Drôle D'oiseau
[Ceci est une nouvelle que j'ai écrit et qui met en scène des personnages que vous retrouverez bientôt (si vous voulez encore me lire) dans une histoire qui devrait sortir cet été. Une sorte de nouvelle "prequel" au livre. J'espère que ça va vous plaire, sachant que c'est la première fois que je mets un personnage masculin comme personnage principal d'une histoire en plusieurs chapitres, donc c'est un peu compliqué ! 😊]
Zéphyrin était un drôle d'oiseau.
Le genre de personnes dont l'attention était volatile.
Une attention qui ne tenait qu'à un fil.
Il suffisait d'une seule petite distraction pour que tout parte en miettes.
Le bourdonnement d'une abeille. Le vent qui faisait gigoter le coin de la feuille sur laquelle il écrivait. Les gasouillements de sa petite sœur.
Puis la voix de sa mère qui le rapellait à l' ordre.
Une voix ni trop autoritaire, ni trop douce.
Sauf que parfois, cette voix n'était pas là.
Lors de son examen de piano, la voix n'avait pas été là. Elle n'avait pas été là pour lui rappeler qu'il ne fallait pas qu'il se laisse déconcentrer par la toux d'un spectateur.
Alors Zéphyrin s'était arrêté en plein milieu de son morceau.
La voix ne serait plus jamais là, il le savait. Il l'avait compris en observant correctement l'air peiné de son papa.
Il l'avait compris en regardant la petite boîte noire au milieu des flammes et les adultes habillés tout en noir autour de lui.
On avait réduit sa maman en cendres.
Sa maman la savante.
La dame parfois étrange qui n'était jamais à l'heure à la sortie de l'école, qui confondait parfois le Nutella et la confiture d'abricots sur les tartines du goûter.
La femme qui se rappelait qu'elle devait faire les courses seulement lorsque son mari ouvrait le frigo et lui demandait ce qu'ils voulaient manger ce soir.
L'éternelle petite fille qui lisait des dizaines de livres en même temps, prenait des notes tout en discutant avec son fils de sa journée d'école et se baladait dans toute la maison avec un crayon coincé derrière l'oreille.
Le seul être humain qui avait su le captiver entièrement.
- Qu'est-ce que tu veux faire, quand tu seras grand ? demandaient toujours les adultes en lui ébouriffant les cheveux avec un sourire poli.
Il ne fallait même pas deux secondes de réflexion.
Comme les oiseaux, Zéphyrin savait toujours où il voulait aller.
Une seule direction précise.
- Je veux écrire un livre qui raconte l'histoire de ma maman, répondait-il.
En grandissant un peu, Zéphyrin avait compris qu'il ressemblait beaucoup à sa maman.
Il collectionnait les pièces de puzzle orphelines.
Tout un mur de sa chambre était recouvert de tickets de métros utilisés.
Il essayait d'apprendre, depuis son septième anniversaire, l'ensemble des décimales de Pi.
Apprendre un nombre infini était techniquement impossible.
Mais il avait aussi l'espoir de trouver une loi physique qui dirait que l'impossible pouvait parfois devenir possible.
Il ambitionnait de sauver les ours blancs de la disparition, et de partir au pôle nord une fois son bac en poche.
L'ensemble des espoirs qui viennent d'être listés dataient de ses huit ans.
Après, il avait appris par cœur le nom de tous les pays du monde, de leurs capitales et de leurs fleuves.
Il pouvait jouer l'ensemble des œuvres de Mozart les yeux bandés.
Il connaissait les répliques de Roméo, dans l'œuvre de Shakespeare, celles de Rodrigue et celles de Cyrano sur le bout des doigts.
Il menait des études comparatives sur la solidité et le goût du poisson pané surgelé.
Sa vie n'était qu'une succession de chiffres entremêlés les uns avec les autres.
Des chiffres qui n'avaient aucun sens pour le reste du monde, mais qui, pour lui, signifiaient l'ouverture sur un univers de données fantastiques.
Pour l'anniversaire de ses huit ans, il avait demandé à son père quelle était l'origine de son prénom.
Prénom unique en son genre.
Il commençait par l'une de ses lettre préférées. Le Z.
Le Z était une lettre peu commune.
Un prénom qui commence par L, ça, c'était commun.
Il voulait tout savoir.
Tout dans ce bas-monde avait une explication, quelle qu'elle soit.
Son prénom devait bien en avoir une aussi.
- Lorsque tu venais de naître et que l'on te cherchait encore un prénom, j'ai entendu les gazouillements d'un oiseau, qui passait tout près de la fenêtre de l'hôpital. Ta mère m'a demandé d'ouvrir la fenêtre, parce qu'elle voulait voir l'oiseau en question de plus près.
Il avait marqué une petite pause, les yeux plus brillants que la normale.
- L'oiseau s'est posé sur la rambarde. C'est à ce moment là qu'on a remarqué qu'il était... Particulier.
Une larme roula sur la joue de son papa, que le petit garçon essuya avec son pouce.
- Au niveau de sa tête, les plumes étaient blanches. Mais dès la délimitation du cou, son corps était entièrement noir. Quand il a vu ta mère, il a gazouillé encore plus fort et est venu se poser dans l'assiette de son petit déjeuner où il restait quelques miettes.
Zéphyrin ne se souvenait pas vraiment de sa maman. Il avait vu des photos, bien sûr. Mais pas assez de véritables souvenirs. Après tout, qu'est-ce que représentait à l'échelle d'une vie un vieux souvenir figé sur un morceaux de papier ?
Rien du tout.
- Pendant qu'il mangeait, elle l'a observé. Tu sais, comme elle observait minutieusement les choses autour d'elle, à chaque moment. En cet instant, même si elle te tenait toujours dans ses bras, elle n'était plus dans la peau de la mère mais dans celle de la savante.
Son père leva le regard vers les étoiles. On voyait parfaitement la constellation du dragon, ce soir là.
Çe qui était ironique, vu que sa maman était nommée comme l'une de ces étoiles. Altais.
- Elle avait identifié l'oiseau comme un type assez rare, soit disant venant des États-Unis. Donc de l'ouest.
Zéphyrin regardait lui aussi les étoiles.
- Et comme tu le sais, le vent qui correspond à l'ouest...
Le petit garçon compléta la phrase pour son papa.
- C'est le Zéphir.
Bref.
Zéphyrin tenait son nom d'un vent, le tout inspiré par un oiseau.
Une drôle d'histoire.
Mais ce nom lui correspondait bien.
Il l'appréciait.
Parce qu'au fil des années, il avait fini par devenir un étrange garçon.
Un drôle d'oiseau.
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Écrit le 9 mai 2019 à 21:35
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