Elle pleurait, elle criait, mais ni ses pleurs ni ses cris ne changeaient quelque chose. Elle fixait, les yeux pleins de larmes, le corps sans vie de son amie, de sa sœur, oui, sa sœur de cœur. La jeune fille refusait, elle n'était pas d'accord. Pas d'accord avec ce sacrifice, pas d'accord avec cette mort injuste, pas d'accord qu'on lui enlève quelqu'un à nouveau. Son cerveau ignorait tout, les rires, les murmures, les exclamations d'effroi, les remarques moqueuses, blessantes. Elle était simplement concentrée sur son amie.

Elle fixait le cadavre, étudiant chaque trait, chaque courbe. Son corps fin et musclé, ses cheveux bruns, emmêlés, qui ondulaient sur le sol, ses yeux, non, son œil autrefois noisette et pleins d'éclat était à présent fermé, vide. Son second œil, blanc, demeurait caché, enfermé derrière un large bandeau en cuir. Puis, elle finit par s'arrêter sur son sourire, ce sourire qu'elle avait vu si souvent, ce sourire que Léonnie lui avait adressé avant de mourir.

Elle voulait la frapper pour son idée, tuer ceux qui l'avaient forcé à se sacrifier. Elle voulait tuer, tuer, tuer !! Semer un bain de sang sur son passage, tuer tout ce qui était vivant. Elle voulait venger sa sœur, venger Léonnie.

Alors prise d'une rage intense, elle saisit les deux lames longues dans son dos. Son regard était voilé de noir et de rouge, elle ne voyait plus rien, seulement sa colère, Le ballet sanglant de ses lames suivait le mouvement de son corps. Elle était presque impossible à voir, suivit par un voile d'obscurité pure. Cette obscurité si différente de celle que l'on peut voir habituellement. Une noirceur agressive, meurtrière. Une noirceur qui démolissait tout sur son passage.

Un moment passa. Un moment qui parut long à certains, court pour d'autres. Elle s'effondra devant le cadavre de son amie, mais sa colère ne s'était pas retombée. L'étrange obscurité continuait de graviter autour d'elle quand ses yeux brûlants de haine croisaient le regard de la Mort. Éris hurlait, insultait, suppliait, mais la Faucheuse ne cédait pas. Elle prononça simplement une phrase qui glaçait les sangs de la jeune fille

« Ton choix a été fait, tu as été prévenu, tu l'as choisi lui !! »

Sur ses mots, elle disparut dans un écran de fumée, emportant les âmes des cadavres et laissant Éris seule et brisée. Brisée d'avoir fait un choix sans même s'en rendre compte, brisée d'avoir choisi, quelque temps plus tôt, de redonner vie à Arion, son frère, au même titre que la jeune brune, brisée d'avoir laissé Léonnie mourir. Comment aurait-elle pu savoir qu'on lui avait demandé de faire ce choix ? Comment savoir qu'elle allait mourir elle aussi ? Ça n'était pas possible, non, elle ne voulait pas. Et pourtant, la voilà devant ce cadavre, assaillit par la tristesse et la culpabilité.