Assis, les genoux repliés contre son torse, il comptemplait cette démonstration de pleine liberté : haine et ivresse, violence et indépendance se brouillaient. Il était convaincu que les flots avaient une âme, c'est ainsi qu'il se plaisait à écouter et observer l'eau s'engouffrer dans les failles et submerger les vasques ; à recouvrir, noyer sous son volume les rochers ; puis à ruisseller le long des sillons creusés. Plus près, cramponées à la pierre, les algues ondulaient au gré des mouvements. Et lorsque la houle se retirait dans un mouvement hypnotique, ce n'était que pour mieux revenir; les deux masses venaient l'une à la rencontre de l'autre, se caressaient, se fondaient et comme par une incompatibilité soudaine, elles s'affrontaient dans un bouquet de crème blanche. Elles venaient s'écraser contre la pierre l'éclaboussant, la mousse blanche et bulleuse semblait s'immobiliser dans l'air, et finalement retombait avec force venant de nouveau se fracasser contre la roche. On aurait dit qu'elle l'attaquait, libre et plus forte que tout. Et le garçon ne faisait pas exception. Les flots semblaient lui intimer à lui aussi de reculer. Mais il restait assis, fasciné, acceptant ce mécontentement de la part de la mer. Il lui répondait.
Mais parfois, la houle était plus douce; elle s'approchait des rochers avec la douceur d'une mère, et venait les draper et border de sa propre essence.

Peut être bien que la mer ne faisait pas qu'une, elle paraissait souvent dissociée. Peut être n'était-elle pas une seule unité? Mais tout ceci lui importait peu, lui, au garçon. Il se disait que ça lui ferait juste plus d'amis.