Chez ma grand-mère, dans la chambre dans laquelle je dors, il y a un portrait.

Le portait d'une fille.

Qui me regarde quand je dors, quand je danse, quand je lis, quand j'écris.

Qui me regarde.

Tout simplement.

Qui me regarde, me scrute en permanence de ses petits yeux noirs comme deux billes d'obsidienne.

D'un regard que certains trouveraient bienveillant.

D'un regard que je trouve dérangeant.

D'un regard intrusif, calculateur ou encore froid.

Elle sourit.

D'un sourire que beaucoup trouveraient adorable.

Un sourire chaleureux.

Un sourire innocent.

Un sourire que je trouve, pour ma part, totalement faux.

Voilà. C'est le mot. 

Son sourire sonne totalement faux.

Vous savez pourquoi ?

Pourquoi je vois toute ces choses que les autres ne voient pas ?

Parce que, d'un manière générale, l'être humain ne se contente que de ce qu'il voit au premier abord.

Il ne se contente que de ce que l'oeil saisit dans les premiers instants.

Même moi, je ne suis pas différente.

Ce qui change, c'est que ce dessin, j'ai fini par l'observer si attentivement que j'en avais les traits qui dansaient devant mes yeux, alors qu'il étaient fermés.

Ce portrait, je l'ai apprivoisé.

Comme on apprivoise un animal craintif.

Méfiant.

Perdu.

Vous aussi, vous le verriez, si vous vous arrêtiez deux minutes et que vous vous plantiez devant. 

Si vous voyiez ce visage comme je le vois, vous décèleriez l'étincelle brisée dans ces yeux.

Vous comprendriez pourquoi ce sourire est aussi faux.

On dit toujours que lorsque quelqu'un sourit vraiment, on peut voir son sourire jusque dans ses yeux.

Sur ce portait, on ne voit pas l'étincelle.

Ce n'est pas une erreur du peintre lui-même, non.

Le peintre n'a fait que de reproduire ce qu'il voyait. 

Il a reproduit à merveille chacun des traits fatigués du personnage.

Ses cernes.

Il a même été jusqu'à reproduire l'inclinaison de la tête.

Sur la droite. 

La cascade engendrée par les cheveux noirs du modèle.

Enfin, non.

On ne peut pas appeler ça un modèle.

Une fille brisée et perdue n'est pas un modèle.

Une fille brisée et perdue reste ce qu'elle est. 

Point, à la ligne.

Vous savez ce que je sais à propos de ce portrait ?

Je sais qu'à ce moment là de la vie de la fille représentée, plus rien n'allait.

Parce que les gens qui l'entouraient n'étaient pas le genre de personnes dont elle avait besoin.

C'étaient des gens cruels. 

Le genre de personnes qui vous donnent l'impression de n'être rien. 

Je sais aussi que pour cette fille, tout a fini par s'arranger.

Que si on lui posait une question, tout d'un coup, elle pourrait donner une réponse.

Le question serait la suivante: "Si tu devais diviser ta vie en trois parties, lesquelles ce serait ?"

On la lui avait posé, à l'époque. 

Mais elle n'avait pas répondu.

Elle en avait été incapable.

"Ma vie se diviserait en ces trois parties: "La chute", "L'Ascension" et "Le retour  à la normale""

Certains attacheraient ça à une chute depuis le ciel, puis à une remontée et ensuite à un retour à la normale, dans le ciel.

Mais elle, elle attacherait ça à une chute dans son enfer personnel, à une dure remontée sur terre et à un retour à la normale.

Un retour à la normale où elle aurait réappris à apprécier les choses simples.

L'adrénaline avant de monter sur scène, la joie d'écrire une histoire ou bien de dessiner un personnage.

Je sais aussi de ce portrait qu'il a été fait à partir d'un photo.

À partir d'un seul instant figé sur un morceau de papier.

Cet instant figé sur un morceau de papier, c'est l'un des miens.

Parce que la fille du portait, c'est moi.

Enfin, non.

Ce n'est pas moi. 

C'est l'ancienne moi.

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"Don't waste your time with looking back, they're broken pieces of past."

Whethan & Ashe- Can't hide

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Écrit le 27 avril 2019 à 22:31