NOUVELLE #2 - L'appel du sacrifice (P.1)
Histoire écrite pour le Tournois des 24 plumes. Ceci est la première partie, la deuxième arrivera dans quelques semaines (patience @Amayasami 😉).
*****
Je jetai un dernier regard à la cité qui m'avait vu grandir. À chaque fois, cela me rendait nostalgique. Je repensais au passé. Le vrai passé. Celui du monde, de cette terre, de ce ciel. Une voix tonique interrompit mes pensées :
— Thélio ! Ramène-toi au lieu de rêvasser ! On t'attend tous.
Je reconnus au timbre de sa voix que c'était Coban qui parlait. Il se trouvait être un vieil ami que j'avais rencontré de fil en aiguille. Cela faisait déjà neuf ans que l'on se connaissait, mais j'étais pourtant persuadé que notre amitié n'avait aucun avenir. Mon caractère m'empêchait de garder des proches plus de dix ans. J'avais constamment besoin de changements, de rencontrer de nouvelles personnes.
Et voilà, j'étais encore parti m'enfermer dans les profondeurs de mon esprit. Je secouai la tête pour chasser mes derniers tourments et exécutai l'ordre de Coban par un vif claquement de doigts. La portière céruléenne de mon véhicule s'ouvrit dans un silence pesant, m'invitant à entrer.
— Je vous souhaite bien le bonjour, Thélio Cobalt, déclara une voix robotique.
— Bonjour Kirby, répondis-je sans trop d'efforts.
Kirby était le nom de l'interface vocale de la voiture. Au début, celle-ci se nommait D2S7-93, pas très charmant à retenir, vous en conviendrez. J'ai donc opté pour l'option "changer de nom" en la renommant Kirby en mémoire à ce jeu archaïque. La tonalité féminine de l'interface contrastait un peu avec son nouveau nom, mais cela m'était égal. J'adorais ce nom aujourd'hui considéré comme rétro.
Je m'installai confortablement dans le siège, attachai ma ceinture et ajustai les rétroviseurs. Je plaçai ensuite mes mains calleuses sur le volant et aussitôt la lévitation s'enclencha. Je rappelai l'interface pour modifier quelques derniers paramètres.
— Quelle est votre destination, Thélio Cobalt ? demanda Kirby.
— Aucune, mentis-je. Désactive le mode automatique et passe toutes les commandes en manuel ! Ah, et mets la localisation en privée, il ne vaudrait mieux pas que je me fasse repérer hors de la zone autorisée...
Un petit clic retentit, signe que mon ordre avait bien été exécuté.
— Je vous souhaite un bon voyage.
Je ne répondis pas. La course allait bien bientôt démarrer, j'avais la gorge nouée et le cœur qui battait la chamade. Même après des dizaines de fois, je stressais toujours autant. J'entendis la voix de Coban qui retentit à travers la radio :
— Tout le monde est prêt ?
Nous répondîmes tous affirmativement. Je déglutis, il n'y avait plus de retour en arrière possible. Cette course était bien plus dangereuse qu'elle n'y paraissait. Le parcours nous obligeait à sortir de la ville aérienne, au-dessus du vide, à plusieurs kilomètres du sol. Si on tombait, c'était la mort assurée.
Mon ami commença le décompte :
— Trois... Deux... Un... GO !
Les moteurs s'enclenchèrent, la poussière s'envola et les voitures démarrèrent. C'était parti. Virage à droite, virage à gauche, esquive de Flint et accélération. J'y étais enfin, là, au-dessus d'un océan infini, à plusieurs kilomètres de la surface. Je continuais de conduire tout en donnant des ordres à Kirby pour ma sécurité.
Mais malgré mon expérience, je ne parvins pas à esquiver ce coup. Son coup. Celui de Coban, celui de mon ami. À la limite de la zone protectrice, je me retrouvai à présent projeté hors du champ de force gravitationnel. J'entendis crier la voix de mon acolyte, il m'ordonnait de revenir dans le circuit. Seul problème : je ne pouvais pas. C'était trop tard. Perdant le contrôle sur les commandes qui commençait à s'affoler suite au manque de gravité, j'entamai ma descente vers la mort. Je hurlai à Kirby de nouveaux ordres, mais elle ne pouvait pas me sauver. Personne ne le pouvait. C'était donc comme cela que je devais mourir ? Juste à cause d'un manque de techniques lors d'une course illégale au-dessus du vide ? Sans personne à mes côtés mis à part une voix de robot misérable ?
Les lumières rouges clignotaient à rendre fou un homme saint d'esprit. Les turbulences dues à la chute et au puissant froissement de l'air m'empêchaient de reprendre le contrôle sur les commandes. Je ne pouvais absolument rien faire pour rester en vie. La hauteur entre la ville et l'océan transformait l'eau en béton. Si je touchais la surface, je mourrais aussitôt écrasé par le choc. Ma respiration saccadée et les gouttes de sueur sur mon corps n'amélioraient pas la situation. J'étais paniqué, affolé, terrorisé ! Trente-et-un ans et déjà je devais faire face au trépas...
Je vis à travers le pare-brise un tourbillon se former dans l'eau. Il grandissait à vue d'œil. J'ignorais de quoi il s'agissait, mais ça n'augurait rien de bon.
— Kirby ! Identifie ça ! Tout de suite ! hurlai-je à travers mon émoi.
— Pouvez-vous être plus précis dans votre demande ?
— Le truc, là, juste en bas, le tourbillon géant !
— Analyse de la demande en cours... Le terme « Tourbillon géant » n'existe pas dans la base de données. Pouvez-vous être plus précis dans votre demande ?
Et comment voulait-elle que je sois plus précis ? Je ne savais moi-même pas ce que c'était. Je perdais la tête, je ne parvenais plus à réfléchir. Je hurlai tant bien que mal sur l'interface, décrivant l'abomination qui se rapprochait sous mes yeux.
— Kirby, calcule la distance avant l'impact ! Maintenant ! tonitruai-je d'une voix éraillée.
J'étais certain que le froissement de l'air n'avait pas endommagé cette partie de son programme. Elle pouvait encore exécuter cet ordre, elle le devait. J'avais le droit de savoir.
— Calcule de la distance en cours... 956 mètres avant l'impact... 721 mètres... 503 mètres... 211 mètres... 94 mètres... 10 mètres... Impact imminent !
Je retins ma respiration. Souffle coupé, mains moites et hurlements de terreur accompagnaient ma descente en enfer. Le tourbillon titanesque m'accueillit dans son cœur, se refermant instantanément après mon passage. Englouti par l'océan, je gardais les yeux écarquillés, n'osant pas les fermer. Je continuais ma chute qui me semblait désormais sans fin. Je ne sus par quel miracle les vitres ne s'étaient pas déjà brisées sous la pression de l'eau. Sûrement une de ces multiples précautions de sécurité.
Les lumières clignotantes s'étaient toutes éteintes tandis que la voiture virevoltait dans la tornade des flots marins. J'étais totalement désorienté, je ne savais plus où était la droite, la gauche, le haut, le bas et l'espoir.
La pérennité de cette torture s'arrêta enfin, aussi brusquement qu'elle était apparue. Le tourbillon s'était dissipé pour m'abandonner dans ces abîmes. Je me retrouvai à présent dans le noir complet, à je ne sais quelle distance de la surface. J'essayai plusieurs commandes, mais aucune ne répondait. Je ressentais des palpitations à travers tout mon corps, notamment des picotements au poignet. J'en avais assez de toute cette mascarade, je devais sortir d'ici.
— Kirby ? Tu es toujours là ? demandai-je inquiet.
La voix robotique me répondit, ce qui eut le don de me ravir au plus haut point.
— Toujours présente pour vous servir, Thélio Cobalt.
— Bien. Renseigne-moi sur l'état de la voiture, je veux savoir s'il est possible de remonter jusqu'à la surface.
— Analyse en cours... Etat critique. Estimation de la pression impossible. Estimation de la profondeur impossible. Vous vous situez probablement dans la zone abyssale. Possibilité de remonter jusqu'à la surface : 0%.
— Je vois... Il n'y a donc plus d'espoir ? demandai-je affligé par les résultats.
— Je ne comprends pas le sens de votre question. Veuillez la reformuler !
— Tu ne comprends jamais rien de toutes façons ! Ton existence n'a aucun sens, tu ne sers à rien ! Tu existes uniquement pour détruire les espérances des autres !
Je commençais à m'énerver, il ne fallait pas. Je devais me sortir de ce pétrin, il existait forcément une solution. Il y en avait toujours une ! Je commençai à me calmer en me concentrant sur ma respiration. Inspire... Expire... Une fois redevenu flegmatique, je pus enfin réfléchir. Kirby avait parlé de zone abyssale. Une voiture de l'an 2342, aussi développée était-elle, ne pouvait continuer de fonctionner dans un tel endroit ! Quelque chose n'était pas normal. Et puis, comment pouvais-je encore respirer alors que je ne possédais pas de réserve d'oxygène ? C'était physiquement impossible. Je rêvais ? Non, tout semblait bien trop réel pour n'être qu'une illusion. Je devais cependant voir le bon côté des choses, j'étais encore en vie et je pouvais respirer. Il ne manquait que la luminosité.
— Kirby, allume les phares et les lumières intérieures ! ordonnai-je aussitôt.
— Souhaitez-vous aussi activer le mode sous-marin ? demanda l'interface vocale de son éternelle voix robotique.
— Quoi ? Tu veux dire qu'il existe une telle fonctionnalité ? Activer, oui, activer ! Bien sûr qu'il faut l'activer !
Mon premier ordre fut exécuté, accompagné du second. Un écran descendit jusqu'à moi et un schéma de la voiture se dessina. La forme avait l'air d'un hybride entre un bus et bateau, charmant... Je sentais des vrombissements sous mes pieds, signe que le véhicule était en train de changer pour adopter la structure représentée sur l'écran. L'intérieur était à peu près le même, les contours semblaient juste plus... carrés.
— Active les commandes, je te pris Kirby.
— Votre demande vient d'être appliquée. Vous pouvez à présent naviguer.
J'appuyai sur les pédales et la voiture se mit en route. J'avançais plutôt lentement, mais la situation n'était pas vraiment propice à de telles plaintes. Après une éternité à me diriger dans les profondeurs des océans sans réel but, j'aperçu enfin une lumière. J'avais faim et terriblement froid, mais une oxygène d'origine inconnue me maintenait en vie. Je me dirigeai vers la lueur, le cœur empli d'espoir.
Plus je me rapprochais, plus l'éclat bleuté s'éclaircissait. Lorsque je découvris enfin la source de mon espérance, j'en eus le souffle coupé pendant plusieurs secondes. J'aurais aimé dire quelque chose, mais aucun son ne sortait de ma gorge.
Là, devant moi, se trouvait une cité sous-marine. Une vraie de vraie ! Éberlué, j'ouvrais la bouche et la refermais, tel un poisson. La forteresse qui se tenait devant mes yeux dominait les profondeurs des océans. Ses redoutables remparts blanchâtres et son centre qui s'élevait vers la surface me rendaient fou. Je m'apprêtais à m'avancer pour explorer cette merveille, mais quelque chose agrippa la voiture. N'ayant aucun pouvoir sur la situation, je fus transporté jusqu'à l'entrée d'une tour contre mon gré.
Un jeune homme toqua contre la vitre, sûrement pour me parler. Il semblait pouvoir respirer sous l'eau naturellement par un moyen que je ne connaissais pas. Voyant que je n'ouvrais pas, il frappa plus fort. Il avait peut-être des branchies cachées, mais pas moi ! Si j'ouvrais, l'eau allait inonder la voiture et je finirais noyé... Tant pis, je devais en prendre le risque. La voix tremblante, je demandai à Kirby d'ouvrir la vitre.
Sans grande surprise, l'eau s'introduisit immédiatement et je me retrouvai submergé. Je gardai la bouche et les yeux fermés par crainte de la noyade.
— Vous pouvez respirer, déclara-t-il pour me rassurer.
J'ignorais si je pouvais lui faire confiance, mais sa voix mélodieuse était rassurante. Je lui obéis en ouvrant la bouche, accueillant par la même occasion une rafale d'eau dans ma gorge. J'eus en effet l'impression de recevoir de l'oxygène à travers le flot que je reçus. Je recommençai, cette fois-ci avec les yeux ouverts, avalant et expirant à volonté. Je pouvais... Respirer sous l'eau ! Je regardai l'homme de la vitre avec des yeux écarquillés.
— Oui, ça fait souvent cet effet aux nouveaux voyageurs, déclara-t-il amusé par ma réaction.
— Vous voulez dire qu'il y a d'autres voyageurs ? Des personnes comme moi qui se sont perdues ?
— Oui, mais suivez-moi, il vaut mieux que je vous explique tout en détails à l'intérieur. Les gardes se chargeront de ranger votre véhicule.
J'eus une dernière pensée pour Kirby qui m'avait bien aidé avant de m'engouffrer dans la tour. Le nom de cet homme se révéla être Caleb, ce qui me fît aussitôt pensé à Coban, l'ami en qui j'avais eu confiance. Je suivis l'homme à travers un impressionnant réseau de couloirs blancs, tous identiques. Je n'avais aucune idée de comment il s'orientait, mais sans lui je me serais sûrement déjà perdu depuis longtemps.
— C'est ici. Vous allez rencontrer la grande Astra, c'est elle qui dirige notre cité, m'annonça-t-il en me montrant une porte imposante.
Nous entrâmes dans une salle gigantesque, d'immenses fresques de mosaïques comblant les murs. Une jeune femme entièrement vêtue de blanc vint nous accueillir. Par sa démarche diligente, j'en conclus qu'il s'agissait la fameuse Astra. Pour confirmer mes doutes, Caleb s'agenouilla aussitôt qu'il l'aperçut. Ne sachant pas très bien quoi faire, j'imitai sa position.
— Bienvenue à Atlantis, Thélio Cobalt, déclara la femme de sa voix modulée, presque chantante. Les voyageurs comme toi n'ont pas besoin de s'agenouiller. Lève-toi ! Idem pour toi Caleb.
Le jeune homme s'exécuta, mais ne se décontracta pas pour autant. Il opta au contraire pour une stature droite et imposante, presque celle d'un soldat. Astra se présenta comme me l'avait décrite plus tôt Caleb. Elle continua cependant son monologue en me parlant de sa cité, décrivant ses prouesses du passé mais également celles du présent. Elle m'annonça également qu'elle était déjà au courant de ma venue, elle avait détecté le tourbillon dès sa nouvelle apparition. Caleb possédait un micro sur lui au moment de notre rencontre, essayant ainsi de récupérer le plus d'informations sur moi. Astra ne s'arrêta pas à ces quelques phrases, ne cessant de me parler. Un vrai moulin à paroles !
— Atlantis est la seule et unique cité restante de ce monde. Sa technologie est des centaines de fois plus évoluée que la tienne, qui est déjà bien avancée. Tu dois te demander comment tu peux respirer, tous les voyageurs se posent la même question. Et bien, la réponse est simple : nos scientifiques ont réussi à introduire des particules d'oxygène dans celles de l'eau afin de donner à cette dernière les propriétés du dioxygène.
Je ne sus quoi répondre. C'était comme si je me trouvais dans un monde parallèle, mes connaissances déjà acquises ne m'étaient d'aucune utilité ici.
— Tu dois certainement être perdu et je le comprends très bien, continua-t-elle comme si elle avait lu dans mes pensées. Le tourbillon que tu as traversé était un vortex temporel. Il est apparu il y a plusieurs siècles déjà et détruit maintenant notre monde à petit feu. À chaque fois qu'un voyageur comme toi l'emprunte, de nouvelles catastrophes surgissent ici. La situation devient de plus en plus critique. Nous avons besoin de toi. Seuls les voyageurs ayant déjà traversé le vortex peuvent le refermer.
Cela faisait... Beaucoup d'informations à la fois. Vraiment beaucoup. Mon cerveau était sur le point d'imploser, j'ignorais si elle en avait conscience. J'avais néanmoins envie d'en savoir plus sur les précédents voyageurs. Astra m'a expliqué qu'ils étaient les seuls à pouvoir refermer le vortex, mais alors s'ils y en avaient déjà eu par le passé, pourquoi cette fichue tornade temporelle était encore là ? Je posai la question à la reine qui afficha aussitôt une mine attristée.
— J'aurais préféré que tu ne poses pas la question, mais tu as le droit de le savoir. Ils ont été dévorés par le vortex en tentant de le refermer. Cependant, nous avons découvert grâce au précédent voyageur que seuls ceux qui ont un lien émotionnel qui les unit à ce monde peuvent survivre.
— Rien ne me rattache à votre monde. Je vais mourir comme tous les autres avant moi. Pourquoi devrais-je donc vous aider ?
— Nous avons agi différemment cette fois-ci. Le jeune homme qui se tient à tes côtés, regarde-le bien attentivement.
Je me tournai vers Caleb pour le dévisager. Ces yeux bleus reflétant son âme, ce grain de beauté sur sa pommette droite...
— C'est impossible..., murmurai-je.
— L'impossible n'est qu'une futilité de l'imagination de l'Homme, répondit le jeune homme. Tu es mon ancêtre, Thélio.
— Mais je n'ai pas d'enfants ! Tu ne peux pas exister !
— Le temps n'est pas juste une ligne droite qui traverse les années. Il est bien plus complexe que cela. Si tu n'étais pas tombé dans le vide ce jour-là, imagine ce qui serait passé. Je suis le résultat de cette ligne temporelle que tu n'as pas connu.
Je ne pouvais y croire. C'était invraisemblable. Il ne pouvait pas être mon descendant ! Je secouai brutalement la tête. Je devais l'accepter. Cette histoire de vortex temporel, d'Atlantis et tout cet autre monde me rendaient fou, mais je devais l'accepter. Je n'avais pas le choix. Si je voulais continuer d'avancer, croire cet homme était la seule solution.
— Soit... Mais comment expliques-tu que tu saches qui je suis ? Tu n'étais pas là quand je suis tombé dans l'océan, j'étais seul !
Astra s'avança pour prendre la parole, prenant de vitesse Caleb qui s'apprêtait à répondre.
— Je te l'ai déjà dit, notre technologie est des centaines de fois supérieure à la tienne. L'énergie du vortex est si puissante que nous l'avons immédiatement détectée. Nous avons alors aussitôt envoyé des nano-robots vers la source du signal. Ils se sont introduit dans ton véhicule, ont renforcé les vitres et t'ont donné du dioxygène. Ils ont également analysé ton ADN, c'est qui nous a permis de savoir qui tu étais. Nous avons alors cherché un de tes descendants pendant que tu arrivais. Caleb est le fruit de ta postérité, tu dois l'accepter.
Tout d'abord, le vortex était censé avoir disparu, avais-je envie de lui répondre. Il ne pouvait pas avoir réapparaître comme bon lui semblait ! Je gardai néanmoins cette réflexion pour moi, essayant tant bien que mal d'accepter la réalité de la situation.
— Admettons..., répondis-je d'un ton mélancolique.
— Tu ne sembles pas heureux de le rencontrer.
— C'est juste que je n'ai jamais eu d'enfants là d'où je viens. Cette réalité est dure à adhérer.
— Nous n'avons pas le temps d'en débattre, le vortex est toujours présent et il se dirige tout droit vers Atlantis. Tu dois l'arrêter !
— On m'annonce que j'ai un descendant que je ne suis pas censé à avoir et vous voulez que je passe outre ? Je suis un être humain ! J'ai un cœur, des émotions ! Actuellement, je suis perdu dans le temps et dans l'espace, je ne connais personne, et vous voulez que j'accepte tout cela comme ça ? Mettez-vous à ma place, bon sang !
— Nous allons peut-être tous mourir dans quelques minutes et tu veux en parler ? Très bien, asseyons-nous et attendons la fin du monde. Tu auras simplement le sang de toute une civilisation sur les mains, s'exclama Astra furibonde.
— Vous interprétez mal mes paroles ! J'ai juste besoin de temps pour accepter... Tout ça.
— Mais nous n'avons justement pas suffisamment de temps ! Tes caprices de voyageur éperdu passeront donc après le besoin du monde.
— Je ne vous connais pas et je ne connais pas cet homme ! Il a beau être mon descendant, je ne le connais pas ! Qui est-il ? Qu'aime-t-il faire ? Quel est son passé ? Son histoire ? Ses tourments ? Ses rêves ? Sa raison de vie ? Je ne connais rien de lui, il n'est qu'un parfait inconnu pour moi !
— Tu désires donc vraiment avoir tout ce sang sur les mains ? demanda une dernière fois la reine d'Atlantis.
— Non, bien sûr que non ! Mais je vais sûrement finir comme tous les autres, ce foutu vortex va me dévorer et mon sacrifice n'aura servi à rien...
La femme porta sa main à son front. Je l'exaspérais, je le devinais. Pourtant, si je décidais d'aider les Atlantes, je mettais ma vie en danger. Le lien émotionnel avec Caleb ne suffisait pas, je ne le connaissais pas suffisamment !
Un garde surgit derrière Astra, tout affolé.
— Majesté, un second voyageur vient d'être détecté.
— Envoyez des nano-robots ! ordonna-t-elle aussitôt.
— C'est impossible, il est encore dans le vortex.
La reine commençait à s'irriter. La situation était bien trop critique, je n'avais pas le choix, je devais les sauver. Je repassais en boucle les paroles d'Astra. Je ne voulais pas avoir le sang de toute une civilisation sur les mains. Quand bien même je survivrais, que restera-t-il de mon humanité ? Résolu, je sortis de la pièce tel un ouragan, Caleb courant pour me rattraper. Astra me rejoignit en lévitant grâce à je ne sais quelle technologie nouvelle.
Une fois dehors, j'aperçus la tornade des flots-marins qui s'approchait. Caleb et Astra ayant compris mes intentions, me dépassèrent pour me guider jusqu'au vortex. Mon cœur battait la chamade, j'avais peur, terriblement peur. Ma respiration saccadée par la course effrénée que je menais m'épuisait. Je parvins néanmoins à rejoindre la sortie de la cité, pouvant désormais faire au dangereux cyclone qui n'était plus qu'à une centaine de mètres.
Une voiture jaillit brutalement de celui-ci pour venir s'écraser à quelques centimètres de mon visage. Encore sous le choc, je restai figé sur le sol, pareil à une statue. Un homme sortit en précipitation du véhicule pour m'emmener loin de celui-ci. En effet, ce ne fut que quelques secondes plus tard que ce dernier explosa, abandonnant ses débris sur le sable d'Atlantis. Lorsque je pus enfin réagir, je hurlai un puissant cri mêlant surprise et abomination. Devant moi se tenait Coban. Cet ami que je croyais traître a dû sauter dans le tourbillon peu après ma chute. Quel imbécile ! Il courait maintenant à sa perte.
— Je sais ce que tu penses, commença le second voyageur, mais je ne suis pas un crétin. Enfin du moins je pensais ne pas l'être, mais quand je vois l'état de ma voiture maintenant... Et euh... Sinon je suis où ? C'est quoi cet endroit ? Pourquoi je peux... Respirer ? Bon sang, je peux respirer sous l'eau ! Thélio, tu te rends compte de cela ? Je respire sous l'eau ! Et c'est quoi cette tornade qui se dirige sur nous ? Comment il peut y en avoir une dans un océan ? Comment s'est possible ? Et cette ville ? Pourquoi il y a une foutue ville sous l'eau ? Je suis où, bordel ? Thélio, réponds-moi !
— On n'a pas le temps de discuter, Coban ! le coupai-je brutalement. Je suis très heureux de te revoir, mais cette « tornade » est un vortex temporel qui fonce tout droit sur nous et si je ne fais rien nous allons tous mourir d'une seconde à l'autre.
— Et qu'as-tu l'intention de faire ? Tu crois que ce... Truc va te laisser l'arrêter comme ça ? Cela ne marche pas comme ça, Thélio... Je t'en conjure, n'y va pas ! Je t'ai rejoint car je me sentais coupable, pas pour te voir mourir une seconde fois. Remémore-toi tous ces moments que l'on a passés ensemble, ces neuf années de fou-rires, de courses effrénées et de pur bonheur ! Veux-tu vraiment abandonner tous ces souvenirs ?
— Non, je ne veux pas ! Bien sûr que non je ne veux pas ! Je ne veux pas non plus mourir, je ne veux pas t'abandonner ! Tu es mon ami, tu as sauté dans le vide alors que j'aurai très bien pu être mort. Je ne pourrais jamais me résoudre à renier cette culpabilité qui me ronge. C'est moi qui t'ai entrainé dans ces courses de voitures, c'est ma faute si aujourd'hui on se retrouve dans cette situation. Si je n'avais pas participé à ces conneries, jamais le vortex se serait rouvert. Je suis la cause de l'abomination qui détruit le monde sous nos yeux. Si je reste là à regarder, des milliers de gens vont mourir et ce sera ma faute ! Je ne veux pas avoir ce massacre sur la conscience. Laisse-moi me racheter, laisse-moi faire cet ultime sacrifice. S'il-te-plait...
J'attrapai l'épaule de Coban, le suppliant du regard de me laisser y aller. Si Caleb n'était pas ce qui me reliait à ce monde, mon ami lui pouvait l'être. Ce dernier lâcha un profond soupir et détourna le regard. Par sa réaction, je compris qu'il cédait. Une larme coula sur sa joue, me faisant me sentir davantage coupable de l'abandonner. Tant pis, je devais le sauver. Je devais tous les sauver. Le vortex n'était désormais plus qu'à quelques mètres, détruisant tout sur son passage. Le sable voltigeait dans l'eau pour offrir un spectacle aussi dévastateur que sensationnel.
Je fermai les yeux en effleurant le vortex de ma main. Je ressentais la matière qui le constituait, sa puissance qui faisait trembler la terre, allant même jusqu'à la ravager. Mais je n'avais plus le temps de penser. Je m'engouffrai totalement dans le monstre temporel, jetant un dernier regard à mon ami et à mon descendant, tous les deux côte à côte. Astra se tenait derrière eux, m'adressant un sourire de remerciement. Je les observais tandis que mes yeux s'emplissaient de larmes. Mon corps et mon âme étaient en train de fusionner avec le vortex. Bientôt, j'aurai le contrôle sur ce dernier et je pourrais l'anéantir de l'intérieur pour sauver tout un peuple. J'esquissai un ultime sourire à travers mes derniers sanglots.
— Adieu...
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro