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E2 | Défi N-2 ● Coup de Coeur ●


Notre Coup de Coeur pour ce deuxième défi a été remporté par le texte d'HelenaSellor ! 

Il comprend à peu près 4000 mots, et malgré le début un petit peu lent, ce texte est vraiment très complet et il existe un vrai équilibre entre la présentation des personnages, l'exposition de l'univers, les sentiments passés à travers les mots, le rythme bien maîtrisé mais aussi l'originalité du thème :) 

Pardon s'il y a des mots collés, etc... la mise en forme ne passe jamais correctement sur Wattpad :/ Il y a les blocs de textes qui peuvent gêner certains lecteurs, donc vous êtes au courant :) 


*** 

Fin.

Je me réveille en sursaut, mon cœur battant fortement dans ma poitrine. Par un réflexe immédiat conditionné par des années de vie, je tente de me calmer. De ralentir ce rythme le plus rapidement possible. « Je ne dois surtout pas en gâcher ». C'est la phrase lancinante qui se répète en boucle dans mon esprit depuis quelques années. Depuis qu'Auguste et Déborah sont nés. Si l'approche inévitable de ma mort ne m'inquiétait pas vraiment avant, ils ont changé cela. Désormais je ressens chaque battement de mon cœur comme un pas de plus qui m'approche de la fin de ma vie. Et c'est exactement ce que c'est.

A la naissance d'Auguste, l'aîné, il me restait très exactement trois cent quinze millions et trois cent soixante mille battements avant de mourir. C'est ce jour-là que la réalité de ces immenses nombres m'a frappée. Il me restait, au maximum, huit ans à vivre. Je n'allais pas connaître mon fils après cet âge. C'était un cauchemar. Pourtant, j'ai souhaité un deuxième enfant malgré le peu de vie commune que l'on pourrait avoir. L'accouchement m'a fait perdre plus d'un mois de vie tant mon cœur avait accéléré durant les quelques heures de souffrances que cela avait duré. Depuis, je ne peux m'empêcher de surveiller ma montre où défile ces nombres, m'indiquant très précisément la date et l'heure à laquelle je partirai. Je profite de mes enfants sans pouvoir oublier que la faucheuse attend patiemment son moment au-dessus de ma tête. Ça me torture. J'en fais des cauchemars qui me font encore perdre quelques battements alors la journée, j'angoisse de faire ces horribles rêves. Angoisse qui se répercute sur mon rythme cardiaque. C'est une boucle infernale dont je n'arrive pas à sortir. Et, tic tac, le temps approche.

Je pose mes yeux sur le cadran à mon poignet, une boule coincée dans ma gorge. Cent vingt six mille battements restants. Vingt-huit heures de vie. Je mourrai demain. 

Je ferme les yeux, des larmes venant les inonder et couler sur mes joues. Il est seulement cinq heures du matin. Dans quelques heures, j'irai réveiller mes enfants pour l'école pour la dernière fois. J'embrasserai mon mari avant son départ pour le travail. Je préparerai le goûter d'Auguste et Déborah, les regarderai s'empiffrer de chocolat, finissant avec d'immenses moustaches marron. Je ferai les gros yeux à mon grand garçon pour le forcer à faire ses devoirs pendant que sa sœur joue dans le jardin. Et puis Eric rentrera du travail, fatigué par sa journée et je l'embrasserai à nouveau pour fêter son retour. Nous préparerons le repas tous les deux, discutant de ses collègues et des nouvelles éventuelles de notre entourage. Je le regarderai couper la viande de Déborah et insister pour qu'Auguste mange ses légumes. Et puis j'irai raconter une histoire pour endormir la plus jeune, la border et l'embrasser avant de faire de même pour le plus vieux. Les voir me sourire avant de s'endormir. Le tout pour la dernière fois. Pendant la nuit, je devrais me rendre à l'agence de repos située quelques rues plus loin. Y aller sans faire de vagues, pour me garder encore quelques instants pour dire au revoir à Eric. On s'assiéra ensemble dans l'un des petits box, il me prendra dans ses bras et nous regarderons tous les deux mon décompte arriver à son terme. A la suite, je n'appartiendrai pas.

Je mets quelques minutes à calmer mes pleurs, restant silencieuse pour ne pas réveiller mon mari qui dort tranquillement à côté de moi. Finalement, je décide de me lever. Il a beau être très tôt, je n'arriverai de toute façon pas à me rendormir et je préfère profiter de quelques heures supplémentaires. Je me dirige vers la salle d'eau pour me faire couler un bain. Cela fait bien longtemps que je n'ai pas pris ce temps pour moi. Mais j'en ai envie, une dernière fois. Cela me permettra de me détendre pour conserver un maximum de temps. Quand j'entre dedans, l'eau est entre le chaud et le tiède. Plus jeune, j'aimais me plonger dans la baignoire bouillante et n'en sortir que des heures plus tard mais j'ai vite compris qu'un bain trop chaud n'était pas bon. Cela fait augmenter le rythme cardiaque. Ce matin, je regrette presque mes années d'insouciance, lorsque j'étais enfant. J'aurais bien aimé connaître à nouveau le plaisir d'une eau brûlante et de la condensation sur les miroirs. Mais je ne suis pas prête à sacrifier des instants de vie avec ma petite famille pour ce plaisir égoïste. Alors je me contente de mon bain tiède.

Pendant la demi-heure que je passe à me détendre, je ne peux pas m'empêcher de me plonger dans mes souvenirs. J'essaie de revoir les meilleurs, d'en profiter une dernière fois. Mes années auprès de mes parents, à grandir joyeusement dans une petite maison de banlieue. Presque la même que celle dans laquelle je vis actuellement d'ailleurs. J'évite de penser à la période de la fin du collège. Comme pour beaucoup, elle a été marquée par le décès de mes parents dont le compte des battements arrivait à la fin. Mes années d'université ont été plus joyeuses. Mon rythme cardiaque naturel me promettant plus de trente-huit ans de vie, j'ai pu choisir moi-même le métier que je souhaitais faire. Durant mes études, j'ai rencontré Eric. C'était alors sa première année d'université tandis que j'entamais ma quatrième. Ce fut un coup de foudre. Je me remémore les mois de drague durant lesquels nous étions trop maladroits pour se rendre compte des sentiments de l'autre. Et puis les premiers mois de relation durant lesquels l'expression « vivre sur un petit nuage » a pris tout son sens. Nous nous étions promis qu'une fois diplômés, nous nous marierions. C'est ce que nous avons fait. On décrit souvent ce jour comme étant le plus beau d'une vie. Ce n'est pas tout à fait vrai selon moi. C'était le plus beau de ma vie vécue à ce moment-là. Mais rien n'aurait pu me préparer au bonheur de la naissance de mes deux amours, six et huit ans après. Entre temps, j'ai travaillé comme fleuriste. J'y ai passé de bons moments, c'est certains. Mais ils me paraissent si fade en comparaison à ces dernières années passées à la maison. Je souris, seule face au mur de ma salle de bain, aux images de mes deux enfants, grandissant sous mes yeux. Rien ne pourra m'enlever cela. J'espère juste qu'ils garderont eux aussi l'image de leur mère à leurs côtés durant toutes ces années.

A ces pensées, ma gorge se serre sous l'émotion. Refusant de me laisser aller à la tristesse et à la nostalgie, je décide de sortir de mon bain. J'enfile ma plus belle tenue et prends le temps de parfaire mon maquillage et ma coiffure. Pour me faire plaisir, et sûrement un peu par vanité, j'ai envie d'être la plus élégante possible aujourd'hui. Ainsi, j'espère laisser un beau souvenir à Auguste et Déborah. Et à Eric, bien entendu. Même si, selon lui, je suis toujours la plus belle femme du monde.

Vêtue de mon tablier « super maman », je prépare une pâte à crêpes que je fais ensuite cuire. Une douce odeur se met rapidement à embaumer la cuisine. Alors que je termine la cuisson des dernières crêpes, mon mari entre dans la pièce, les cheveux encore ébouriffés de la nuit. Il appuie sur la machine pour se faire couler un café et profite de passer devant moi pour m'embrasser le front, comme tous les matins.

—  Bonjour mon amour, me salue-t-il avec sourire.

Il a beau essayer de se comporter comme tous les jours, je remarque les commissures de ses lèvres moins hautes sur ses joues, cette lueur triste et inquiète derrière la lumière de ses yeux.

— Bonjour mon chéri, je lui réponds en posant la tasse prête devant lui.

Tout comme lui, j'essaie d'agir comme d'habitude. Mais c'est si difficile. Je ne peux pas m'empêcher de me laisser aller à la tristesse du moment. Et à chaque fois, mon ventre se tord, ma gorge se sert et je sens les larmes commencer à brûler mes yeux. Un rien pourrait me faire craquer en un instant. Mais je tiens bon.

La table complètement dressée pour le petit-déjeuner, je vais réveiller mes deux garnements favoris. J'ouvre la porte de la chambre d'Auguste au moment où je l'entends éteindre son réveil. Il me regarde de ses immenses yeux verts, attendant son bisou du matin avant de sortir de son lit. Un sourire sur les lèvres, je m'approche de lui pour le lui faire et ne peux m'empêcher de le serrer dans mes bras. Il est surpris de ce câlin inhabituel mais se prête bien vite au jeu, me rendant mon étreinte. Lorsque j'ouvre la porte de la seconde chambre, la pièce est encore plongée dans le noir, simplement éclairée par la veilleuse sur la table de nuit. Je me glisse sans un bruit jusqu'au petit lit sur le côté duquel je m'assoie. Je caresse la petite tête brune qui sort de la couette avec amour, profitant de la douceur de ses cheveux. Les yeux de Déborah papillonnent, toujours flous de sommeil. Elle tend ses deux bras vers moi, me demandant silencieusement de la porter jusqu'à la cuisine. D'ordinaire, j'aurais refusé. Elle a beau être ma princesse, du haut de ses cinq ans et demi bien trempés, elle commence à être un peu lourde pour moi. Mais aujourd'hui étant un jour si particulier, je n'hésite pas et la hisse dans mes bras. Tant pis si je me fais mal au dos, il ne servira plus très longtemps de toute manière.

Quand j'entre dans la cuisine pour poser Déborah, je retrouve les deux hommes de la famille, chacun une crêpe à la main, des traces de pâte à tartiner sur les joues pour le plus jeune. Et rapidement, une troisième les rejoint. Je m'assis avec eux, profitant comme je le peux de ce moment de vie familiale. Eric ne dit rien aux enfants sur ce qu'il va se passer et je lui en suis reconnaissante. Nous n'étions pas du même avis sur ce sujet. Il voulait leur expliquer afin qu'ils soient prêts. J'ai refusé, ne souhaitant surtout pas leur retirer ces instants d'insouciance qu'est l'enfance. Je me doute que cela va rendre la chose plus difficile pour lui par la suite, qu'il va devoir tout leur expliquer malgré son propre chagrin. Mais j'apprécie qu'il respecte ainsi ma volonté. Ma dernière vraie volonté.

Le repas se termine rapidement pour lui et il se dépêche d'aller se préparer dans la salle de bain pour partir à l'heure travailler. A l'heure du départ, je sors de la cuisine pour aller l'embrasser sur le pas de la porte et le regarder partir. Mais encore une fois, il a un geste inhabituel. Il encadre mon visage de ses mains et m'embrasse avec toute la délicatesse dont il est capable avant de me dire, les yeux brillants de larmes contenues :

— A ce soir mon amour. Ne pars pas avant, je t'en supplie.

Il finit sa seconde phrase son front pressé contre le mien. Puis, lentement, comme s'il s'agissait d'une torture, il se décolle et retire ses mains de mon visage pour se retourner et sortir par le portail du jardin. Cette fois-ci, mes larmes coulent. Je ne peux pas retenir toute l'émotion qu'il m'a transmise. Je la ressens comme si elle me transperçait le cœur et je souffre. Je souffre de mon départ à venir, du vide que je vais laisser dans sa vie. Et dans celle d'Auguste, de Déborah. J'ai envie de hurler pour évacuer toute cette douleur mais je me retiens. Pour les enfants. J'essuie rageusement l'eau sur mes joues, et frotte mes yeux pour empêcher les prochaines larmes de couler. Mes yeux sont certainement rouges mais mes deux petits ne le remarqueront pas. C'est une journée comme les autres pour eux aujourd'hui.

Toujours tiraillée de l'intérieure par mes émotions en pagailles, je les aide à s'habiller, à préparer leurs affaires pour l'école et nous partons. Je tiens une petite main de chaque côté, m'assurant qu'ils restent en sécurité sur le trottoir jusqu'à la bouche de métro. Passer leur carte au guichet, monter dans la rame, trouver une place libre où s'asseoir. Ils répètent ces gestes quotidiens avec naturel. Je ne peux m'empêcher de me demander le temps qu'il reste aux personnes autour de nous. S'apprêtent-ils eux aussi à dire adieu à tous leurs proches ? Vont-ils eux aussi abandonner leur famille ?

Auguste me tire par la main pour me sortir de mes pensées lorsque nous arrivons à leur arrêt. Nous marchons encore quelques minutes et je profite de la douceur de leurs petites mains dans les miennes. Lorsque nous arrivons devant l'école, je n'arrive pas à les lâcher. Je me baisse pour les serrer dans mes bras, les larmes aux yeux.

— Je vous aime mes amours, dis-je en les embrassant sur le front. Passer une bonne journée.

Je force un sourire à la fin de cette phrase et les laisse partir dans la cour de récréation. Je reste quelques instants sur place, à les observer dans leur petite vie. J'espère qu'elle continuera à être toujours aussi joyeuse qu'elle ne l'est maintenant.

Le retour à la maison et le reste de la journée passent comme un rêve flou. Je suis mon quotidien, nettoyant la cuisine des restes du petit-déjeuner, finissant le ménage qu'il me restait à faire, allant faire quelques courses pour les prochains repas. Aujourd'hui, j'achète plus que nécessaire. Je remplis toutes les réserves de la maison. Je ne veux pas qu'ils manquent de quoi que ce soit dans les temps à venir, je sais que ce sera difficile pour eux. Souvent, je passe quelques minutes immobiles, perdues dans mes pensées et les souvenirs qui refont surface à la vue de certains objets. J'ai vécu tellement de chose ici et à la fois si peu. Ainsi les heures défilent sans que je ne m'en aperçoive et je prends peur de la rapidité du temps qui passe alors que j'aimerai qu'il s'arrête aujourd'hui.

Après le repas que je prends seule, face à la télévision sur laquelle rien d'intéressant ne passe, je toque chez les voisins. Au fil des années, ils sont devenus mes plus proches amis, la vie de famille ne me laissant pas de temps pour rencontrer d'autres personnes. Comme je m'y attendais, ils sont chez eux. Ils travaillent de nuit tous les deux et n'ont donc jamais pris le temps de fonder leur propre famille. Alors ils sont un peu devenus l'oncle et la tante d'Auguste et Déborah. Ils m'accueillent, le sourire aux lèvres et m'invitent à entrer. Je les préviens que je ne resterai pas longtemps, qu'il va bientôt falloir que j'aille récupérer les garnements à l'école mais ils insistent pour me servir quelque chose à boire. J'opte pour un verre de jus de pomme. C'est doux le jus de pomme, j'aime ça. On s'installe dans leur salon et la discussion se fait naturellement, dérivant sur l'été qui approche. Je sens un malaise s'emparer de moi à l'idée que je ne vivrai jamais ce qu'ils sont en train de prévoir. Partir en week-end, emmener mes deux petits à la piscine du quartier un samedi. Ils doivent sentir que tout ne va pas bien car rapidement la discussion cesse et ils me regardent simplement. Alors je leur dis, du bout des lèvres, sans les regarder.

— Il ne me reste presque plus de battements. Je vais partir demain matin.

Ils mettent quelques secondes à réaliser. Puis elle me prend dans ses bras, me serrant contre elle tandis qu'il m'attrape la main pour me communiquer son soutien. Ils me partagent leur affection, à quel point ils ont aimé me côtoyer. Adultes matures, ils ne s'apitoient pas sur mon sort. La fin des battements arrive pour tout le monde. Aujourd'hui était celle de dizaines de personnes, demain sera la mienne, entre autres. C'est normal et c'est ainsi que la vie suit son cours. Malgré tout, cela conclut la discussion ici. Je les quitte le sourire aux lèvres, mais le cœur lourd.

Il est alors presque quinze heures trente et il est temps pour moi de me mettre en route pour aller chercher mes deux petits amours. Comme ce matin, je prends le métro. A cette heure-ci, il est pratiquement vide mais les mêmes pensées que plus tôt envahissent mon esprit. Cet homme, là, devant moi, à quand sa fin est-elle programmée ? A-t-il une famille ? Ou a-t-il préféré ne pas faire vivre la douleur de la perte et est resté seul ? Et cette dame-ci ? Elle paraît âgée, un peu plus de la quarantaine. Elle en a de la chance de vivre si vieille. Mais elle ne va pas tarder à partir elle aussi.

J'en suis à ce stade de réflexion, analysant le monde qui m'entoure lorsqu'une immense secousse se fait ressentir. Je m'écroule par terre alors que les lumières s'éteignent et que la rame s'arrête dans un crissement strident. J'entends des hurlements, des personnes paniquées. Leur peur se répercute sur moi et je sens mon cœur accélérer. J'essaie tant bien que mal de rester calme, me concentrant sur moi-même. « Sauve ces derniers instants de vie en famille. » Je m'y accroche comme à un mantra. Mais une autre explosion se fait ressentir et ma concentration me lâche. Je me mets à étouffer dans ce wagon de métro obscur, envahit de pleurs et de cri. Je cherche de l'air, en vain. Mes joues sont désormais trempées d'une eau salée et ma vue est complètement brouillée. Penser à mon rythme cardiaque actuel ne fait qu'accentuer ma panique. Je peux presque voir les minutes de vie s'écouler devant mes yeux sans que je ne puisse les rattraper. J'ai l'impression que cet enfer dure des heures. Et alors que je pense que ma vie va se terminer ici, que ce soit à cause de mes battements ou de cette attaque, une main m'attrape le poignet. C'est la quarantenaire. Elle est parfaitement calme. Sa seconde main sur mon épaule, elle me dit d'une voix douce :

— Respirez madame, ne vous laissez pas submerger, tout va bien se passer. Inspirez.... Expirez... C'est bien, suivez mon rythme.

Sa voix m'apaise. Je suis les consignes qu'elle me donne et bientôt ma respiration est à nouveau régulière. Mon cœur suit et se calme à son tour. Mais malgré tous mes efforts, je n'arrive pas à lui faire retrouver son rythme lent auquel je l'ai habitué pour vivre un peu plus longtemps. Une pensée traverse alors mon esprit. Combien de temps ? Combien de temps de vie ai-je perdu ? Je jette un coup d'œil à ma montre. Mais, en même temps que la lumière, le réseau a lui aussi été coupé. Le cadran reste muet. Je ne sais pas combien de temps il me reste. Nous passons des heures allongées sur le sol métallique. Les cris et les pleurs qui nous entouraient au début se sont peu à peu calmés, certains seuls, d'autres avec l'aide d'une gentille âme. Durant tout ce temps, je ne pense qu'à une chose. Comment vont Auguste et Déborah ? Ils ont dû paniquer en ne me voyant pas à la sortie de l'école. Et Eric ? Il doit être au courant qu'il s'est passé quelque chose dans le métro. Sait-il que je suis dedans ? Il doit s'en douter. Je prends le même tous les jours pour aller récupérer les enfants. J'espère qu'il est allé les chercher en apprenant cela. Mais surtout, j'espère qu'ils ne paniquent pas trop, aucun des trois. Je ne veux pas qu'ils perdent du temps de vie à cause de moi.

Mes inquiétudes tournent dans ma tête lorsque la lumière se rallume. Une seconde après, j'entends le bruit très reconnaissable de toutes nos montres qui se reconnectent au réseau. Et puis une voix robotique résonne à mes oreilles. Elle vient de mon poignet.

"Vos battements seront écoulés d'ici peu, merci de vous rendre dans l'agence de repos la plus proche de toute urgence."

La voix ne s'arrête pas, répétant ce cauchemar en boucle. J'ai perdu trop de temps. Je ne coucherai pas mes enfants ce soir, je ne les embrasserai pas une dernière fois avant de les voir s'endormir. Aurai-je même le temps de les revoir ?

A l'entente de cette voix, ma secouriste me regarde tristement. Elle me prend par la main et m'assoit sur le siège le plus proche à côté duquel elle s'installe à son tour. Elle ne me lâche pas. Le métro redémarre. Mes larmes aussi. Elles tombent en flots incontrôlés sur mon pantalon. Malgré cela, mon cœur reste parfaitement calme. Je n'ai pas le droit de faiblir maintenant. Il me reste trois stations de métro. Huit minutes de voyage. Huit minutes si courtes et pourtant si longues à mes yeux me séparent de l'endroit où m'attend potentiellement ma famille. Lorsque mon arrêt approche, je me lève comme un robot, comme si mon âme avait déjà quitté mon corps. La main sur mon poignet me lâche dans une dernière pression encourageante. Je suis le chemin habituel pour me retrouver à l'air libre. La zone est couverte de militaires. Ils empêchent la foule de passer. En me voyant sortir, ils m'évacuent dans l'un de leur camion. Je monte à l'intérieur sous leur demande et je suis alors prise en charge par l'un d'eux. J'essaie d'atténuer le bruit oppressant de mon bracelet avec ma main mais sans succès. L'homme face à moi comprend immédiatement ce dont il est question. Il sort alors échanger quelques mots avec un collègue à l'extérieur. Je ne sais pas ce qu'ils se disent mais nul doute que c'est à mon sujet. Lorsqu'il entre à nouveau, il m'adresse des mots qui me glacent le sang.

— La situation ne nous permet pas de vous laisser aller en maison de repos, madame. Toutes les personnes à l'intérieur du métro au moment de l'incident doivent être maintenues isolée.

Une seule pensée en tête, je réussis à croasser d'une voix faible :

— Ma famille... Je veux leur dire au revoir...

Ma voix se bloque et je lève un regard emplit de désespoir vers lui. C'est ma dernière volonté. Je veux voir les trois amours de ma vie. Les yeux verts d'Auguste, les cheveux bruns de Déborah, le sourire d'Eric. Les embrasser une dernière fois. Leur dire adieu. Le regard impassible, le militaire me fait signe que ce sera impossible puis sort du véhicule. « Cœur de Pierre », je pense à son sujet. Je suis désormais seule. Et c'est donc seule que je vais passer mes dernières minutes. Seule accompagnée de cette voix terrifiante.

Mais je refuse. Je refuse de finir comme cela. Je refuse ce dernier ordre et prend pour la première fois de ma vie une décision à l'encontre du système. J'ouvre la porte du véhicule et je sors. Ils ne sont plus là, déjà repartis surveiller la sortie du métro. Ils ne sont pas habitués à ce qu'on leur désobéisse. Je me fonds alors dans la masse, traversant la foule. Je me fais malmener, prenant des coups par les corps que je bouscule. Une main m'accroche. Je tourne la tête pour qu'elle me lâche lorsque je reconnais le sourire face à moi. Alors je l'empoigne à mon tour et je me remets à avancer avec elle. En sortant de la cohue, je me mets à courir, m'éloignant le plus possible de ce cauchemar, ma main toujours agrippée. Les ruelles défilent sous mes yeux, mon cœur prêt à exploser.

Et puis je trébuche. Le sol s'approche de mon visage. Deux mains me rattrapent. Mes cheveux collés à mon visage m'empêchent de voir de qui s'agit-il. Mais les doigts enfermés sur mes épaules une seconde plus tôt, sans m'épargner une grimace de douleur, viennent prendre mon visage en coupe et dégager ma vue. Je renifle, incapable pendant quelques instants de relever ma tête désormais lourde de pensées noires. De haine. De rage aussi. D'une colère sans nom qui fait trembler mes muscles un par un. D'une panique qui me fait grincer des dents... Les deux bras m'enlacent fortement. Ma respiration est toujours saccadée. Je suis incapable de me calmer. Les mains dans mon dos me caressent pour me rassurer. Mais mes larmes coulent encore et toujours, sans que je ne puisse les arrêter. Je relève mon bras droit et tente de nettoyer mon nez coulant. Tout se mélange à la surface de ma peau, tellement je n'arrive pas à contrôler ma main à cause des tremblements. Mais quand je reprends finalement mes esprits et que j'ouvre mes yeux, je suis étonnée de voir un ciel déjà teinté d'une jolie couleur rougeâtre. Il laisse alors place à trois têtes aux yeux verts et à la chevelure brune et, alors que mon bracelet se tait enfin, le silence se fait dans mon cœur. 

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