Enfant modèle
Su-Sook et Su-Hwa étaient jumelles. Deux soeurs calmes, polies et honnêtes, aux physiques presque identiques, excepté un grain de beauté que toutes deux portaient : Pour Su-Hwa, il était sur sa joue gauche, près de ses lèvres ; quant à Su-Sook il était sur sa joue droite, au niveau de sa mâchoire.
Su-Hwa et Su-Sook s'aimaient sincèrement et ne s'étaient jamais disputées. La première faisait du piano, la seconde se passionnait pour le dessin. Su-Hwa avait des notes excellentes et était aimée de tous. Su-Sook se débrouillait elle aussi très bien a l'école, même si elle n'avait pas beaucoup d'amis. Sa soeur avait pour habitude de ne pas faire attention à elle en classe.
Souvent, leurs parents invitaient des amis assez riches, plus âgés qu'eux, à prendre le thé. On les entendait souvent s'exclamer :
« Su-Hwa est une excellente élève, nous en sommes très fiers ! »
Les convives se questionnaient rarement sur les notes de Su-Sook, mais s'ils le faisaient la mère leur répondait sans enthousiasme :
« Pour l'instant, ses résultats scolaires sont corrects. »
Ils changeaient rapidement de sujet, et abordaient les talents en piano de Su-Hwa. Elle leur jouait alors un splendide morceau qui leur tirait des exclamations variées.
« Quel prodige ! Quelle artiste ! »
Quand venait le tour de Su-Sook de présenter ses peintures et ses esquisses, on riait ou détournait le regard.
« Les gens disent que l'art est subjectif, n'est ce pas ? Moi, je trouve que ça ne l'est pas, soit on a du talent soit on n'en a pas », glissait-on par exemple avec sournoiserie.
Ils lançaient des regards dédaigneux sur les myriades de couleur, et les parents haussaient les épaules. Su-Sook espérait toujours qu'ils la défendraient.
« Ce n'est qu'un hobby sans intérêt, elle finira par se rendre compte qu'il y a bien plus intéressant que... gribouiller... sur ses toiles en croyant réaliser quelque chose de beau. »
Su-Hwa, à l'instant suivant, était submergée de compliments sur son adorable visage que l'on couvrait de caresses, sur les robes élégantes qu'on lui offrait à chaque visite, sur ses manières si distinguées.
« Tu es si adorable avec ce grain de beauté sur la joue ! Cela te rend si unique ! » lui faisait-on remarquer.
Su-Sook s'empressait alors de soulever ses cheveux pour montrer son propre grain de beauté, en s'écriant :
« Moi aussi, j'en ai un ! Moi aussi ! »
Mais sa mère l'arrêtait aussitôt d'une tape légère sur la main, en lui murmurant à quel point il était impoli de se vanter et de tenter d'attirer l'attention.
On offrait alors une autre robe, des accessoires ou des ballerines à Su-Hwa, et on donnait un ridicule billet de quelques euros à Su-Sook pour ne pas laisser croire qu'on l'oubliait.
Les invités insistaient toujours pour entendre les talents de Su-Hwa au piano, puis ils partaient.
« Tu as été très impolie, Su-Sook », marmonnait alors le père avant de s'enfermer dans son bureau.
« Tu devrais prendre exemple sur ta sœur », commentait ensuite la mère.
Su-Sook, sans rien montrer, montait dans sa chambre et se remettait à dessiner. Parfois, sur ses esquisses, on pouvait reconnaître deux petites filles à la ressemblance troublante : L'une souriait et brillait de mille couleurs, l'autre pleurait et restait en nuances de gris.
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