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Os publié pour Halloween, âmes sensibles s'abstenir.

Bonne lecture...



══════⊹⊱❖⊰⊹══════



Je revois vaguement le carrelage. Sa fraicheur saisissant ma chair et ce jusqu'à mes chevilles dénudées. J'entends encore le bruit singulier de l'eau dans la baignoire et le crissement insupportable du vent contre la fenêtre. Ou peut-être était-ce celui de ses ongles... ?




« Bonjour, Taehyung »


Mes yeux s'entrouvrent difficilement à cette voix qui m'interpelle.

Où suis-je ?


« Nous t'attendions »


Au-dessus de moi, un homme se tenait debout. Un costume fabuleux fait de satin vert émeraude habillait sa musculature imposante. Un col blanc élégant remontait jusqu'à son visage souriant. Ses cheveux châtains tirant sur le gris, étaient légèrement en désordre, contrastant avec la magnificence de sa tenue et de son aura. Au-dessus de lui, le ciel était gris, menaçant.


« Aller debout »


Il me pressa et je m'aperçus enfin que j'étais allongé sur le sol. Un long chemin de graviers blanc s'étendait face à nous. Je pris vaguement le temps d'analyser le paysage qui m'entourait. Dans mon dos, un portail en fer forgé noir, laissait s'élever une grille sur plusieurs mètres en hauteur et en longueur. Le sommet de ce dernier était décoré de piques semblables à des flèches acérées. Personne n'aurait été en mesure de l'escalader, ni de l'enjamber une fois à son sommet, sous peine de voir ses chairs lacérées par le métal.


Par-delà le portail le monde semblait éteint. Évanouit. Une herbe sombre habillait le sol et s'étendait à perte de vue. Aucune montagne ne venait entraver l'horizon, cependant une brume dense condamnait ma perception. Une étrange sensation me prit aux tripes. Le ciel au-dessus de ma tête semblait bas. Des nuages épais aux reflets gris bleuté donnaient l'impression de couler sur la Terre.

Un orage approche. L'atmosphère était si étrange que je n'aurais su dire s'il faisait jour ou nuit...


Loin, face à nous, une bâtisse immense et resplendissante prenait place au cœur de ce décors irréel, mais n'en dénotait pas pour autant. De grandes fenêtres parsemaient symétriquement la devanture, recouverte çà et là d'un lierre grimpant. La blancheur immaculée de la façade me paraissait presque fausse, bien trop parfaite.

J'admirais quelques secondes cet endroit étrange et osais finalement balbutier quelques mots hésitants.


« Où sommes-nous ? »


J'interrogeais cet homme à ma droite, qui analysait silencieusement la moindre de mes réactions.


« Suis-moi »


Un large sourire prit forme sur ses traits chaleureux. Je ne le connaissais pas, ni n'avais pas la moindre idée de là où je me trouvais, ni même pourquoi j'étais ici. Mais cet homme face à moi, à la voix basse et aux sourire marqué de fossette, constituait mon seul repère. C'était avec appréhension que j'avais fini par obtempérer à sa demande, engageant le pas sur cette interminable allée.

Alors que nous marchions vers ce bâtiment mystérieux, mon hôte plaça nonchalamment une longue cigarette au filtre décoré de dorures, entre ses lèvres pleines. Il l'alluma simplement à l'aide d'un briquet en argent et se mit à tirer calmement sur le bâton de ce qui me parut être de la nicotine. Il emplit ses poumons du nuage toxique et relâcha la fumée dans une grande volute blanche aux reflets étonnamment sombres.

Je fronçais le nez, dérangé par l'odeur et tournais instinctivement la tête vers ce qui s'apparentait à être le jardin. Au loin, par-delà l'étendue de rosiers rouges à peine fleuris, j'aperçu une fontaine. Au diamètre gigantesque et aux jets puissants. L'eau s'élevait comme si elle souhaitait reproduire le chemin inverse de la pluie, avant de retomber en cascade dans le bassin de marbre veineux beige. D'élégantes gravures en arabesques décoraient son socle en relief, mais j'étais bien trop éloigné pour en apercevoir les détails.


Cependant, derrière l'eau, je devinais une silhouette. Gracile, fine, élégante.


Une femme.


A la chevelure noire, dévalant les courbes de son dos. Habillée d'une robe d'un bleu proche de celui du ciel d'une journée de printemps. Telle une nymphe, la peau blanche de la pointe de ses pieds nus, baignait dans l'eau claire de la fontaine. Elle semblait belle mais je ne distinguais pas son visage.

Elle m'est familière...


« Qui est-ce ? »


Je demandais dans un murmure.


« Qui donc ? »


Répondit l'homme élégant, en tirant probablement le dernier souffle de sa cigarette.


« Cette femme au loin »


Je désignais la fontaine avec hésitation en me tournant vers lui.


« Il n'y a personne »


Je fis volte-face, surpris.

Effectivement, elle avait disparu.

Perturbé, je restais figé à observer l'écoulement indéfini de l'eau quelques secondes. Puis une main se posa sur mon épaule.


« Allons-y... »


Son ton se fit moins chaleureux. Un peu plus pressant.


« Qui êtes-vous ? »


Je demandais enfin.


« Tu le sauras bientôt »


Nous nous engagions enfin sur les larges marches du perron pour atteinte l'immense porte de chêne massif aux poignées dorées. Encadrée de colonnes rappelant les temples de la Grèce Antique, je me sentis rapidement dérangé par cet endroit. Comme si tout mon être me criait de ne pas franchir ces portes. Néanmoins encouragé par l'invitation et le sourire enfantin de mon hôte, je franchis le battant et découvris une toute nouvelle atmosphère.

L'étrange sensation d'avoir pénétré dans un lieu sacré, saisit mon esprit. Alors instinctivement, j'essayais de me faire le plus discret et silencieux possible. Mesurant jusqu'au son de mes chaussures sur le carrelage à damier.


Au sol, de larges losanges beiges donnaient un aspect géométrique au marbre. La pièce était baignée dans la lumière, comme si le soleil pourtant absent à l'extérieur, bénissait cet endroit de ses lueurs divines. Des colonnes similaires à celles décorant l'entrée soutenaient les hauts plafonds ainsi qu'une large mezzanine de pierre. Depuis celle-ci, il devait surement être possible d'observer toute la magnificence des œuvres exposées. Des sculptures étaient disposées çà et là, de manière à laisser entrevoir la délicatesse de chacun de leurs détails. Probablement façonnés à la main. Je me perdis à admirer ces ouvrages durant quelques secondes, jusqu'à ce que mon regard ne se porte sur les murs.

Chacun était habillés de plusieurs tableaux, immenses, aux couleurs divines et aux techniques anciennes. Représentant des scènes de guerre ou des évènements religieux. Chaque pan libre portait une toile.

Tous.


Sauf un.


Seul l'un des murs, ne portait pas une peinture, mais un miroir.

Et face à ce miroir, un homme.

Mon hôte m'intima d'avancer, de m'approcher de lui, comme s'il était une simple œuvre. Comme si lui aussi était un élément à part entière du décor.

Son visage semblait façonné dans la cire. Sa peau était d'une blancheur opalescente, presque archangélique et contrastait légèrement avec le rose poudré de ses mèche assidument coiffées. Ses yeux le dévoraient lui-même, baignant ses iris profondes dans une auto-fascination déconcertante. Une main posée sur sa joue semblait avoir orienté ses traits face au miroir de manière à obtenir l'angle parfait de sa mâchoire. Ses lèvres ne prirent aucune émotion, laissant l'indifférence comme seule expression de sa délicatesse.

Je détaillais son corps comme s'il avait s'agit d'une des pièces d'un musée.

Son torse était habillé d'une chemise blanche savamment brodées de fleurs tout aussi immaculées. Seules deux stries bordeaux, aussi fines que des veines, tombaient en ligne droite jusqu'à ses hanches. Ses longues jambes étaient sobrement couvertes d'un pantalon à pince noir. Seul le col de sa chemise apportait une touche de réelle merveille à sa tenue. En triangle parfait entre son cou et ses clavicules, les tissu rouge sang était parfaitement replié et couvert de pierres précieuses aussi sombres que la nuit.

Ce simple élément inciter à faire converger toute l'attention en un simple point.

Son visage, figé dans la perfection.


« Je te présente Seokjin, le Narcissisme. »


La voix de mon hôte me sortit de ma contemplation tandis qu'il saisissait nonchalamment une flasque, de laquelle il prit une longue gorgée.


« Il est la seconde personne que tu rencontreras ici.

- Vous étiez la première ?

- Oui.

- Qui êtes-vous ? »


Il sourit mais ne répondit pas à ma question.


« Qu'est-ce que je fais ici ?

- Tu es ici pour comprendre »


Cependant, plus nous avancions, moins je comprenais...

On s'éloigna de quelques pas dans ce hall fabuleux, jusqu'à se retrouver sous la mezzanine. Au-dessus de nos têtes, s'élevait un balcon à la balustrade taillée dans une pierre veineuse. Appuyé sur celle-ci, un homme nous observait. Mon hôte s'arrêta et le toisa sans que son visage ne trahisse la moindre expression. Il porta une cigarette à ses lèvres peines et l'alluma avant de laisser une nouvelle volute s'élever jusqu'à cet homme étrange, qui fronça les sourcils.

Ce dernier semblait dédaigneux et méprisant. Ses cheveux d'un roux flamboyant étaient coiffés à la perfection et se mariaient à sa tenue, probablement réfléchie avec goût. Un pantalon noir et une chemise blanche des plus simples habillaient son corps fier et élancé. Cependant, toute la merveille de sa tenue se basait sur sa veste. D'un velours écarlate, elle donnait toute sa carrure à cet homme étrange. Un oiseau était brodé de fil d'or au niveau de son cœur. À première vue, il s'agissait d'un Phoenix.

Il me fixait intensément et un étrange sentiment de malaise me remua les entrailles. Dans son dos je découvris un carquois rempli de flèches aussi dorées que l'oiseau de son blason. Dans sa main gauche, un fabuleux arc était détendu. Il le tenait fermement, le poing serré sur le métal onéreux aussi brillant que ses flèches.


« Je te présente Hoseok, le Chasseur »


Je déglutis difficilement.


« Ne fais pas attention à lui. Il est simplement de passage. »


Aux mots de mon accompagnateur, le Chasseur s'éloigna de la rambarde et disparu derrière un rideau, dans la longueur de la mezzanine.


« Poursuivons notre chemin » il souffla.


Nous nous avançâmes dans un long couloir, dans lequel la lumière peinait visiblement à s'engouffrer. On marcha longuement, nos pas étouffés dans une moquette sombre recouvrant le sol. Entravée par l'obscurité, ma vision se fit de plus en plus altérée ne distinguant plus qu'un unique reflet sur la poignée d'argent que nous cherchions visiblement à atteindre.

Le long de ce couloir, une sensation particulière commença à s'immiscer dans ma cage thoracique, pressant ma respiration et accélérant imperceptiblement les battements de mon cœur. J'entendis un son, au loin, étouffé, sourd, quasi inaudible.


Un sanglot.


Une sensation de déjà vu me fit frémir violemment. Je vis dans mes souvenir un étrange flash blanc, de la céramique. Un bruit de porte qui claque me vrilla les tempes tandis que je posais ma main sur une des tapisseries qui ornait les murs et l'autre sur mon cœur. Ma tête me fit souffrir comme si mon crane venait d'être pris dans un étau. Dans la plissure du tissu à moins d'un mètre de ma main, je vis dépasse ce qui me sembla être des doigts gantés d'un voile noir. Ils disparurent derrière l'œuvre, sans que je puisse même discerner leur mouvement. Ma gorge s'obstrua d'elle-même tandis que mon cerveau m'envoyait des signaux m'alarmant d'un danger invisible. Mon pouls s'accéléra et mes paumes devinrent moites.


« Taehyung »


La voix de mon hôte me sortit instantanément de ma transe et j'eus un sursaut.


« Avançons. »


Il ne fit pas cas de mon trouble et poursuivit sa marche le long du couloir. Nos pas feutrés furent étouffés dans le sol et ce jusqu'à la porte au bout de cet immense dédale de fresques étonnamment familière.


« Ces toiles content la vie de l'Ange Samaël »


Pour toute réponse, j'hochais la tête, ignorant qui était cet ange. Sur l'instant je me moquais éperdument de ses explications évasives cherchant un tant soit peu à reprendre ce qui me restait de mon esprit embrumé, perturbé. Mon guide ouvrit la dernière porte, la plus grande et la plus décorée de toute celles que nous avions aperçu.


« Entre, je t'en prie »


Il me teint le battant avant de pénétrer à son tour dans cette pièce inconnue.

Le plafond était haut, peint de scènes angéliques et douces, représentant le paradis, ses nuages et sa lumière. Chaque détail de sa hauteur était mis en avant avec de longues et délicates moulures qui semblaient avoir été taillées à même la bâtisse. Les murs étaient d'un bleu pâle, tendre, réconfortant. Ce n'est qu'en posant les yeux que les meubles que je réalisais enfin que tout s'apparentait à une chambre d'enfant d'un ancien temps. Des rideaux en voilines fines. Un lit assez grand mais couvert de peluches usées faites à la main. Un tapis doux, étendu sur des lattes de bois sombres. Des armoire, commodes, chaises et tables couvertes de jouets, livres, vêtements et ce dans un désordre notable.


Tout dans cette pièce évoquait l'enfance, la tendresse.


Me perdant dans ma contemplation, j'en vins à remarquer l'élément central, une balançoire. Accrochée à même la fresque du plafond, donnant l'étrange impression de tomber des cieux comme un passage du paradis vers le monde des mortels.

Étendu sur celle-ci, un jeune homme restait silencieux. Presque figé dans une ascension mystique. Immobile, voué à erré sur Terre. Ses cheveux étaient eux aussi fixé dans le mouvement, ébouriffés, donnant à son visage cet air saint et juvénile. Les yeux clos, les lèvres rosées, déposées sur le sucre bleuté d'une sucette, il semblait prendre part lui aussi à son propre décor. Il tenait à bout de bras la corde de sa balancelle, la peau blanche de sa main, crispée sur ce lien vers le paradis. Ses jambes semblaient portées dans l'élévation, habillées d'un pantalon noir. Son bassin portant tout le poids de son corps sur la plaque de bois en équilibre et son buste vêtu d'une chemise aux motifs rappelant un fourreau, prenaient également part à l'immobilité de son être.


« Voici Jungkook, l'Innocence »

Je me tournais vers mon hôte dont j'avais presque oublié la présence, obnubilé par l'être figé sous mes yeux. Devant mon mutisme, il porta une coupe de cristal au verre fumé à ses lèvres charnues. Il eut un regard indifférent pour jeune garçon au centre de la pièce, puis laissa glisser un liquide vert jusqu'à sa bouche avant de s'en délecter de plusieurs gorgées.


« Monsieur ? »


Il haussa un sourcil à mon appellation, sans se défaire de son précieux élixir.


« Qui êtes-vous ? Je demandais, ayant une vague idée de la réponse.

- Namjoon, il répondit une fois sa boisson terminée »


Ma main se porta à ma nuque que je grattais nerveusement, ayant soudainement l'impression d'un manque.


« Enchanté, je suis l'Addiction »


Il précisa avec un sourire joyeux, presque malicieux, qui me mit immédiatement mal à l'aise.


« Je vois. Jusqu'ici, j'ai donc rencontré... l'Addiction, le Narcissisme et l'Innocence ?

- C'est exact.

- Mais dans quel but, Namjoon ? Je ne comprends pas. Quel est cet endroit ?

- Tu le sauras bien assez tôt, ne t'en fais pas »


Il s'avança vers moi et plaça amicalement son bras musclé autour de mes épaules et étonnamment je me surpris à y trouver une forme de réconfort.


« Il y a une chose que tu as mal comprise je crois, il remarqua en me soufflant à l'oreille.

- Quoi donc ? »


Il pointa la pièce derrière moi et je fis volteface. À ma grande surprise, la balançoire était désespérément vide. Mais toujours aussi immobile. Un violent sentiment de mal être me pris les tripes. Je portais une de mes mains à mon ventre douloureux tandis que l'autre se porta sur ma joue. Ma peau était froide, bien plus qu'à l'accoutumée. Chaque bribe de pensée se rassembla pour former une conclusion aussi cohérente qu'effrayante.



Jungkook avait disparu. 

Et c'était impossible.



Je me mis à le chercher du regard dans la pièce, persuadé qu'il était inconcevable qu'il ait pu filer sans faire le moindre bruit. Mais rien. Si ce n'était un tableau qui accrocha mon attention malgré moi : La Chute d'Icare de Brueghel. Je n'avais aucune idée de ce qu'il faisait là, ni pourquoi son ornement doré et sa simple présence me rendait étrangement nostalgique. Je m'avançais vers le tableau qui prenait place au bout d'un balcon de marbre. Je m'avançais vers l'œuvre, attiré, jusqu'à ce que le bruit du briquet de Namjoon ne me ramène à la réalité. Je reculais d'un pas, me demandant comment j'étais arrivé si vite sur le balcon et comment je m'étais retrouvé assis sur ce dernier, les pieds dans le vide à une hauteur vertigineuse et incohérente. Ma vision se troubla un instant et je réalisais :

J'avais eu envie de sauter.


J'avais eu envie de me jeter du haut de ce balcon, promis à une chute aussi mortelle que celle de cet homme peint.

Plus rien n'avait de sens.


« Suis-moi Taehyung, tu as encore quelques personnes à rencontrer »


Namjoon engagea le pas, une nouvelle cigarette fumante pincée fièrement entre son index et son majeur bagués. Je me mis à le suivre, rapprochant instinctivement mon corps du sien, comme si sa simple présente pouvait représenter une moindre forme de sécurité.

En arpentant un nouveau dédale de couloir bien plus sombre que le précédent, j'eus la sensation d'être épié, voir suivi. Les ombres prenaient des formes inquiétantes à la lueur des chandeliers et me faisaient voir des silhouettes inexistantes... Plus j'avançais plus l'oppression que je ressentais se faisait sournoise.

Cependant, malgré mon incompréhension, je ne pouvais nier qu'au fond de moi tout ceci avait un sens. Je n'aurais su l'expliquer. Tout mon esprit avait forgé une barrière à l'entendement de ma présence en ces lieux, mais à l'inverse mon corps et mon inconscient savaient parfaitement quoi faire, où aller. Comme si j'étais intimement convaincu que ma place était ici, dans ce Manoir à l'architecture aussi incohérente que divine. Je suivi Namjoon, tel un bateau voguant désespérément à la seule lueur d'un phare dans la nuit.

On s'arrêta au bout de ce qui me parut être une éternité face à une porte sombre, décorée bien différemment de la précédente. Elle semblait plus étroite, sculptée dans un bois fin à la poignée d'or.

Mon hôte m'invita à pousser le bâtant moi-même, m'indiquant que j'étais le seul à pénétrer dans cet endroit.


« Je t'attends à la sortie. C'est la seconde porte, en parfaite symétrie à celle-ci »


J'hochais la tête et enclenchais le mécanisme pour pouvoir avancer une nouvelle fois vers l'inconnu.

Jusqu'à cet instant, j'avais toujours eu une certaine forme de peur, voire d'angoisse à chaque nouvelle pièce que je découvrais, mais ce ne fut pas le cas pour celle-ci. Ma crainte s'était muée en appréhension, puis en curiosité. Il y avait quelque chose de malsain dans mon geste, je pouvais le sentir jusqu'à la pulpe de mes doigts. L'or de la poignée glissa sous ma peau lorsque je refermais le battant dans mon dos, découvrant un tout nouveau lieu. Une toute nouvelle atmosphère.

Le plafond ici était bien plus bas, donnant à la pièce une étrange impression de parfaite symétrie. Neuf carreaux de verre étaient disposés sur le sol et voyaient leurs jumeaux prendre place au-dessus de ma tête. Les murs et le sol étaient d'un bleu tirant sur le noir. Seule la moquette était recouverte de fin dessins blancs représentant un véritable par terre de Lys royaux. La luminosité était faible laissant presque dans l'ombre un immense lit finement drapé. En face de ce dernier, un balcon, similaire à celui présent dans la chambre de l'innocence. Disposé contre celui -ci, la représentation d'Icare. Je détournais le regard, extrêmement dérangé par cette nouvelle apparition.


« Bonsoir Taehyung »


Une voix douce et fluette, presque murmurée s'éleva du lit. Un jeune garçon se redressa en position assise, son corps simplement couvert par un voile de satin bordeaux particulièrement resplendissant. Ses jambes que je devinais fines, étaient dissimulés sous l'épais couvre lit sur lequel il s'était visiblement étendu avant mon arrivée. Un joli ruban de satin était noué sur ses yeux et le maintenait attaché au lit. Ses cheveux gris tombaient de manière angélique sur son visage poupon. Il me sonda intensément puis porta sa main dans son dos pour attraper une pomme. Il portât le fruit rouge sang à ses lèvres pleines et mordit dedans dans un mouvement terriblement suggestif. Son regard se fit malicieux tandis qu'une goutte de jus acidulé dévala son menton puis son cou. Cette vision me fit difficilement déglutir tandis que mon corps s'échauffait sans que je ne puisse contrôler quoique ce soit.


« Approche »


Il m'imposa en effectuant un petit signe de main adorable. Je le détaillais en m'avançant à contre cœur, intimement convaincu que quelque chose n'allait pas. Son air faussement ignorant me fit frémir. J'avais le pressentiment que ce garçon aux allures d'ange aveugle cachait une face démoniaque et clairvoyante. Je m'assis non loin de lui sur le bout du lit avant de demander pour ce qui me sembla être la millième fois :


« Qui es-tu ? »


Il laissa s'envoler un petit pouffement enfantin avant de se rapprocher de moi. Le drap de satin chuta sur son épaule avant de glisser dans son dos, révélant le velouté de sa peau, outrageusement exposée. C'est à cet instant précis que je réalisais qu'il était parfaitement nu.


« Je suis Jimin ! »


Il me répondit comme s'il venait d'énoncer la chose la plus évidente de l'univers. Je restais figé face à son corps aux courbes aussi fines que délicates. Ne pouvant m'empêcher de laisser courir mon regard affamé sur les détails de sa chair s'apparentant à celle d'une nymphe. Il se pencha dans mon cou, déposant sa petite main sur ma cuisse, bien trop haut pour que cela puisse paraitre un hasard, avant de susurrer d'une voix suave :


« Je suis la Tentation... »


Une sueur froide me fit trembler l'échine à l'instant où ses mots percutèrent les parois de ma conscience. Je me redressais brusquement, l'abandonnant sur les draps défaits, en proie à une panique lancinante. La situation avait viré dans les courbes vicieuses de la perversion en une fraction de seconde. Son corps révélé ne l'empêcha pas de laisser s'envoler un rire cristallin, aussi doux qu'une caresse. Aussi enchanteur que son visage. Aussi sournois que ses intentions. Sans que je ne l'eusse contrôlé, mon corps s'était embrasé. Mes joues étaient rouges, mon souffle court et mes jambes légèrement cotonneuses. Ce petit être m'avait à peine effleuré mais m'avait pourtant donné l'affreuse impression d'avoir échangé un baiser ardent. Mes lèvres étaient bien plus gonflées et ma peau brûlante. Je passais ma langue sur mes lippes dans un sursaut de raison avant de me précipiter vers la porte de sortie.

Seuls les rires de Jimin m'accompagnèrent dans ma fuite, leur écho contre mes tempes se muant en une sorte de cris étranges.


J'avais l'impression de l'entendre gémir.


Je me mis à courir, même après avoir refermé et dépassé la porte de plusieurs mètres. Je voulais juste m'éloigner de lui. De son aura. C'était mal. C'était dérangeant. Et c'était beaucoup trop tentant. J'étais persuadé que si j'avais passé ne serait-ce qu'une minute de plus dans cette pièce à l'atmosphère étouffante, je me serais probablement noyé dans les filets de cet être enjôleur.

Après une longue course hasardeuse à travers le labyrinthe de couloirs, je décidais de m'arrêter, entendant encore faiblement les bribes de la voix qui me collaient à la peau. Il me fallut quelques secondes pour réaliser que j'étais à nouveau dans un des culs de sac de ce maudit Manoir. Ce dernier était bien plus sombre et les tapisseries et toiles au mur semblaient bien moins vives que celles qui couvraient l'entrée de la porte de Jungkook.

Une grande silhouette se tenais au bout de ce dernier, je la percevais difficilement.


« Namjoon ? »


J'appelais d'une petite voix. Je n'obtiens pour réponse qu'un faible ricanement. Peu rassuré je m'avançais à pas hésitant jusqu'à me trouver à seulement quelques mètres de mon hôte. Une fois suffisamment proche je réalisais qu'il avait changé de vêtements. Abandonnant son resplendissant ensemble émeraude pour un costume aussi noir que le néant. Je l'observais, intrigué par son comportement suspect. Et à l'instant où j'annotais un détail, mes mains se mirent à trembler. Namjoon était grand. Bien plus grand et musclé que la personne qui se tenait dos à moi.

Un violent haut le cœur me remua tandis que j'apercevais ce qu'il tenait dans sa main gantée. Une longue mèche de cheveux ébène pendait au bout de ses ongles. Je ne saurais expliquer pourquoi mais mon cœur me fit atrocement souffrir à cette vision.


L'homme fit volteface.


Son visage n'était pas encore visible tandis qu'une voix m'interpella dans mon dos.


« Taehyung ! »


Je me tournais en sursautant, voyant Namjoon accourir vers moi dans le couloir.


« Bon sang, mais où étais-tu passé ?

- J-Je... »


Encore chamboulé par mes visions je pointais avec hésitation le fond du couloir où j'avais vu cet homme étrange et inquiétant.


« Quoi ? »


Il ne sembla pas comprendre ce qui causait mon trouble, alors dans un élan de courage je me tournais pour lui désigner ce qui m'avait valu une effroyable sensation de malaise.

Mais à mon grand étonnement, il n'y avait rien. Plus rien.

Ce personnage s'était volatilisé et j'en venais à me demander si je n'étais pas en train de devenir totalement fou.


« Allons-y, ne perdons pas de temps »


Namjoon s'impatienta et me pris par la manche pour me faire traverser cet espace perturbant où l'homme avait ri en serrant la mèche de cheveux emmêlée entre ses longs doigts noirs. J'eus envie de vomir, puis de pleurer. Un bruit caractéristique de sanglot raisonna dans ma mémoire, associé à un crissement désagréable qui aurait pu s'apparenter à des ongles sur de la céramique. Mes pensées devinrent une pure tornade d'incompréhension jusqu'à ce que mon hôte ne me tire de force dans une nouvelle pièce, plongée dans l'ombre.

On discernait avec peine la place des murs, du sol et du plafond, cette nouvelle salle avait un début, une porte, mais pas de fin. Namjoon referma le battant que je n'avais même pas aperçu tant il m'avait pressé pour entrer. Une fois clos, le dernier filet de lumière qui éclairait la pièce avec difficulté, fut noyé dans une mer de ténèbres. Mes yeux mirent un temps fou à s'accommoder à la pénombre. Alors que je tentais désespérément de comprendre où j'étais, mon cœur fit un étrange bond dans ma cage thoracique. Mes mains se firent de plus en plus froide alors que la température de la pièce n'avait pas changé d'un moindre degré. Ma gorge se contracta, comme prise dans un étaux tandis que des larmes incontrôlées me montèrent aux yeux. Une affreuse sensation d'oppression, de peine profonde me vrilla les entrailles et je nouais mes bras à mon buste pour l'enserrer.


« N-Namjoon... »

Je l'appelais dans ma détresse.

« Chht ! Pas un bruit. »


Il murmura dans mon dos. Ses mots s'envolèrent dans le silence religieux de cet endroit étrange, à l'image d'une onde.

A l'instant où ma voix allait s'élever pour lui demander de nous sortir d'ici, une étrange lumière chuta du ciel, tel une manifestation divine. Une cascade lumineuse blanche se déversait des hauteurs jusqu'au sol, reflétant ses lueurs dans un cercle de clarté opalescente. Un mouvement d'élévation me fit comprendre qu'il s'agissait en réalité un immense lustre en spirale qui couvrait sous ses reflets, un fabuleux orgue de bois laqué. Tout mon mal être disparu et fut emporté, drainé, lorsque j'aperçu l'homme assis face à l'instrument.

Il semblait frêle, épuisé. Son visage pâle était marqué par la vie bien qu'il ne me parût pas âgé. Dans le silence fracassant de la pénombre, ses mains s'élevèrent dans les airs, blanches comme l'ivoire des touches de l'orgue majestueux qui semblait faire partit de lui. Ses cheveux étaient aussi sombres que le reste des reflets de la pièce. Habillé d'une élégante chemise de satin noir, son corps fin se mit à bouger lorsqu'enfin ses doigts firent s'élever les premières notes d'une mélodie macabre. Plusieurs longues secondes s'écoulèrent au son pesant de l'instrument, secondes durant lesquelles mon cœur assistait à un spectacle déchirant.


Les yeux en amande de cet homme laissaient entrevoir une lueur de désespoir froid. Une sorte de mélange perturbant compris entre une détresse savamment dissimulée et une souffrance bien trop lisible. Lorsque le morceau prit fin, les larmes avaient déjà largement entaché mon visage, sans que je ne sache réellement pourquoi de violents sanglots s'étaient mis à malmener ma cage thoracique. D'une main tremblante je vins essuyer mes joues détrempées. Dans le fond de la pièce j'entendis la voix de Namjoon s'élever pour parvenir jusqu'au musicien.


« Bonjour Yoongi... »


Son ton était doux, tendre, presque prudent. J'avais l'affreuse impression que le moindre son, le moindre souffle aurait pu briser cet être éphémère.


« Taehyung, je te présente la Mélancolie... »


À l'entente de cette description, ma respiration mourut dans ma gorge. Yoongi venait de relever son visage face au mien, inexpressif. Son dos était légèrement vouté, témoignant de toute la peine qu'il portait sur ses épaules. Nos regards s'entrechoquèrent violement, la profondeur de ses iris me donnant la sombre envie de m'y noyer. De lâcher prise. D'abandonner.


« Namjoon... »


Mon ton se fit suppliant alors que les larmes avaient recommencé à rouler jusqu'au col de mon vêtement. Je voulais fuir, m'éloigner, disparaitre où me réfugier dans les bras puissants de mon hôte. Mais à l'instant même où mon corps fut à même de répondre aux violents signaux de détresse que lui envoyait mon cerveau, tout sembla s'effondrer en une pulsion.

La lumière lustre au-dessus du musicien mourut lorsqu'il s'effondra sur l'orgue.

La pièce fut plongée dans les ténèbres les plus impénétrables.

Pas un reflet.

Pas une lueur.

Le néant.


Mon cœur battait à tout rompre lorsqu'un bruit que je ne connaissais que trop bien vint s'immiscer dans mon esprit : des sanglots. Une lourde crise de larmes, à la respiration hachée et aux gémissements de souffrance étouffés en vain. Les pleurs désespérés d'une jeune femme.


« Namjoon ! »


Je poussais un cri, dans le but d'obtenir de l'aide. D'étouffer ces lamentations qui torturaient mes pensées. Mes deux mains se placèrent instinctivement sur mon cœur pour tenter en vain de réfréner sa furie. Mes jambes tremblantes tentèrent de s'avancer de quelques pas hésitants, résonnant sur le sol comme un véritable fracas dans ce demi-silence. Je ne parvenais à apercevoir aucune forme, rien, pas même les vestiges du lustre qui s'était disloqué contre le sol.


« Y-Yoongi... ? »


Je murmurais faiblement. À la recherche d'un moindre point d'encrage. Tout était si sombre que je ne distinguais pas la différence entre mes paupières ouvertes ou closes, me brulant intensément suite à mes larmes.


« Taehyung... »


Une voix suave. Basse. Bien plus grave que celle de mon hôte vint à raisonner.


« Yoongi... ? C'est toi ? »



Je n'eus aucune réponse, si ce n'est un faible rire. Sombre. Dénué de joie.


« Non. »



La réponse fut murmurée, au creux de mon oreille. Si faiblement que je crus l'avoir rêvé. Le seul élément témoignant de ce mot prononcé dans l'ombre, fut le souffle chaud que je venais de sentir sur ma chair dans ma nuque. Une longue sueur froide dévala ma colonne à l'instant où une main inconnue vint s'échouer dans mon cou, sur ma gorge.

J'étouffais un cri d'effroi entre mes lèvres abimées par mes dents, propulsant mon corps vers l'avant dans un instinct presque animal pour m'éloigner de cet homme qui avait posé sa peau sur mon épiderme à vif. Je fis volteface, perdant mes repères, mon sens et ma raison. Il n'y avait plus de droite ni de gauche, pas même de haut ni de bas. Mon souffle n'était plus qu'un sifflement aigu, à l'image de l'angoisse profonde que m'avait apporté ce faible contact.


« Qui êtes-vous ?! »


J'avais hurlé en tendant piteusement ma main vers l'avant dans l'espoir de trouver un maigre repère. Je regrettais instantanément mon geste lorsque qu'un étrange matériau fut déposé entre mes doigts. De longs fils, emmêlés et au parfum particulier, familier. Des cheveux. Ayant réalisé ce qu'était la mèche entre mes doigts, il ne me fallut pas plus d'une seconde avant de réaliser qui était avec moi dans la pièce. Paniqué, je secouais ma main frénétiquement devant moi dans le but de les faire chuter.


« Putain »


Mes doigts furent rapidement libérés ce qui provoqua en moi un étrange soulagement. Le fait d'avoir cette mèche sur ma peau me paraissait familier et plus particulièrement me rappelait un souvenir que ma mémoire refusait de mettre au clair.

Il y eut un nouveau rire, aux sous tons sadiques. Satisfait de ma détresse.

Puis une main, qui vint saisir le tissu de mon vêtement dans le creux de mes reins.

Et une autre, qui enserra ma gorge si violemment que je ne pus ne serait-ce que retenir mon souffle.

La poigne de l'inconnu compressait ma trachée avec violence, bloquant le moindre afflux sanguin entre mon crane et le reste de mon corps, déclenchant une migraine lancinante et l'affreuse sensation que mon cerveau allait exploser. Tout mon corps devint douloureux.


« P-Pitié... »


Ma voix ne ressemblait à rien de plus qu'un chuchotement imperceptible, trahissant un manque avide d'air.


« Rappelle-toi, Taehyung, murmura la voix au creux de mon cou. Tu sauras pourquoi tu es ici »


Au dernier mot prononcé, l'étaux disparu aussi violement qu'il m'avait enserré. Mes jambes lâchèrent, laissant mes genoux heurter le carrelage dans un claquement sordide. Ma joue rencontra en suivant le froid glacial du marbre. Je sentais l'affreux goût du sang dans ma bouche et les vestiges de la pression dans mes yeux qui en étaient probablement injectés. Ma respiration se fut plus calme, plus sereine, appréciant chaque molécule d'oxygène à même de rétablir un semblant de cohérence dans mon système physiologique. Ma conscience ne répondait plus réellement, laissant des tremblements incontrôlés et des frissons désagréables secouer la carcasse disloquée que j'étais devenu.

Alors que je pensais enfin être seul, du moins tiré d'affaire, un nouveau rire raisonna au loin.

Et une main passa sur mon ventre.


« Allez-vous en... »


Dans un faible réflexe je tentais de m'éloigner de ce contact maudit.

Mais à chaque tentative d'échapper à cette torture, une nouvelle main semblait se poser sur ma chair. Elles tiraient mes vêtements, griffaient ma peau, sur chaque zone de chair qui aurait pu être atteinte. Mes bras, mes jambes, mon dos, mon entre jambe, ma nuque, mes mains, mes fesses, mon torse, mon visage. Chaque zone, chaque os, chaque morceau de ce que j'étais fut malmené, mordu, blessé, le tout en surface, seulement pour me déranger, me blesser, me châtier.

Ma gorge laissait s'envoler des gémissements gutturaux, des supplications désespérées pour qu'on me laisse en paix. Au bout de ce qui me parut avoir duré une éternité, toutes les mains s'évanouirent, seule une perdura, sur mon crane. Mêlée à mes cheveux, elle les tirait en arrière pressant ma nuque dans une position atrocement douloureuse.


« Alors... »


Demanda cette vois que j'entendais à peine à présent.


« Qu'est-ce que ça fait, Taehyung ? »


Ces mots ressemblaient plus à un souffle qu'à une réelle phrase. Je ne parvenais pas à comprendre son sens mais avant de perdre connaissance, j'eus l'impression qu'il s'agissait d'une clé. Un élément nécessaire à ma sortie, qui sombra dans l'oubli lorsque ma conscience se noya dans les limbes.










« Taehyung... »


J'eus la sensation que des mains furent retirées de mes yeux. J'étais debout, je n'avais plus mal, je ne ressentais plus rien.

J'ouvris mes paupières avec appréhension, découvrant face à moi Namjoon et dans mon dos Seokjin, qui s'éloigna rapidement. Tous étaient présents. 


Tous, sauf un, Jungkook.


L'innocence n'était pas parmi nous.



Je pris un court instant pour détailler la pièce. Le sol semblait être recouvert d'une fine pellicule d'eau, saisissant de par sa fraicheur, les tendons de mes chevilles. Un long tapis sombre menait à un escalier de deux marches, elles-mêmes menait à ce qui semblait être un bassin. Au milieu de ce dernier, un siège, immense, d'un marbre noir veineux. Assis sur ce trône, le Chasseur me toisait l'air toujours aussi méprisant.

À ses pieds, assise dans l'eau, une femme élégamment habillée d'une voiline blanche avait sa tête appuyée sur son genou. Il caressait lascivement le haut de sa chevelure, dans un mouvement doux et protecteur. La longueur de ses cheveux dévalait son dos et ses courbes gracile tandis que leurs pointes trempaient dans le bassin dans lequel elle était assise. Son visage était paisible, presque endormi. Ses joues étaient balayées par de longs cils noirs et ses lèvres pulpeuses teintées d'une encre rouge délicate. Tout en elle m'était familier, tout en elle m'évoquait des souvenirs brumeux. Je voyais ses sourires, sa joie, ses peines, sa vie, son monde que j'avais dû, autre fois, partager. 


Cette jeune femme était celle que j'avais aperçu dans le jardin lors de mon arrivée près de la fontaine. Mais au-delà de ce simple fait, un prénom s'imposait et raisonnait dans mon esprit comme une litanie. Mes lèvres s'entrouvrirent pour laisser raisonner l'évidence :


« Jisoo... »


Namjoon à ma droite, hocha la tête, satisfait.

Sans que je ne m'y attende de sa part il saisit brusquement ma nuque, tirant mes cheveux et pinçant ma peau. Il me fit avancer en bas des marches et me fit m'agenouiller au pied du bassin. Soumis. Face au Chasseur et à sa Belle. Cette vision fit monter la colère en moi, sournoisement.


« Kim Taehyung, prononça Hoseok d'un ton autoritaire. Sais-tu pourquoi tu es ici ?

- Non... je répondis en réfrénant un tremblement »


Namjoon alla rejoindre les autres qui se placèrent côte à côte sur ma gauche.


« Tu es ici pour comprendre comment tu en es venu à commettre ton erreur... »


Il commença en désignant les hommes à mes côtés.


« ... Et pour être châtié. »



Il annonça d'une voix froide en se levant, me provoquant un haut le cœur. Jisoo s'éloigna instinctivement pour le laisser passer, s'appuyant contre le marbre du trône l'air assoupie. Alors que j'aillais me redresser pour protester, deux mains se posèrent sur mes épaules pour retirer les pans de mon haut. Le tissu blanc à rayure bleu chuta sur mes omoplates et une voix douce, presque enfantine murmura.


« Il a la marque »


Hoseok s'avança et je détournais faiblement la tête pour apercevoir le jeune homme dans mon dos, que j'avais déjà reconnu :

Jungkook.



Il semblait effrayé par ma présence et sans trop savoir pourquoi je lui adressais un regard sombre et un sourire laissant entrevoir mes canines.

« Reprenons chaque étape, Taehyung. »


Je déglutis.


« Les étapes qui t'ont mené à commettre l'irréparable »


Je comprenais de moins en moins, mais une tension palpable étira ma nuque, comme si le fond de mon inconscient savait exactement à quoi il faisait allusion. Le Chasseur s'avança, l'air princier, vers le premier homme, Namjoon.


« Tout d'abord, tu as rencontré l'Addiction. Une personne somme toute charmante, en qui tu avais du mal à avoir confiance au départ. Mais qui finalement s'est avérée devenir celle que tu as appelé à l'aide à chacune des difficultés que tu as rencontré... »


Namjoon se courba avec respect face à lui, qui passa ensuite la paume de sa main sur la joue pouponne de Seokjin.


« Par la suite, tu as découvert le Narcissisme. Une personne curieuse, mais fascinante, éprouvant pour sa propre personne une véritable adoration. À tel point qu'il s'éloignait peu à peu de la raison. Tu en es venu à ressentir ce narcissisme au fond de toi, te considérant comme la personne unique et ultime a qui tu pouvais octroyer ta confiance. »


Seokjin imita Namjoon, orientant son corps vers le sol, alors que Jungkook s'éloignait de moi pour aller se blottir dans les bras d'Hoseok, pour s'y cacher. Le Chasseur reprit.


« Tu as ensuite perdu ton Innocence. Abandonnée dans les tréfond de ton esprit, tu as oublié toute forme de douceur et de tendresse qui composait la personne que tu étais avant de sombrer, Kim Taehyung. »


Malgré moi, j'écoutais religieusement chacun de ses mots. Il libéra Jungkook qui partit en courant, disparaissant dans les ombres de la pièce. Le Chasseur porta alors son attention sur Jimin.


« Tu avais purement conscience de tes actes lorsque tu as succombé à la Tentation. Tu n'as eu que faire des signaux de détresse que t'envoyait ta morale et tu t'es laissé corrompre par tes désirs les plus malsains. Le tout, en pleine connaissance de cause »


Un violent relent de culpabilité me vrilla le crâne, comme si peu à peu et sans savoir réellement de quoi, je me sentais coupable d'avoir commis un ignoble pécher. Le jeune démon aux airs d'ange suivi ses semblables se courbant à son tour face à la prestance du Chasseur. Ce dernier reporta son attention sur le plus pâle et dernier d'entre eux, Yoongi.


« Enfin tu t'es noyé dans ta Mélancolie. Ta souffrance, tes angoisses et tes insécurités sont devenues la ligne directrice de ton raisonnement et de tes actes. Tout est devenu bon à te lamenter sans croire à nouveau en la lumière promise »


Yoongi baissa la tête, vaincu. Il se courba à son tour.

Je ne comprenais toujours pas, mais une voie de réalisation venait de m'être offerte.

Hoseok s'avança vers moi et me fit me relever avec prudence, il avait agrippé ma nuque mais n'avait pas laissé trainer sa peau contre la mienne, comme si mon simple contact le répugnait. Un frisson de dégoût me parcouru. Pas pour sa personne, mais parce que je comprenais clairement son sentiment à présent. Je venais de réaliser que j'étais répugnant. Je me détestais, mais je ne comprenais pas pourquoi.


« Sais-tu qui es la personne qui t'a suivi tout au long de ton périple ? il demanda en s'avançant vers le bassin.

- Non.

- Et bien laisse-moi te le présenter »


Un homme entra par la grande porte dans mon dos. Et je me figeais d'effroi.


Un jeune garçon, aux mains gantées de voiline, aux cheveux noirs et à la peau parfaite. Aux yeux en amande et au visage à demi recouvert d'une substance sombre et visqueuses. Aux omoplates décharnées, d'où prenaient naissance deux immenses ailes aux reflets nuit. Au sourire carnassier et aux doigts entremêlés à une mèche de cheveux.


Cet homme, c'était moi.



« Je te présente Taehyung, la Folie »



Le concerné eut un sourire satisfait et s'avança vers nous. Il se plaça près de Yoongi et se courba à son tour, non sans lâcher un rire nerveux témoignant sans mal de son instabilité mentale. Tout en lui transpirait la psychose, la démence, voir la schizophrénie, tant ses épaules tressautaient. Il semblait murmurer des choses que seul lui pouvait entendre et comprendre. Ses yeux ne m'avaient pas lâché une seconde, me fixant avec intensité. J'avais l'affreuse sensation qu'il allait me bondir à la gorge, comme il l'avait déjà fait.


« M-Mais... Qu'est ce que cela veut dire ? »

Je parvins à demander à demi-mot.

« Cela veut dire Taehyung, que tu es condamné »


Il plongea ses mains dans l'eau du bassin et en sortit son immense arc d'or et le fameux carquois chargé de flèches toutes aussi étincelantes. Il s'avança face à moi, cachant Jisoo dans son dos. J'eus envie de la supplier, de l'appeler à l'aide mais il n'en fut rien. Je ne me rappelais pas d'elle, je savais juste qui elle était. Au fond de moi je la connaissais, mais impossible de mettre l'axe de ma conscience sur nos souvenirs.


« Tu es un monstre. »


Lorsque le Chasseur arma son arc face à moi, je n'eus étonnement pas peur. Je sentis même un certain soulagement, comme si enfin tout prenait sens. Il banda son arme au maximum et visa exactement le centre de ma poitrine. 


J'exhalais, fébrile.


La flèche fendit l'air à une vitesse folle et vint s'encastrer dans mon corps, me faisant chuter sur le marbre humide. J'eus mal, puis froid. Un liquide chaud se mêla à celui qui recouvrait le sol sous la pulpe de mes doigts. Il me fallut peu de temps avant de comprendre que je me vidais de mon sang. Je fermais les yeux et la voix de mon Chasseur raisonna dans les décombres de mes pensées :



« Condamné au Purgatoire, pour l'éternité »










Dans un petit appartement, une jeune femme, un jeune homme, sont dans leur salle de bain. Voilà quelques heures que la nuit est tombée en cette douce soirée de la fin du mois d'octobre...


« Je t'en supplie, Taehyung ! »



La voix brisée, détruite, désespérée de la jeune femme raisonne de sanglots contre le carrelage de la petite pièce exiguë mais isolée. Lui ne l'entend pas, pris dans sa folie il remplit à demi la baignoire, attrape son amour par les cheveux et l'oblige à se relever. Il tient fermement sa nuque, mais ne regarde pas ses traits déjà taché de sang par ses caresses. 


Il hurle sa rage lorsqu'il plonge son visage dans l'eau glacée. Ses ongles à elle s'accrochent durement à la céramique, avec tant de force qu'ils se brisent dans un bruit sordide. Des larmes de fureur dévalent ses joues, son esprit disloqué n'entend plus que les crissements insupportables et l'averse battant violemment les carreaux. De longue bulles remontent à la surface, au milieu de la masse de cheveux sombres flottant dans la baignoire.


Il ne contrôle plus ni son corps, ni son esprit lorsque sa seconde main plonge pour aller saisir la gorge de sa bien-aimée. Il la maintient fermement mais depuis plusieurs longues minutes, qu'il n'a pas vu s'écouler, la surface de l'eau est devenue lisse comme la chevelure sombre qui y baigne. Répétant dans son esprit que tout est de sa faute à elle et ce comme une pure litanie, il finit par se redresser.


Il observe son œuvre, la belle, au visage parfait. 

Au cou violacé.

Aux yeux clos à jamais.



« Jisoo... »



Il l'appelle, mais il est bien trop tard, le mal est fait.



« Jisoo, réveille-toi... »



Dans des gestes saccadés, mécaniques, il la sèche, la change et l'étend dans leur lit, avec douceur. Son inconscient profond devient seul guide de sa carcasse encore vive. Il admire son visage, neutre. Puis récupère une cigarette.

Assis sur la barrière de son balcon, la pluie fouette rudement sa chair, comme un châtiment divin.


Il se tourne vers la baie vitrée.


Sourit, dans un dernier effluve de démence.

Puis saute, laissant son corps se détruire après une chute de nombreux mètres, au sol.


Son âme, quant à elle, tombera bien plus bas, dans les tréfonds de l'enfer.










« Bonjour, Taehyung »

Mes yeux s'entrouvrent difficilement à cette voix qui m'interpelle.

Où suis-je ?




« Nous t'attendions... »

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