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2. La face cachée des monstres

PERRI A LE CONTRÔLE DE LA PAGE D'ANNA MOUAHAHAHAHAHAHAHAHAH 

TANT DE BÊTISE A FAIRE ! 

Mais bon on va être sage, on est là pour une affaire TRES sérieuse ! Un sacré bonus qui nous attend, deux personnages volcaniques sur une actualité brûlante ... le tout en 13 000 mots, on a pété les scores pour cette partie ! 

Déjà une bonne et heureuse année à tout le monde <3 Qu'elle soit pleine d'accomplissement, de bons moments, de projets et de félicité ! Dites-nous tout : quels sont les plans pour 2024 ? Ou les stars de vos cadeaux de Noël ? 

En parlant de Noël : nous rappelons que le concours est toujours ouvert pour l'instant si vous souhaitez nous faire parvenir vos créations. Aes, dessin, mèmes, faites vous plaisir ! 

Qu'ai-je à raconter? Que vous-vous je n'ai plus d'intro ça me manque. Pendant mes vacances j'ai fait fêtes, marathon Seigneur des anneaux  version longue (et ça m'a affolé d'à quel point je les connaissais par cœur. Vous auriez vu mon imitation de Gollum ...) et révision concours (nettement moins réjouissant mais si seulement ma mémoire s'intéressait un peu plus à ça ...).  LE BIATHLON est revenu et c'était incroyable. Pas le temps de me sentir déçue de la prestation des garçons que les filles roulaient sur la course. Enfin surtout Justine Braisaz-Bouchet, mon Dieu quel rouleau compresseur ... j'ai pas vu venir sa victoire dans le dernier tour. 

(Est-ce que je prends totalement possession du compte de Marion pour raconter ma vie? Totalement mais selon toute vraisemblance tout le monde me connait sur ce bonus !) 

Marion, des choses à raconter? Je ne voudrais pas excessivement polluer ta page ! 

MAINTENANT NOTRE PARTIIIIE sans plus attendre mesdames, messieurs et no-binary people ! Une très bonne lecture à tous.tes et as usual, on se retrouve en bas ! (13 000 mots plus tard) 

PS : Coucou, c'est Anna, j'ajoute une ligne histoire de... Genre parce que c'est mon compte quand même. Mais j'avais faim alors j'ai laissé Perri préparer le chapitre. En plus la dernière fois j'avais pas mis la bonne version, c'était une catastrophe (heureusement j'ai rattrapé le coup après) donc valait mieux qu'elle le fasse haha ! Rien de spécial à dire à part que j'aime pas le Seigneur des Anneaux, voilà. Alors les versions longues mon dieu... Regardez plutôt Doctor Who ! L'épisode de noël était incroyable ! C'est tout pour moi ! 



Partie 2 : La face cachée des monstres

Aout 1993

-... et c'est pour ça qu'il faudra qu'on arrive à boucler le dossier avant la fin de semaine pour que le numéro sorte avant celui de la Gazette. Avec Jill en vacances, ça va être compliqué mais...

- Merlin, il fait chaud...

La voix plaintive, à peine plus haute qu'un murmure dépréciatif mais bien audible à cause de l'open space désert, coupa Noah dans son élan et il releva les yeux de son planning de publication. Il se passa une main sur le visage.

- Tu l'as déjà dit huit fois, grommela-t-il. Bon sang, tu m'écoutes, ou tu fais juste que te plaindre par intermittence ?

- Quoi ?

- Eh, la stagiaire, un peu de concentration !

Un bout de parchemin plié en guise d'éventail, Joséphine figea son mouvement et lui jeta un regard peu amène. Le surnom l'avait au moins fait sortir de sa torpeur.

- Premièrement, comment je peux encore être la stagiaire cet été alors qu'on a littéralement embauché un vrai stagiaire pour un mois de « découverte professionnel » ? fit-elle avec un claquement de langue agacé. Et deuxièmement... S'il faisait moins chaud dans ces foutus locaux, peut-être que j'arriverai un peu mieux à me concentrer. (Elle leva les mains au ciel). En plus, ça n'a pas de sens ! Pourquoi on fait une réunion de rédaction à deux ?

- Parce que Lydia doit finir le rapport de comptabilité et Théodore est parti bosser son article sur Malefoy qui faute d'être dans le conseil d'administration de Poudlard vise le Ministère et colle Fudge comme une salamandre un brasier. Et qu'il a emmené le stagiaire. Ce qui ne t'empêche pas de l'être aussi au passage ; parce que de toute façon je t'appellerai encore comme ça même le jour où tu seras rédactrice-en-cheffe de la Gazette du Sorcier en personne.

- Rah, jamais !

Le nez froncé, elle grimaça et il retint un sourire fier. Parfois, il se disait qu'il avait vraiment trouvé une âme sœur de non-conformisme en Joséphine Abbot.

- Bref, et je ne peux rien faire pour la chaleur, conclut-il, fataliste. Mais t'inquiète pas, on retrouvera la bonne vieille pluie anglaise dès septembre. C'est toujours pareil dans ce pays.

- Eh, n'insulte pas la mère patrie !

- Je ne l'ai pas insulté. Si j'avais voulu le faire, je me serais attaqué à la Reine. Ou pire : au thé.

Joséphine laissa échapper un rire étouffé.

- J'aimerais bien te voir essayer, le défia-t-elle. Tu dormirais sur le canapé pendant une semaine.

- Seulement si tu me dénonces à Jules...

- Et qu'est-ce qui te fait croire que je le ferai pas ?

Provocatrice, elle étira ses lèvres parées d'un rouge à lèvres piquant en un rictus qui lui fit ravaler son envie de la tenter. Parce qu'il fallait être honnête, Julian était parfaitement capable de le faire dormir sur le canapé pour un parjure pareil et maintenant qu'ils venaient d'acheter leur loft, il n'avait aucune envie de se casser le dos sur le sofa.

Avec un soupir, il tenta de reprendre un air sérieux.

- Bon, allez, rappela-t-il à l'ordre. On peut finir cette réunion ?

- Roooh oui, vas-y... Comme si j'avais pas assez entendu parler de Sirius Black cet été. Balance, tu disais ?

Difficile d'ignorer Sirius Black, oui ... son visage était littéralement placardé partout depuis des semaines. Il était en une d'absolument tous les médias – même Le Chicaneur s'y étaient mis ! Et quand on parvenait à se l'ôter de l'esprit, c'était les passages des Détraqueurs dans tous les grands pôles sorciers, à la recherche de l'évadé, qui leur glaçait le sang. Noah en avait fait les terribles frais en allant chercher Julian à la sortie de l'IRIS en début de semaine. Un frisson lui parcouru l'échine au souvenir et il parvint à repousser les échos du malaise pour asséner à sa chère employée :

- Justement, Jo. Je disais que j'en ai aussi marre de voir les mêmes infos partout et qu'il est temps qu'on sorte un portait ou au moins un article sur l'affaire. C'est le plus gros scandale que l'Angleterre a connu depuis la presque fermeture de Poudlard l'hiver dernier et encore ça serait comparé une salamandre avec un dragon. Donc on se doit de sortir quelque chose ! Ca fait trois fois que Liam me relance...

- Il a qu'à venir l'écrire lui-même alors son article.

Comme si c'était si simple et que Liam n'avait pas lui-même cent choses à faire pour toutes les branches internationales du journal. Mais au ton de Joséphine, il sentit bien qu'elle le disait plus par habitude que par véritable rébellion envers la hiérarchie et il ne prit même pas la peine de relever.

- Hum... Tout ça pour dire qu'on a du boulot. Enfin, plutôt que tu as du boulot. (Amusé, il sourit en voyant Joséphine se redresser, alerte). Eh oui, la stagiaire, ajouta-t-il avec emphase depuis le fond de son siège. Je veux que tu pilotes ce numéro spécial Sirius Black ! T'as écrit de bons articles dernièrement, voire de très bons. Mais maintenant va falloir conceptualiser en plus large. Evidemment, je serai là pour encadrer, ne crois pas que tu vas partir en roue libre non plus, je te connais.

Pour renforcer ses dires, il lui jeta un regard perçant, mais Joséphine ne chercha pas à protester. Un éclat enflammé s'était plutôt allumé dans ses yeux et animait même ses traits avec détermination. Visiblement, elle en avait même oublié la chaleur car elle se pencha vers lui, son éventail gisant à côté d'elle sur la table.

- C'est sérieux ? s'assura-t-elle. Je vais piloter un numéro ? Celui sur l'affaire du siècle du premier évadé d'Azkaban ?

- Ouep, miss Abbot. Mais je répète : sous ma supervision. Et t'auras un cahier des charges.

- J'écoute.

Le dos droit, elle s'empara de sa plume et lui piqua un bout de parchemin – le sien était trop froissé pour servir à quoique que soit – et attendit. Il leva la main pour compter sur ses doigts.

- Ok, alors pour commencer je ne veux pas relire ce qu'on a déjà lu vingt fois cet été un peu partout. Oublie l'énième reconstitution avec quatre pages sur comment il a tué douze moldus, les détails sordides des mutilations de Pettigrow et sur le mangemort terrible et cruel qu'il était. Tu le cases en intro et basta.

- En intro, noté. Quoi d'autre ?

- Pitié, ne me fais un coup à la Chicaneur non plus. Je ne veux pas de portrait classico-classique, mais ce n'est pas pour ça qu'on doit prendre l'angle de la rock-star cachée et accusée à tort.

A cette injonction, Joséphine lui jeta un regard torve à travers ses cils.

- Tu m'as pris pour qui ? rétorqua-t-elle, indignée.

- Pour celle qui a choisi comme angle sur la pauvre famille de rouquins qui avait gagné à la loterie du Gallion de La Gazette : « est-ce que ce geste en apparence généreux sert à faire oublier les articles à charge contre Dumbledore tout le reste de l'année écoulée ? ».

- Eh, c'était une question légitime ! se défendit-elle. On parle du premier organe de presse de notre société et...

Il la coupa en levant les mains, trop accablé par la chaleur pour ravoir ce débat qu'ils avaient eu dix fois en début d'été.

- Jo, peu importe. Ce que je veux dire, c'est que je veux qu'on traite cette affaire avec un angle nouveau. Un angle objectif, voire psychologique.

- Un point de vue humain en somme.

- Si tu veux, oui, approuva-t-il. Il faut que notre dossier arrive à montrer Sirius Black sous un jour intéressant, moins manichéen. Pas une énième caricature de monstre.

Il tapa dans ses mains, comme pour donner du poids à son argument, même s'il n'en avait pas vraiment besoin. En face de lui, il vit que Joséphine avait parfaitement saisi l'idée parce que dans le fond ils s'intéressaient à la même chose : creuser au-delà des apparences. C'était exactement ce que représentait le journalisme pour eux et c'était pour cela qu'ils avaient emprunté cette voie qu'ils n'avaient pourtant pas envisagé au départ.

Après tout, il avait toujours voulu faire de l'art. Ca avait été un idéal, une quête brute et désespérée sans véritable corps auquel se rattacher, même si ça lui faisait mal de l'avouer. Othilia n'avait peut-être pas eu tort à l'époque. Seulement, elle n'avait pas eu raison non plus et c'est pour ça que Julian n'avait jamais cessé de le pousser dans cette direction. Sans art, autant crever de toute façon. Être caricaturiste et rédacteur-en-chef pour la Voix du Chaudron lui avait permis de trouver un équilibre et il savait que c'était la même chose pour Joséphine. Elle n'avait pas eu l'air de bien savoir dans quelle direction aller à la sortie de Poudlard – il s'en souvenait très bien – mais elle avait été guidée par son envie de dire des choses. D'avoir un impact. Et c'est ce qui faisait qu'elle s'épanouissait aujourd'hui.

- Ouuuuh ouh ! Y'a quelqu'un ici ? fit soudain une voix derrière eux.

D'un même mouvement, ils se retournèrent. Une seconde plus tard, une jeune femme passa la tête à travers l'embrasure de la porte. Elle avait des cheveux blonds qui lui frôlaient la clavicule et portait une robe tournesol un peu trop courte. La réalisation frappa Noah avec un temps de retard. Il jeta un œil à sa montre : il était midi passé.

- Merde, Charity...

- Waouh, quel accueil ! Je me sens touchée. (Elle croisa les bras sur sa poitrine). Alors, comme ça, t'oublies qu'on devait déjeuner ensemble ?

- Non...

- Bien sûr.

Amusée, elle lui renvoya un rictus pas dupe et il sourit malgré lui. Ce qui était bien avec Charity, c'était qu'elle était le genre de fille à ne jamais se vexer de rien et à composer avec les imprévus assez facilement. Et elle n'était pas la dernière pour en retard quelque part non plus, ce qui faisait qu'elle ne pouvait jamais lui reprocher quand c'était à lui de l'être. Il se leva pour lui déposer un baiser sous la joue en guise d'excuse et elle accepta de bonne grâce.

- Désolé, la réunion s'est un peu étirée... s'excusa-t-il malgré tout. Hum, Charity, je te présente Joséphine Abbot, notre journaliste. Elle est là depuis deux ans, je t'ai parlé d'elle, non ? Et Jo, voici Charity Burbage, une amie.

- Sa meilleure amie.

La correction de Charity s'accompagna d'une main tendue et Joséphine la lui serra avec politesse.

- Sa meilleure journaliste, ajouta-t-elle sur le même ton.

A peine rassis, il donna un coup dans le pied de sa chaise sous la table.

- Eh, la stagiaire, t'emballes pas.

- Elle a raison, la défendit Charity en riant. Faut savoir mettre en avant ses talents. Merlin, ce qu'il fait chaud ici ! Vous arrivez à réfléchir sans fondre ?

- On fait ce qu'on peut... soupira Joséphine.

Elle avait récupéré son éventail de fortune et Charity le scruta avec envie avant de se laisser tomber sur la chaise entre eux. Une fine pellicule de sueur faisait luire son front, signe qu'il ne devait pas faire plus frais dehors et il raya d'ores et déjà de la liste plusieurs endroits où ils avaient l'habitude de manger, mais qui se trouvaient en plein soleil. Il était en train de se demander s'il devait proposer à Joséphine de les accompagner comme la rédaction était déserte aujourd'hui lorsque Charity se pencha sur les papiers laissés sur la table.

- Vous bossez sur quoi ? voulut-elle savoir. Un dossier brûlant ?

- Le même dossier que toute l'Angleterre, répondit-il. L'évadé d'Azkaban, le seul et unique qui semble filer entre les mains du Ministère et des Détraqueurs. On va en faire un numéro spécial.

- Ah...

Les sourcils froncés, Charity observa leur notes brouillonnes et la photo de l'avis recherche qu'il avait apporté ce matin. On y voyait un homme aux cheveux mi-longs, sombres et emmêlés, au visage creusé et au regard gris voilé en train d'hurler en tenant une des fameuses pancartes d'identification d'Azkaban. L'image du monstre que tout le monde n'était pas difficile à voir, mais il y avait autre chose aussi, peut-être dans la posture ou dans le regard, que Noah n'aura pas su expliquer. Une chose pour laquelle il fallait creuser.

- Vous le connaissiez... ? fit soudain Joséphine d'une voix neutre.

Il releva les yeux vers elle. Elle regardait Charity, toujours penchée au-dessus de l'image, et celle-ci parut surprise.

- Quoi ?

- Black. Vous le connaissiez ? Si vous avez à peu près le même âge, dit-elle en les pointant tous les deux d'un geste vague. Alors lui il a été à Ilvermorny donc il nous sert à rien ... mais vous, vous avez dû aller quelques années à Poudlard en même temps que Black, non ?

Surpris, il dévisagea Joséphine et fit un rapide calcul mental. Ça le frappa alors. Elle avait raison, évidemment, mais il n'avait pas pris le temps d'y penser tant Sirius Black faisait plus vieux qu'il ne l'était en réalité. Charity porta ses ongles à sa bouche, l'air mal à l'aise. Il se retint de lui donner pour la millième fois une tape sur les doigts.

- On s'est croisés à Poudlard, ouais. On était dans la même maison. Mais je ne lui ai jamais parlé, il était plus âgé.

- Oh... lâcha Joséphine, l'air déçu.

Il comprit qu'elle s'était déjà mise en mode journaliste d'investigation pour le sujet. Elle ne se laissa d'ailleurs pas abattre et enchaîna avant qu'il n'ait pu l'en empêcher :

- Et vous pourriez nous en dire un peu plus sur lui ? Comment il était ? Les gens qu'ils fréquentaient ? A qui on pourrait s'adresser pour avoir des infos ?

- Jo...

- Quoi ? Il faut bien commencer quelque part, non ?

Sans doute, oui, mais il savait d'expérience que Poudlard était un souvenir douloureux pour Charity et il vit ses traits se crisper avant qu'elle ne croise les bras sur son ventre, l'air en pleine réflexion. Il attendit patiemment, curieux de voir sa réaction. Elle finit par soupirer et se tourna vers Joséphine.

- Pourquoi pas... Je ne sais pas si je pourrais être très utile, mais si ça peut vous donner une idée générale... accepta-t-elle. Par contre, je t'en prie, tutoies-moi. J'ai l'impression d'être ma mère autrement.

- Ouais, sinon ça revient à nous traiter de vieux, la stagiaire, intervint-il.

Joséphine haussa un sourcil et lui décocha un sourire ironique.

- Tu l'es un peu, tu sais. Quel âge t'as déjà ? Dix ans de plus que moi, au moins ?

- La ferme ou je te vire.

- Quel management, Noah, se moqua-t-elle dans un éclat de rire.

S'il avait eu un parchemin à portée de main, il lui aurait envoyé à la figure. Malheureusement, Joséphine avait tout ramené vers elle et elle les étala d'ailleurs bien à plat, soudain concentrée, avant d'interroger Charity.

- Vraiment, on prend tout ce dont tu te souviens. Un détail, quelque chose qui sort de l'ordinaire, qui peut nous dire quel genre d'homme il était ?

- On peut commencer par-là alors : je n'ai pas connu un homme, nuança-t-elle. J'ai connu un gamin qui faisait sa loi à Poudlard. C'est très différent, je suppose. Sirius a un peu marqué les esprits dès qu'il est arrivé, si j'ai bien compris. L'héritier des Black à Gryffondor, ce n'était jamais arrivé et ça remettait beaucoup de choses en cause.

- Et vous... je veux dire, et toi ? Tu trouves qu'il y avait sa place ? A Gryffondor ?

Charity pencha la tête sur le côté, mais ne prit pas la peine de réfléchir bien longtemps.

- Je dirais que c'était dur de faire moins Gryffondor que Sirius, ouais. Il faisait partie d'un groupe, les Maraudeurs. Je ne sais pas si quelqu'un les a appelés comme ça un jour et c'est resté ou s'ils se sont nommés eux-mêmes... Ça serait bien leur genre. Mais en tout cas, c'est ce que je retiens sur Sirius : il faisait toujours partie d'un groupe. Que ça soit ses amis, l'équipe de Quidditch, les Gryffondor... Il était rarement seul, il avait besoin d'un public.

- L'équipe de Quidditch ? A quel poste ?

- Hum... je ne sais plus. Batteur, je crois.

- D'accord... Et il y avait qui avec lui ? Tu te souviens des noms ?

Penchée sur son parchemin à prendre des notes, Joséphine loupa la réaction de Charity, mais il vit parfaitement le tressaillement qui la traversa. Quand elle répondit après une pause, ce fut avec une voix vacillante :

- Ca remonte à un moment, mais... Il y avait Potter. James Potter. L'un n'allait pas sans l'autre et il était capitaine. Je pense qu'il aurait mis Sirius dans l'équipe même s'il n'avait pas su tenir une batte.

- Potter ? releva Joséphine, stupéfaite. Comme dans « Harry Potter » ?

- La fameux bébé qui a anéanti votre Mage noir ? renchérit Noah.

La résolution du conflit qui avait déchiré l'Angleterre et Julian lui semblait toujours ubuesque ... Même son esprit tordu n'aurait pas pu inventer un dénouement pareil. Charity se dandina sur sa chaise.

- Oui, pardon j'oublie que c'est pas évident pour tout le monde... Hum, c'était son père. Lui et Sirius étaient inséparables à Poudlard, genre vraiment. Un monstre à deux têtes. Et puis ensuite dans l'équipe, il y avait Mary McDonald et Adrian Connelly aussi. Et je ne me souviens plus du nom d'une autre poursuiveuse, elle était d'origine française je crois...

- Ok. Et le gardien ?

Le silence se fit pesant. D'un coup, Noah vit Charity blêmir et ses mains se crispèrent sur le bord de la table. Il se rappela la réponse avec un battement de cœur douloureux trop tard et Joséphine releva la tête, ses longs cheveux cuivre à moitié sur son parchemin, expectative.

- Hum... Matthew Bones, finit par lâcher Charity. Mais...

Mais il ne pourrait pas être un témoin à chercher. Elle n'eut pas à le verbaliser : un éclat de compréhension s'alluma dans les prunelles de Joséphine à la seule façon dont le nom de Matthew roula de la bouche de Charity... Un nom qui avait le poids du deuil même après toutes ces années, le ton d'une blessure pas encore refermée malgré les nombreuses tentatives. Il avait des accents plus coupants chez elle que chez Julian, mais la sonorité était assez familière pour qu'il s'empresse de poser une main sur son genou en signe de soutien et de changer le sujet.

- Ok, et en dehors du Quidditch ? Quelque chose de spécial sur lui ?

- Je ne sais pas, ça remonte... soupira Charity en pressant brièvement sa main sous la table. Je me souviens qu'il était le genre d'élèves que tout le monde enviait. Drôle, populaire, il mettait l'ambiance, vous voyez ? Même les profs lui passaient plein de choses, juste parce qu'il était brillant. Rien d'étonnant, vous me direz. Un Black, ça se doit d'être doué en magie.

Joséphine fronça les sourcils, l'air intéressé.

- Justement... ça n'avait pas dû plaire à sa famille, non ? Un Black à Gryffondor ?

- Aucune idée. Je ne le connaissais pas assez pour savoir, mais je crois qu'il s'entendait mal avec son frère. En tout cas, je me souviens pas les avoir vu ensemble à Poudlard. Moi, ma première année, Prudence était toujours sur mon dos.

- C'est un truc de grande sœur, elles veulent toujours avoir raison, marmonna Joséphine.

Il étouffa un rire. Il aurait bien aimé rencontrer la personne capable de tenir tête à Joséphine Abbot, sœur ou pas sœur.

- En fait, ça me revient, mais il y a peut-être quelque chose qui m'a étonné avec Sirius... fit soudain Charity, songeuse, le regard dans le vague.

- Oui ?

- Ouais... Je faisais l'option Etudes des Moldus à partir de la troisième année et c'était vraiment ma matière préférée. J'avais demandé à la prof si je ne pouvais pas m'avancer un peu sur le programme, j'avais déjà lu tout notre manuel... Et elle m'avait dit que si je voulais, je pouvais demander ses notes à un élève plus âgé. Elle m'avait parlé de Sirius.

Joséphine sembla incrédule, la plume suspendue au-dessus de son parchemin.

- Sirius Black faisait Etudes des Moldus ?

- Surprenant, pas vrai ? confirma Charity. Très honnêtement, je ne m'attendais à rien, mais je suis quand même allée le voir. Ca doit être la seule fois où je lui ai parlé, j'étais un peu intimidée par lui. Je veux dire, c'était un Maraudeur. Et il était plutôt pas mal dans son genre.

Ce fut plus fort que lui : Noah laissa échapper un bruit de gorge agacé.

- Roh bon sang, on va finir par le savoir... Vraiment à se demander ce que Jules lui a trouvé à ce psychopathe.

- Peut-être qu'il aime les gars émotionnellement instables, glissa Joséphine avec ironie.

Il redonna un coup de pied dans sa chaise sans scrupule et elle poussa un petit cri surpris en se rattrapant au bord de la table.

- Eh, la stagiaire, on t'a déjà parlé de la neutralité journalistique ? Pas de commentaire.

Charity cacha son rire derrière sa main. Il vit littéralement sa répartie danser dans l'éclat malicieux de ses yeux et il lui fit un signe d'avertissement.

- Pardon, j'ai rien dit. T'es moins émotionnellement instable qu'il n'y parait, Noah, promis. Et c'est moi qui te le dis en plus !

- Eh !

- Enfin bref, Black s'est montré sympa et il m'a filé ses notes, continua-t-elle en l'ignorant. Ce qui m'a surpris, c'est qu'elles étaient vraiment précises. Il les avait même annotés avec des réflexions. Peu de personne s'intéresse à la culture moldue, alors ça m'a marqué, mais il est parti de Poudlard ensuite et je n'ai plus entendu parler de lui... Enfin, pas avant ce fameux jour où ils ont annoncé qu'il était un partisan caché de Vous-Savez-Qui, avait tué douze moldus et Pettigrow. C'était un des quatre Maraudeurs, lui aussi, avec James et Sirius ... ça n'avait pas de sens.

Il croisa le regard de Joséphine pile à cet instant et devina ce qu'elle pensait rien qu'à son expression. C'était cette surprise – cette attente prise à contre-pied – qu'ils devaient explorer sur Sirius Black. Comment le fauteur de trouble populaire et rebelle de Gryffondor avait fini comme plus grand soutien d'un mage noir et tueur massif, meurtrier d'un ami ? La curiosité se mit à courir sous sa peau et il se retint d'arracher son parchemin à Joséphine pour commencer à relier les points ensemble, mais elle le maintint bien près d'elle en bord de table et adressa un sourire à Charity.

- Vraiment, c'est parfait. Ça vous nous aider ! Et je peux poser une dernière question ?

- Si on va manger juste après, oui. Je meurs de faim.

- Je payerai même le déjeuner, assura Joséphine, avide. Est-ce que tu sais quelle personne on pourrait contacter pour nous parler de Black ? Quelqu'un de son groupe d'amis à l'époque ? Une petite amie ?

Soit Charity avait désespérément faim, soit la réponse était évidente : en tout cas, le nom fusa de ses lèvres en une demi-seconde, sans même une hésitation. Et Noah sut qu'il tenait leur première piste.

- Remus Lupin. Le quatrième Maraudeur ... Oui, je vous conseille d'aller voir Remus Lupin.

**
*

Il avait fallu des trésors d'habilité à Joséphine pour trouver l'adresse de Remus Lupin.

Et un sacré coup de pouce de la part de son grand-père Max, ancien directeur du Service des Animaux au Ministère et qui se souvenait parfaitement de ce nom ... C'était un loup-garou qu'il avait dû enregistrer, lorsque l'inscription au Registre des loups-garous avait été rendu obligatoire. Et lorsqu'il avait compris que sa petite-fille adorée allait se jeter droit dans sa gueule, sa lèvre avait blêmi sous sa moustache.

La seconde étape, c'était Ornella McCall, dont Joséphine avait gardé le contact depuis son tout premier article et son interview au vitriol. Il avait eu un impact limité – le tirage de La voix du Chaudron n'avait pas de quoi ne serait-ce qu'intéresser Dolorès Ombrage – mais Ornella avait semblé prendre le journal en porte-parole officiel de ses revendications. Un sourire carnassier avait retroussé ses lèvres lorsque Joséphine avait lâché son nom.

-Lupin ? Nom d'une pleine lune bien claire ça remonte ... Je n'ai plus de contact depuis près de quinze ans mais des oreilles partout ... après tout nous sommes une petite communauté, tout se sait.

Elle lui avait alors donné une adresse, dans un village paumé du sud-est de l'Angleterre. Et alors qu'elle pensait poursuivre seule son enquête pour dévoiler le visage humain de Sirius Black, Noah, enfermé dans son bureau toute la journée à faire les comptes, avait sauté sur l'occasion pour l'accompagner. Loin de s'offusquer, Joséphine avait lâché un petit soupir de soulagement. Elle était habituée à Ornella McCall, ses discours enflammés, ses opinions parfois à moitié avouables ... en revanche, se retrouver face à un loup-garou inconnu qui autrefois avait été l'ami d'un homme devenu un terrible assassin ? Elle devait l'admettre : malgré la chaleur estivale, les frissons hérissaient son échine.

-Ça n'arrange pas l'histoire que tu veux raconter, ça, lança-t-elle à Noah, à peine le pied posé en campagne anglaise.

Elle posa une main sur sa poitrine où tambourinait son cœur. Le transplanage l'avait laissé essoufflée et la chaleur oppressante ne l'aidait en rien à reprendre l'haleine. Pour peu, elle regrettait de ne pas avoir emporter son parchemin dont elle usait comme éventail. Elle trouva par miracle un élastique à son poignet et se dépêcha de rassembler ses longues mèches en queue-de-cheval. Tout aussi incommodé, Noah retira rapidement sa veste en jean qu'il passa négligemment sur son épaule avant de redresser les lunettes de soleil teintés en jaune sur son nez. A travers ces verres, son regard apparaissait flou, lointain, étranger.

-Pourquoi tu dis ça ?

-Tu as dit que tu ne voulais pas d'un énième portrait de monstre. Quel effet ça va donner lorsqu'on va dire effectivement qu'il en côtoyait, hein ?

-Ouh, je vais tout répéter à McCall ...

Joséphine leva les yeux au ciel et s'avança dans le village d'un pas pour le moins prudent. Si la moitié des habitants semblaient retranchés, les volets fermés sur leurs maisons pour conserver la fraicheur, l'autre moitié – la moitié jeune, semblait-il – profitait des vacances et du soleil pour courir les rues avec de grands éclats de rires ou des baisers langoureux à l'ombre des saules.

-Ne me raille pas, tu vois ce que je veux dire. Tout le monde les craint, Noah. Ils n'étaient pas franchement du bon côté lors de la guerre contre Tu-Sais-Qui ... j'ai entendu des histoires sur Fenrir Greyback ...

-« Tu as entendu des histoires », répéta Noah avec un rictus moqueur. Très journalistique comme formule. Je vais te rabaisser au rang de stagiaire.

-Et comme je suis encore ta « stagiaire », tu veux dire en dessous du stagiaire estival ? persiffla-t-elle avant de se fendre d'un coup de coude. Arrête de te moquer ! Et si Lupin était l'un de ses disciples ?

-Je doute que Charity nous aurait envoyé directement dans les crocs d'un disciple de Greyback, objecta tranquillement Noah, nullement troublé. Elle m'a parlé un peu de lui ... Vraiment, il n'avait pas l'air d'être un monstre. Et j'éviterai de le traiter ainsi une fois face à lui. Parler de lui comme d'un monstre, ça ne me parait être la pire manière de commencer la conversation.

Monstre. Le terme retourna les entrailles de Joséphine d'une manière singulière. Rarement dans sa vie elle avait été réellement confronter à ce qu'on appelait communément « monstre ». Les créatures qu'elle avait étudié sous la houlette de Brûlopot lui avait paru soit ennuyeuses soit fascinante. Elle avait tant été subjugué par le charisme d'Ornella McCall que chaque fois elle oubliait qu'à chaque pleine lune venait une terrible créature.

Et Shahrazade ...

Un frisson parcourut les bras nus de Joséphine. Il y avait une éternité qu'elle n'avait pas songé à la sœur aînée de Farhan. Encore plus que cette nuit terrible où son Obscurus avait repris le dessus et tué treize personnes, dont ses parents. Treize. C'était autant que Sirius Black, si on comptait Peter Pettigrow en plus des douze victimes moldues. Joséphine se remémora sa septième année et cette longue enquête qu'elle avait enclenché à la recherche, elle en était sûre, d'un monstre qui aurait arraché leurs parents à Farhan et Maya avant de les séparer. A forme humaine comme un Mangemort. Diabolique comme un loup-garou ... Puis le voile s'était levé dans les brumes argentées de la Pensine. Point de monstre dans cette sordide affaire ... Juste une enfant malade et un Auror dépassé.

-Mon copain, Farhan. Ses parents sont morts pendant la guerre. Un terrible concours de circonstance ...

Sa bouche s'était activée toute seule : maintenant que les souvenirs l'avaient assailli, elle éprouvait le besoin viscéral de les exfiltrer. Noah lui décocha un regard oblique.

-Et quoi ? Tu penses que c'est un concours de circonstance qui a tué douze moldus et réduit un sorcier en pièce ?

-Sans doute pas, admit Joséphine. Mais si je te racontais comme les parents de Farhan sont morts ... vraiment, tu ne me croirais pas. C'est à dormir debout. Ça n'aurait juste ... jamais dû arriver ... mais les planètes du malheur se sont alignées, Merlin a mis les pires ingrédients dans un même chaudron et ... « boum ».

-C'est ton angle d'attaque ? insista Noah, un brin dubitatif. « Les accidents, ça arrive » ? Ramène tes pieds sur terre, ma petite stagiaire. Je sais que je t'ai demandé un portrait humain et nuancé, mais je doute que pour la mère de Pettigrow, la thèse de l'accident soit audible. Il faut savoir respecter les victimes.

Joséphine s'empourpra violemment.

-Mais je les respecte ! Tu m'as entendu ? Mon copain est l'une d'entre elle ! A trois ans il était orphelin !

Et mon père est en partie responsable, mais Joséphine ne se sentait pas d'ajouter cette terrible vérité. Plus de deux ans plus tard, la plaie était toujours brûlante. Le nom d'Aloyssius proscrit de ses conversations avec Farhan. C'était un miracle qu'ils continuent d'avancer avec un tel mur entre eux. Mais elle n'était pas prête à faire part de cet honteux état de fait à Noah. Depuis son premier article, leurs relations étaient passées d'orageuses à véritable idylle professionnelle, elle devait l'admettre. Il était un mentor parfait pour sa jeune carrière de journaliste. Depuis un an, ils avaient trouvé un rythme de croisière parfait. Joséphine n'irait pas jusqu'à dire qu'ils étaient complémentaires. Non, ils avaient une manière de travailler si similaire que ça tenait plus du parallélisme. Mais cette histoire restait l'une de ses blessures les plus intimes et n'était pas prête à dépasser les cercles privés.

Noah prouva qu'il était un homme de confiance en prenant une mine penaude.

-Si ça fait trop écho à l'histoire de ton copain ... hum ... Loin de moi l'idée de vouloir dire que tu risques d'avoir un avis biaisé sur la question ...

-Je pense tous qu'on a un avis biaisé sur la question, soupira Joséphine, fataliste. C'est terrible, j'ai la sensation que jamais, jamais on n'en aura fini avec la guerre ... Il y a toujours un cognard quelque part près à venir nous fracasser les dents ...

Les lèvres de Noah frémirent devant la comparaison.

-Après tu es américain, peut-être que toi ça te touche moins, tu ne perçois pas vraiment ce qui nous retourne dans cette affaire ... A quel point ça nous remue tous ...

-Détrompe-toi tout de suite, la stagiaire, la coupa Noah, avec un brin de sécheresse. Je t'ai déjà raconté comment j'ai rencontré Julian, non ?

Joséphine demeura coite, penaude. Oui, il l'avait fait. La guerre avait chassé les Shelton d'Angleterre. Déraciné, au même titre que Farhan : le traumatisme devait être semblable pour Julian. Noah semblait si détaché de tout, presque blasé par l'effervescence autour de cette affaire, qu'elle n'avait pas songé qu'il puisse être affecté par l'impact qu'elle pouvait avoir sur sa moitié. Et Joséphine avait appris sa leçon, ces deux dernières années : Julian Shelton, c'était la ligne rouge pour Noah.

-Il avait vraiment le béguin pour Sirius Black ? tenta-t-elle de plaisanter.

-Là n'est pas la question, jeune fille. La question, c'est que tu as raison : cette affaire nous touche tous. Ça remue quelque chose. Un passé, un souvenir, une fascination morbide ...

Les lèvres de Noah se pincèrent et il fixa obstinément la route de goudron qu'ils empruntaient à travers le village. Malgré la belle lumière estivale qui le baignait, les traits de son visage s'étaient glacés.

-Mais parfois, c'est juste un terrible miroir déformant, lâcha-t-il finalement du bout des lèvres. Ça te renvoie ton propre reflet à la figure ...

Joséphine papillonna des yeux et finit par dévisager Noah en tentant de décrypter ses propos sibyllins sur son visage. Mais il ne laissait rien paraître d'autre qu'un léger hâle propre à rendre Joséphine folle de jalousie, elle que le soleil d'août rendait rouge comme un souafle.

-Tu me fais des aveux ? choisit-t-elle d'attaquer pour accélérer le décodage. Toi aussi, tu as goûté au sang ? Un jour je vais ouvrir le placard à balai du bureau et trouver une boite pleine de dents, ou des os dans un coffre verrouillé ? C'est quoi, des hommes qui ont regardé Julian de travers ?

-Tout de suite, du morbide ... Tu fais une bonne journaliste. Skeeter serait fière de toi.

-Ne m'insulte pas ! le rabroua-t-elle en enfonçant son ongle acéré dans son bras. Tu l'as lu son papier, sur Sirius Black ? S'il y en a une qui l'a élevé à la grâce de monstre, c'est elle !

-Moi aussi, Jo, on m'a élevé à l'état de monstre.

C'était lancé d'un ton nonchalant, mais Joséphine reçut la remarque comme une claque en pleine figure. Elle remplaça nerveusement sa frange sur son front.

-J'imagine que dans ton adolescence, il y a dû en avoir des articles sur l'homosexualité hyper dégradant, convint-t-elle, contrite.

-Des gens qui ne savaient rien, ne prenaient pas la peine de comprendre et écrivaient des horreurs sur ce qui leur faisait peur, asséna Noah, son attitude sereine tranchée d'un étrange rictus. Et ça n'appartient pas à mon adolescence, Jo : encore maintenant tu trouves des articles qui nous traitent de monstre dans tous les journaux du monde entier. Sirius, moi ... on représente différents versants de ce qui terrifient le monde.

-C'est vrai que je suis terrifiée, railla Joséphine, ulcérée par l'état de fait. Vraiment qu'ils continuent à braquer les projecteurs sur ça ... Vous n'êtes pas des monstres, vous êtes des diversions pour toutes ces personnes qui ne veulent pas s'attaquer au vrai problème. Quand il y a un dossier un peu chaud, ou un scandale, ou n'importe quoi, tu es sûr qu'il y a quelqu'un qui va remettre ça sur la table ...

Noah lui adressa un sourire approbateur avant de balayer le débat d'un revers de la main.

-Enfin bref, là n'est pas la question. Mais disons que la façon dont les plumes de ce pays nous traitent nous donne un bon indice sur les œillères qu'ils ont. Alors si on doit enlever les œillères pour nous, autant le faire pour tout le monde. Mais ce n'est pas toujours reluisant ce que tu décides de voir ...

Son pas s'était légèrement ralenti à l'ombre de l'un de ces saules sous lequel deux adolescents s'embrassaient un peu plus tôt. Joséphine n'attendit pas pour s'immobiliser et profiter de la fraicheur inopinée. Mais surtout, elle voulait laisser le temps à Noah de rassembler ses pensées. Son regard s'était perdu au loin dans les ruelles. La flamme de ses lunettes ne suffisait en rien à le réchauffer.

-Tu réfléchis à l'homme. Grâce à Charity on a une idée du gamin, plein de vie et chambreur ... pas un tueur pour deux noises. On l'appelle monstre pour être certain qu'il est ... un étranger, une altérité, quelque chose d'aussi éloigné d'un homme qu'on peut ... On ne veut pas s'imaginer que quelqu'un qui nous ressemble puisse faire des horreurs pareilles. Et pourtant c'est le cas.

Ses lèvres se tordirent et il finit par ajouter avec une certaine réticence :

-Un homme qui me ressemble ... Ce n'est pas pour rien que Julian un brin craqué sur nous deux, je me dis ... On devait avoir le même air, les adolescents rebelles, tu sais ? Qui prennent tout le monde de haut ... s'insurgent contre tout ...

-Noah ..., entonna Joséphine, peinée. Ne te torture pas pour un vague béguin que Julian a eu, alors qu'il ne savait même pas qu'il aimait les hommes. Ce que Sirius Black est devenu, ça ne dit absolument rien sur toi.

-Sur moi, je te l'accorde. Sur ce que j'aurais pu devenir, en revanche ... J'étais pire que lui. Charity m'a tout dit, elle m'a raconté certaines de ces facéties, à lui et ses « Maraudeurs » et ... c'était des anges comparé à ce que j'étais capable de faire.

-Comme quoi ?

Cette fois, Noah arracha son regard à sa contemplation pour venir le vriller sur Joséphine. Un drôle de rictus déforma ses lèvres et durcit son visage. L'espace d'un instant, elle put imagier le jeune homme qu'il tentait de lui décrire.

-Comme insulter la copine de Julian, venue spécialement d'Angleterre lui faire une surprise, par simple dépit amoureux.

Joséphine siffla doucement en tentant de masquer l'horreur qui montait par bouffée. C'était tellement ... l'horreur la suffoqua.

C'était tellement quelque chose qu'elle aurait pu faire.

-Waho ...

-Je sais. Je n'en suis pas fier mais tu vois en quelque sorte c'était ... monstrueux. Bien plus qu'aimer les hommes.

Un silence épais s'abattit entre eux. Comme si une part de l'adolescent contrit s'était emparé de lui, Noah semblait proche de se trémousser. Il la lorgnait du coin de l'œil, comme pour tester sa réaction, la scruter. Joséphine en fut déconcertée. Craignait-il de se déprécier à ses yeux, alors que leur relation avait enfin pris leur envol ? S'il savait ... s'il savait ... Il devait savoir qu'elle n'aurait pas mieux fait.

-Quand je te parlais de Farhan et de ses parents ... Ce n'est pas lui qui a voulu savoir ce qu'il s'était passé, c'est moi, avoua-t-elle avec un mince sourire. J'ai remarqué qu'il ressemblait fort à une fille de ma Maison et je les ai poussés dans la tempête sans vraiment leur demander leur avis. Alors je ne l'ai pas fait par égoïsme, j'étais persuadée qu'il y avait quelque chose derrière leur ressemblance et j'avais raison ... mais je l'ai fait de la manière la plus violente qui soit.

-Au moins tu avais raison, non ? C'était qui, la fille, une cousine perdue ?

-Sa sœur. Mais ce n'est pas tout ... (Elle trépigna, embarrassée). J'ai un peu ... ouais, harcelé une fille. Tonks. Je ne l'insultais pas mais oui, je me suis acharnée méchamment sur elle. Elle ne m'avait rien fait. C'était juste ... la fille de rêvée de mon père et ça me rendait folle de rage.

L'aveu était déplaisant et Noah parut le recevoir à sa juste mesure. Il prit le temps d'opiner sans la lâcher du regard. Avec un certain soulagement, Joséphine remarqua que le verre coloré atténuait certes l'éclat de ses prunelles mais ne masquait pas leur expression : et elle ne percevait pas le moindre jugement.

-J'ai été odieux avec toute l'école, toutes les personnes qui me tendaient la main, simplement parce que j'avais peur qu'elles finissent par me tourner le dos. J'ai balancé mon poing dans le nez d'un camarade de classe, railler plus que raison un ancien ami et pourtant celui qui a le plus souffert du Noah effrayé de lui-même, c'est Julian en personne. Tu as harcelé une fille qui ne t'était rien ? J'ai brisé le cœur d'un gars que j'aimais.

Oh, Noah ... Quelle belle perche.

-J'ai brisé le cœur de Farhan parce qu'il me l'a donné au pire moment. J'ai aussi saboté sa potion, une fois. C'était à l'époque où je connaissais à peine son nom, je sortais même avec son meilleur ami, Charlie ... Je n'avais pas vraiment de raison. J'étais de mauvaise humeur, il m'avait contrarié avec ses techniques impeccables de potioniste ...

Noah la dévisagea, l'air stupéfait. Mais lorsqu'il ouvrit la bouche, ce fut pour relever une toute autre chose :

-Tu sortais avec le meilleur ami de ton copain actuel ?!

-C'est ce que tu retiens ? s'esclaffa Joséphine, incrédule. Hé oui, je me suis en quelque sorte « taper » les deux meilleurs amis, le duo inséparable de Poudlard, c'est aussi à mon palmarès ! Et pour tout te dire, on s'est même vu plusieurs fois dans le dos de Charlie tellement on n'était pas à l'aise avec ça !

-Oh c'est mignon. J'ai trompé ma copine avec Julian pendant plusieurs mois.

-Trompé carrément ?! (Joséphine frappa des mains avec dérision). Ding ding ding ! On a un vainqueur !

Loin de prendre ombrage de la conclusion, Noah éclata de rire. Joséphine se raccrocha à cette hilarité : elle avait énuméré ses errances de jeunesse pour le rassurer, mais c'était au prix du réveil de ses propres malaises. Plus de deux ans la séparait de cette toute jeune fille en pleine tourmente qui expurgeait son mal en le répandant autour d'elle. C'était une goutte et un océan à la fois. La femme qui commençait à éclore s'était débarrassée de ses noires pétales fanées ... et pourtant ils n'avaient fait que tomber à ses pieds, prêts à créer un terreau capable de la nourrir à nouveau. Non, cette cruelle jeune fille n'était pas loin sous les pétales. Le chemin était loin d'être fini ...

Ecrasée par sa conclusion, Joséphine se laissa aller sur un banc à moitié branlant, tagué et couvert de fiente d'oiseau séchées.

-J'aurais vraiment pu mal tourner, réalisa-t-elle, estomaquée. Je faisais payer à chaque personne de mon entourage tout mon mal-être, sans discernement ... Waho. (Elle porta sa main à sa tempe. Brusquement, il lui semblait que son monde tournait). J'étais une vraie garce.

-Oh rien que ça ? Et moi qui pensais que j'étais le vainqueur ...

Joséphine ne trouva pas la force de sourire. Elle enfouit son visage dans ses mains. L'embarras et la honte l'enivrait. S'était-elle un jour excusé, droit dans les yeux face à Tonks pour toutes les horreurs qu'elle lui avait lancé au visage... ? Elle en doutait. Le banc tremblota et grinça, indiquant que Noah s'était installé à ses côtés.

-On est des vainqueurs tous les deux à ce stade, souffla-t-elle. Tu as raison, on était ... monstrueux, chacun à notre manière.

-Calme-toi, l'enjoignit Noah d'un ton ferme. Ne te donne pas trop d'importance, la stagiaire. Je suis navré d'avoir déclenché une introspection pareille, je ne me doutais pas que ... (Il hésita, avant de reprendre après s'être râclé la gorge : ) Ah, si Jo. Même là j'aurais dû me douter qu'on était pareil ...

Joséphine hocha la tête dans le vide, sonnée. Encore une fois, pourrait-t-elle dire. Semblable dans leur manière de travailler, d'hurler par la plume ou le crayon. Elle aussi aurait dû lire dans les dessins rageurs de Noah et dans son sourire plein de défi à quel point son chemin pour en arriver là avait été tortueux et plein d'errance.

-Tu étais peut-être une garce à dix-sept ans, reprit Noah. Moi j'étais un connard, c'est clair. Je me suis laissé empoisonner par mes peurs et ... peu importe, en fait. Mais calme-toi, Joséphine Abbot. On n'a jamais tué personne.

Il écarta d'une pichenette une feuille d'arbre tombée sur son épaule.

-C'est la conclusion à laquelle j'en suis venu, soupira-t-il d'un ton placide. Ne te bile pas, je me ne suis pas torturé. Je ne me suis jamais vraiment comparé à Sirius Black, ni dans ma trajectoire, ni dans le cœur de Julian. Attends, on est où là ? Sitôt arrivé à Ilvermorny il l'avait déjà oublié son petit « Maraudeur ». Le cœur de Julian, je l'ai gagné haut à la main et à la loyale.

La façon dont il releva le menton d'un air exagérément orgueilleux arracha un vague sourire à Joséphine.

-Je suis lucide sur qui j'étais, reprit-il avec un certain calme. Je ne dis pas que c'est agréable de à regarder de nouveau ... peut-être même que ça me rend un tantinet grognon. Mais ce n'est pas ... comment tu as formulé ça ? Un cognard qui vient me casser les dents.

-Avoue que je suis une poétesse dans l'âme.

-Une journaliste, rectifia Noah avec l'ombre d'un rictus. Tu aimes les formules percutantes. Enfin bref, ne me fais pas une crise de conscience maintenant – ou pire, de panique. Peut-être qu'on a été des personnes mauvaises à un moment de notre vie ... et encore, je dirais davantage qu'on a flirté avec la ligne. Un pied d'un côté, une main de l'autre ... On ne savait pas qui on était et on ne savait pas ce qu'on voulait. Mais quoiqu'il arrive, quoiqu'on ait fait, quoiqu'on nous ait fait, on n'a jamais franchi la ligne rouge, ni toi, ni moi. Lui, si.

Quoi qu'on nous ait fait. Les épaules de Joséphine se tendirent avant qu'elle ne repense que la fuite venait d'elle-même. « Je faisais payer à chaque personne de mon entourage tout mon mal-être ». Et ce que l'imagination pouvait en mettre, derrière le mot « mal-être »... Elle entremêla ses doigts étroitement et enfonça ses ongles peinturés de bordeaux dans sa peau.

-J'étais tellement ... persuadée d'être dans mon bon droit parce que j'allais mal ... qu'après tout ce qui s'était passé ... personne ne voulait comprendre, personne ne voulait écouter alors j'avais ce droit d'aller mal, d'être horrible, de hurler ... j'ai pris ce droit ...

Ce n'était que maintenant, à la lumière de ces réflexions sur un criminel reconnu au cœur noir comme le charbon, que Joséphine réalisa pleinement la perversité d'un tel raisonnement. En se comportant ainsi, elle avait entretenu la tempête et ajouter de la vigueur à un engrenage déjà terrible. Répandre le mal ne l'avait pas soulagé. Non. La seule conséquence avait été de faire souffrir les autres ... Pour se rassurer, sa main accrocha son camé et ses doigts se perdirent sur le motif des trois Grâces. Les trois Grâces, dansantes entre les fleurs, répandant l'abondance et la beauté ... Il lui paraissait à présent ironique qu'au milieu de la tourmente, aux pires instants de sa vie, ce soit ce symbole précisément qu'elle ait choisi, elle qui avait été tout l'inverse.

-Ce qu'on nous a fait, ce n'est pas une excuse pour faire du mal. Ce qui a amené Sirius Black à changer, à commettre cet acte ... c'en est pas une non plus.

-Non, confirma Noah avec douceur. Peu importe ce que Remus Lupin nous dira, ce ne sera jamais une excuse. Qu'il ait été traumatisé par sa foutue famille de Sang-pur, battu, que la violence de la guerre l'ait effrayé, qu'il se soit disputé avec son meilleur ami ... non, ça n'excusera jamais. Mais ça explique. Ça démystifie l'horreur. Et je ne te demande rien de plus.

Il fouilla dans les poches de la veste perchée sur son épaule et en retira une coupure de journal. Joséphine lui jeta un bref coup d'œil et retint un soupir derrière ses dents. C'était le fameux portrait de Sirius Black, encadré pour l'éternité avec sa beauté déchue et ses cris silencieux.

-Il a l'air d'un psychopathe, marmonna Noah avec un certain dépit. D'un fou. Ce n'est pas un fou, ce n'est pas un monstre. C'est un homme. Comme nous, il a eu une trajectoire, des obstacles, des choix à faire ... (Il rangea la coupure dans sa poche). Je ne sais pas ce qu'était ton mal-être à l'époque – et je ne te le demande pas – mais je sais la femme que tu es en train de devenir. Tu es ... une stagiaire insupportable, parfois arrogante et un peu trop volatile, mais tu es loin d'être une garce. C'est qu'un jour, tu as pris la bonne décision. Et c'est tout ce que tu as à retenir.

Il posa une main sur son épaule, et Joséphine le laissa faire. Pas parce qu'elle savait à présent que ce geste était dépourvu d'attention romantique. Ni parce que le savoir amoureux d'un homme édulcorait de la menace que Joséphine percevait chez tout mâle supérieur à elle. Simplement parce que dans sa brève panique, elle avait besoin de ce geste. Elle avait besoin de ce geste d'un égal, un égal de dix ans son aîné qui visiblement, était passé par les mêmes chemins tortueux qu'elle. Et que fort de son expérience, il le lui assure : ça va aller.

Elle tourna légèrement la tête, assez pour accrocher son regard. Il avait glissé ses lunettes dans ses boucles noires absurdement sanctifiées par Julian. Farhan n'avait jamais eu la moindre déférence pour sa chevelure dont elle était pourtant si fière. Mais ce n'était pas sur ces modestes entrefaits qu'elle avait envie de s'attarder. C'était sur le regard intense, planté sur elle que Noah braquait sur elle. Un regard bleu comme le ciel, clair comme de l'eau de roche. Il savait. Il comprenait. Et ce qui se reflétait dans ses prunelles déterminées, c'était une version plus jeune de lui-même, aux proies aux mêmes tourments désagréables. Elle aimerait avoir le même regard que lui, si serein, si sûr, dans dix ans. Pouvoir se regarder dans le miroir comme Noah venait de le faire avec l'affaire de Sirius Black et juste s'en tirer avec un brin de sagesse. C'était encore trop tôt, pour elle. Trop frai. Trop douloureux.

Farhan ne pouvait pas comprendre ça. Peu de personne le pouvait. Noah était de celle-ci. Alors Joséphine aurait voulu rester quelques minutes de plus à l'ombre sur ce banc, à ce qu'il la rassure, qu'il l'instruise sur autre chose que sur le journalisme ... mais ce fut le moment que choisit Noah pour se lever, un peu brusquement, et s'étirer comme un chat paresseux au soleil.

-Bon, allons-y avant que l'un de nos de nous deux se mettent à pleurer ! Ce n'est pas en se laissant submerger par ses émotions et ses souvenirs qu'on est professionnel ... Remus Lupin, nous voilà !

Et sur ce, il s'élança en sifflotant, lunettes jaunes vissées à son nez. Joséphine darda sa nuque d'un regard consterné et finit par se lever en rejetant sa queue-de-cheval derrière son épaule.

-Tromper sa copine avec Julian, maugréa-t-elle pour passer son émotivité. Tromper sa copine ... alors celui-là, il m'en réservera toujours.

**
*

La maison ne payait pas de mine. Littéralement, elle ne devait pas valoir grand-chose, paumée au milieu d'un village lui-même perdu au milieu de l'Angleterre, et Noah lui donna l'air sinistre dès qu'ils s'arrêtèrent devant. Il ne savait pas s'il projetait une quelconque vision teintée d'apriori dessus en sachant qui y habitait – et pourtant il venait de fustiger Joséphine sur son image de monstre et de loup-garou – mais elle donnait envie de repartir sans se retourner. En pierre de grès typiques de la région, la maison était de plain-pied et paraissait minuscule, même de l'extérieur. Une pile de journaux s'entassait sur le côté du porche, prête à déborder dans un petit parterre de fleurs qui avait connu des jours meilleurs : la terre était nue, rendue aride par la chaleur, sèche et sombre. A l'image de son propriétaire ? Aucun moyen de le dire, mais il se félicita soudain d'être venu avec Joséphine aujourd'hui. Au cas où. Même s'il savait très bien qu'elle était capable de se débrouiller toute seule, aucun d'eux ne pouvait prévoir ce qu'ils allaient trouver derrière cette porte malgré le soleil éclatant.

Les yeux plissés à cause du dit soleil, Joséphine observait elle aussi la petite maison, la main en visière ; puis elle releva la tête sur lui en sentant son attention.

- Bon, on rentre dans la gueule du loup ? lança-t-elle. Ou on reste à bronzer ici encore longtemps ?

- Comme tu veux. C'est ton sujet, je te rappelle. Mais si je peux me permettre, tu franchis une nouvelle teinte de rouge à chaque fois que je te regarde. Alors à toi de voir...

Amusé, il encaissa son œillade noire de bonne grâce avant qu'elle ne le dépasse sans prendre la peine de répondre, droite et fière. Il eut à peine le temps de la rattraper qu'elle avait déjà donné trois coups secs au battant, les pieds fermement ancrés dans le sol. Il se plaça derrière elle.

Pendant plusieurs secondes, seul le silence leur répondit. Il commençait même à se dire que Remus Lupin ne devait pas être là et qu'ils avaient affronté le transplanage et la chaleur pour rien lorsqu'enfin des bruits se firent entendre derrière le battant. Il n'eut pas le temps de dire à Joséphine de reculer d'un pas que celui-ci s'ouvrait enfin et ils se retrouvèrent face à un homme qui, faute de le dire autrement, correspondait bien à l'image du lieu. L'air fatigué et émacié, Noah aurait incapable de lui donner un âge précis s'il n'avait pas su qu'il avait été à Poudlard en même temps que Charity. Il faisait partie de ces personnes qui semblaient jeunes et vieilles à la fois et ses vêtements rapiécés n'aidaient pas à lutter contre la sensation qu'une chappe pesait sur son corps à l'aspect malade. Pourtant, malgré son apparence défraîchie, il était plutôt charmant. Des cheveux châtain clair, des yeux ambrés, un visage expressif. Ce fut d'ailleurs peut-être cela le plus surprenant : l'éclat vif dans son regard, presque sur la défensif, dès qu'il les découvrit sur le pas de sa porte, même si ça ne l'empêcha pas d'afficher un sourire poli ensuite.

- Bonjour... dit-il d'un air méfiant. Je peux vous aider ?

- Bonjour. Nous sommes désolés de vous déranger, s'excusa Joséphine aussitôt, mais nous aurions aimé parler avec Remus Lupin, s'il vous plaît.

- Oh... Hum, c'est moi-même.

- Oui ? Merveilleux ! Je suis Joséphine Abbott et voici Noah Douzebranches. On travaille pour la Voix du Chaudron. Je ne sais pas si vous avez entendu parler de nous, mais on aurait aimé vous poser quelques...

Avant même qu'elle ne termine sa phrase, le visage de Remus Lupin se ferma. C'était sans doute une illusion, songea Noah avec un frisson sur la nuque, mais malgré le soleil de plomb, il vit l'ombre du loup dans la crispation de ses traits.

- Je ne parle pas aux journalistes, coupa-t-il, tranchant. Merci, bonne journée.

Il amorça un geste pour reculer et Noah fut persuadé une seconde que leur chance était passée avant même d'avoir vraiment vu le jour, mais ça aurait été sans compter sur la vivacité de Joséphine Abbot en personne.

- Non, attendez ! le retint-elle avec urgence. Ça ne prendra pas longtemps. Laissez-moi vous expliquer notre sujet. On est un nouveau journal et on aimerait avoir votre regard sur...

- Je sais très bien de quoi vous voulez me parler. De qui, plutôt. Et je n'ai rien à dire sur lui. Vous perdez votre temps.

- Je comprends. Vraiment, je me doute que nous ne sommes pas les premiers à venir nous présenter chez vous, mais je vous jure qu'on est différents de la Gazette. Si vous nous laissez entrer le temps qu'on vous explique...

Mais, à nouveau, il secoua la tête et ses traits se crispèrent.

- Vous perdez votre temps, gronda-t-il. Je n'ai aucune déclaration à faire sur Sirius Black. Je n'en avais aucune à faire avant son évasion et encore moins maintenant. Laissez-moi tranquille.

- Mais on voudrait comprendre. Ne pas en faire un énième portrait de monstre, au contraire. Donner la parole à ceux qui l'ont connu et vous étiez son ami... Vous pourriez nous aider à comprendre, vous souvenir de détails. Je sais que ça peut paraître dur, vraiment je le conçois, mais je vous promets que votre parole sera respectée. S'il vous plaît, monsieur Lupin...

Noah devait le reconnaître : Joséphine se défendait bien. A la fois compatissante et ferme, elle ne lâchait pas Lupin du regard, déterminée à maintenir ou à créer un lien, aussi tenue soit-il. L'insistance sur le respect de sa parole était un bon point également, mais il ne s'attendait pas à autre chose de la part de la jeune femme à qui il avait dû jurer de garantir la liberté de ses mots pour l'engager.

Seulement, l'expérience lui avait appris que tous les combats ne pouvaient pas toujours se gagner et celui-ci était perdu d'avance. Il le voyait sur le visage de Remus Lupin... Sous sa colère bouillonnait une douleur – une cicatrice encore à vif – qu'aucun homme n'aurait voulu partager. Ça serait revenu à étaler son sang en première page d'un journal pour le pays entier et, souvent, ce genre de douleur était la seule chose qui restait après avoir encaissé les coups. La leur confier, même pour un portrait aussi psychologique et nuancé que possible, était un déséquilibre trop grand à accepter... Ils n'avaient aucun droit sur cette douleur.

Le teint pâle, Lupin lui donna raison une seconde plus tard :

- Il n'y a rien à comprendre, cingla-t-il d'une voix rauque. Ne pas faire un énième portrait de monstre, vous dites c'est ça ? Et s'il en était un, hum ? Si elle était là, votre vérité cachée que vous cherchez tous ? (Il secoua la tête, l'air écœuré, et commença à refermer la porte). Ne faites pas la même erreur que moi, ça vous fera gagner du temps, ajouta-t-il après coup. Il n'y a rien à sauver, ni à espérer.

- Mais...

- Jo...

Avec précaution, il lui posa une main sur l'épaule. Elle lui jeta un regard surpris, visiblement frustrée, mais il tenta de lui faire passer par le regard que ça ne servait à rien. Remus Lupin carra la mâchoire.

- Ne vous fustigez pas trop, conseilla-t-il à Joséphine en voyant sa mine défaite. Sirius Black arrive à tromper tout le monde, c'est sa nature. Voilà, c'est tout ce que j'avais à dire. Bonne journée...

Et sur cette formulation sinistre, il leur claque la porte au nez. Le bruit eut la sonorité d'un glas définitif et ils restèrent immobiles un instant, comme pris dans une transe. A croire qu'ils s'attendaient à ce que Lupin change d'avis et rouvre la porte pour les inviter à l'intérieur. Noah soupira avant de s'ébrouer.

- Bon, c'est fait... commenta-t-il en replaçant ses lunettes de soleil sur son nez. (La campagne anglaise se colora en jaune). Reste plus qu'à rentrer.

- Attends.

Il se retourna à moitié. Joséphine n'avait pas bougé et continuait de fixer la porte, les yeux plissés.

- Jo, ça ne sert à rien. Viens.

- Mais il ne nous a même pas écouté ! Il ne sait même pas ce qu'on fait. J'aurais dû lui parler de la manifestation pour les Loups-Garous et d'Ornella McCall, peut-être que...

- Il se fichait de McCall. Le problème, là, c'était Black. Il ne nous aurait rien dit sur lui, ça se voyait. Mais t'as été parfaite, je te le promets.

Un pli contrarié au coin de la bouche, Joséphine parut à peine l'avoir entendu. Elle gardait les yeux rivés sur le battant clos, puis soudain elle se mit à fouiller dans son sac, le visage à moitié dissimulé derrière sa queue de cheval. Il allait lui demander ce qu'elle cherchait lorsqu'elle finit par en sortir un journal plié en deux. Il reconnut le petit chaudron et sa plume qui faisaient leur emblème avant qu'elle ne se penche pour le glisser sous la porte de Remus Lupin. Elle se releva en époussetant ses genoux.

- Et voilà, comme ça, il se souviendra de nous s'il en a besoin un jour... décréta-t-elle avec conviction. On ne sait jamais. , j'ai été parfaite.

- Et modeste.

- Toujours. J'ai appris du meilleur.

- Ma modestie ne peut pas dire non. Mais ne crois pas que la flatterie te donnera une augmentation, il faudra faire un peu plus.

Ensemble, ils échangèrent un sourire de connivence, puis ils se mirent à remonter le village en sens inverse. Les jeunes qu'ils avaient croisé tout à l'heure occupaient toujours paresseusement les pelouses et il devait avouer qu'il les enviait un peu. Il aurait presque eu envie de les imiter. S'il s'était écouté, il serait allé chercher Julian à Oxford pour se poser dans l'herbe avec lui et ne plus bouger de tout l'après-midi. Malheureusement, la rédaction était vide à Londres et le numéro n'allait pas avancer tout seul, surtout avec leur principal témoin qui avait maintenant refuser de témoigner. Il aurait dû demander à Charity de lui dresser une liste plus longue des connaissances de Black à Poudlard, ça aurait pu être utile. Là, il avait la désagréable impression de retourner à la case départ et il coula un regard vers Joséphine, étonné de ne pas l'entendre se plaindre davantage. Il commençait à bien comprendre comment elle fonctionnait désormais et s'il avait appris quelque chose, c'était qu'une Joséphine silencieuse était une Joséphine imprévisible. Plus que d'habitude en tout cas. Elle marchait à ses côtés, sans se faire distancer, mais les sourcils froncés, perdue bien loin du village anglais et il se retint de claquer des doigts devant son visage.

- A quoi tu penses ? demanda-t-il d'un ton nonchalant, curieux. A embrasser langoureusement Farhan sur les pelouses ?

- Quoi ?

Tirée de sa rêverie, Joséphine tourna la tête vers lui. Elle parut enregistrer ses mots avec un temps de retard et un mince sourire retroussa le coin de sa bouche.

- Embrasser langoureusement Farhan sur les pelouses ? répéta-t-elle. C'est à ça que, toi, tu penses ?

- Peut-être. Mais pas avec Farhan, promis.

- Encore heureux, j'espère bien ! (Elle secoua la tête, les yeux au ciel). Et non, je ne pensais pas à ça, même si c'est une idée que je peux garder pour plus tard.

- Ah tu vois...

Mais Joséphine l'ignora.

- Non, je repensais à ce que tu disais tout à l'heure, expliqua-t-elle, soudain grave. Sur le fait qu'on est confronté à des obstacles, à des décisions... Que ce sont nos choix qui font de nous ce qu'on est à l'arrivée et que ceux de Sirius Black ne font pas de lui un monstre, juste un humain horrible... Et, je ne sais pas, j'arrive pas à m'enlever l'idée de la tête que la ligne doit être si fine à franchir. Peut-être même que j'en étais pas loin, mais que tout dépend d'une décision et c'est assez effrayant...

- Une décision seulement ? Tu crois pas que c'est un peu radical ?

- Peut-être pas une décision alors, non... Mais une personne ?

Ce fut presque instantané : elle eut beau faire entendre le point d'interrogation à la fin de sa phrase, Noah comprit tout de suite qu'elle ne doutait pas de ce qu'elle affirmait et qu'elle touchait au cœur de ce qui était en train de tourner sûrement un peu trop fort et trop vite dans son esprit. Elle lui donna raison une seconde plus tard :

-Et cette personne, ça a été Farhan, asséna-t-elle. Enfin ... je sais que c'est à son contact que j'ai commencé à prendre les bonnes décisions. Avant Farhan, je restais la tempête aveugle, mais petit à petit je me suis sentie évoluer et quand bien même je faisais des choix qui n'avaient rien à avoir avec lui mais que moi ... mais je sentais tout de même qu'il était derrière.

- Sans doute, ouais. Mais pourquoi tu le dis comme si c'était une mauvaise chose ?

- Pas une mauvaise chose, non... Juste, je me demande parfois comment aurait tourné ma vie si je ne l'avais pas rencontré. Tu vois ce que je veux dire ? Comme si c'était à lui que je devais de ne pas avoir basculé, que ça ne tient qu'à ça... Et comment je peux me dire que je suis quelqu'un de bien s'il m'a fallu quelqu'un d'autre pour y arriver ? Ça veut dire quoi ? Que sans Farhan, le monstre aurait gagné ? La tempête aurait gagné ?

- Jo...

Mais Joséphine avait visiblement ouvert un barrage dont le flot n'avait pas fini de s'écouler de sa poitrine. Elle jeta les mains vers le ciel, agitée, et il la laissa continuer, habité par une sensation de déjà-vu prégnante.

- Et attention, j'aime Farhan de tout mon cœur, affirma Joséphine avec passion, mais l'idée de lui devoir ce que je suis aujourd'hui me dérange aussi, tu vois. Je vis dans son appartement au-dessus de sa boutique, quand tout tourne je me raccroche à lui comme à une bouée, et je suis si persuadée que s'il partait je ... (elle laissa s'envoler la possibilité avant d'embrayer avec plus de fermeté : ) Comment je peux être vraiment moi si c'est grâce à lui ? Oh, je suis désolée, ça ne doit avoir aucun sens tout ce que je raconte...

- Bien sûr que ça en a.

Pour tout dire, ça en avait peut-être même un peu trop et il songea à esquiver le sujet, incertain de vouloir vraiment s'y engouffrer, mais il capta le regard surpris de Joséphine face à sa conviction. Surpris et teinté d'espoir. Il soupira.

- Ok, très bien, ça redemande une pause sur le banc des aveux et des confessions. Viens là.

D'un geste, il l'invita à se rassoir sur le même banc où ils avaient discuté en arrivant et Joséphine ne battit même pas un cil. Sans cérémonie, elle y grimpa pour s'assoir directement sur le dossier, les jambes étendues devant elle et il s'y laissa tomber à son tour.

- Pendant très longtemps j'ai eu la même sensation avec Julian, avoua-t-il finalement. Que tout ce que je suis, que tout ce que j'ai, je lui devais à lui. Il m'a construit, déconstruit, j'étais presque sa créature. C'est ce que je pensais. Ça a failli nous bouffer...

- A ce point ?

- Hum... Imagine le tableau, miss Abbot. Je te l'ai dit, j'étais un con plus jeune, mais un con qui savait ce qu'il voulait. Enfin, plus ou moins. Et s'il y a une chose que je voulais, c'était Jules. J'étais trop amoureux de lui pour autre chose... Alors j'ai accepté de me regarder dans un miroir et de changer, de me plier à ses conditions. Elles étaient plutôt valables, vraiment. Elles étaient là pour me pousser à être la meilleure version de moi-même. Seulement, une fois la ligne d'arrivée franchie et quand je suis arrivé en Angleterre, je me suis rendu compte que... je devais tout à Jules. J'habitais chez lui aussi, on vivait sur le peu d'argent qu'il se faisait parce que je galérais à trouver ma voie, je ne connaissais des gens qu'à travers lui. Littéralement, s'il devait partir, j'avais peur que tout s'écroule et surtout je me disais qu'il ne me trouverait plus aucun intérêt maintenant que j'avais changé. Le travail était fini, tu vois ? Et notre relation était déséquilibrée parce que, sincèrement, qu'est-ce que je lui avais apporté, moi ?

Il ponctua ses questions d'un bruit de gorge équivoque, mal à l'aise. Morgane, c'était étrange de déterrer ces vieilles angoisses, celles qui l'avaient laissé les yeux grands ouverts des soirées entières à une époque, surtout maintenant qu'il les avait plus ou moins surmonté. C'était comme profaner une tombe joliment fleurie, baignée par le soleil, et y retrouver tous les mauvais souvenirs qu'on y avait un jour associés. Mais c'était juste ce que c'était pour lui, justement : des souvenirs. En tournant la tête et en accrochant le regard de Joséphine, il vit soudain que ce qu'il venait d'énoncer était loin d'appartenir au passé pour elle. C'était un présent brûlant. Et c'est parce qu'elle risquait de s'embraser face à ces considérations qu'il s'ouvrait ainsi. Autant que son expérience serve ... lui serve à elle, particulièrement, cette toute jeune fille mue par la même flamme que lui. Les traits figés, elle déglutit, puis se mit à jouer avec sa bague pour ne pas avoir à le regarder.

- C'est ça, le problème... marmonna-t-elle. J'ai l'impression parfois que Farhan m'a sauvé de moi-même, qu'il m'a porté... Mais moi ? Moi, je n'ai porté personne et certainement pas lui... encore maintenant, qu'est-ce que j'apporte à notre couple ? Tu as vu le salaire que tu me donnes ? Même financièrement c'est lui qui doit me trainer ... Comme si j'étais juste un poids...

La gorge enrouée, elle faillit s'étouffer sur les derniers mots et il n'osa pas imaginer la cage qui devait étouffer sa poitrine en les prononçant. Il n'était pas dupe. Une idée pareille ne naissait pas juste d'une seule relation, ni même de deux s'il en croyait son histoire avec le fameux meilleur ami de Farhan dont il ne se remettait pas. Non, une idée pareille prenait racine bien plus profondément et il se fit une note mentale d'un jour lui demander comment étaient ses parents dans son enfance. Il soupçonnait qu'Hilda et les siens avaient quelques points communs. Mais emprunter ce chemin tout de suite aurait sans doute été un peu trop et il resta concentré sur le sujet présent.

- Alors ça, tu vois, j'y crois pas une seconde, lança-t-il avec conviction. Tu m'as dit que Farhan avait vécu des choses difficiles pendant votre dernière année, c'est ça ? Qu'il avait retrouvé sa sœur ?

- Oui, mais...

- Et tu crois que ça a été simple pour lui ? Qu'à aucun moment il ne s'est appuyé sur toi ? Franchement, je n'étais pas là, mais ça me paraît peu probable, Jo.

- Mais c'est moi qui aie provoqué tout ça ! Il ne voulait même pas savoir...

- Parce qu'il avait peur. T'as dit qu'il avait perdu sa famille pendant la guerre, alors évidemment qu'en avoir une nouvelle et prendre le risque de pouvoir la reperdre un jour doit être effrayant. Mais est-ce qu'il le regrette aujourd'hui ?

Joséphine secoua la tête.

- Non, évidemment que non, il adore Maya...

- Tu vois. Parfois, porter les autres, ce n'est pas toujours les préserver. Je ne dis pas qu'il faut les bousculer tout le temps, mais il faut aussi savoir comment être là pour eux. C'est comme ça que tu rééquilibres les choses.

- Sur le papier, sans doute... Mais j'ai toujours peur de tout gâcher. Pour Farhan, ça vient toujours si naturellement, il sait quoi me dire, quoi faire... Moi, je brûle tout ce que je touche si je ne fais pas attention.

A nouveau, elle baissa les yeux sur ses doigts, comme si elle s'attendait à ce qu'ils prennent feu et il sentit son ventre se serrer. Il se revit à vingt ans à peine, persuadé qu'il ne pourrait pas aider Julian à lutter contre ses démons, qu'un mot de travers suffirait à tout faire exploser, à se demander comment Julian y arrivait si naturellement avec lui et qu'il n'arrivait pas à lui rendre la pareille... Ses doutes avaient failli le paralyser et il détestait en voir le reflet sur le visage d'habitude si confiant de Joséphine.

- Tu veux mon avis ? Il n'y a que ceux qui ne font rien et qui ne luttent contre rien qui brûlent tout, dit-il d'une voix ferme. Parce qu'ils laissent faire et regardent les autres couler. Tu crois que Jules ne s'est jamais planté ? Ou n'a jamais perdu patience avec moi ? Evidemment que si et ce n'est pas grave. L'important, c'est que quand j'eu besoin de lui, il était là et vice-versa. Ne te fais pas d'illusion, Jo, il n'y a pas que les gens comme nous qui ont besoin d'être porté...

- Juste plus que les autres...

- Non, même pas. On est juste plus bruyants pour exprimer notre mal-être, on prend plus de place, c'est tout. Mais quand je te dis que j'ai dû porter Julian à bout de bras à un moment, je ne mens pas.

- Ah ?

- Hum... Disons qu'il n'y a pas que la famille de Farhan qui a été victime de la guerre, il y a eu son meilleur ami aussi. Ça a été... violent. Pour Julian et pour Charity d'ailleurs.

Peut-être que ça avait été cela le plus difficile avec le recul. Porter les deux en même temps, les voir s'écrouler de deux façons complètement différentes et ne pas savoir lequel des deux finiraient par toucher le fond en premier. Il revoyait les cernes sur le visage de Julian, résolu jusqu'à l'absurde à assister à chaque putain de procès à Londres, persuadé que ça rendrait justice à Matthew d'une certaine façon. Il revoyait le regard vide de Charity, comme si toute la lumière lui avait été arrachée, et sa capacité à boire des verres en boîte pour essayer d'oublier sa douleur le temps d'une soirée. Il s'était refusé à les laisser sombrer sans rien faire. Quitte à s'y perdre lui-même un peu au passage et à faire tourner sa vie autour d'eux, mais c'était une autre histoire.

- Enfin bref on s'en fiche de ça, reprit-il en sentant le regard inquiet de Joséphine sur lui. Tu as juste à montrer à Farhan que t'es là, Jo, et c'est tout, tu comprends ? On ne te demande pas l'impossible. Il y a une marge entre le monstre et la sainte, c'est là que tu opères. Tant que tu restes dans cette zone, tu porteras Farhan autant qu'il te porte toi, même si t'en as pas l'impression tout de suite, crois-moi. Je ne sais pas à quoi il ressemble mais je suppose que c'est quelqu'un d'intelligent ... et qu'il ne garderait pas dans sa vie une femme qui est un poids pour lui.

La femme en question releva la tête pour le dévisager quelques secondes, songeuse. Son visage où se mêlait désarroi et détermination, il lut qu'il l'avait plus ou moins convaincu, mais que seule l'expérience arriverait vraiment à la persuader.

-Eh, ajouta-t-il en une dernière tentative. Je te rappelle que j'étais le grand vainqueur de la monstruosité, tout à l'heure. Et Julian et moi on est encore ensemble. Et on est heureux. Et je te jure qu'en rentrant je vais l'allonger sur la pelouse et qu'on va ...

-OK, stop, tu lui fais ce que tu veux mais garde tes fantasmes pour toi ! glapit-t-elle, une main sur le cœur.

-Alors que c'est une image si réjouissante ! Mais ce que je veux dire, c'est que si on en est encore à ce point avec Julian, il n'y a aucune raison qu'il n'en soit pas de même pour Farhan et toi.

Joséphine resta coite, les yeux perdus dans le vide, avant de tourner le visage vers elle. Noah fut rassuré de voir un sourire relevé ses lèvres :

-Parce qu'on est pareil, c'est ça ?

Pareil ? Noah aurait voulu prendre la hauteur et protester ... mais c'était bien la leçon principale qu'il avait appris depuis deux ans qu'il travaillait avec Joséphine Abbot. Mais il avait été loin de soupçonner à quel point. Jusque là c'était leurs esprits qu'il avait estimé identiques. Maintenant, et chaque jour davantage, il songeait que même leurs cicatrices étaient étrangement jumelles ...

Mais assez des cicatrices. La journée était trop belle pour qu'ils continuent de la noircir avec des doutes et le sombre écho des personnes qu'ils avaient été. Un jour, ils avaient fait les bons choix et avaient arrimés leurs bateaux aux bonnes personnes. Maintenant, la vie était belle. Et il fallait absolument que Joséphine s'en persuade plutôt que de ressasser.

- Bon, maintenant que notre psychanalyse est terminée, on peut rentrer ? proposa-t-il avec un sourire qu'il espérait délicieux, mais qu'il pensait insupportable. T'as un article à faire, je te rappelle. Et il a intérêt à être brillant.

- Tout ce que je fais est brillant, rétorqua-t-elle avec une dérision qui la caractérisait déjà plus.

- Ouais ? Parfait alors, je peux te laisser rentrer à la rédaction toute seule pour travailler. J'ai quelqu'un à aller récupérer pour l'embrasser langoureusement sur une pelouse.

Sur ces bons mots, il se leva, le corps déjà en mouvement et il perçut le hoquet d'indignation de Joséphine dans son dos alors qu'elle bondissait pour le rattraper.

- Hors de question ! Noah ! Reviens !

- Cours plus vite, la stagiaire.

- Noah !

Mais Noah dévalait la route, profitant des paysages teintés d'une joyeuse couleur jaune et de la conclusion qu'il tirait de tout ça : si monstre il y avait eu, il était derrière lui. A présent, Julian Shelton l'attendait quelque part et il n'avait qu'une envie : l'embrasser furieusement sur une pelouse chauffée par le soleil et se féliciter de la fin d'une nouvelle journée accomplie. 

***

Aloooors? Qu'avez-vous penser de cette (longue) partie? 

Oh attendez break Penny est venue chercher des câlins je reviens. 

C'est bon elle a sa dose de ron-ron. I'm back. 

J'espère que le principe de ce bonus vous plait ! Encore une fois si vous avez des attentes ou des envies, n'hésitez pas à nous en faire part, ça nous donnera de la matière et on adooore les écrire ! On vient de se rajouter deux parties donc ça monte le bonus à 6 parties à priori ! 

Bon sur ce profitez bien du dernier week-end de vacances, bonne reprise à tous.tes et vous retrouverez LHDI la semaine prochaine ! 

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