N°45 Jeonghan SEVENTEEN PART 1
Attention, mention d'homophobie
« Mina, Daniel, je vous ai fait des crêpes ! Descendez ! »
La voix de Jeonghan résonna dans la maison silencieuse. Il attendit quelques instants, l'oreille tendue, puis finit par abandonner.
« Qu'est-ce qui m'a pris de croire que pour une fois... ils voudraient peut-être passer un repas en ma compagnie ? »
Déçu, Jeonghan plaça de l'aluminium sur les crêpes et rangea à contre cœur les confitures qu'il avait sorties. Il était cinq heures du soir. Seungcheol ne rentrerait que dans une heure et les enfants ne risquaient certainement pas de le déranger. Ces derniers temps, ils lui adressaient à peine la parole. Jeonghan se sentait terriblement malheureux du tournent qu'avait pris la situation. Jamais, lorsqu'il les avait adoptés, quinze ans plus tôt, il n'aurait imaginé que leur famille ne se transforme en cauchemar. Dès qu'il eut huit ans, les premiers signes d'agressivité étaient apparus chez Daniel, mais Mina, elle, ne s'était jamais plainte de sa situation atypique. A vrai dire, elle ne se rendait pas compte des différences qui l'éloignaient des autres enfants, elle s'en était très bien accoutumée et n'avait jamais eu honte d'avouer qu'elle n'avait pas de maman. Lorsqu'elle avait eu six ans, Mina avait organisé une grande fête sur le thème des princesses Disney. Les enfants avaient été curieux de l'absence de figure féminine dans la maison mais contrairement aux parents qui avaient été déstabilisés, ils n'avaient fait aucun commentaire. Ils avaient simplement mangé un morceau de gâteau que Jeonghan avait fait, joué à la console, et avalé quelques bonbons puis étaient repartis, tous excités des pochettes surprises reçues.
Même à ses douze ans, alors qu'elle commençait à s'intéresser au maquillage, aux stars et aux garçons, Mina n'avait jamais hésité à inviter des copines à dormir. Toutes savaient parfaitement que ses parents étaient homosexuels, et aucune d'elles ne s'étaient montrées réticentes à l'idée de les rencontrer.
Mina avait parfaitement accepté sa situation et même si parfois, la présence d'une mère lui manquait, elle n'en avait jamais tenu rigueur à ses pères qui s'étaient toujours montrés doux et attentifs. Seungcheol était viril, sévère, bourru et plus proche de Daniel tandis que Jeonghan lui, était son opposé. Jeonghan incarnait la mère que Mina n'avait jamais eue. Il l'emmenait chez le coiffeur, faire du shopping et acceptait même qu'elle lui mette du vernis. C'était avec lui que Mina avait eu ses discussions les plus embarrassantes. Elle se souvenait encore de la panique qu'elle avait ressenti en ayant ses premières règles ou du temps qu'elle avait passé à réfléchir sur la façon d'aborder le sujet de la pilule ou de l'épilation car de toutes ses copines, elle était définitivement la seule qui n'avait pas d'autres choix que de s'adresser à un homme. Bien-sûr, elle avait songé à en parler à la mère de Na-Eun, sa meilleure amie, mais le lien qu'elles avaient établi, n'était pas aussi fort que celui qu'elle avait construit avec Jeonghan. Alors, un jour, elle s'était assise autour de la table avec lui et avait eu cette discussion embarrassante qui, finalement, avait mis Jeonghan bien plus mal à l'aise qu'elle ne l'était, elle-même. Mais Jeonghan avait su faire preuve de tact et avait gérer la situation comme n'importe qu'elle mère l'aurait fait. Cependant, plus Mina grandissait, plus elle se rendait compte que certaines choses ne pouvaient pas être dites à ses pères, même pas à Jeonghan. Jeonghan restait un homme et elle se voyait mal lui raconter les détails de sa première fois. Comme n'importe quelle fille, elle aurait aimé avoir une écoute attentive, une maman qui aurait partagé des anecdotes avec elle, une femme avec une sensibilité bien plus grande que celle de ses pères. Mais ce n'était pas le cas. Mina n'avait pas choisi sa situation. Même si elle ne le disait jamais, elle était reconnaissante que Seungcheol et Jeonghan l'aient adoptés, car sans eux, elle aurait fini sa vie orpheline, sans aucun repère, sans personne pour calmer ses pleurs la nuit, pour la faire rire lorsqu'elle était triste ou pour lui offrir le cadeau dont elle avait toujours rêvé : un chien.
Jeonghan avait toujours fait en sorte que ses enfants soient heureux. Il les aimait tellement. Seungcheol et lui avaient eu tellement de mal pour que leur demande d'adoption soit acceptée, qu'il s'était promis d'être le meilleur père possible. Mais parfois, ses ambitions dépassaient la réalité et il se retrouvait submergé par son incapacité car après tout, il restait humain. La distance que prenaient ses enfants avec lui, lui déchirait le cœur. Il leur avait donné autant qu'il le pouvait et eux ne le remerciaient que par leur ingratitude. Jeonghan voyait sa vie lui échappé. Depuis toute petite, Mina avait toujours été très proche de lui et tout à coup, elle se mettait à l'ignorer et s'éloignait de lui alors que son comportement était resté le même. Il n'était pas devenu plus sévère, il n'avait pas manqué d'attention pour elle, certes il avait vieilli, mais il doutait que son âge soit la raison de son changement. Jeonghan ne comprenait plus rien. Il était dépassé par les évènements. Mina ressemblait de plus en plus à son frère. Elle lui rendait la vie difficile et faisait tout pour lui faire regretter de l'avoir adopté. Même dans toute leur méchanceté, Jeonghan ne parvenait pas à en vouloir à ses enfants. Il assistait seulement, impuissant, à la destruction de tout ce qu'il avait construit.
Daniel, contrairement à sa sœur, avait toujours été du côté de Seungcheol lorsque Jeonghan et lui se disputaient. Il avait toujours voulu s'asseoir à côté de lui et essayait, depuis son plus jeune âge de lui ressembler. Pendant que Mina tressait les cheveux de Jeonghan, lui jouait aux jeux de zombis avec Seungcheol. Daniel n'était pas du genre à se confier, même quand il allait mal. Jeonghan avait parfois l'impression de voir une mini version de son mari mais malheureusement, il était loin d'être aussi gentil que Seungcheol. Depuis qu'il avait réalisé qu'avoir deux papas n'était pas normal, Daniel s'était isolé chez lui et avait tout fait pour s'éloigner de ses parents. Il passait de plus en plus de temps à l'extérieur, rentrait à des heures inimaginables, buvait en cachette et ne prenait même plus la peine de dire bonjour à ses parents. Bien-sûr Jeonghan avait été très alerté par cette situation et avait tout de suite pressenti que ce n'était pas une crise d'adolescence normale, qu'elle était liée à sa sexualité et pas à l'envie de liberté que ressentait les ados, car Daniel avait toujours obtenu tout ce qu'il voulait, alors pourquoi se rebeller ? Lorsqu'il en avait parlé à Seungcheol, Jeonghan avait été terriblement en colère de constater que son mari ne semblait pas alarmé par la situation.
- C'est bon calme-toi, c'est rien. Il grandit c'est tout.
- Ah oui ? Ton fils traîne dehors jusqu'à deux heures du matin et ne m'adresse même plus la parole et toi, tu penses que c'est rien ?!
Seungcheol avait continué d'ajuster sa cravate sans regarder Jeonghan.
- Tu t'inquiètes pour rien. Il n'a simplement rien à raconter c'est tout. Et puis laisse-le vivre, il est encore jeune !
- T'es...
Jeonghan n'avait même pas eu les mots pour qualifier le comportement absurde de son mari. Il avait pensé qu'en se confiant à lui, Seungcheol lui aurait apporté un soutien moral, mais il était loin de se douter qu'au contraire, son mari prendrait la défense de son fils et le ferait passer pour un papa poule bien trop inquisiteur. Alors qu'en réalité, Jeonghan était simplement inquiet que son fils ne l'aime plus. Les larmes aux yeux, il avait quitté la salle de bain en claquant la porte aussi fort qu'il l'avait pu. Seungcheol n'avait pas tenté de le rattraper. Depuis tout petit, Daniel n'avait, de son côté, jamais invité qui que ce soit à la maison. Jeonghan ne l'avait pas forcé, ni même encouragé, il avait bien compris que son fils était mal à l'aise d'avoir deux pères. Et puis, en grandissant, Jeonghan s'était rendu compte à regret que son fils n'était pas seulement mal à l'aise, mais qu'en plus, il trouvait à ça anormal. Un soir, alors qu'il croyait la maisonnée endormie, Daniel avait passé plus de deux heures au téléphone avec un ami. Jeonghan n'avait pu s'empêcher d'épier leur conversation, un sourire aux lèvres mais avait aussitôt regretté lorsqu'une phrase qui n'aurait pas choqué la plupart des gens, mais qui l'avait extrêmement blessé, lui, était sortie de la bouche de son propre fils.
« T'es pas au courant ?! Mais tout le monde sait que Seungkwan est pédé ! Il se fait péter le cul par le mec du club de natation ! C'est sûr ! Un gros chien ce type ! »
Et il avait explosé de rire. Un rire sardonique qui avait transpercé Jeonghan comme un couteau. Figé et incapable de respirer, Jeonghan avait blêmi lorsque les larmes lui étaient montées aux yeux, sans qu'ils ne puissent les freiner. Il ne connaissait pas ce Seungkwan et d'ailleurs, il se moquait que son fils l'insulte car tout ce qui importait à ce moment-là, était ces mots crus et homophobes. Son propre fils était homophobe alors qu'il avait été élevé par deux homosexuels. Comment pouvait-il ?
Cette nuit-là, Jeonghan était retourné se coucher, le cœur lourd et la gorge congestionnée par les sanglots. Il s'était blotti contre Seungcheol et avait pleuré jusqu'au petit matin. Le lendemain, Daniel n'était même pas venu le saluer, et lui non plus n'avait pas essayé de lui adresser la parole. Tous deux s'étaient regardés comme s'ils savaient. Comme si Daniel savait que son père avait tout entendu et comme si Jeonghan savait que son fils était dépité d'avoir été adopté par des homosexuels.
Pour la troisième fois depuis le début de la journée, Jeonghan se pinça le nez et renversa la tête à l'arrière pour s'empêcher de pleurer. C'était devenu une habitude fréquente. Depuis qu'il avait perdu son emploi, que ses enfants l'ignoraient comme s'il était responsable de ce qu'ils ne lui disaient pas, et que son mari le délaissait, Jeonghan se retrouvait souvent à errer dans la maison, la gorge nouée et les yeux brillants. Il continuait de se dire que ce n'était qu'une phase que tout finirait par rentrer dans l'ordre, mais plus les jours passaient et plus la situation empirait. Même s'il avait mal, Jeonghan faisait tout son possible pour faire bonne figure. C'était un homme bon sang, un père et les pères ne pleuraient pas, qu'ils soient gays ou non. Mais Jeonghan avait de plus en plus de mal à respecter ses propres idéaux, car la seule chose qui lui permettait de tenir était en train de se volatiliser petit à petit. Seungcheol était de moins en moins là. Physiquement parlant, il était là mais mentalement, son esprit semblait ailleurs. Il ne remarquait même pas la détresse et le besoin que Jeonghan avait d'être rassuré, consolé. Depuis quelques temps, les compliments avaient cessé, les douches en amoureux aussi, Seungcheol ne lui faisait même plus l'amour. Ça lui manquait mais il n'osait pas en parler. Après tout, s'il ne l'attirait plus c'était bien qu'il était devenu repoussant, non ? Sa mauvaise humeur et sa tristesse permanente déformaient continuellement ses traits. Seungcheol n'avait plus envie de lui, il ne le trouvait plus aussi beau qu'avant, c'était un fait.
Jeonghan avait commencé à dépérir lorsqu'on l'avait licencié de la crèche où il travaillait. Très embarrassée, la patronne l'avait convoqué et lui avait expliqué que les parents ne voulaient pas qu'un homosexuel s'occupe de leurs enfants. Outré d'être traité comme une vermine, Jeonghan avait gardé la tête haute et était sorti de la crèche, sans montrer une seule seconde à quel point la nouvelle le dévastait. Ces gens ne méritaient pas qu'il leur montre qu'ils avaient réussi à le détruire. Ils étaient tellement cruels. Jeonghan aimait son boulot par-dessus tout et on le marginalisait uniquement à cause de sa sexualité ? C'était totalement injuste. Les parents de ces enfants ne l'avaient jamais vu avec son mari ! Ce n'était pas comme s'ils s'étaient embrassés à la sortie de la crèche ! Jeonghan n'avait, dans son comportement, jamais montré quelques signes qui puissent être interprétés négativement. Oui, il était efféminé et se maquillait mais il apprenait aux enfants les bonnes manières et les éduquaient sans doute bien mieux que leurs propres parents. Alors, ce n'était certainement pas lui qui allait leur donner le mauvais exemple. Lorsqu'il était rentré chez lui, Seungcheol était déjà là et regardait un film.
En voyant la mine anéantie de Jeonghan, il avait mis son film sur pause et s'était avancé vers lui pour le récupérer juste à temps avant qu'il ne s'effondre.
- Hey... Chute... respire. Qu'est-ce qui se passe ?
- Ils... Ils m'ont licencié ! J'ai été renvoyé ! avait hurlé Jeonghan pendant que Seungcheol pressait son visage couvert de larmes entre ses mains.
- Quoi ? Mais pourquoi ? Tu es fait pour ce travail !
Jeonghan avait baissé les yeux sur son alliance puis avait fixé Seungcheol avait une expression indéchiffrable.
- A ton avis ?
Seungcheol avait tout de suite fait le lien et s'était levé du canapé d'un bond.
- Ils n'ont pas le droit ! Je vais aller les voir moi ! Pour qui se prennent-ils cette bande de-
- Non. N'y vas pas.
- Jeonghan, c'est hors de question que je les laisse te traiter comme ça !
- Ça ne sert à rien. Même s'ils me reprennent je refuse de retourner là où on ne veut pas de moi.
- Mets ta fierté de côté deux secondes, tu veux ?! J'arrive pas à croire que t'accepte aussi facilement ton renvoi !
- Je l'accepte pas d'accord ? avait crié Jeonghan à son tour. J'ai simplement pas le choix ! J'ai pas le choix parce que je suis gay putain ! Les gens comme moi ne valent rien dans ce monde ! Mais ça tu le comprends pas parce que t'es à la tête d'une bande d'abrutis qui te baiseraient les couilles ! Tout est tellement facile pour toi ! De toute façon, tu comprends jamais rien...
- Jeonghan !
- Stop. Laisse-moi seul.
Après ça, Jeonghan n'avait pas retrouvé d'emploi. Il avait donc passé son temps à faire le ménage et à s'occuper de Mina et Daniel qui préféraient toujours prendre le bus plutôt qu'il ne vienne les chercher. Jeonghan avait arrêté d'insister et avait trouvé un autre moyen de s'occuper : la cuisine. Depuis qu'il avait rencontré Seungcheol, Jeonghan avait toujours eu une appétence pour la gastronomie. Seungcheol et lui avait parcouru des kilomètres pour trouver les meilleurs restaurants, les meilleurs vins, les meilleures pâtisseries. Leur passion commune pour les bonnes choses avait donc poussé Jeonghan à s'intéresser de plus près aux livres de cuisine poussiéreux rangés dans un des placards. Il avait arrêté d'acheter du surgelé et s'était mis aux fourneaux pour découvrir qu'il avait un véritable talent dans ce domaine. Mais si Daniel et Mina s'étaient émerveillés les premières fois, les plats qu'il faisait étaient vite devenus une habitude barbante. Ils ne prenaient même plus la peine de le féliciter et se contentait de tout avaler sans même le remercier.
Jeonghan commençait à perdre l'envie de faire la seule chose qui lui plaisait réellement. Encore une fois, les crêpes qu'il avait faites allaient certainement finir à la poubelle. Seungcheol n'y toucherait pas et ses enfants... pouvait-il encore les appeler comme ça ? Il ne savait plus.
Jeonghan se traîna jusqu'au canapé et s'installadessus. La fatigue et la tristesse eurent raison de lui car quelques minutesplus tard, il finit par s'endormir.
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