N°51 Taeyong NCT FINAL PART
Le lendemain matin, Taeyong se réveilla avec l'impression que quelque chose d'essentiel lui manquait. Il jeta un coup d'œil circulaire à sa chambre puis toucha son cou pour vérifier que son collier était toujours là. Rien n'avait bougé. Comme d'habitude ses vêtements traînaient en boule dans un coin, ses manuels étaient éparpillés sur le sol, et la chaîne que son père lui avait laissée n'avait pas quitté son cou. Il la fit glisser mécaniquement entre ses doigts et se sentit aussitôt rassuré. Même si sa poitrine douloureuse s'était desserrée, le manque était toujours là. Instinctivement, son regard se porta sur le cadre posé sur la table de nuit. Il le saisit entre ses mains et sentit une boule se former dans sa gorge. Dessus, son père en tenue militaire le tenait dans ses bras. Il avait un sourire fier comme Mike ou sa mère n'en aurait jamais pour lui. Ses yeux le regardaient avec une douceur incomparable. Taeyong ne se souvenait pas d'avoir été regardé comme ça un jour. Son père était le seul à la placer sur un piédestal. Il était le seul pour qui il avait réellement compté. Malheureusement cet homme appartenait au passé. Il était mort en héro pour son pays et avait laissé derrière lui sa femme et son petit garçon de cinq ans. La seule chose que Taeyong avait conservée, comme preuve de son existence, était cette chaîne qui ne le quittait jamais. Il ne se souvenait pas du jour où son père l'avait passé autour de son cou. A l'époque, il ignorait encore que ce petit objet compterait autant pour lui. Il avait une valeur inestimable.
Taeyong relâcha la chaîne et se leva. Il était déjà en retard. La veille, Mike n'était pas rentré. Ou du moins, Taeyong ne l'avait pas entendu monter les escaliers et n'avait pas non plus eu à subir sa séance de tabassage nocturne. Il avait été très certainement trop défoncé pour monter jusqu'à sa chambre. Taeyong ne savait pas dans quel état il le trouverait en descendant. Probablement écroulé dans ses vomissures. Ce ne serait pas une première mais c'était un jour suffisamment rare pour qu'il le fête avec des pancakes. Pas de nouveau bleu à dénombrer ce matin, ni de coupure. En s'habillant, un sourire naturel trouva place sur ses lèvres. L'idée d'avaler des pancakes à côté de Mike ne l'effraya pas le moins du monde. Il se sentait invincible. Il descendit tout de même les escaliers sur la pointe des pieds et se rendit directement à la cuisine sans passer par le salon. Pas besoin de s'imposer la vue répugnante de son beau-père. Le répondeur du téléphone clignotait, alors il décrocha l'appareil et écouta le message laissé par sa mère.
« Bonjour mon cœur, mon service se termine plus tard. On ne pourra pas petit-déjeuner ensemble, ne m'en veux pas, nous sommes en sous-effectif. J'ai laissé de l'argent sur le comptoir pour les cigarettes de Mike. Tu sais comme il est quand il n'a pas sa dose de nicotine... »
Sa mère soupira et s'éclaircit la gorge.
« Que dirais-tu d'une pizza ce soir ? Rien que toi et moi ? Tu peux proposer à Mike mais je ne suis pas sûre que ça l'intéresse. Bon... il est temps que j'y aille. Passe une bonne journée. Je t'embrasse. »
Taeyong sourit contre le combiné et raccrocha. Il aurait bien volé les quinze dollars du comptoir pour s'acheter un déjeuner autre que celui de la cantine, mais résista à la tentation. Sa mère aurait été déçue si elle savait qu'une idée pareille lui avait traversé l'esprit. Au lieu de quoi, il les fourra dans sa poche et se servit un verre de lait. Il fit chauffer une poêle tout en mélangeant la poudre industrielle qui lui donnerait des pancakes. Il versa la pâte dans la poêle et attendit que ces pancakes cuisent en surfant sur son téléphone. Pas de nouveau message des autres. Rien d'inhabituel à signaler. Cette journée s'annonçait décidemment parfaite. Le timer lui annonça que son petit déjeuner était prêt. Il versa les pancakes dans une assiette et les recouvrit de sirop d'érable, avant de s'asseoir à table. Son objectif d'être le plus silencieux possible pour ne pas réveiller Mike, partit en fumée lorsqu'il lança accidentellement une vidéo YouTube. Le bruit le fit grimacer. Il coupa le son de son portable et tendit l'oreille. Etonnamment, Mike n'avait pas bougé du canapé. Taeyong attendit quelques secondes puis, las de devoir tout faire en fonction de son beau-père, remit la vidéo en route. Il cala son téléphone contre son verre de lait et engloutit ses pancakes en moins de dix minutes. Il fit ensuite la vaisselle, conscient que sa mère risquait d'être épuisée, et l'essuya avec un torchon. Ce n'était certainement pas Mike qui lui donnerait un coup de main. A part squatter leur télévision et leur argent, il ne faisait pas grand-chose. Il ne travaillait pas et consommait plus que ce que lui offrait l'Etat. Comment sa mère avait-elle pu finir avec une pourriture pareille ? Taeyong ne se souvenait plus de l'ancien Mike, mais il avait le sentiment, au fond de lui, que son beau-père n'avait pas toujours été comme ça. Peut-être que la première année n'était qu'une façade. Le temps qu'il s'installe dans leur vie et s'incruste comme un virus impossible à éradiquer. Difficile de savoir si sa gentillesse avait été sincère un jour.
Il ne lui restait plus qu'une tâcha à accomplir avant d'aller prendre le bus. Elle n'était pas des moindres mais Taeyong se sentait étrangement confiant aujourd'hui. Pour une raison qu'il n'arrivait pas à expliquer, il était... apaisé. Comme s'il flottait. Une nuit de sommeil sans interruption devait lui avoir fait le plus grand bien. Les mains dans les poches, il se rendit au salon. Il devait réveiller Mike et lui donner son argent. Rien ne garantissait qu'il ne le frapperait pas mais généralement, la menace d'être en retard à l'école, suffisait pour le décourager. Et puis après sa cuite, il n'aurait sans doute pas la force d'en découdre. En arrivant à sa hauteur, Taeyong fronça les sourcils face aux bouteilles d'alcool vides. Mike était complètement immobile, étendu sur le canapé, un bras dans le vide. Il ne semblait même plus conscient Probablement les effets de l'alcool, songea Taeyong. D'une main vigilante, il agrippa son épaule et le secoua.
« Mike, j'ai l'argent de tes clopes » chuchota-t-il.
Aucune réponse. Il secoua un peu plus fort et, en voyant que Mike ne se réveillait pas, empoigna ses deux épaules.
« Réveille-toi, je vais être en retard à l'école. » grogna-t-il.
Silence. Taeyong redoubla de puissance et se mit à le secouer de toutes ses forces mais Mike resta inerte.
« Pourquoi tu bouges pas bordel ?! »
Il agrippa son flanc et le fit pivoter dans l'espoir qu'il tombe du canapé. Seulement lorsqu'il souleva sa carcasse transpirante, il découvrit sous son dos, une boîte de médicament vide. Ses yeux firent un aller-retour entre les bouteilles et la boîte, et alors, un frisson le parcourut.
« Qu'est-ce que... »
Son sang ne fit qu'un tour et l'impatience céda place à la panique. En moins d'une seconde, l'angoisse se répandit dans toutes les terminaisons nerveuses de son corps. Son cœur cessa de battre et ses mains se mirent à trembler. Cloué sur place, Taeyong se mit à ventiler, la bouche grande ouverte. L'air ne parvenait plus jusqu'à ses poumons. Il était sur le point de s'évanouir. Les yeux clos, il plaça une main sur sa poitrine et s'efforça de garder son calme, chose vaine. Son cerveau était en ébullition mais il ne parvenait pas à faire le moindre mouvement. Il était comme figé dans la glace, la peur le tétanisait. Son visage devint pâle et les veines de son cou distendues. La pression trop intense finit par avoir raison de lui. Dans un dernier souffle, il arracha ses yeux au corps de Mike et céda la place à Maya.
Maya avait trente ans. Elle était plus rationnelle et calme qu'un gamin de dix-sept ans. Pourtant, en voyant ce qui semblait être le cadavre de Mike, elle ne put contenir son haut-le-cœur. L'âge n'y changeait rien. La vue d'un corps provoquait des réactions de panique peu importe la maturité ou le recul. C'était humain. Elle se détourna de la scène et vomit sur le tapis du salon. Il lui fallut quelques minutes pour reprendre ses esprits. Mais lorsqu'elle revint à elle-même, l'urgence de la situation lui sauta aux yeux. Elle balaya ses craintes et se mit à réfléchir.
« Procédons par ordre... un pouls, il me faut un pouls ! »
A la hâte, elle colla son visage contre la bouche entre-ouverte de Mike mais ne sentit pas d'air. Seulement l'odeur caractéristique de l'alcool. Déterminée, elle pressa ensuite ses doigts sur son poignet mais les retira aussitôt avec un cri d'horreur. Sa peau était glacée. Cela devait faire un bon moment qu'il ne respirait plus. Les chances de le sauver était encore minces pourtant elle n'hésita pas à composer le numéro des pompiers. Téléphone à l'oreille, elle fit les cents-pas en se rongeant les ongles. Et puis d'un seul coup, une pensée la frappa. Pourquoi cherchait-elle à sauver un type pareil ? Un type qui abusait Taeyong tous les soirs, qui faisait souffrir Trish et tous les autres ? Un type qui n'avait jamais eu la moindre reconnaissance envers eux, qui les méprisait et n'avait eu de cesse de les faire souffrir ? Un type qu'elle avait voulu voir disparaître un tout prix ? On lui offrait la clé de la cage dans laquelle elle était enfermée, la liberté n'était qu'à portée de main. Elle n'avait qu'à raccrocher et ce cauchemar serait fini. Plus de coups, plus d'injures, plus de viol. Ce serait terminé... C'était si simple... Elle n'avait qu'à presser la touche « raccrocher », elle offrirait une vie de paix à tous les autres.
« Neuf-cent-onze quelle est votre urgence ? »
« Mon beau-père ne respire plus. Il a avalé une boîte de médicament et des bouteilles d'alcool. » récita-t-elle d'une voix tremblante en observant le filet blanc qui coulait de la bouche de Mike.
« D'accord, restez calme et indiquez-moi votre adresse, j'envoie une équipe tout de suite. »
« Je crois qu'il est mort. »
« Nous pouvons sans doute le sauver, faites-nous confiance. Donnez-moi votre adresse. Plus vite nous sommes là, plus grandes sont ses chances de survie. »
« Mais je ne veux pas qu'il survive... » chuchota-t-elle.
Maya écarta le téléphone de son oreille et, appuya sur la touche « raccrocher ». Mike était probablement déjà mort lorsque Taeyong l'avait trouvé. Si ce n'était pas le cas, il agonisait en ce moment-même. Elle ne faisait que rendre service aux autres en l'achevant. Elle s'installa en tailleur, face à lui et le regarda mourir jusqu'à ce que sa mère entre et découvre la scène. Même lorsqu'elle prit Taeyong dans ses bras et étouffa son visage dans son épaule, en un geste protecteur, Maya continua de regarder Mike en souriant.
« Tu n'aurais jamais dû voir une chose pareille » lui dit-elle le soir autour d'une pizza.
Malgré les circonstances, elle avait tenu sa promesse d'un repas à deux. Taeyong avait passé la journée près d'elle. Elle avait préféré qu'il n'aille pas à l'école. Elle voulait garder un œil sur lui et s'assurer qu'il n'était pas trop perturbé par ce qu'il avait vu. Elle craignait des crises d'angoisse, ou des cauchemars. Surtout si Trish prenait le contrôle. Mais après le départ de Maya, seul Taeyong avait daigné se montrer. Loin d'être triste, il avait dû faire un effort surhumain pour ne pas montrer que la mort de Mike le réjouissait. Lorsque les pompiers avaient emportés son corps dans un sac noir, Taeyong avait dû se réfugier à la salle de bain tant il était euphorique. Assis sur la lunette des toilettes, il avait ri, les larmes aux yeux et les paumes pressées contre sa bouche. Il avait ri jusqu'à manquer d'air et s'était roulé sur le tapis en poussant de petits cris. Sa joie débordait, il ne se contrôlait plus. Son corps tout entier exaltait. Ce n'était que lorsque sa mère était venue frapper à la porte qu'il avait pris conscience de la situation. Elle, ne savait pas. Ne savait rien. « Taeyong ? Tout va bien ? Ouvre la porte s'il te plaît... » avait-elle demandé d'une voix inquiète. Quand il était sorti de la pièce, elle avait procédé à un examen de son état physique avant de le prendre dans ses bras. « J'ai eu peur » avait-elle murmuré dans ses cheveux. « Ne t'enferme plus, d'accord ? »
Ils avaient passé l'après-midi vautrés sur le canapé, à regarder des émissions sans intérêt. Sa mère n'avait même pas pris la peine de faire semblant de s'y intéresser. Elle avait passé tout son temps à observer le visage de son fils, les yeux dans le vague et les joues couvertes de larmes. Ses mains avaient caressé ses cheveux, puis son genou d'un geste tendre. Taeyong avait fait comme s'il ne remarquait rien. Mais maintenant qu'il était face à elle, avec seulement une table pour les séparer, il se rendait compte, qu'il ne pouvait plus faire abstraction de son chagrin. Sa pizza était mouillée et ses mains peinaient à tenir son verre.
- Ce n'est pas ta faute maman. Tu ne pouvais pas savoir, dit-il pour la déculpabiliser.
Sa mère secoua la tête et frotta nerveusement ses cheveux.
- J'aurais dû être là... Je n'aurais pas dû te laisser seul... c'était à moi d'endurer cette horreur. Quelle mère indigne je fais... chuchota-t-elle.
Taeyong la dévisagea. A l'intérieur, son cœur avait cessé de battre. Sans qu'il ne comprenne réellement pourquoi, il avait la sensation que sa mère ne parlait pas uniquement de la mort de Mike. Ses propos semblaient bien plus forts. Elle faisait référence à autre chose. Les questions se multiplièrent dans son esprit et tout à coup, l'angoisse le saisit. Sa respiration s'accéléra et ses paumes devinrent moites. Il lui fallait des réponses. Quitte à souffrir, il devait connaître la vérité.
- Je ne comprends pas maman... tu n'y peux rien. Tu travaillais. C'était un accident.
- Non... répéta-t-elle. Non... ce... ce n'était pas un accident. Je savais... J'aurais dû te protéger mais j'avais tellement peur, tu comprends ?
Elle leva les yeux de son assiette et attrapa la main de Taeyong. En sentant ses doigts sur sa peau, un relent de bile lui brûla la gorge, il s'écarta d'un coup sec.
- Peur de quoi ? Putain mais de quoi tu parles à la fin ?!
Sa mère sembla déroutée. Elle masque sa surprise d'une expression douloureuse.
- Hé bien de la mort de Mike, enfin !
- Non. Je crois que tu fais référence à autre chose là. Dis-moi tout de suite de quoi tu parles.
- Taeyong je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée.
- Arrête de me mentir ! hurla-t-il. Je sais que tu sais, alors dis-le ! Dis-le que tu as préféré laisser ce monstre me torturer tous les soirs plutôt que de le chasser, parce que tu flippais !
- J'étais amoureuse ! se défendit sa mère.
- Alors tu savais...
Taeyong eut une expression incrédule. La colère déforma ses traits.
- Oui, je savais mais je n'ai jamais voulu qu'il te fasse du mal ! J'ai tenté de lui parler, j'ai voulu te protéger mais...
- Non, tu n'as rien fait du tout !
Il se leva de la table d'un bond.
- Si tu te souciais de moi autant que tu le prétends, tu aurais fait quelque chose pour me sauver ! Mais tu n'as rien fait. Tu n'as pensé qu'à toi.
- J'avais peur ! se justifia sa mère.
- Et moi ?! Tu crois que je n'avais pas peur ?! Tu crois que je n'étais pas terrorisé chaque fois que je rentrais de l'école ? Que je n'ai pas pensé à terminer mes jours à cause de lui ?!
Il ne cherchait plus à se contrôler. Les larmes coulaient librement sur ses joues. Il était tellement en colère contre sa mère. Pourtant, la voir s'effondrer sous ses yeux, lui causa une douleur insupportable. Elle aussi devait souffrir en ce moment. Dans une autre vie, il aurait pu compatir, c'est vrai. Une femme amoureuse et craintive, tiraillée entre la peur de perdre son amant et celle de voir son fils dépérir.
- Oh Taeyong, sanglota-t-elle.
Elle repoussa sa chaise et fit le tour de la table pour le prendre dans ses bras. Même si l'envie ne lui manquait pas, Taeyong ne la repoussa pas. Il s'échoua contre elle et pleura au rythme des sanglots qu'elle libérait. Il se sentait trahi, désespéré. Comment une mère peut-elle abandonner son enfant de cette façon? Lui adresser la parole chaque jour en faisant comme si elle ne savait pas ? Le voir grimacer tous les matins et ne pas se sentir coupable ? Il ne comprenait pas.
- Je suis tellement désolée... J'espère qu'ils t'ont aidé quand je n'étais pas là... chuchota-t-elle.
En l'entendant, Taeyong cessa de pleurer et s'écarta sèchement. Ses larmes cédèrent la place à une rage folle et démesurée. Sa mère savait forcément que Mike était lié à leur apparition, elle devait savoir. C'était elle qui l'avait emmené chez le psy lorsqu'il avait été diagnostiqué. Comment pouvait-elle parler d'eux comme s'il ne s'agissait que de simples amis, alors qu'en réalité ils étaient le fruit du traumatisme que Mike lui avait provoqué ? Comment osait-elle les évoquer ? Elle n'avait pas le droit. Taeyong était tellement aveuglé par la rancœur et la colère qu'il aurait pu la tuer.
- Ferme ta gueule, hurla-t-il. Ne parle pas d'eux, tu ne les connais pas, tu ne sais rien d'eux !
Il plaça ses mains autour de son cou, dans un geste monstrueux et la plaqua sur le mur.
- Taeyong, tu me fais mal, souffla-t-elle.
- Crève salope !
C'était Royce qui parlait. Royce qui avait pris tous les coups parce que Taeyong voulait la protéger. Une étincelle d'effroi traversa le regard de sa mère. Elle ne reconnaissait plus son fils. A ce moment-là, entre ses mains qui serraient de plus en plus fort son cou, elle eut l'impression de mourir. L'air commençait à lui manquer. Elle se débattit faiblement. Elle n'arrivait même pas à éprouver la moindre colère contre lui. Elle lui avait fait tellement de mal. Il était normal qu'il lui en veuille autant. Si elle mourrait aujourd'hui, elle saurait qu'au moins, son fils aurait l'âme en paix. Alors que ses dernières résistances cédaient, et que ses paupières se fermaient, les mains qui l'étranglaient disparurent. Aussitôt une quinte de toux violente la saisit. Elle s'effondra contre le mur en ventilant, les yeux de voilés de larmes. Maya venait de prendre le contrôle. Elle avait rompu sa promesse de ne pas interférer pour éviter que Royce ne commettent l'irréparable. En voyant cette femme recroquevillée sur elle-même et complètement déboussolée, Maya ressentit une pointe de pitié. Pourtant, elle ne fit rien pour l'aider.
- T-Taeyong... croassa la mère en tendant la main vers elle.
- Ce n'est pas Taeyong, dit-elle d'un ton sec.
Ses sourcils étaient froncés et ses poings serrées. Elle aussi était en colère.
- Vous êtes allée trop loin avec votre fils. Vous n'auriez jamais dû laisser la situation se dégrader autant. En choisissant de garder Mike, vous avez fait le choix de condamner votre propre fils à la souffrance. Je crois qu'il vaut mieux qu'on s'éloigne pendant quelques temps.
- Qu-Quoi ? Non ! Vous ne pouvez pas partir, j'ai besoin de Taeyong. Je ne peux pas rester seule ! implora sa mère en s'accrochant au pantalon que portait son fils.
Maya dégagea sa main.
- Taeyong avait aussi besoin de vous.
Sur ces mots, elle tourna les talons et monta à l'étage préparer un sac de vêtements. Elle ne savait pas vraiment où ils allaient dormir. Elle ne voyait qu'un seul endroit possible. Elle marcha jusqu'à l'arrêt de bus, sans se retourner, bien consciente que la mère de Taeyong la regardait partir en pleurant. Elle monta dans le bus et s'installa au fond. C'était probablement le dernier. Il était déjà tard. Elle consulta le portable et l'éteignit en constatant qu'il n'y avait pas de nouveau message sur le journal. Le trajet fut court. Elle n'était qu'à quelques pâtés de maisons de sa destination. En descendant, l'air frais lui fit du bien. Depuis une semaine, la canicule sévissait, alors elle profita du vent en fermant les yeux puis traversa la rue adjacente. Arrêtée devant la vitrine d'un magasin, elle se recoiffa et hissa le sac sur son épaule. L'adresse était ancrée dans sa mémoire. Taeyong avait fait ce chemin si souvent qu'elle le connaissait par cœur. Arrivée devant la porte qu'elle cherchait, elle frappa et attendit anxieusement. Il était tard et, même si elle était là parce qu'elle n'avait pas le choix, elle culpabilisait à l'idée de déranger. Au bout de quelques minutes, une femme ouvrit la porte. C'était la mère de Josh.
- Taeyong ? Tout va bien ? Josh ne m'a pas prévenue que tu venais.
- A vrai dire, il ne sait pas que je suis là.
- Oh...
Elle eut une expression confuse.
- Je n'ai pas préparé suffisamment à manger.
- Ne vous en faites pas. J'ai déjà dîné.
- Bien, entre donc. Il est dans sa chambre. Avec sa musique à fond, je suis persuadée qu'il ne t'a pas entendu. Tes parents savent que tu es là ?
- Plus ou moins.
La mère de Josh ne chercha pas à prolonger la conversation. Elle offrit un sourire poli et indiqua à Maya les escaliers d'un geste de la main. En ouvrant la porte de la chambre de Josh, Maya fut accueillie par le bruit insoutenable des basses qui diffusaient Nirvana. Josh était sur son lit, un manuel de mathématiques à la main. Il semblait mémoriser des formules. Maya s'avança lentement avec un sourire amusé. Il ne l'avait même pas entendu.
« Comment peux-tu réviser avec un boucan pareil ?! » demanda-t-elle.
Josh remarqua finalement sa présence et sursauta. Il se leva du lit pour éteindre la musique et lui adressa un regard incrédule.
- Qu'est-ce que tu fais là ?! s'écria-t-il en balançant son manuel de maths dans un coin de la pièce.
- Tu n'es pas content de me voir ? l'accusa Maya avec une pointe d'amusement.
- Si ! Bien-sûr que si. C'est juste que je t'aie harcelé de messages toute la journée et tu ne m'as pas répondu ! J'en ai conclus que tu étais malade mais visiblement, ce n'est pas le cas, répliqua Josh en lui jetant un regard.
Il était amer. C'était la première fois que Taeyong lui faisait un coup pareil. A cause lui, il avait passé la matinée à se ronger les sangs. Il s'était même demandé s'il n'avait pas fait quelque chose de mal, quelque chose qui mettrait en péril leur amitié.
- J'ai cru que tu m'en voulais.
- Pourquoi je t'en voudrais ?
- Je ne sais pas, à toi de me dire. Tu m'as ignoré toute la journée, j'étais inquiet.
- C'est juste que...
Maya soupira et s'avança vers lui.
- Il nous ait arrivé quelque chose aujourd'hui.
Au ton de sa voix, Josh comprit immédiatement que la situation était grave. Maya n'eut pas besoin de dire quoique ce soit qu'il la prit immédiatement contre lui. Le contact de ses bras chauds fit surgir Taeyong. Il lui fallut quelques secondes pour savoir où il se trouvait. Mais les posters à moitié déchirés, les caleçons en vrac et l'odeur si particulière que dégageait Josh effacèrent tous ses doutes.
- Que se passe-t-il ? Parle-moi...
- Je...
Taeyong prit une grande inspiration. Ses sentiments étaient mitigés. D'un côté, il était ravi d'annoncer que son tortionnaire ne lui ferait plus jamais de mal, mais de l'autre il était dévasté à l'idée d'avouer que sa propre mère, l'avait trahi. Et puis, il appréhendait la réaction de Josh. Que penserait-il lorsqu'il le verrait sourire en annonçant la mort de Mike ? Il le prendrait probablement pour un psychopathe. Comme s'il lisait dans ses pensées, Josh plaça une main rassurante sur son épaule.
- Hey... tu peux tout me dire... Je ne te jugerai jamais.
Taeyong songea que plus vite il parlait, plus vite le poids qui pesait sur sa poitrine disparaitrait. Alors, il s'installa sur le lit de Josh et lui raconta. Il parla, parla, parla sans interruption. Il lui avoua d'où venaient les coupures sous ses bras, les bleus sur ses côtes, les traces de doigts sur ses hanches. Il expliqua tout. Même si Josh se doutait que quelque chose n'allait pas, il était à mille lieues d'imaginer que son propre beau-père, l'homme avec qui il avait habité pendant dix ans, le torturait physiquement et mentalement.
- S'ils existent, c'est à cause de lui.
Taeyong se pinça les lèvres. Il s'en voulait de parler de ses entités comme d'un défaut mais il ne pouvait pas s'en empêcher. Quelqu'un de normal n'avait pas autant de personnalités différentes. C'était bien qu'il avait un problème. Josh l'écouta sans un bruit et lorsqu'il eut finit, il l'attrapa par les épaules et le serra dans ses bras.
- Leur existence n'est pas mauvaise Taeyong.
- C'est juste que... j'aimerais être moi parfois. Juste moi et ne pas avoir à céder la place à quelqu'un d'autre.
- J'aimerais te dire que je comprends ce que tu ressens mais... ce serait te mentir. Je m'en veux de ne rien avoir remarqué... De ne pas avoir insisté quand tu prétendais être tombé dans les escaliers. Au fond de moi, je savais. Mais j'avais peur d'apprendre la vérité, avoua Josh.
Ses yeux se remplirent de larmes et Taeyong secoua la tête.
- Je ne suis pas un bon ami hein ?
- Tu es le meilleur ami que je puisse espérer, chuchota Taeyong.
Josh le prit à nouveau dans ses bras. Ils restèrent immobiles pendant de longues minutes.
- Que comptes-tu faire avec ta mère ?
- Je ne sais pas. Pour l'instant, j'ai besoin de me tenir éloigné. Les autres sont capables de lui faire du mal.
- Tu penses que tu pourras lui pardonner ?
- Il me faudra du temps. Beaucoup de temps...
Leur étreinte fut rompue par la voix de sa mère qui leur indiqua que le repas était prêt.
- Tu veux manger quelque chose ?
- A vrai dire, j'aimerais prendre une douche.
- Tu sais où se trouve la salle de bain.
Après le repas, Josh le rejoignit et lança un paquet de pop-corn dans sa direction. Ils regardèrent une comédie sur son ordinateur portable. Taeyong avait besoin de rire et de mettre en pause son malheur. Et pour ça, Josh était le meilleur des remèdes. Il avait toujours su lui faire oublier sa tristesse. Il était une sorte de magicien. Taeyong était reconnaissant d'avoir trouvé un ami comme lui. Au milieu du film, Molly qui raffolait des comédies pointa son nez. A la façon dont elle riait, Josh sut tout de suite que Taeyong était parti. Il eut un moment de déception mais, lorsque le générique de fin se déroula sur l'écran, et qu'il se tourna vers elle, Taeyong réapparut. Il ne se souvenait que vaguement du film mais il était heureux d'avoir Josh à ses côtés. Ils passèrent la nuit à parler dans l'obscurité de la chambre jusqu'à tomber de fatigue à l'aube. Josh rassura Taeyong autant qu'il le put et essuya ses larmes jusqu'au petit matin.
Lorsqu'ils grimpèrent dans le bus après avoir avalé une pile de pancakes chacun, Josh pensa soudainement qu'il n'avait pas eu de nouvelles concernant Jaehyun.
- Au fait, où ça en est avec ton prince ?
- Jaehyun ? Il doit me donner une réponse...
- Tu te sens d'aller le voir ?
- Je me suis déjà ridiculisé en lui offrant la lettre. Ça ne peut pas être pire.
En réalité, Taeyong était impatient. La peur qu'il ressentait à l'idée d'être confronté par Jaehyun s'était évaporée. Désormais, il se moquait que ses sentiments soient réciproques ou non. Il se sentait capable de lui faire face sans s'écrouler. Il avait confiance en lui.
- Et toi ? Avec qui comptes-tu aller au bal ? demanda-t-il à Josh en récupérant ses livres dans son casier.
Josh se mit à rougir et baissa les yeux sur ses pieds.
- Je ne sais pas... Je pense que je ne vais pas y aller.
- Quoi ?! Mais tu ne peux pas rater ça ! C'est notre dernier bal avant qu'on rentre à l'université !
- Je n'ai pas de cavalière et honnêtement, danser au milieu des autres, c'est pas trop mon truc.
Taeyong observa son meilleur ami avec une moue dubitative. C'était la première fois qu'il le voyait aussi nerveux.
- Si c'est ce que tu veux...
- Ne t'inquiète pas pour moi. Profite de ta soirée avec Jaehyun.
- Qui te dit qu'il va m'emmener ?
- Je ne sais pas. Tu n'as qu'à lui demander.
Taeyong suivit des yeux l'endroit où Josh regardait. Jaehyun était penché dans son casier. Il triait ses livres avec beaucoup de virulence.
- Il a l'air...
- Contrarié.
- Je ne sais pas si c'est une bonne idée que j'aille le voir maintenant.
- Au contraire ! Ça va lui redonner le sourire.
- Tu es sûr ?
- Puisque je te le dis ! Vas-y, fonce !
Josh poussa Taeyong qui tituba avant de se rattraper maladroitement. Le temps qu'il traverse le couloir, Jaehyun avait déjà claqué son casier et se dirigeait vers sa salle de classe. Il accéléra le pas jusqu'à le rattraper.
- Jaehyun !
En entendant son prénom, Jaehyun se retourna. Aussitôt que ses yeux aperçurent Taeyong, il regretta son geste. Un sentiment de colère et de douleur compressa sa poitrine.
- Qu'est-ce que tu veux ? demanda-t-il avec agressivité.
Sa douceur habituelle s'était envolée. Il était possédé par une rage démesurée. Choqué par son ton, Taeyong perdit son sourire et fit un pas en arrière. La peur lui tordait le ventre. Ce n'était définitivement pas le Jaehyun qu'il connaissait. Ses yeux étaient cernés et sa peau pâle. Il avait l'air malade, pourtant son regard brillait de colère.
- Je... je... Pour la lettre je...
Taeyong ne parvint pas à terminer sa phrase. Ses mots furent emportés par la panique et la douleur. Jaehyun le regardait avec dégoût. Comme si face à lui, se trouvait un tas d'ordures répugnantes. Incapable de soutenir son regard plus longtemps sans pleurer, Taeyong préféra baisser les yeux. Sa confiance avait totalement disparu. Plus les secondes passaient, plus la blessure que ce simple regard avait causée dans son cœur, grandissait.
- Tu te fous de ma gueule j'espère ? Tu reviens me voir pour me parler de ta putain de lettre ? cracha Jaehyun en s'approchant dangereusement de lui.
- Je voulais avoir ta réponse, chuchota Taeyong.
Jaehyun eut une expression incrédule avant de sourire en levant les yeux au ciel.
- T'es pas possible ! s'emporta-t-il. La dernière fois ne t'a pas suffi ? Il faut que tu viennes renfoncer le couteau dans la plaie ?
- Mais de quoi tu parles ?
Taeyong était confus. A ce moment-là, seule la vérité l'importait. Jaehyun le saisit par le col et le plaqua contre le mur. Autour d'eux, quelques élèves s'arrêtèrent pour regarder la scène.
- A quoi tu joues putain ? siffla-t-il les dents serrées.
C'était la première fois qu'ils étaient aussi proches, pourtant, Taeyong ne ressentit pas les papillons habituels, les frissons de plaisir et les palpitations de son cœur déchaîné. Tout ce qu'il ressentit fut de l'effroi. Un effroi glaçant qui le tétanisa. Il ouvrit la bouche pour parler mais aucun son n'en sortit. Le regard de Jaehyun l'empêchait de respirer. Il était puissant, oppressant, terrifiant.
- Arrête de faire semblant.
- Je... Je ne fais pas semblant, protesta faiblement Taeyong. Je ne me souviens pas !
- Tu n'as donc aucun remord ? Tu es vraiment pire que ce que je pensais. Je ne sais même pas pourquoi je perds mon temps avec toi.
Jaehyun exerça une dernière pression sur son col et le relâcha. Taeyong le regarda s'éloigner, léthargique. Il mit quelques secondes avant de reprendre ses esprits. Il était sonné et complètement hors de lui. Il avait beau creuser dans sa mémoire, il n'arrivait pas à se souvenir. Quelque chose d'important s'était passé. Mais quoi ? Une de ses entités avait pris le contrôle sans l'informer. Et maintenant, Jaehyun le détestait. Taeyong refusa d'abandonner aussi facilement. Alors, il se lança à la poursuite de Jaehyun et agrippa son poignet de toutes ses forces.
- Mais tu vas me lâcher bordel ?! hurla Jaehyun.
- Seulement si tu me dis ce qui s'est passé !
- Je n'arrive pas à croire qu'il faut que je te rappelle un truc pareil. Visiblement tu as la mémoire courte. Tu ne te souviens vraiment pas ?
Taeyong secoua la tête.
- Donc si je te dis que tu m'as humilié en m'annonçant que tu ne voulais pas aller au bal avec moi et que tu avais écrit cette lettre uniquement pour te foutre de moi, ça ne te dit rien ?
Jaehyun peinait à retenir ses larmes. En voyant sa lèvre trembler, Taeyong sentit quelque chose se briser en lui. La confusion et l'inquiétude traversèrent son visage. Qui avait bien pu prendre le contrôle et faire une chose pareille ? Toutes ses entités recherchaient son bonheur alors pourquoi... ? Pourquoi faire souffrir Jaehyun, pourquoi le faire souffrir lui ? Tout ce qu'il souhaitait, c'était d'aller au bal. Etait-ce trop demandé, que pour une fois, dans sa vie, on le laisse être heureux ? Une boule nerveuse se forma dans sa gorge. A ce moment-là, l'honnêteté semblait la meilleure solution. Pourtant, Taeyong ne put se résigner à lui dire toute la vérité. Il ne voulait pas lui parler de ses entités, il ne pouvait pas ! C'était trop risqué. Au mieux, Jaehyun le prendrait pour un menteur, complètement fou, au pire il se servirait de lui et le détruirait comme les autres l'avaient fait. Même s'il était terrorisé, Taeyong devait se défendre. Il ne pouvait pas lui laisser croire que cette entité, qui avait parlé à sa place, était lui.
- Je... je n'ai jamais dit ça ! Ce n'était pas moi ! Il faut que tu me croies ! supplia-t-il d'une voix désespérée.
Jaehyun le regarda avec un sourire las.
- Tu es vraiment con ma parole... Pourquoi continues-tu de mentir ? Tu as eu ce que tu voulais. Tu m'as fait du mal. Alors maintenant, tu peux arrêter d'insister.
- Jaehyun... je sais que c'est difficile à croire mais ce n'était pas moi. Je... Jamais je n'aurais fait une chose pareille. Chaque mot qui était écrit dans cette lettre, je l'ai pensé ! chuchota Taeyong sans quitter son regard.
Pendant une seconde, Jaehyun sembla hésiter. Puis, le doute laissa place à la violence. Le contact de Taeyong lui devint insupportable. Cette main qui n'avait rien à faire sur sa peau, le rendait malade. I fallait qu'il s'en débarrasse à tout prix. D'un coup sec, il dégagea son poignet. Face à lui, Taeyong le regardait avec une mine blessée, une mine de victime. Comment osait-il ? Jaehyun était la victime de l'histoire, pas lui ! Son visage déchiré par le chagrin réveilla en lui un sentiment de haine comme il n'en avait jamais connu. Sans réfléchir à la portée de ses gestes, il agrippa Taeyong par son sweat et le bouscula de toutes ses forces. Pendant ce qui sembla une éternité, Taeyong tituba à l'arrière, incapable de recouvrer l'équilibre. Il finit par chuter sur le dos dans un bruit sourd qui alerta tous les élèves. L'impact du lino dur contre sa peau abusée, lui coupa le souffle. Il n'arrivait plus à respirer. Ses oreilles bourdonnaient et son sang pompait furieusement dans ses tempes.
- Arrêt putain ! T'es pathétique ! hurla Jaehyun. Arrête de mentir, arrête de me suivre partout comme un chien, fais comme si je n'existais pas !
Incapable de bouger, Taeyong resta immobile sur le sol. Il fixa le plafond en écoutant Jaehyun l'insulter. Sa respiration était courte et ses os douloureux. Qu'avait-il fait pour mériter ça ? Chaque nouvelle insulte était un coup de poignard supplémentaire qu'il ne pouvait pas esquiver. Les yeux remplis de larmes, il laissa les mots de Jaehyun le blesser jusqu'à ne plus supporter la douleur. Ce n'est que lorsqu'il commença à pleurer, les mains devants les yeux, que Jaehyun cessa de crier. Il avait dépensé toute son énergie dans l'alimentation de sa rage. Et maintenant, il était lessivé. Il voulait juste tout oublier. Taeyong lui plaisait depuis le début. Depuis la première fois où il s'était assis à côté de lui, et qu'il avait à peine osé le regarder. Depuis cette fois, où il avait été tellement embarrassé par sa présentation en anglais qu'il s'était mis à pleurer devant toute la classe. Depuis ce moment où il était venu avec de la fièvre et avait passé sa matinée à dormir sur son bureau. Jaehyun aurait voulu prendre soin de lui, protéger cette sensibilité si particulière qu'il avait. Il aurait voulu l'aider à poursuivre sa présentation, soigner sa fièvre par de tendres baisers sur son front. Mais c'était avant. Avant que Taeyong ne révèle son vrai visage. Comment pouvait-il persister à faire semblant ? Feindre ses larmes et sa déception ? N'avait-il aucun semblant d'humanité ? Jaehyun se sentit presque coupable d'être la cause de son chagrin. En le voyant allongé par terre, les mains autour de ses côtes et le visage ravagé par les larmes, il regretta presque son geste. Et puis, il se souvint de la raison pour laquelle il avait fait ça. De toute la douleur qu'il avait ressentie en apprenant qu'il n'était qu'un jouet, que la seule personne pour qui il éprouvait de l'attachement, le détestait. Il avait eu tellement mal. La nuit, alors qu'il pleurait contre son oreiller, il avait réalisé que peut-être, ses sentiments étaient plus forts que ce qu'il voulait bien croire. Sinon pourquoi aurait-il eu autant de mal à digérer les mots de Taeyong? Pourquoi aurait-il passé la nuit à souffrir ?
Autour d'eux, les élèves s'étaient rapprochés. Certains avaient sorti leur téléphone et filmaient la scène.
- Dégagez, y'a rien à voir ! aboya Jaehyun.
Aucun n'osa contester son autorité. Ils s'éparpillèrent comme des fourmis alors que la cloche retentissait. Jaehyun adressa un regard plein de remords et de déception à Taeyong puis, comme les autres, s'éclipsa. Taeyong resta étendu pendant un long moment. Il n'avait pas envie de bouger. Les larmes coulaient sur son visage à un rythme régulier. Il était en colère. Terriblement en colère contre l'entité qui avait fait ça. Seulement, dans un cas pareil, il ne pouvait pas lui refaire le portrait, l'injurier, ou se venger. Il était simplement confronté à lui-même. Incapable d'affronter celui qui avait fait ça. Il se sentait prisonnier. Un sentiment d'impuissance et de détresse le submergea. Il replia ses genoux contre lui-même et se mit à sangloter, visage contre le sol.
Il avait tout gâché.
***
Josh était en train de se laver les mains lorsque la porte des toilettes claqua violemment contre le mur. Le bruit le fit sursauter. Il était déjà en retard alors que quelqu'un d'autre se joigne à lui maintenant semblait surprenant. D'un regard dans le miroir, il aperçut la silhouette de Jaehyun qui passait en coup de vent. Etonné de le voir ici à une heure pareille, il tourna la tête dans sa direction et le vit s'essuyer furtivement les joues. Jaehyun et lui n'étaient pas amis. Mais il le connaissait suffisamment bien, de réputation, pour savoir qu'il n'était pas le genre à pleurer pour rien.
Inquiet, Josh coupa le robinet. Il savait parfaitement que la dernière personne à avoir parlé avec lui, était Taeyong. Même si leur discussion ne le regardait pas, il se souciait tout de même du bien-être de son ami. S'ils s'étaient disputés, il devait le savoir.
Seulement, il n'eut pas le temps de poser la moindre question que Jaehyun avait déjà disparu dans l'une des cabines. L'oreille tendue, il l'écouta sangloter et se moucher avant de se décider à quitter les toilettes. Sa mère lui avait toujours dit que rentrer dans l'intimité des autres était mal, alors il suivit ses conseils. En traversant le couloir, ses yeux se posèrent sur une masse noire roulée en boule. Il reconnut automatiquement le sac à dos de Taeyong et alors, la panique actionna ses jambes qui se mirent à courir.
« Taeyong ! » hurla-t-il.
En arrivant à sa hauteur, Josh s'accroupit et saisit son visage entre ses mains. Lui aussi pleurait.
- Que s'est-il passé ?! demanda-t-il en fronçant les sourcils.
Taeyong se redressa doucement et se jeta contre Josh qui l'accueillit à bras ouvert.
- Jaehyun ne veut pas de moi... sanglota-t-il dans son tee-shirt. Il me déteste...
- Non, je suis sûr que ce n'est pas le cas, tenta Josh pour le rassurer.
- Si ! Il me l'a dit lui-même ! Il me trouve pathétique et... et... il ne veut rien avoir à faire avec moi. Il pense que ce que j'ai écrit dans la lettre est faux alors que... que... je l'aime vraiment. Je n'ai pas menti, je suis incapable d'une chose pareille.
- Comment s'est-il mis cette idée dans la tête ?
Taeyong voulut expliquer à Josh qu'une des entités avait certainement pris le contrôle sans l'en informer, mais il en fut incapable. Les sanglots et le chagrin le rendirent muet. Josh le consola en frottant doucement son dos.
- J'ai tout foutu en l'air...
- Non... Ce n'est pas ta faute. Jaehyun a probablement mal compris tes intentions. Je suis certain qu'il ne pensait pas un mot de ce qu'il t'a dit.
Taeyong secoua la tête.
- Tu n'as pas vu ses yeux... il y avait tellement de haine et de dégoût... ça fait mal.
Sa voix se brisa à la fin de sa phrase. Josh ne supporta pas plus longtemps la vue de son visage dévasté et l'étouffa dans son tee-shirt. C'était son devoir de le rendre heureux. En rencontrant Taeyong, il s'était promis de le protéger. Taeyong était si pétillant, généreux, gentil... il ne méritait pas qu'on le traite comme ça. Il ne méritait pas que la vie s'acharne ainsi sur lui. Il avait trop souffert. Josh voulait soigner ses maux et lui faire découvrir ce que signifiait le mot « bonheur. » Personne n'avait jamais fait ça pour lui. Il voulait être le premier à le rendre heureux car Taeyong était important pour lui, plus que n'importe qui. C'était son meilleur ami.
- S'il ne veut pas t'emmener au bal, je t'y emmènerai, annonça Josh d'une voix déterminée.
En l'entendant, Taeyong cessa de renifler et releva la tête.
- Non... Tu n'as pas à faire ça pour moi... tu n'aimes pas danser et puis, je n'ai pas envie d'être un fardeau pour toi je-
- Taeyong tu n'es pas, et tu ne seras jamais un boulet dans ma vie. Jaehyun ne sait pas ce qu'il perd. Je vais t'emmener à ce bal, que tu le veuilles ou non et on va s'éclater comme des fous.
Voilà comment, trois semaines plus tard, Josh franchit les portes du lycée en paradant au bras de Taeyong. Vêtus d'un costume, ils portaient chacun une rose à leur poignet comme la tradition le voulait. En un mois, beaucoup de choses avaient changé. Taeyong était rentré chez lui et avait affronté sa mère une bonne fois pour toute. Il avait décidé de tirer un trait sur le passé et de recommencer une nouvelle histoire avec elle. Passer son temps à la haïr le rendait malheureux. Il voulait juste retrouver sa maman. Même si leur relation avait été à tout jamais impacté par le secret qu'elle portait, Taeyong renouait petit à petit avec elle. Il était plus distant mais ne ratait jamais leur movies-marathon du samedi soir. Josh et lui étaient devenus encore plus proches qu'ils ne l'étaient déjà. Ils passaient désormais chaque soirée ensemble à jouer vidéo et concluaient la nuit en sortant manger une glace. Trish se montrait de plus en plus souvent. Elle était devenue moins anxieuse et plus joyeuse, comme si la disparition de Mike l'avait libérée. Josh avait l'impression d'être en rancard, à un détail près, elle était le portrait craché de Taeyong. Mais il ne s'en plaignait pas. Jaehyun était resté égal à lui-même. Toujours aussi populaire, et toujours aussi souriant. C'était ce que Taeyong voulait croire. Pourtant quelques petites choses avaient changé. Ils n'étaient plus assis à côté en cours. Jaehyun avait migré vers le devant de la classe et puis, il avait ces moments d'absence où il fixait le vide, comme s'il portait le poids du monde sur ses épaules. Taeyong se sentait terriblement mal chaque fois que leur regard se croisait. Jaehyun le regardait avec sentiment de manque et de tristesse. Il avait presque la sensation, qu'il regrettait de ne pas l'avoir cru.
Mais ce qui était fait, était fait. Et ce soir, c'était avec Josh qu'il était venu. Après avoir pris plusieurs photos devant le décor en carton qu'avait créé le BDE, Taeyong l'attrapa par le bras et le tira près du buffet. Il n'avait rien avalé depuis quatorze heures et son estomac criait famine. Face à la vue des différentes mignardises, Royce fit son apparition et se jeta sur le premier plateau venu. Il engloutit canapé sur canapé, ne s'arrêtant que lorsque Josh lui offrit un verre de ponch.
- Merci d'être venu avec nous, c'est cool, lui dit-il la bouche pleine.
- Je n'allais pas vous abandonner. Après tout, vous êtes mes meilleurs amis.
Face à la mine enthousiaste de Royce, il eut un sourire et, à son tour, attrapa un canapé.
- C'est bon cette merde ! s'exclama-t-il, les yeux ronds comme des billes.
- Pourquoi crois-tu que je me goinfre ? se marra Royce en avalant une nouvelle bouchée.
Une heure passa au cours de laquelle, ils tournèrent autour du buffet en discutant. Les verres de ponch se multiplièrent et les fous rires leur succédèrent. Josh essuya ses larmes avant de poser son verre sur la table.
- Tu veux aller danser ? proposa-t-il en jetant un coup d'œil à la masse d'élèves agglutinés.
La piste était remplie. Le DJ avait lancé un morceau de rock endiablé qui faisait tourner les filles et bondir les garçons. Tous étaient vêtus de robes bouffantes et de nœuds papillons. Le tableau original était assez comique à voir. Josh eut un petit rire en voyant les membres de l'équipe de football tituber dans leur costume trop petit.
- Nah ! Pas mon délire, souffla Royce dans son oreille. Trish par contre...
En entendant son prénom, Josh se fendit immédiatement d'un sourire. Il attrapa la main de Taeyong et entraîna Trish qui rougissait, vers la piste.
Dans un coin de la pièce, Jaehyun broyait du noir. Il était le seul à être venu sans cavalier. Il se sentait ridicule. Qu'est-ce qui m'a pris de venir ? se demanda-t-il en terminant son verre de ponch. Le bal représentait pour lui un symbole d'accomplissement, la fin du lycée, le début de la vie d'adulte. Ça devait être une fête démente, un évènement dont il se souviendrait toute sa vie, pas une soirée interminable où il ruminerait son malheur seul dans son coin. Il était déçu. C'était la première fois, depuis son altercation avec Taeyong, qu'il se sentait aussi déprimé. Après avoir pleuré dans les toilettes, il s'était juré de ne plus jamais verser une larme pour lui, et il avait tenu sa promesse. Seulement le manque était inévitable. Il pensait à lui de plus en plus souvent et passait des nuits entières à se demander « et si ? » Et s'il n'avait pas menti la deuxième fois ? Et si ce n'était vraiment pas lui qui avait dit toutes ses horreurs ? Et s'il avait vraiment eu envie d'aller à ce bal avec lui ? Toutes ces interrogations le rendaient dingue.
Taeyong avait bien prononcé ces mots, il en était convaincu. Ce n'était pas un clone ou un jumeau maléfique qu'il avait eu en face de lui. Pourtant, la sincérité qui brillait dans son regard lorsqu'il lui avait clamé dire la vérité, ne trompait pas. Ce jour-là, il avait eu l'air honnêtement confus, et perdu, comme s'il ne savait vraiment pas ce qui s'était passé. Il mentait si bien que Jaehyun s'était mis à douter de la vérité. Et maintenant, il était complètement paumé.
Appuyé contre un mur, il se frotta nerveusement le visage et posa à nouveau ses yeux sur la piste de danse : l'endroit qu'il épiait depuis le début de la soirée. Cela faisait deux heures qu'il le regardait danser. Deux heures d'agonie où il assistait impuissant aux mains posées sur ses hanches, qui n'étaient pas les siennes, aux chuchotements près de son oreille, qui auraient dû être les siens. C'aurait dû être lui, pas un autre. Jaehyun se pinça la lèvre. La jalousie le rendait malade. Il avait tellement mal au cœur. Lui qui pensait s'amuser et passer une bonne soirée en venant, s'était complètement trompé. Il regrettait son choix d'être venu car maintenant, il souffrait. Taeyong était à portée de main, mais il ne pouvait pas l'atteindre. Il était si beau au milieu de tous ces anonymes insignifiants. Sa peau luisait sous la lumières des projecteurs et son corps gracile se déplaçait avec légèreté, presque comme une plume. Il tournoyait les bras en l'air et renversait la tête à l'arrière en riant, main devant la bouche. Il était exceptionnel. Jaehyun ne voyait que lui. Les autres semblaient invisibles.
Soudain, l'envie irrépressible de le faire sien, le démangea. Son sang fit le tour de son corps et, sans qu'il ne sache d'où se courage lui venait, il se décolla du mur et fonça droit sur la piste de danse. Dans sa tête, les phrases se mêlaient, les mots devenaient flous. Il ne savait pas ce qu'il allait lui dire, ni même si Taeyong allait l'écouter. Putain, il ne savait même pas pourquoi il était autant attaché à un type qui lui avait fait du mal ! Mais une chose était certaine, il ne voulait plus rater une occasion de lui parler. Il voulait être près de lui et surtout, il voulait faire disparaître les mains qui le touchaient. Lui seul avait le droit.
En arrivant à sa hauteur, Taeyong ne le remarqua même pas. Il était tellement occupé à rire avec Josh qu'il ne sentit pas sa présence ni son souffle dans son cou. Trish avait pris congé depuis quelques minutes et Taeyong profitait désormais de son meilleur ami.
« Taeyong ! »
Une voix l'appela. Une voix grave qui fit vibrer sa poitrine et stopper son cœur net. Pendant une seconde la musique se coupa et le monde disparut. Tout ce sur quoi il était capable de se concentrer était cette voix. Cette voix terrifiante mais tellement attirante. Effrayé, Taeyong pivota sur ses talons et tomba nez à nez avec Jaehyun. Derrière lui, Josh fronçait les sourcils.
- Je dois te parler !
- Pourquoi faire ?
- Viens, s'il te plaît !
Sans lui laisser le choix, Jaehyun agrippa son poignet l'extirpa de la foule compact. Taeyong eut à peine le temps d'adresser un regard désolé à Josh qu'il était déjà à l'extérieur de la salle. L'air frais fouetta sa peau transpirante. Mais son visage brûlait tellement, qu'il ne s'en rendit pas compte. Il était embarrassé, mal à l'aise, pire : terrorisé. Il ne voulait pas revivre à nouveau sa confrontation avec Jaehyun. Pourtant, quelque chose dans la façon dont Jaehyun le regardait, lui souffla qu'il n'était pas là pour en découdre. Son regard était doux, presque apaisé. Un regard qu'il n'avait pas revu depuis leur dispute. Cela n'empêcha pas son estomac de se tordre d'anxiété.
- Je ne sais pas ce que tu veux mais... j'ai respecté ce que tu m'as dit. Je t'ai laissé tranquille alors maintenant, c'est à toi de me laisser, dit-il à toute vitesse.
Par instinct, il enroula ses bras autour de lui et ferma les yeux. Il avait peur que Jaehyun lui fasse du mal. En le voyant se protéger ainsi, Jaehyun eut un pincement au cœur.
- Taeyong, je ne suis pas là pour te reprocher quoique ce soit... Je... Je... Tu me manques, finit-il par chuchoter d'une voix basse, presque inaudible.
Mais pas suffisamment basse pour que Taeyong ne l'entende pas.
- Qu-Quoi ?
Ses bras tombèrent, ballants, et son regard s'agrandit de stupeur.
- J'ai été con et... je ne sais pas pourquoi ni comment, mais j'ai finalement réalisé que tu étais sincère.
- Comment peux-tu croire que-
- Personne n'est suffisamment bon acteur pour feindre la douleur. Quand je t'ai vu pleurer ce jour-là, j'ai compris que j'avais fait une grosse connerie. Et j'ai eu au fond de moi, une intuition, celle que tu ne me mentais pas. Je m'en veux d'avoir été aussi con et-
- Non Jaehyun.
Taeyong l'arrêta d'un doigt en l'air.
- Tu n'es pas con. N'importe qui à ta place aurait réagi de la même manière. Même si ça m'a fait mal, j'ai compris ta réaction. J'aurais eu la même. Tu avais toutes les raisons du monde d'être en colère car tout ça est ma faute... Je suis bien celui qui t'a dit ça, tu n'es pas fou mais... ce n'était pas tout à fait moi, je n'étais pas dans mon état normal, s'empressa-t-il d'ajouter.
Pendant une seconde Jaehyun parut perplexe.
- C'est compliqué à expliquer et honnêtement, je ne me sens pas prêt à tout te raconter maintenant. J'ai besoin de temps. Je ne fais pas confiance facilement. En tout cas, je veux que tu saches que le vrai Taeyong, celui que tu as en face de toi, n'a pas menti. Je t'aime vraiment. Et que tu me crois ou pas, ça ne change rien aux sentiments qui animent mon cœur chaque fois que je te vois.
Ca y est. Il l'avait dit. Jaehyun savait enfin ce qu'il ressentait. Il s'était montré sous toute sa vulnérabilité et sa tendresse. Il avait laissé tomber ses défenses sans peur, avec le besoin de rétablir la vérité. Jaehyun l'écouta attentivement sans bouger. Sa confession provoqua une explosion inattendue dans sa poitrine. Entendre ces mots était bien plus puissant que les lire sur un simple bout de papier. Taeyong l'aimait. A ce moment-là, il n'en doutait plus.
- Donc... si je comprends bien... tu voulais vraiment aller au bal avec moi ?
- Evidemment !
- Il y a un truc que je ne saisis pas... pourquoi m'avoir dit tout ça si tu ne le pensais pas ?
Jaehyun se pinça le menton et Taeyong soupira.
- Je te promets de tout te raconter un jour. Mais pas maintenant. Si tu n'es pas prêt à m'accepter tant que tu n'auras pas toute l'histoire, je comprendrais.
Taeyong eut un sourire triste et commença à se diriger vers la porte. S'il avait été rationnel, Jaehyun aurait attendu de connaître l'entière vérité. Mais il ne l'était pas. Pas ce soir. Il était fatigué d'écouter sa tête. Alors cette fois-ci, il suivit ce que lui dictait son cœur. En quelques foulées, il rejoignit Taeyong et le prit dans ses bras, sans pudeur, sans attendre quoique ce soit en retour. Il avait seulement besoin de le sentir contre lui. De profiter de sa chaleur, de son parfum. En sentant ses bras autour de son ventre et son torse sculpté contre son dos, Taeyong s'immobilisa la bouche grande ouverte. Son corps se crispa et ses yeux se fermèrent. C'était la première fois que quelqu'un d'autre que Josh le touchait comme ça. La sensation n'était pas désagréable, seulement étrange. Il n'avait pas l'habitude. C'était beaucoup à supporter pour son cœur sensible qui s'emballa. Mais lorsque le pouce de Jaehyun se balada sur ses manches couvertes, son corps se relaxa et il se laissa complètement aller contre lui. A l'intérieur, les années quatre-vingts et le rock avaient cédé la place à des chansons douces. Les couples s'étaient formés et dansaient avec langueur, collés les uns aux autre. Les bouches se cherchaient, les mains se trouvaient. Taeyong ne les envia pas. Pas le moins du monde. Il avait tout ce qu'il fallait à ses côtés.
- Taeyong, m'accorderais-tu cette danse ?
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