E1 | Défi N-1 ● Romance Sensible ●
Ce texte est celui de De_soie_et_de_soleil
Bonne Lecture !
Dites-moi en commentaires si vous avez eu de la peine pour le jeune homme :(
*****
Il faisait trop chaud. Comme toujours, il avait mis le chauffage à fond, sans se soucier d'elle. Elle lui avait pourtant dit des milliers de fois qu'elle ne supportait pas la chaleur qu'il s'obstinait à faire régner dans leur petit appartement. Il pouvait bien mettre un pull !
La jeune femme ôta ses escarpins vernis, les rangea soigneusement dans le meuble prévu à cet effet, et accrocha sa veste grise au porte manteau. Elle soupira de lassitude en se penchant pour saisir son sac, qu'elle avait posé au sol le temps de se dévêtir, et s'engagea dans le couloir qui menait à la cuisine. Il y était toujours quand elle rentrait du travail, déjà au fourneau, à mitonner un délicieux repas.
La radio jouait une vielle chanson un peu ringarde, qui parlait d'amour éternel, et il portait un tablier avec inscrit dessus les mots « C'est qui le chef ? ». Lorsqu'il se tourna vers elle, la tache de farine sur sa joue droite la fit tiquer, et il lui sourit.
« Ce soir, c'est tarte au butternut ! Ça te va ? »
Elle hocha la tête machinalement, vint s'asseoir à une chaise du bar qui séparait la cuisine de la salle à vivre, dos à lui. Et, alors qu'il l'enlaçait en embrassant doucement sa nuque, elle pensa que ce soir elle le quitterait.
La tarte était excellente, comme tout ce qu'il cuisinait, et elle se resservit trois fois. Le stresse la transformait toujours en goinfre. Elle l'écoutait d'une oreille distraite parler de sa journée, plus concentré sur l'endroit où elle allait bien pouvoir dormir dans les jours qui suivraient. Cette nuit, elle dormirait sur le canapé, comme dans les mauvaises séries, et demain...? Sa sœur ne pourrait pas l'accueillir, il n'y avait pas assez de place chez elle, surtout avec la grand-mère qui s'était invitée sans demander l'avis de personne pour des vacances improvisées à Paris. Et Elena ? Si elle allait dormir chez son amie, elle serait aussi reléguée au canapé, mais c'était toujours mieux que de rester ici. Et puis, ça ne durerait pas plus de deux semaines, le temps qu'elle trouve un appartement à louer...
Elena semblait être une bonne solution, et elle était sûre que son amie ne la laisserait pas tomber. Elle pensa ensuite à ce qu'elle allait emmener, car il fallait bien évidemment faire le trie. Si elle emportait avec elle une valise, ça serait le maximum, alors il fallait penser pratique. Déjà, elle était contrainte à prendre au moins trois tailleurs, pour aller travailler. Si possible tous dans les mêmes tons, pour qu'elle n'ai à emporter qu'une seule paire de chaussure, en plus de ses fidèles baskets de sport. Ensuite... à part un pyjama et deux tenues de sport, elle ne savait pas bien quoi ajouter de plus à son paquetage. Son ordinateur, bien sûr, des sous vêtements en quantité suffisante, et sa liseuse.
Elle se rendit compte qu'elle n'avait besoin de rien d'autre, et ce constat qui aurait dût la soulager lui pesa au contraire. Certes, la taille de ses bagages serait réduite au finale, mais c'était étrange de se dire que, après trois ans de vie commune, elle avait besoin de si peu pour s'enfuir. Elle n'était pas matérielle, mais qu'aucun objet outre le strict nécessaire ne lui semble important à prendre avant de partir la secouait un peu.
Elle avala sa bouchée et posa sa fourchette. Elle avait assez laissé traîner les choses.
« Hé.
Le jeune homme leva ses grands yeux vers elle, quittant du regard la télévision qui crachait les informations avec toujours la même placidité, malgré les mauvaises nouvelles qui affluaient un peu plus chaque jours.
- Hé, je te quitte. Reprit-t-elle dès qu'elle vit qu'elle eu capté l'attention du jeune homme.
Et, en écho à sa propre voix, le président exposa une mesure qui bouleversa tous ses plans : « ...nos déplacements seront très fortement réduits. »
Ils avaient écouté la suite du journal, abasourdis, et il l'avait regardé avec ses grands yeux, un peu mouillés. Il ne lui avait pas demandé pourquoi, au fond il ne voulait pas savoir, il ne voulait surtout pas savoir, il avait juste débarrassé la table et lui avait demandé si elle préférait la chambre ou le canapé, puis il était parti s'enfermer dans leur chambre quand elle lui avait donné sa réponse.
Elle ne l'avait pas revue de la soirée, qu'elle avait passé à regarder une série vraiment idiote, tout juste ce qu'il lui fallait pour ne pas trop réfléchir, réfléchir à ce qu'impliquait ce confinement. Elle savait déjà que sa boite lui proposerait de faire du télé-travail, et qu'elle serait forcée d'accepter, puisque tous ses collègue en ferait de même.
Quelle situation merdique !
Il resterait de toute façon chez eux, il le savait déjà, il était prof. De math. Comment avait-elle pu sortir avec un prof de math...? Elle savait bien, qu'il avait ce sourire, qui lui avait semblé être le plus avenant qu'elle ait jamais vu. Et ces grands yeux, très noirs, qu'elle avait trouvé fascinant... et au-delà de son physique, il était gentil. Véritablement gentil, exactement comme son sourire le laissait envisager. Et il aimait cuisiner, comme elle, même si elle n'avait plus vraiment touché à la spatule depuis quelques semaines, depuis qu'elle était littéralement submergé par le travail.
Elle travaillait dans l'import de céréales, et la crise en Chine l'avait inquiété bien avant tous les autres. Elle s'était informé, s'était devenu une sorte d'obsession... Et maintenant elle la vivait, cette crise. Elle savait bien ce qui allait arriver, les hôpitaux saturés, les morts. Même avec des mesures de confinement, il n'y aurait pas assez de lits pour tous les malades.
Et soudain, elle étouffa, sous son plaid, dans son petit appartement de banlieue parisienne. Sans prendre la peine de mettre sa série en pause, elle s'extirpa du canapé, posa son ordinateur sur la table basse, et se glissa en silence vers la fenêtre. Elle l'ouvrit en grand, laissa l'air frais de la nuit pénétrer dans l'appartement, huma les senteurs de la ville nocturne qui panique. Il lui semblait qu'il y avait un peu plus de voitures qu'à l'accoutumé dans la rue, peut être les gens partaient-ils vers leur résidence secondaire pour ne pas avoir à subir ce confinement dans la ville écrasante. Mais sûrement délirait-elle.
Elle resta longtemps accoudée à l'appui de fenêtre, écoutant les klaxons et coups de freins, et parfois les gens qui s'interpelaient. Elle ne se sentait pas fatiguée, pourtant elle finit par abandonner son poste d'observation, et par aller se coucher. Elle s'installa aussi confortablement que faire ce peu dans le canapé, et rabattit sur elle son plaid. La fenêtre était resté ouverte, et elle s'en foutait. Elle s'endormit en écoutant le bruit que faisait l'eau qui coulait alors qu'il prenait sa douche.
Elle s'éveilla avec l'odeur du café chaud, et le bruit des œufs qui grésillent dans la poêle. Elle avait mal dormit, et c'était peu dire. Elle sentait certaines de ses articulations protester contre le mauvais traitement qu'elle leur avait fait subir, mais c'était vraiment mieux que de dormir dans le lit. Ce lit, elle y avait passé tant de nuit avec lui qu'elle sentait son souffle contre son cou même quand il n'était pas là. Et pire, les souvenirs de leurs moments intimes lui revenait quand elle y dormait, et elle voulait juste enterrer tout ça très profondément pour l'instant.
Elle resta les yeux fermés quelques minutes, pour écouter les bruits qui se faisaient dans la cuisine. Il soupirait beaucoup, fatigué de sa courte nuit lui aussi. Elle supposa qu'il n'avait pas bien dormit lui aussi, son sommeil était la première chose qui subissait chacun de ses sauts d'humeur, et quand il était perturbé il n'arrivait pas à dormir plus qu'une poignée d'heure dans la nuit, passant le reste à se creuser la tête.
Elle finit par se dégager de son plaid, étouffant de chaud. Il avait fermé la fenêtre, et remit le chauffage à fond. En pyjama, elle le rejoignit à la cuisine en contournant le bar, et s'empara de la brique de jus de pomme dans la porte du frigo. Elle s'en servit un verre, et s'installa avec au bar, sur un tabouret. Il la rejoignit quelques secondes plus tard, son assiette d'œufs dans une main, une fourchette dans l'autre.
« Est-ce que tu comptes partir ?
- Avec le confinement, c'est plus possible. Je vais devoir rester, mais dès que ça sera finis je partirais.
Il avala mécaniquement sa bouché, et sa bouche se tordit en un rictus amer.
- Alors c'est vraiment finis...
Elle eut soudain très envie de laisser tomber sa tête contre le bar, de découragement. Elle avait vraiment espéré qu'elle éviterait cette discussion quand il était partit l'autre soir, mais elle n'allait semble-t-il pas y couper.
- Oui, c'est finit, affirma-t-elle sans aucune hésitation.
- Pourquoi ? »
La curiosité l'avait dévoré toute la nuit, durant sa longue insomnie, et il avait beau avoir retourné cette question dans sa tête des millions de fois, il n'avait pas compris. C'était tellement soudain, inattendu...
Elle but une longue gorgée de jus de pomme, mais il était fade. Peut être même périmé, elle n'avait pas pensé à vérifier la date limite. Elle tenta de se donner du courage en regardant son verre, et se rendit compte qu'elle l'avait assez fait attendre.
« Il n'y a pas de raison particulière, c'est juste... Pleins de petits trucs ensemble. Comme le chauffage, tu sais bien que je ne supporte pas quand il fait une chaleur à crever comme ça ! Et pourtant tu mets à fond.
- Tu me quittes parce que je mets le chauffage trop fort pour toi...? Demanda-t-il, complètement désarçonné.
En effet, cette raison là il n'avait que peu de chance de la trouver.
- Entre autre. Je crois juste que les points positifs sont devenus moins nombreux que les points négatifs.
- J'espère pour toi que tu vas quand même réussir à me supporter pendant tout ce confinement, lâcha-t-il sèchement en se levant.
Il saisit son assiette, et partit s'enfermer dans sa chambre en la laissant seule. Elle ne finit pas son jus de pomme, sa gorge était trop nouée.
Les trois premiers jours furent les plus dures. Il l'ignorait superbement, restait dans la chambre du matin au soir et n'en sortait que pour manger et se doucher. Elle restait quant à elle la majorité du temps affalée sur le canapé, son ordi calé sur ses cuisses pour travailler ou, bien plus souvent, regarder des séries. Elle fait le minimum syndical pour pouvoir ensuite se blottir dans son plaid et ne plus penser à rien. Elle a peur de devenir folle durant ce confinement qui, elle sait, durera bien plus longtemps que deux semaines s'il veut être efficace.
Et le vendredi, lorsqu'elle se réveilla, il était dans la cuisine, et beurrait son pain de mie. Au début de la semaine, il avait fait en sorte de l'éviter, de prendre son petit déjeuner tôt pour ne pas la croiser, mais ce matin il ne semblait pas que ce soit à l'ordre du jour.
Elle se leva et, avec un sentiment de déjà vu persistant, se glissa dans la cuisine et se servit son verre de jus de pomme. Elle s'installa alors qu'il commençait à parler.
« Je vais résilier le bail dès la fin du confinement, j'ai trouvé un nouvel appart. Et je prends la télé.
Ils n'avaient pas beaucoup de meubles à se partager, leur appartement était déjà partiellement meublé par le loueur, et de toute façon elle n'en voulait aucun. Faire place nette pour mieux recommencer.
- Si tu veux.
Il ne répondit pas, et continua son petit déjeuner en silence. Elle sirota son jus de pomme, finalement pas périmé, en écoutant distraitement la radio. C'était encore une chanson d'amour idiote qui passait, mais elle la fredonna. Il ne dit rien, mais il la regarda, ses yeux la lorgnant sans honte, et elle se retient de se tourner vers lui pour lui demander si elle a quelque chose sur le visage. Elle avait assez été vache avec lui, et s'ils devaient vivre encore quelques semaines ensemble enfermés elle préférait utiliser un peu la diplomatie et le tact, même si ça ne lui ressemblait absolument pas.
Elle finit son verre en même temps que la chanson, et se leva pour le déposer au fond de l'évier.
Elle revint ensuite au canapé, s'installa confortablement entre les coussins, et alluma son ordinateur.
- Tu as finis The Wire ?
Elle fronça les sourcils.
- Non.
- On regardera ensemble, ce soir ?
- Je ne crois pas non, soupira-t-elle.
Elle avait l'impression de beaucoup soupirer ces derniers temps.
- Quitter quelqu'un, reprit-elle avant qu'il ne puisse lui répondre, ça veut dire qu'on ne veut plus forcément passer du temps avec lui. Et je ne veux plus passer du temps avec toi.
Il la regarda, toujours avec ses grands yeux un peu mouillés. Elle détourna le regard. Elle détestait ça, se sentir coupable pour quelque chose de normal, au final. Et à cet instant, elle lui en voulu de ne pas avoir compris, vraiment.
Elle l'entendit retourner dans la chambre, alors elle s'attela à son travail sans grande motivation... ça allait être son mot d'ordre durant tout le confinement : sans grande motivation.
Finalement, une fois les choses mises au clair entre eux, ils s'évitèrent cordialement. Il allait tous les jours promener le chien de leur vielle voisine de pallier, et elle allait courir dans le quartier pour s'astreindre à un peu d'exercice physique, et ainsi ils avaient chacun à leur tour un peu d'intimité et un instant seul dans l'appartement.
C'était silencieux, chez eux. Lorsqu'il donnait des cours en vidéo conférence, il y avait bien un peu de bruit, mais sinon c'était silencieux. Il ne mettait même plus la radio le matin, préférant se balader avec ses écouteurs pendus aux oreilles, ses vieilles chansons d'amour trop fort dedans. Et elle n'osait pas allumer la télévision, préférait regarder rapidement les nouveauté sur son téléphone. Et toujours, il y avait ce délai devant elle, ce délai de confinement, et elle crevait d'envie d'en sortir. Oui, dès qu'elle pourrait partir... ça serait un grand bol d'air frais.
Elle avait commencé à regarder des annonces d'appartements, d'abords simplement pour voir ce qu'il pouvait y avoir en location qui lui conviendrait, pour faciliter ses recherches une fois sortie, mais c'était très vite devenu une obsession. Elle écumait les sites de petites annonces, fouillait pendant des heures pour trouver la perle rare. C'est tout ce qu'elle avait trouvé pour s'occuper, pour s'évader de cet appartement qui l'étouffait, de lui qui l'étouffait même lorsqu'elle ne le voyait pas de la journée.
Et à force d'ennui, d'applaudissement à la fenêtre, et de temps, le confinement s'était finis.
Elle traînait sa valise derrière elle, finalement beaucoup plus pleine que ce qu'elle avait prévue le soir de l'annonce présidentielle, puisqu'elle contenait toute sa garde robe entassée à l'intérieur. Elle ne voulait surtout pas retourner dans cet appartement, elle en avait marre, tout simplement par dessus la tête de lui, d'eux, de tout ce qui les avait rapproché. Ce confinement l'avait saturé d'eux, et elle ne voulait plus jamais avoir à vivre plus d'un mois enfermée avec quelqu'un qu'elle n'aimait plus, plus jamais.
Presque sautillante, elle s'éloigna de l'immeuble gris de banlieue, sans remarquer le regard trop grand, un peu mouillé, qu'il lui lançait à travers la fenêtre.
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