeux. La plus douloureuse de toute.

- Votre Majesté... ?

Jungkook réfléchit rapidement sans comprendre ce qui lui avait échappé et Jimin s'en apercevait avec plus de douleur encore.

- Une lueur interdite...

- Je suis désolé votre Majesté, je ne comprends pas.

- Jimin.

- Pardon ?

- Appelle-moi Jimin.

Le prince essuya sa joue, recueillant sur ses doigts la peinture rouge et vient en colorer les lèvres du peintre. Jungkook immobile, troublé, le laissait faire et Jimin vint cueillir de ses propres lèvres cette matière écarlate.

Jungkook ferma les yeux.

Et Jimin l'embrassa.