[SKZ + JILIX]
— ANGST, 2018.

Depuis un long moment, la nuit était tombée ; plongeant Seoul dans une obscurité épaisse et totale. Peu de gens s'aventuraient dans les rues de la capitale à des heures si tardives et la presque totalité de sa population était assoupie. Jisung, quant à lui, allongé sur son lit ; ne semblait pas prêt à retrouver le sommeil de sitôt.

Pour cause : les sanglots émanant de la salle de bain adjacente qui lui parvenaient en sons étouffés. Le brunet sentait son coeur se serrer malgré ses paupières lourdes et son esprit engourdi de fatigue.

Quelques minutes auparavant, il avait entendu des portes claquer, des éclats de voix indistincts et des reproches acides.

Jisung aurait préféré ne rien entendre, ce n'était pas ses affaires après tout ; mais les plaintes qui lui chatouillaient les tympans ne lui étaient que trop familières. Il aurait pu reconnaître cette voix entre milles tant il l'avait écoutée avec attention des heures durant.

Soufflant doucement, le jeune homme porta ses mains à son visage, le frottant rapidement avant de se redresser péniblement. Dire qu'il avait envie de se diriger vers la provenance des pleurs aurait été mentir. Certes Jisung ne pouvait supporter la vision ou l'entente de quelqu'un de triste et faisait de son devoir de rendre tous ses amis souriants ; mais pas vraiment quand il savait parfaitement qu'il serait, en fin de compte, le plus blessé des deux.

À pas de loup, le brun évolua dans sa chambre, évitant les lattes du parquet qu'il savait grinçantes afin de ne pas réveiller Jeongin ou Seungmin, ses précieux colocataires au sommeil léger.

Rapidement, il fut dans le couloir. Jisung sentit son coeur se serrer alors que les sanglots étouffés ne semblaient vouloir s'arrêter. Il prit une longue inspiration en resserrant le noeud de son jogging trop large, espérant calmer la tempête de ses pensées et les palpitations qui le secouaient un peu trop à son goût. Laissant retomber ses épaules tendues, le brunet souffla et entreprit de faire les derniers pas qui le séparaient de la fameuse salle de bain.

Avec une douceur infinie, il posa sa paume sur le bois clair de la porte et la poussa lentement. Puis, timidement, le jeune homme passa son visage noyé sous ses cheveux décoiffés par l'entrebâillement qu'il venait d'ouvrir. Et dans le plus grand des silences, il attendit de se faire remarquer, ce qui ne prit que peu de temps au vu de la porte qui était toujours aussi mal huilée.

Il rencontra ses yeux rouges noyés de larmes et Jisung se sentit mourir un peu.

Ses genoux se faisaient faibles, si faibles qu'il aurait pu s'effondrer juste là, sur le carrelage de cette salle de bain. Écarquillées, ses pupilles se baladèrent sur la figure de son vis à vis ; elles longèrent la ligne de son nez, arpentèrent les cernes plus que visibles qui habillaient son regard et voltigèrent par dessus les étoiles qui parsemaient ses pommettes rougies de tristesse.

Jisung ferma la porte derrière lui avant de s'approcher de l'autre jeune homme qui, honteux, avait baissé la tête.

« Felix, regarde moi. » avait-il dit, les mots grattant inconfortablement contre sa gorge sèche.

Le susnommé secoua la tête, laissant ses cheveux décolorés valser au rythme de ces mouvements et ses sanglots se firent moins discrets, plus explosifs maintenant qu'il était en compagnie.

« S'il te plait. » supplia le brun.

Aucune réaction, juste des pleurs un peu plus bruyants et des larmes plus lourdes.

Jisung, désormais agenouillé, avala sa salive avant de poser ses paumes contre les joues aussi brûlantes qu'humides du blond. D'une simple pression, il le força à lever la tête puis croiser son regard brumeux, confus, blessé. Ça ne fit qu'amplifier l'état de détresse de l'Australien qui, brisé, tenta de couvrir sa figure peu glorieuse de ses propres mains.

Bien que c'était loin d'être la première fois, Felix ne voulait pas qu'on le voit dans un état pareil.

Mais Jisung n'en avait que faire et l'empêcha de dissimuler sa détresse alors qu'il maintenait sa ferme prise sur son si joli visage arrondi. Au contraire, il s'approcha un peu plus, sachant que son meilleur ami aimait le contact physique autant que lui.

Leur orbes enfin croisées ils ne dirent rien. Le brun regardait les perles salées dévaler le long des joues de son vis à vis, de ses doigts, alors que ce dernier écoutait sa respiration stable mais rapide.

Ils restèrent ainsi, jusqu'à ce que les sanglots se calment au moins un peu et que le blond puisse reprendre son souffle qui se faisait un peu trop court.

« C'est encore Changbin ? » demanda simplement le brun, au bout de quelques minutes.

Les yeux de l'Australien se remplirent à nouveau de larmes tandis que son corps fut secoué d'autres sanglots. Tremblant, il se saisit des poignets de l'autre, les serrant fermement entre ses doigts fins, et acquiesça rapidement ; affirmant donc la fameuse interrogation.

Depuis quelques mois, Felix fréquentait Changbin un peu plus intimement que Jisung l'avait prévu. Il ne savait vraiment quand ça avait commencé mais il avait su que ça allait finalement se goupiller de cette façon. C'était les sourires qu'ils s'adressaient, les regards qu'ils se volaient d'un bout à l'autre de l'appartement qu'ils partageaient à neuf ou les nombreuses autres marques d'affection qui attisaient l'hostilité du brun.

Peut être que Jisung aurait pu éviter de tels événements. Il aurait dû s'opposer à ce qu'ils partagent une chambre rien qu'à deux, il aurait dû se proposer pour aider le blond à améliorer ses capacités en rap ou chant à la place de Changbin, ou simplement s'occuper un peu mieux de leur si belle amitié qui, au fond, ne le satisfaisait plus autant qu'avant.

Jisung était jaloux et les nombreuses disputes au sein du couple qui détruisaient Felix à petit feu n'arrangeaient en rien les choses.

Il aurait voulu lui dire de rompre avec lui, d'arrêter de s'accrocher à une relation qui lui était si toxique. Cependant, il savait que tout cela faisait partie de la grande aventure qu'était l'amour et d'au combien ils s'appréciaient réellement.

Son amour non-réciproque ne faisait simplement pas le poids ; alors, Jisung taisait beaucoup de choses.

« Il est sorti ? » chuchota-t-il presque.

Le blond acquiesça mais cette simple question sembla le toucher un peu trop.

« J-jisung, il est hors de lui. Il a dit qu'il allait au JYP building mais j'ai peur qu'il lui arrive quelque chose ! »

Sa respiration s'accéléra et il sembla presque s'étouffer sur ses syllabes alors que sa prise sur les poignets de son meilleur ami se resserra et que ses membres furent pris de tremblements incontrôlables. Le brunet battit des paupières en observant le changement de comportement du blond dont les pleurs s'amplifiaient de façon significative.

« Imagine si il fait pas attention ! I-il peut se faire renverser ou faire une connerie je sais pas. Je dois aller l-le chercher ! »

Felix paniquait, il voulait bouger mais son corps ne lui obéissait pas. Il avait l'impression de manquer d'air, que son diaphragme ne voulait plus se mouvoir et que chacun de ses membres se retrouvait paralysés dans sa torpeur.

Le brun lui murmurait de se calmer, de respirer au rythme qu'il comptait pour lui ; aucune amélioration. Essayant de le garder concentré, Jisung posa son front contre celui de l'Australien tout en tenant toujours aussi fermement son visage entre ses mains légèrement moites.

Mais rien n'y faisait ; Felix, pris de frissons incontrôlables, s'étouffait presque en face de lui.

Alors, Jisung fit la première chose qui lui passa par la tête : poser ses lèvres sur celles de l'autre. Sans vraiment y réfléchir, il l'embrassa avec douceur caressant ses pommettes tachetées d'or du bout de ses pouces mouillés. 

C'était loin d'être la première fois que cela arrivait mais ce n'était pas assez fréquent pour que Jisung s'y habitue. Son palpitant s'emballait considérablement, des milliers de papillons retournaient son estomac et il se sentit presque perdre pied quand Felix l'embrassa en retour.

Les mains enroulées autour des poignets du brunet les relâchèrent lentement tandis que leurs muscles roses se caressaient avec tendresse. Jisung laissa ses doigts se perdre dans la chevelure blonde de son meilleur ami, enroulant distraitement quelques mèches autour de ses phalanges alors que le baiser, au désir du brun, s'apaisait peu à peu.

Felix, quant à lui, n'était pas tellement de cet avis. Il avait besoin de ce contact, il avait besoin de sentir Jisung si proche - aussi étrange cela puisse être -, il avait besoin de cette présence si rassurante. Le brun était comme sa bouteille d'oxygène, il lui était immédiatement indispensable et s'en séparer ne rimait à rien de bon.

Alors, il s'accrocha au T-shirt blanc de son ami, l'attirant un peu plus à lui alors que Jisung tentait tant bien que mal de s'écarter et Felix approfondit le baiser. Bien que tout ce que le brunet désirait était de donner une suite - sans fin - à cet échange, il se fit violence pour rester raisonnable. Ses mains se posèrent sur les épaules du blondinet, le poussant délicatement avant d'entrouvrir les yeux.

Leurs regards se croisèrent, Jisung ne put s'empêcher de baisser les yeux vers les lèvres mordues de son ami et Felix le remarqua instantanément puisqu'il tenta d'à nouveau clore la distance ; mais, vif, le brun l'en empêcha.

« C'est pas raisonnable. » dit-il simplement « Changbin finira bien par revenir, tu ne devrais pas t'en faire autant. »

L'Australien acquiesça doucement, baillant timidement dans le processus.

« Allez, on va se coucher. »

Jisung s'apprêta à se redresser, essayant d'emporter son acolyte avec lui. Mais ce dernier l'attira, à la place, dans une accolade chaleureuse. Pris de court, le jeune homme ne put faire autre chose que d'à son tour passer ses bras autour de la silhouette anormalement frêle de son meilleur ami.

Silence, plus aucun sanglots, juste des respirations inégales qui tentaient tant bien que mal de se stabiliser.

« Merci. » souffla le blond.

Jisung ne sourit pas, amer et sa figure de toute façon cachée à la vue de l'Australien. Il de contenta de se taire et d'exercer de fines caresses arrondies sur le dos de ce dernier. Il aurait pu dire que ce n'était rien, que c'était normal de faire des choses pareilles pour son meilleur ami.

Mais Jisung se sentait utilisé ; et ça, ce n'était pas normal.

Cependant, il n'en fit rien.

Cette nuit là, il borda Felix. Jisung resta à ses cotés, caressant ses cheveux, jusqu'à ce qu'il soit assoupi. Il ajusta ses couvertures, voulut embrasser son front mais se contint et sortit de sa chambre en fermant bien la porte derrière lui.

En voulant rejoindre la sienne, de chambre, il croisa Changbin qui venait à peine de rentrer. Ce dernier était tout aussi mal enpoint que son cher et tendre mais Jisung ne posa pas questions ; il se contenta de répondre à celles du noiraud.

Oui, Felix dormait.

Oui, il était calmé.

Oui, il avait fait une crise de panique et non, il ne lui en voulait pas.

Changbin le remercia ; Jisung ne dit rien de plus et rejoignit finalement sa couche.

C'était douloureux, ç'aurait été mentir que de le nier mais qu'est ce que le brun pouvait bien y faire ? Si aujourd'hui n'était pas le moment qu'il attendait depuis des mois, c'était ainsi. Et si c'était pour Felix, Jisung pouvait attendre, il pouvait encore se faire utiliser malgré l'amertume qui le submergeait sans cesse.

Puisque rien n'était trop beau pour Felix et qu'il était simplement persuadé qu'un jour, que ce soit dans cette vie ou une autre, ses sentiments seraient partagés.

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