one and only ; c.jin
[SKZ + CHANGJIN]
— FLUFF, 2022.
Changbin n'avait jamais cru au grand amour.
Appelez le cynique si vous voulez, c'était comme ça et on ne pouvait rien y faire. Il était plutôt du genre à penser qu'aimer était un concept et, puisqu'il ne comprenait pas l'abstrait, comment aurait-il pu croire en l'amour ?
Changbin en avait pourtant vues, des comédies romantiques. Il avait observé ses parents roucouler sur le canapé adjacent à son siège alors qu'il essayait de regarder le film qu'ils avaient choisi tous les trois. Chan, son meilleur ami, s'était aussi déjà donné en spectacle — malgré lui —, à discuter au téléphone avec sa petite amie de longue date, sa voix dégoulinante de miel. Changbin avait vu des couples se pavaner, visionné des séries à l'eau de rose et même écouté ses amis de son âge parler de ce que signifiait le verbe "aimer" pour eux.
Mais malgré tous leurs efforts, rien n'y faisait. Le noiraud haussait les épaules, soufflait que c'était "un peu gnangnan" et retournait vaquer à ses occupations.
Changbin, au cours de ses années lycée et universitaires, avait déjà eu deux petites copines et un petit ami. Il avait apprécié passer du temps à leurs cotés, découvrir ce qu'était la vie de couple et s'adonner à de multiples activités qu'il ne pouvait partager avec sa famille ou ses amis. Cependant, il trouvait toujours étrange, cette façon qu'ils avaient de lui reprocher qu'il ne s'investissait pas assez dans leur relation. Le jeune homme, à l'entente de cette remarque, tiquait et haussait un sourcil, à chaque fois.
Pourtant, Changbin estimait qu'il donnait beaucoup de son temps. Il trouvait simplement injuste de devoir choisir entre son partenaire ou ses amis. C'était toujours bizarre et lui donnait une étrange sensation à l'estomac. Et puis, peu après, suivait la question qui fâche. Changbin se souviendrait toujours de cet instant où Sooyoung, sa première copine sérieuse, l'avait apostrophé de la fameuse interrogation.
« Est-ce que tu m'aimes au moins ? »
Changbin avait pour principe de ne jamais mentir. Alors il confessait toujours ses vrais sentiments. Jamais la conversation ne s'était bien terminée. Changbin en sortait toujours célibataire et ennuyé, mais pas vraiment blessé. C'était un peu comme reculer de quelques cases au jeu de l'oie : absolument pas amusant mais rien de grave, on passait tous par là un jour.
Ce qu'il aimait le moins à propos des ruptures, c'était de devoir en parler à son entourage. Ce genre de discussion était toujours éreintant. On lui posait mille et une questions, on faisait la moue et on s'apitoyait même sur son sort alors qu'il n'en demandait pas tant. D'ailleurs, Changbin ne comprenait pas que ses amis et autres connaissances tenaient toujours à prendre son parti. Parce qu'il considérait que ces séparations étaient faites à l'amiable et n'avait jamais tenu ses partenaires pour responsable. Que ce soit Sooyoung, Jinsoul ou Woobin ; le jeune homme n'en gardait que de bons souvenirs. Et ce, même si ils avaient coupé les ponts depuis.
Les gens viennent et partent, pensait Changbin. Et il n'avait pas vraiment tort.
En plus de l'amour, ça ne servait à rien de lui parler de coup de foudre. Ou alors, il fallait s'attendre à un festival d'yeux levés et de soupirs las de la part de Changbin. Non seulement on croyait qu'il existait une personne parfaite en tout point, conçue pour nous et rien que nous — mais en plus, on tombait sous son charme dès le premier regard ? À d'autres !
Il avait déjà écouté Felix, le garçon qui s'asseyait toujours à ses cotés au cours de statistiques, parler en long et en large de son petit ami. Un fameux Jisung, qui étudiait la traduction au sein de leur université. Felix lui avait dit non pas une, mais bien deux fois qu'il avait eu un coup de foudre pour son compagnon. Ils s'étaient rencontrés au café qui faisait l'angle de la rue déversant l'appartement de son ami. Jisung avait commandé un Pumpkin Spice Latte et avait presque bousculé Felix en voulant sortir de l'établissement. Leurs regards s'étaient croisés, ils s'étaient souri et le reste n'était plus qu'à écrire.
Changbin avait beau écouter cette histoire encore et encore, jamais elle n'avait de sens pour lui. C'était bien beau de voir — de vivre — l'amour de cette façon. Mais toutes ces arabesques et jolies expressions n'étaient que très peu pour lui. Il préférait penser que, si il devait tomber amoureux un jour (ce dont il doutait), ça se ferait probablement très lentement ; au rythme des grains de poussière qui s'écoulent dans un sablier.
C'était d'ailleurs pour ça qu'il n'avait pas plus réfléchi que ça quand il avait accepté la requête de Chan, plusieurs mois auparavant. Son meilleur ami voulait lui présenter quelqu'un ; "un bon pote", qu'il avait dit. Changbin s'était contenté d'hausser les épaules. Il avait demandé pourquoi la proposition était si soudaine et Chan avait laissé ses yeux divaguer au gré des murs de sa chambre, comme si ses posters et autres photographies avaient soudainement gagné en intérêt.
Quelque chose que le noiraud faisait quand il mentait. Changbin n'était pas dupe.
Mais il l'avait laissé dire. Changbin avait autorisé Chan trouver un mensonge et lui avait fait croire qu'il était bel et bien trompé. De toute façon, c'était plus facile que d'essayer de lui tirer les vers du nez et Changbin avait à faire, ce jour là. Alors il avait accepté de rencontrer un fameux Hyunjin.
Étudiant en arts dramatiques, Hyunjin était un grand garçon à la silhouette longiligne. Enfin, grand, c'était vite dit, mais c'était l'impression que Changbin avait eu en le rencontrant. Mais soit, il digressait. Hyunjin avait des cheveux lisses et noirs qui tombaient sur ses épaules. Parfois, quand il était embarrassé, il enroulait une mèche ou l'autre autour de son index. Il les attachait aussi de temps à autres, ses cheveux, quand il montait sur scène et interprétait tel ou tel rôle. Et Changbin l'observait avec des yeux ronds.
Hyunjin parlait doucement. Il fallait tendre l'oreille pour entendre toutes ses ébauches de mots et autres syllabes qui n'aboutissaient parfois à rien mais qu'on ne pouvait s'empêcher de boire. Cependant, malgré la quiétude de ses paroles, Hyunjin rigolait fort. Il s'esclaffait de tout et même de rien, son rire s'envolant vers les aigus avant de dégringoler aux graves. Comme la musique, avait pensé Changbin.
La première fois qu'ils s'étaient vus, Hyunjin portait une chemise en soie lignée qu'il avait associée à un large pantalon noir. Par dessus, il avait jeté une longue veste marron puisqu'il faisait froid en octobre. Changbin, en l'apercevant, s'était dit qu'il était probablement mannequin. Alors, innocemment, il lui avait posé la question et Hyunjin avait rougi du bout de son nez jusqu'à la pointe de ses oreilles.
Hyunjin n'était pas mannequin et Changbin estimait que c'était du gâchis.
Les deux jeunes hommes s'étaient vu une fois, puis deux, puis trois et plus encore. Que ce soit au café, bar, restaurant, à la bibliothèque ou entre deux cours ; les rencontres étaient plaisantes. Et Changbin ne savait pas vraiment pourquoi Hyunjin avait demandé à Chan de les présenter l'un à l'autre.
Bien qu'ils avaient visiblement un ami en commun, jamais Changbin n'avait vu ou entendu parler de Hyunjin. C'était à se demander comment lui même en était venu à connaître Changbin. S'étaient-ils déjà vus ? Avaient-ils déjà discuté auparavant et Changbin ne s'en souvenait pas ? Ou alors, avaient-ils peut être participé à une même fête et s'étaient croisés sans que Changbin ne s'en rende compte ?
Quoi qu'il en soit, Changbin s'en fichait un petit peu. Il était satisfait de connaître Hyunjin maintenant et ne voulait pas trop en demander d'un coup. Changbin était un homme qui se contentait de peu ; même si il n'aimait pas vraiment ne pas tout savoir — ou plutôt, ne pas tout comprendre.
Hyunjin avait mis fin à sa perplexité un jeudi soir de novembre. Après avoir déambulé au gré du campus jusqu'à accompagner Changbin au bas de son immeuble, il avait fait la conversation durer. Comme si il ne voulait pas que son aîné monte à l'étage et le laisse là. Comme si il voulait que Changbin l'invite. Ce qu'il avait fait mais, étrangement, Hyunjin avait refusé et Changbin, confus, avait froncé les sourcils. Alors Hyunjin avait dit qu'il ne pouvait pas s'éterniser parce qu'il devait étudier ceci et cela. L'autre avait acquiescé et ils étaient restés là à se regarder dans le blanc des yeux, à observer les flaques sur le trottoir et sonder le bleu brouillard du ciel.
Enfin, Hyunjin avait pris son courage à deux mains, et avait fait un pas en direction de Changbin. Puis un deuxième ; Changbin, quant à lui, avait reculé d'un pas, plus par réflexe qu'autre chose. Et Hyunjin, même si il avait tiqué au geste incertain de l'autre, ne s'était pas dégonflé. D'une infinie douceur, il avait saisi le poignet du brun du bout de ses doigts. Son autre main, Hyunjin l'avait placée sur sa joue et, tendrement, il avait posé ses lèvres contre celles de Changbin.
C'était alors qu'il avait compris. Ce jour là, Chan essayait probablement d'arranger le coup pour Hyunjin — d'où les yeux fuyants et les mensonges bancals.
Bien que pris au dépourvu, Changbin avait délicatement glissé sa paume sur le dos de la main posée contre sa joue et, doucement, il avait rendu le baiser de Hyunjin. Du bout des lèvres, comme si il était timide, il avait intimé le beau noiraud à continuer. Ce que Hyunjin avait fait, sans se faire prier.
Il s'étaient embrassé exactement trois fois ce soir là, avant que Hyunjin ne doive retourner étudier. Changbin était rentré chez lui souriant, se chatouillant la nuque du bout des ongles tout en se demandant où tout cela allait mener. Chan avait-il parlé à Hyunjin de la relation compliquée que le brun entretenait avec le concept d'amour ?
Probablement pas, le meilleur ami de Changbin ne disait jamais plus que ce qui était nécessaire.
Hyunjin l'avait appelé le lendemain, juste pour parler, mais Changbin savait qu'il était probablement retourné par la veille. Alors ils en avaient discuté, tournant autour du pot puisqu'ils étaient un peu embarrassés. Hyunjin n'avait peut être pas prévu d'embrasser Changbin et s'était laissé aller à ses instincts plutôt que de réfléchir encore et encore.
Changbin avait dit que ça lui avait fait plaisir. Hyunjin, à l'autre bout du fil, avait rougi, puis bégayé, et l'autre, attendri, avait souri.
Au fil du temps, Changbin s'était pris à attendre Hyunjin — ses appels, ses visites, ses rires et ses baisers aussi. Si bien qu'il allait lui même à sa rencontre. Il venait s'assoir dans les amphithéâtres qu'il fréquentait, non pas pour suivre ses cours mais juste pour le voir. Il lui apportait parfois un café ou un muffin tout chaud qu'il venait tout juste d'acheter. De temps à autres, il se présentait même chez lui à l'improviste et Hyunjin le laissait toujours entrer, comme s'il l'avait attendu.
C'était différent des autres, pensait Changbin. Et ça ne le dérangeait pas.
D'autant plus que, tout ce qu'il faisait, Hyunjin le lui rendait. Le grand noiraud l'appelait souvent le matin, allait à la salle de sport sur le même emploi du temps que le sien ou calquait ses pauses sur les siennes lors des examens, juste pour qu'ils puissent se voir et lier leurs mains.
Sans vraiment en être conscient, Changbin commençait un peu à comprendre ce qu'entendaient les autres quand ils parlaient d'amour. Il se disait que c'était sûrement grâce à Hyunjin et ses sourires qui rivalisaient avec le soleil tant ils brillaient.
Malgré tout, "aimer", que ce soit pour Changbin ou qui que ce soit d'autre voudrait toujours dire quelque chose de différent. Et n'était-ce pas ça, la beauté de cette émotion si humaine ? Il n y avait pas une définition universelle. L'amour, c'était peut être trouver la pièce de puzzle qui s'imbriquait parfaitement dans la nôtre. Aussi surprenant cela puisse être, le brun pensait avoir trouvé la sienne.
Alors oui, Changbin ne croyait peut être pas au grand amour, mais il croyait en Hyunjin.
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