E1 | Défi N-3 ● Racine Junior ●
Cette Mention est remportée par le participant -Synecdoque- qui a transformé les paroles en poèmes, le tout sous forme d'une pièce de théâtre ! Et ça a donné un très agréable résultat.
Ce texte est publié dans son intégralité, parce qu'il ne dépasse pas les 1500 mots. Il a été légèrement hors sujet, vu la fin très différente du conte originale, mais -Synecdoque- a su comment se discerner quand même.
Bonne lecture :)
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Il s'agit d'un épilogue, la scène se passe suite au mariage de Belle et de la Bête. Les deux sœurs sont invitées au bal qui suit la cérémonie prévu quelques heures après. La scène se déroule dans la maison de campagne des sœurs. Anne entre. Il y a une deux chaises et un guéridon en sapin simple, pas d'ornements si ce n'est par dessus une joli nappe en dentelle tressée. Au fond de la pièce une grande commode en chêne noir, un buffet du même bois avec un portrait de famille au dessus et une cheminée ou le feu crépite encore mais avec peu d'intensité. Au sol un simple tapis rouge, usé par le temps. Anne marche d'un pas lent dans la pièce et s'installe au rebord de la fenêtre, lascive, pensive, les yeux bouffies comme si elle venait tout juste de pleurer. Elle porte une petite robe qui fait office de tablier également d'un bleu clair, rien de bien somptueux.
Anne
Voici que l'hiver vient, ainsi donc je suis seule.
La jeunesse m'a fui, désormais je suis veule,
De gros nuages noires défilent à l'horizon
La fatigue me guette, la mort s'approcherait donc ?
Ce sordide spectacle guette là à ma fenêtre
Il n'attend que ma fin pour dès lors se repaître.
Quel dessein funeste m'est ainsi accordé ?
Janus aux deux visages, lui seul va décider.
Ô dieu, sois clément, je te supplie, t'implore :
Viens là lire en mon cœur tous mes profonds remords.
J'ai laissé s'éloigner mon avenir et ma sœur
Elle, qui insouciante était partie en pleurs
Brisée de nous quitter, de partir à jamais
Dans la demeure d'un monstre qui la répugnait.
Me direz-vous grand dieu : « Hélas quelle pauvre femme,
Elle qui se sacrifia par pure bonté d'âme »
Ah vous, haut dans le ciel vous devez tout savoir !
Alors pourquoi ne pas agir face à mon désespoir ?
Las, tout n'est qu'injustice ici bas dans ce monde.
Tristesses et douleurs dorénavant m'inondent...
Elle s'installe sur la chaise la plus proche de la cheminée et se frictionne les mains. Au même moment sa sœur cadette Rose entre. Elle semble moins « affaiblie » par la situation. Elle s'est faite belle, comme pour une occasion spéciale. Elle fait ridiculement fine à cause de son corset qui la compresse dans son immense robe en satin blanc. Contrairement à sa sœur, seul des artifices l'embellissent.
Rose
Es-tu prête pour le bal ? Qu'attends-tu pour agir ?
Te lamenterais-tu sur ton sort à venir ?
Je suis lassée de t'entendre geindre ma sœur
Quand vas tu donc reprendre le dessus sur tes peurs ?
Belle, la tête haute, perchée dans ses tours
Vole parmi oiseaux, nobles et troubadours.
Toi dans les bas fonds, dans cet enfer qui te ronge
Perdue dans tes messes basses, éperdue de tes songes
Remonte donc enfin, lève toi, tête haute
Ton envol est naissant pour lui rappeler sa faute
Anne
Crois-tu ? Y'a t'il encore en mon dessein un espoir ?
J'ai dès lors cessé de l'entrapercevoir
Aucun signe, pas de trace, verrais-je un jour le trône ?
J'ai prié mainte fois tout auprès de ces grands aulnes
Feuilles caduques, fille au vain caducée
Je connais des feuillus la même destinée.
Rose
Tes branches ploient mais le tronc reste intacte
Tu auras beau nier mes dires restent exactes
Tu convoites sa richesse, son pouvoirs, ses biens
Tout ce qu'elle possède grâce au prince ce matin
Viens donc danser, faire tourner la tête à ton bien aimé
N'est-ce pas quelque chose que tu as désiré ?
Ne voulais-tu donc pas il y a quelque jours,
Séduire cet homme, le combler en amour ?
Anne
Son cœur entier est pour Belle, pas de place pour moi
Il a choisi sa reine, il ne sera mon roi
Rose
Belle est enfin partie, à jamais, pour toujours.
Adieu son baratin, ses roses de l'amour !
Jamais plus de tirades ni de ses grands auteurs,
Pour son propre plaisir et notre grand malheur
Que reposent en paix Ronsard et ses belles lettres
Du balai du Bellay, anciens qu'on envoie paître.
Anne
Cesse de parler roses, fanées sont à mes yeux
Ce qui causa ma fin et a feint mes doux vœux
Une bête féroce, dans un grand manoir
Seul, veillant près une fleur, prêt à s'émouvoir
Rencontra notre père, une nuit de pleine lune
Le menaçant de mort, rongé par l'amertume
D'avoir cueilli la chose qu'il vénérait le plus
Pour l'offrir à sa fille, sa toute belle Vénus.
Rose
L'histoire m'est connue, pourquoi encore une fois
Pourquoi donc évoquer celle qui nous trahit là ?
Anne
Tu jetterais les traces de notre sœur qu'il reste ?
Rose
Que veux-tu bien en faire, ils ne sont qu'indigestes...
Anne
Las, les porcs eux-même ont trouvé cela immonde...
Restaient toujours neufs recueils de Jean de Sponde,
De Marot, Labé et essais de Montaigne.
Toutes ses tannantes lectures que l'on nous enseigne
Si même des gorets n'en voulaient pas, jetons-les
Dans l'âtre encore bien chaud de l'immense cheminée
Qu'elles brûlent, comme elles ont brûlé notre précieux temps
Qu'elles disparaissent enfin définitivement.
Rose
J'aime bien ma sœur que tu remontes la pente
Libère ta haine, lève toi, montre à cette insouciante
Que malgré tous ses contes la fin pour elle est proche
Qu'elle sache que l'heure de la vengeance approche.
Anne
Le peu de sympathie que lui portais-je encore
S'est soudain envolé dans ce silence de mort
Elle nous a toujours haït, pleine de mépris
Elle trompa son destin, détruit ainsi nos vies
Elle se mit sur le trône, nous souffrant à la ferme
La vérité ouverte, le mensonge s'enferme
Au bal de ce soir, tout volera en éclat
Son bien noble projet , de mes simples paroles cessera
Rose
Mais que comptes-tu faire ? Tu ne peux rien inventer
Malgré toute ta bonne foi, il croira son aimée
Anne
Tout les hommes sont possessifs sœur, tu l'apprendras
Quand l'on évoque la chair, il ne résiste pas
Ses pulsions le submergent, l'homme redevient une bête
Toute sa retenue est alors obsolète
Imagine donc alors que l'on parle adultère
Que l'un de ses valets ait goûté de sa chair
D'un cri des plus féroce, il tentera de savoir
Qui de ses favoris tenta donc de l'avoir
Il se repliera sur la fautive, la pécheresse
Et étant sa sœur, connaissant toutes ses faiblesses
Car l'ayant vu grandir, il y a choses que je sais
Notamment dans son silence elle se murerait
Si l'on accuse à tord, pour moult petites choses
Même pour les graves jamais elle ne s'oppose
Tu te douteras alors que dans sa colère noire
Le prince sombrera dans son désespoir
Je serai alors là, volontaire pour l'aider
J'enfermerai seule Belle pour ensuite la tuer
Vengé de cet affront, le prince sera mien
Lui, ses richesses, son château nombre de ses biens
Rose
Penseras-tu à moi dès l'opulence acquise ?
M'oublier vite sera pour toi chose permise
Je ne serai plus utile, alors tu me chasseras
Tu ne te souviendras plus de ce long débat là
Je ne serai pour toi plus qu'un souvenir lointain
Souvenir de cette maison où tu gelais tes mains
Anne
Jamais je n'oublierai ma chère confidente
Celle qui de mon cœur chasse les paroles troublantes
Jamais je n'oublierai la chère et tendre sœur
Celle qui de mon cœurs chasse nombre de mes peurs
Pour toi j'ouvre mon cœur, je te fais part de tout
Je sais bien que le dieu en toi ont tout absout
Ta bonté grande est d'or, ta parole est d'argent
Toi seule sait rendre heureux autour de toi les gens
Si l'on compare à Belle, je préfère ton âme
Toi que j'aime si fort, maintenant chassons l'infâme
Je m'en vais me changer, être belle pour le bal
Je me réjouis déjà d'entendre les timbales
Anne sort de la pièce, son élan de folie est passé, Rose reste seule. Seulement le crissement du vieil escalier en bois se fait entendre et résonne dans la chaumière. Le vent a cessé de souffler. L'air de vengeance, la lourde conscience d'Anne s'est envolée, et cela pour toujours. Jusqu'à ce soir leur sœur se portera tranquille, mais plus pour longtemps selon ses dires.
Rose
Sa folie est passée, le calme est revenu
Que cette idée, ce plan est ainsi mal venu
Il ne marchera jamais, il faudrait bien lui dire
Mais je n'ai pas envie de gâcher son plaisir
Et même si elle échoue, plus jamais aucune chance
D'accorder de plus belle une prince une première danse
Elle croit être la seule à convoiter pouvoir
Mais que va t'elle faire, elle qui se fit avoir
Elle sera ridicule à insulter la cour
Personne ne la croira, elle qui en manque d'amour
S'évertuera de chanter les louanges du prince
Avant que celui-ci par honte ne l'évince
Qu'elle est sotte de croire Belle capable d'adultère
Elle qui jamais une fois n'avait goûté « la chair »
La trace du sang rouge sur le lit de noce
De l'hymen déchiré était déjà amorce
Anne sera moquée et de honte mourra
Et moi, faisant bien soin de reprendre ses droits
Reprendrait une place parmi nobles du château
Et me marierai donc un de ses jours nouveaux
Avec l'un d'entre l'eux, le plus vieux et plus fort
Fort de ses conquêtes mais proche de la mort
De la dame déchue deviendrais-je la plus grande ?
Il n'y a pas de doute, je vois de ma mirande
Un avenir radieux, ma soif d'abondance
De nombreux marchés et de nombreuses alliances
Je n'aurai pas le prince mais j'aurai mieux encore
Grâce à Anne chère sœur et sa prochaine mort
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