N°6 Sehun EXO.
Comme tous les jours, je quitte l'école en saluant Luhan d'un signe de la main. Déjà parti retrouver sa mère, il ne prête pas vraiment attention à moi et récupère son pain au chocolat qu'il fourre dans sa bouche avec envie. Moi aussi j'aimerais bien que maman vienne me chercher tous les jours avec un goûter dans son sac. Mais maman travaille. Tout le temps.
Je ne perds pas de temps à chercher le visage de ma nourrice où même celui de mon père car je sais bien que personne n'est là pour moi. Comme d'habitude la maman de Junmyeon me lançe un regard compatissant comme si elle savait. Mais elle ne sait rien. Elle n'a aucune idée de ce à quoi ressemble ma vie. Pourtant j'ai l'impression que ses yeux lisent au fond de moi. Ce n'est pas très surprenant après tout, tout le monde parle de moi ici. Les adultes commèrent aussi entre eux. Ils pensent simplement que les enfants ne sont pas assez mâlins pour le remarquer mais moi je le vois. Moi je le remarque. Ce n'est pas difficile puisqu'à peine après avoir mis un pied hors du portail de l'école, les murmures reprennent. Le groupe des nourrices au fond, se remettent à jacasser bruyamment en me lançant d'étranges regards. D'autres, des papas plutôt, fronçent les sourcils lorsque je passe près d'eux, les genoux couverts de boue. Mon pantalon est toujours sale. Maman ne veut pas m'en racheter. Elle dit toujours que s'il n'est pas troué, je peux toujours le porter. J'ai essayé une fois de le découper avec des ciseaux mais ça n'a pas fonctionné. Je me suis simplement arraché un morceau de peau et j'ai dû attendre le lendemain pour pouvoir me soigner parce que la boîte à pansements est dans le tiroir tout en haut et que je n'arrive pas à l'atteindre. Maman travaillait ce soir là et papa dormait. J'ai attrapé un tabouret mais même en grimpant dessus je n'ai pas réussi une seule fois à toucher le placard où elle était enfermée. Je suis donc allé me coucher, le doigt couvert de sang et me suis rué à l'infirmerie le lendemain matin. La dame avec les lunettes a rigolé en me voyant moi et mon "petit bobo" comme elle l'a dit. Elle a mis du pchit-pchit dessus et même si ça piquait, je n'ai pas pleuré. Je ne pleure pas beaucoup. Jamais devant les autres. C'est maman qui m'a appris à être fort pour que les autres ne sachent pas que je souffre.
Maman ne fait pas non plus la lessive. Elle n'a pas le temps. Il m'arrive parfois de mettre mes vêtements sous l'eau froide pour les laver parce que sinon ma voisine de classe dit que je pue. Mais je pue pas. C'est simplement mes habits sentent mauvais. Sauf que si je les rince, le lendemain, ils sont encore humides. Alors la plupart du temps, je les laisse tel quel.
Une fois de plus, la maîtresse m'a donné une petite étoile dorée parce que j'ai trouvé la bonne réponse. Elle dit toujours "Prenez exemple sur votre camarade Sehun! " avec sa grosse voix qui fait peur. Pour elle, je suis le plus intelligent. J'avais envie de refuser ses étoiles mais je pense que si j'avais dit non, elle aurait été vexée. Alors j'ai rien dit et j'ai souri. Maman dit toujours que sourire c'est super important parce que sinon les gens veulent pas vous approcher. Donc je me force à montrer mes dents. Ça fait un moment qu'elles me font mal mais maman m'a dit qu'elle m'emmenerait chez le dentiste quand "elle aura le temps."
Aujourd'hui je n'ai pas envie de faire comme si je ne remarquais pas alors je reste planté, droit comme un piquet devant la maman de Junmyeon. Les anses de mon cartable, serrées dans mes poings je la dévisage. Maman dit toujours que fixer les gens c'est
mal-poli mais si c'est elle qui a commencé, est-ce que c'est toujours impoli? Cette dame ressemble à une montgolfière avec son manteau rouge qui gonfle au rythme du vent. Son chapeau est aussi bizarre que le reste de sa tenue et pourtant personne ne semble étonné. Elle ressemble à Junmyeon. Ses joues sont aussi rondes que lui. Je pense qu'il mange beaucoup de gâteaux dans la famille.
Lorsque mes yeux se plongent dans les siens, son regard évite le mien. Elle essuie ses mains sur son pantalon beige et agrippe celle de son fils avant de m'adresser un dernier sourire et tourner les talons. Je crois que je lui ai fait peur.
À mon tour, je me dirige vers le parking, écoutant les chuchotements indiscrets sur mon passage. D'après les adultes je suis orphelin. Je vis dans la rue. Je ne mange pas à ma faim. Mais c'est faux. Personne ne connaît la vérité. J'ai bien deux parents, c'est vrai que maman travaille beaucoup et que papa est souvent sur le canapé mais ils sont tous les deux là. Je dors pas dehors mais dans ma chambre. Pourtant ça m'empêche pas d'offrir mon paquet de biscuits au monsieur à côté de l'arrêt de bus qui lui, dort dans la rue. Maman ne veut pas que je lui donne des gâteaux parce que c'est "un clochard sale" comme elle dit. Elle pense que je peux attraper des maladies rien qu'en le regardant. Mais moi j'aime bien voir ses dents jaunes apparaître lorsqu'il sourit. On dirait des grains de maïs. Il refuse jamais mes biscuits par contre, il dit tout le temps que je suis "un bon gamin." Je sais pas vraiment ce que ça veut dire mais je pense que c'est gentil. Alors je lui souris aussi et ces fois-là, je me force pas. C'est vrai que les grandes personnes n'ont pas toujours tort. Parfois maman n'est pas là pour faire à manger mais il y a toujours quelque chose dans le frigo.
Quand elle n'a pas le temps de faire les courses elle me donne des billets et me fait une liste de ce que je dois acheter. J'espère ne pas avoir à aller au supermarché ce soir parce que la maîtresse nous a donné plein de devoirs. J'habite pas très loin de l'école mais puisqu'on est en décembre, il fait nuit quand je sors du parking. Les lampadaires fonctionnent une fois sur deux. Luhan m'a dit que sa maman se plaint car la mairie ne "bouge pas son cul." Luhan est drôle mais il dit beaucoup de gros mots. Ça ne m'empêche pas pour autant d'être son meilleur copain. Il essaye toujours de m'inviter chez lui mais sa maman ne veut pas parce que je suis dégoûtant. Luhan ne me l'a jamais dit lui même, il est trop gentil pour me faire de la peine mais j'ai entendu sa maman le dire un jour à la sortie de l'école alors que Luhan la suppliait. Je ne peux pas lui en vouloir car elle n'a pas tort. Même si mon cœur m'a fait mal à cet instant là, j'ai pas pleuré. Luhan m'a fait un bisous sur la joue et ça m'a réconforté. Il m'en fait toujours quand je suis triste. Mes copains se moquent de nous parce qu'ils pensent qu'on est amoureux mais moi je sais que non.
Il aime simplement me tenir la main. Rien de plus.
En arrivant près de mon lotissement, je fixe mes chaussures abîmées et fourre mes mains dans les poches de ma veste en regardant mes lacets rebondir chaque fois que je pose le pied par terre. C'est dumbo Chanyeol qui m'a appris comment faire. J'avais peur que Luhan se moque de moi parce que j'étais le seul à ne pas savoir les faire mais Chanyeol m'a appris. Mes dents claquent toutes seules et mon nez coule mais je n'ai pas de mouchoir alors je l'essuie dans ma main que je frotte à mon pantalon.
Lorsque j'entre dans mon jardin, Jooseong me saute dessus en bavant sur la manche de ma polaire m'obligeant à retirer ma main de ma poche pour le repousser. Je fais le tour de la grange dans laquelle ses croquettes sont rangées et prend sa gamelle pour la remplir. Si je ne le fais pas, personne ne le fait.
Sa queue remue au rythme de ses pas et tandis que je m'applique à verser son repas dans le verre doseur, il couine en penchant la tête. " Ça arrive." Je lui dis en la posant à mes pieds.
Sans attendre que je parte, Jooseong s'attaque à son dîner et je le regarde un instant avant de partir, laissant la porte de la grange entre-ouverte. Au moment où j'ouvre celle de ma maison, je sursaute presque en entendant le son de la télé. Mes yeux parcourent la moquette tâchée et s'arrêtent avec horreur sur la paire de chaussures qui traîne vers le guéridon. Papa est rentré. Pourtant, il n'est jamais là d'habitude. Je consulte l'horloge du couloir et fronce les sourcils en voyant qu'il n'est que 5 heures. Normalement il doit être au bureau de tabac mais aujourd'hui il n'y est pas. Maman a dû lui supprimer la carte bleue. La dernière fois qu'elle a fait ça, il lui a cassé le bras.
Silencieusement, je retire mon cartable et mes baskets puis me dirige vers le salon encore plongé dans le noir. Je ne veux pas allumer la lumière car si papa me voit, il se mettra en colère et quand papa est en colère, il fait très peur. Rien qu'en y pensant, mon coeur bat plus vite. Mes chaussettes glissent sur la moquette et quand enfin j'aperçois le canapé, une odeur écoeurante m'étouffe. Je me force à ne pas tousser mais je craque au bout de quelques secondes. Mes yeux piquent et deviennent humides pourtant je n'ai pas envie de pleurer. La main devant la bouche je serre ma veste car j'ai peur que mon cœur sorte de ma poitrine. Je respire comme je peux tout en marchant très lentement pour que papa ne m'entende pas. Heureusement il dort. Mes yeux se posent sur ce qui ressemble à quelqu'un de mort mais qui est en réalité mon papa. Sa barbe est encore plus épaisse qu'hier soir et son nez est tout rouge. Il a de gros cercles noirs autour de ses yeux gonflés et sa bouche n'est qu'un trait fin exactement comme la mienne lorsque je ne souris pas. Sa main pend dans le vide et ses doigts sont enroulés fermement autour d'une bouteille vide. Il y en a 5 autres par terre, toutes entamées. Je croyais que maman gardait la clé du placard interdit. Papa a dû la trouver. Je m'approche et vérifie qu'il respire bien mais au moment où je pose ma main sur une des bouteilles pour la ramasser, l'odeur devient plus forte. Une flaque de vomi que je n'avais pas vu recouvre la moquette juste sous la table basse. Effrayé, je recule brusquement et tombe sur les fesses. Papa remue dans son sommeil mais avant qu'il n'ouvre les yeux, je suis déjà dans les escaliers. J'ai peur. Peur qu'il m'ait entendu.
Je saute certaines marches, mon sac dans les bras et m'enferme dans ma chambre, sans passer me laver les mains comme maman m'a dit. J'ai trop peur pour oser sortir. Ma porte n'a pas de verrou. L'année dernière maman en avait mis un mais papa l'a arraché durant une de ses crises de colère. La poignée pend tristement à la porte, là où la peinture s'effrite. Je passe mes doigts sur la rouille pour me rassurer puis décide de prendre Monsieur Lapin à la place. Mon doudou est encore sur mon lit et lorsque je le serre contre moi, j'ai l'impression que tout va mieux. Je respire moins vite, mon cœur bat moins fort et mes mains ne tremblent plus. Je reste couché en boule sur mon matelas, les yeux clos longtemps. Je sais que j'ai des devoirs à faire, un calcul et des exercices de grammaire mais je suis si bien. Je n'ai pas envie de bouger. Je pense que je peux m'endormir pourtant, la peur au fond de mon estomac me tient éveillé. Sans lâcher Monsieur Lapin, je me traîne jusqu'à mon cartable et m'accroupis par terre pour prendre mes cahiers. Je fais mes devoirs sans vraiment faire attention à ce que j'écris. Mes pensées sont trop préoccupées par ce qui se passe en bas. Je me demande pourquoi papa est devenu comme ça. Il était si gentil avant. Il m'emmenait toujours faire du foot au parc. Maintenant, je n'ai plus le droit de faire du sport. Luhan est devenu meilleur que moi. Il est aussi plus grand que moi et s'amuse souvent à poser son menton sur le haut de mon crâne.
En repensant à ça, je souris sans vraiment réaliser. Les mathématiques m'ennuient très vite.
J'ai envie de dessiner. Chanyeol dit que je dessine bien même si je sais qu'il ment, ça me fait plaisir.
J'arrache une feuille de mon cahier et m'allonge à plat ventre sur la moquette poussiéreuse. Maman n'a pas le temps pour le ménage et pas l'argent pour une femme de ménage comme dans la famille de Chanyeol.
J'attrape le crayon de couleur que j'ai volé à ma voisine, et dessine un arbre. Je n'ai pas de crayon et maman ne veut pas m'en acheter. Ma voisine est méchante alors ça ne me dérange pas de lui en voler quelques un. Autour du tronc je dessine Luhan qui me tient la main et puis la maman de Junmyeon qui mange du gâteau. Elle a des miettes de chocolat autour de la bouche et partout sur son manteau rouge. De l'autre côté, j'essaye de faire le portrait de Chanyeol, des cheveux noirs, de gros yeux globuleux et puis de grandes oreilles avec un sourire de pub pour le dentifrice. Il tient dans sa main deux sacs avec plein de billets qui tombent sur le sol.
Satisfait, j'observe mon dessin d'un œil expert et puis rajoute du rouge aux joues de Luhan parce qu'il fait froid. Je range ensuite mes, enfin les crayons dans ma trousse et récupère Monsieur Lapin qui doit se sentir seul.
Je ne sais pas quelle heure il est mais je déduis qu'il est suffisamment tard pour que maman rentre. Mon estomac me le fait bien comprendre mais tant qu'elle n'est pas là je ne peux pas descendre dans la cuisine tout seul. Papa m'entendrait. Je reste donc assis en tailleur au milieu de mon petit lit à fixer la porte.
Au bout de ce qui paraît un éternité, j'entends le bruit des roues sur les graviers et j'aperçois les phares qui éclairent l'allée. Impatient, je me précipite vers la fenêtre, le sourire aux lèvres et colle mon nez contre la vitre en observant maman qui sort de sa voiture. Comme toujours elle fait bien attention à ne pas claquer la portière trop fort pour ne pas abîmer sa voiture. Maman possède une coccinelle qui lui "a coûté les yeux de la tête" comme elle le dit toujours. Elle déteste qu'on touche à sa voiture. De toutes façons, papa ne peut plus conduire. Le policier lui a retiré son permis parce qu'il conduisait en état d'ivresse sur la voie publique. Je sais pas trop ce que ça veut dire mais quand j'ai demandé à maman, elle m'a dit en pleurant que j'étais trop petit pour comprendre. Papa fait toujours pleurer maman. Elle crie beaucoup aussi mais si j'ai le malheur de descendre les escaliers quand ils se disputent, je sais que papa me fera mal, comme la dernière fois. J'ai gardé la marque de ses doigts sur mon bras pendant une semaine, donc je ne descends pas. Maman ne veut pas non plus que je la vois pleurer. Elle essaye de cacher ses larmes mais parfois c'est simplement trop dur. Elle n'y arrive pas. Certaines nuits, pendant que je dors, elle vient dans ma chambre et dort avec moi. Elle caresse mes cheveux en murmurant qu'elle m'aime plus que tout et même si j'ai les yeux fermés, je l'entends. Je sens aussi ses larmes qui tombent sur mes joues quand elle est trop près de moi. J'aime pas quand elle est triste.
Je sais que c'est de la faute de papa même si elle refuse de me dire pourquoi elle pleure, il la rend triste à agir comme ça. Il lui fait mal aussi. Tout le temps. Quand c'est comme ça, je me bouche les oreilles et je vais dans ma cachette secrète en attendant que la tempête se calme. J'ai envie de dire à Luhan ce qui se passe chez moi mais j'ai peur que maman soit déçue si j'en parle. Alors je ne dis rien.
Mes yeux suivent sa silhouette qui tapote sur son manteau pour trouver son téléphone portable qu'elle colle à son oreille. Elle téléphone beaucoup pour son travail. Toujours au même monsieur. Heechul il s'appelle. Elle dit tout le temps des trucs bizarres qui n'ont pas de sens quand elle lui parle et elle ne téléphone jamais devant papa. Je crois que ce monsieur la rend heureuse parce que quand elle lui parle, elle sourit jusqu'aux oreilles. Je l'aime bien sans même le connaître.
Je la regarde rigoler à travers la fenêtre puis raccrocher avant d'entrer dans la maison.
Le bruit de ses talons devient plus clair et alors que je me rue vers les escaliers pour l'accueillir, un souvenir me revient en tête. Papa et les bouteilles.
Maman va crier c'est sûr. Peut-être que j'aurais dû les jeter à la poubelle après les avoir vu mais l'odeur était tellement insupportable que je n'y aie pas penser. Je reste silencieux quelques secondes et quand j'entends sa voix se briser, je sais déjà qu'elle pleure. J'ai envie de descendre et de la prendre dans mes bras pour la consoler mais la voix ensommeillée de papa qui vient de se réveiller m'en dissuade. Il se met à crier d'une voix bizarre et tousse bruyamment. J'ai peur.
Sans oublier Monsieur Lapin, je cours me réfugier dans ma cachette secrète, la où je me sens en sécurité. J'ouvre doucement la porte car je sais qu'elle grince et même si j'ai peur du noir, je la referme après être entré. Je m'assois sur une pile de caleçons et essaye d'oublier à quel point ma cachette n'est pas confortable. Tout est noir. Je ne vois plus rien. Par contre j'entends. J'entends très bien les horribles mots que hurle papa en tapant maman qui crie encore plus fort que lui. Quelque chose se casse. Le son est si fort que j'ai l'impression d'être dans la pièce. Avant même que je ne réalise, je pleure aussi. Mon doudou serré contre ma poitrine, j'étouffe ma peur dans son pelage tout doux. Je caresse ses oreilles velues pour me rassurer mais rien n'y fait, les hurlements de ma mère sont plus forts que tout.
" Tu n'es qu'un salopard! Je t'ai connu dans des situations honteuses mais celle-là est de loin la pire! Qu'aurais-tu fait si Sehun t'avais vu hein?! Tu veux qu'il pense que son père est un alcoolique?!" dit-elle tandis que le bruit du verre qui se brise fait trembler les murs. Un long silence suit ses reproches et je commence à croire que papa a finalement décidé d'arrêter de crier sur maman mais ce qu'il dit ensuite me choque plus que tout ce qu'il a déjà fait. " Sehun hein? Mais j'en ai rien à foutre de ce gosse de merde! Il ne fait que nous coûter d'la thune et rien de plus! On aurait jamais dû le-" Je me bouche les oreilles. Je n'ai pas tout compris mais c'est suffisant pour me faire mal à la poitrine. Mon cœur bat si fort que je n'entends même plus mes pleures. Je ne sais pas pourquoi j'ai mal, c'est juste étrange d'entendre mon nom prononcé avec autant de dégoût. Luhan dit que lorsqu'on a mal au cœur c'est qu'on est amoureux. Pourtant l'amour ça rend heureux non? Et tout de suite, je n'ai pas vraiment l'impression d'être heureux. Mon nez se met à couler mais je n'ai pas la force de l'essuyer.
L'armoire qui me protège se rétrécit au fur et à mesure que les objets du salon se cassent et que les cris résonnent. J'ai l'impression que les planches vont m'écraser et je me mets à prier Dieu pour que ce soit rapide mais rien ne vient.
Mes jambes tremblent et je crois m'être fait pipi dessus. J'ai si peur que je suis incapable de sortir de ma cachette pour me rendre aux toilettes. De toutes façons ce ne sera pas la première fois que ça m'arrive. Je ferme les yeux et plonge mon visage entre mes mains, Monsieur Lapin est tombé à côté de moi.
Les minutes s'écoulent et les hurlements s'évanouissent. Je ne bouge toujours pas. Je sais que maman viendra me voir en pleurant et me sortira du placard alors je n'ai pas de raison de le faire moi-même. Les yeux toujours fermés, mes larmes sèchent et je finis par m'endormir.
Maman n'est jamais venue ouvrir les portes du placard.
***
Le lendemain je me réveille lorsque la lumière du soleil apparaît derrière mes paupières. Une voix étrange me tire de mon sommeil et je baille longuement avant d'ouvrir mes yeux rouges. Surpris, je tombe nez à nez avec une femme que je ne connais pas et qui me sourit de toutes ses dents.
- N'aies pas peur. Viens. Je vais t'aider, me dit-elle en m'aidant à sortir du placard.
J'inspecte son uniforme bleu et je la reconnais. C'est une policière. Pourquoi une policière viendrait-elle dans ma maison?
Toutes sortes de questions embrouillent mon esprit et je commence à devenir inquiet. Va-t-elle me kidnapper? Et maman? Où est-elle? Pourquoi ce n'est pas elle qui a ouvert le placard?
La tâche humide sur mon pantalon a séché mais j'ai l'impression d'être tout collant. La dame m'entraîne à l'extérieur de ma chambre et je la suis sans vraiment lui poser de questions. À l'instant où j'aperçois mon meilleur ami dans le couloir, le nœud qui me faisait mal au ventre disparaît. Luhan a les yeux tout rouges, lui aussi, mais en me voyant, il sourit et court pour me faire un câlin.
Je le serre fort contre moi. Plus fort que Monsieur Lapin. D'ailleurs je l'ai oublié dans l'armoire. Il faudra que je le récupère, maman n'aime pas quand je laisse les choses traîner. Je ferme les yeux et renifle l'odeur de ses vêtements sans trop me poser de questions. En les rouvrant, je remarque sa mère qui me fixe d'un regard attendri. Je lui rends son sourire, un vrai sourire. Je ne me force pas. Deux grosses larmes coulent sur ses joues lorsqu'elle détourne le regard et murmure quelque chose à la policière.
Je ne sais pas pourquoi elle pleure mais ça me donne aussi envie de pleurer.
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