N°44 Minho X Jisung STRAY KIDS PART 2
Minho se réveilla avec un mal de crâne atroce. Il mit quelques minutes à reconnaître la pièce où il se trouvait et tapota même le lit en espérant trouver le dos chaud de Jisung sous ses doigts. Mais seul le matelas glacial l'accueillit. Un sanglot de désespoir lui noua la gorge. Il était désemparé, comme un chiot perdu au milieu d'une forêt. Il ne savait plus quoi faire, où aller, comment se comporter. En le chassant, Jisung lui avait retiré tout le sens qu'avait la vie pour lui.
Désorienté, il cligna des yeux plusieurs fois pour s'accoutumer à la lumière du jour. L'hôtel qu'il avait trouvé était bien loin de tous ceux qu'il avait fréquentés avec Jisung. Du cinq étoiles, il était passé au motel miteux où le plancher était moisi, la peinture se décollait et la douche fuyait. Minho savait qu'il allait rester ici un petit bout de temps alors il avait décidé de siéger dans l'hôtel le moins cher de la ville. N'importe qui aurait préféré retourner chez ses parents, mais lui ne pouvait pas. Ils ne voulaient plus de lui. De toute façon, il n'était vraiment friand à l'idée d'exprimer son chagrin devant eux. Ils ne comprendraient probablement pas et ne lui laisserait aucun répit. Lui-même ne comprenait pas pourquoi il souffrait autant.
Minho avait mal au dos. Le matelas était si fin qu'il avait senti le sommier contre sa colonne toute la nuit. Ses yeux étaient rouges vifs et ses lèvres sèches. Il avait passé la moitié de la nuit à pleurer sur son oreiller sale et l'autre moitié à tenter d'ignorer la prostituée qui hurlait à côté. Même après s'être défoulé dans un bar et avoir vomi deux fois, il n'était pas parvenu à s'endormir et il regrettait maintenant amèrement d'avoir bu autant. Cette fois-ci, Jisung n'était pas là pour lui apporter un verre d'eau et des antidouleurs. Il livrait un combat seul contre la solitude et le désespoir.
Groggy, il se hissa au bord du lit et se traîna jusqu'à la douche. Minho n'avait même pas pris la peine d'enfiler un caleçon pour dormir. Les seuls souvenirs de la veille qui lui revenait étaient la tâche de vomi sur sa chemise et le goût salé des larmes mêlées à la vodka. Le reste n'était qu'une succession d'images floues et fragmentées. Sans attendre que l'eau ne chauffe, Minho se glissa sous la douche glacée et baissa le regard sur ses pieds. Aussitôt que l'eau atteignit la base de nuque, il se mit à pleurer. Il se demanda si Jisung pensait à lui, s'il regrettait, s'il avait hésité à l'appeler ou si au contraire il avait déjà annoncé la nouvelle à tout le monde. Dormait-il ou était-il sorti en ville comme si de rien n'était ? Avait-il appelé Changbin pour pleurer dans ses bras ou au contraire fêter la nouvelle avec lui ? L'idée que Jisung puisse être heureux de s'être débarrassé de lui arracha un cri silencieux à Minho qui s'accroupit sur le sol humide, les mains dans les cheveux. Il n'avait aucune idée de la manière dont il était supposé réagir, si cette douleur était normale ou si elle était bien trop grande et insupportable que ce qu'il n'aurait dû ressentir. C'était son premier chagrin d'amour. Avant Jisung, il n'avait jamais eu personne, il n'avait jamais eu à subir cette épreuve alors il ignorait totalement si tout ce qu'il ressentait était excessif ou si ça faisait partie de la rupture. Mais une chose était certaine : il ne voulait plus avoir à supporter cet horrible sentiment d'abandon complet. Il n'avait même pas été capable de retirer son alliance. Jisung devait surement s'en être débarrassé.
De nouveaux couinements pathétiques quittèrent sa bouche.
Il était en train de redevenir dingue. Il avait fallu qu'ils soient séparés pendant trois semaines pour qu'il se rende finalement compte que son amour était bien au-dessus de leurs différends. Que ce qu'ils traversaient n'était que passager et qu'il n'était pas prêt à renoncer à l'amour de sa vie pour si peu. Tous les couples se disputaient alors pourquoi est-ce que tout avait dérapé ? Tout était allé si vite. Et Minho réalisait finalement que son manque d'empathie n'était pas synonyme de lassitude, seulement de fatigue et du besoin de se retrouver. Il aimait toujours autant Jisung et même s'il s'était comporté comme un connard, il le regrettait. Il allait prendre ses affaires, quitter cet hôtel et rentrer chez lui avec un bouquet. Chez lui, là où la chaleur de Jisung l'accueillerait, là où il se sentirait enfin en paix.
Voilà ce qu'il allait faire.
***
Jisung était heureux. Trois semaines étaient passées et Minho n'était pas apparu une seule fois. C'était étrange de ne plus le voir traverser la cuisine en laissant des miettes partout ou de ne pas retrouver les serviettes humides en boule par terre dans la salle de bain, mais Jisung ne s'était jamais senti aussi apaisé que maintenant. Il était convaincu d'avoir pris la bonne décision. Depuis que son mari était parti, Jisung n'était plus stressé, ne se sentait plus angoissé et ne vérifiait plus en permanence s'il était bien coiffé ou si ses vêtements étaient assortis. Il n'était plus soumis à la pression constante du jugement et à l'énervement palpable qui l'habitait constamment lorsque Minho était là. Les premiers jours avaient été douloureux, il avait eu du mal à s'habituer à son absence et se sentait tout de même un peu inquiet de ne pas savoir s'il avait un toit où dormir. Et puis le temps avait fait son travail et avait effacé les dernières traces de culpabilité qu'il ressentait. Il avait appris à profiter de la vie et à se soucier un peu plus de lui. Minho n'était plus là pour lui bouffer toute son énergie. Il pouvait enfin s'occuper de sa personne sans avoir peur de le délaisser.
Seulement, la maison bien trop grande avait commencé à l'effrayer dès la fin de la première semaine. Même si la journée il travaillait, Jisung se sentait seul et terrifié la nuit. Il n'avait plus les bras chauds de Minho pour le réconforter, seulement sa couverture épaisse. Alors, sur un coup de tête, il s'était rendu à la SPA le samedi matin et avait adopté un chien qui avait été laissé dans un piteux état. Jisung s'était tout de suite pris d'affection pour la boule de poils complètement ravagée par les blessures et l'avait emmené chez le vétérinaire. Les médecins n'avaient pas eu beaucoup d'espoir sur son état mais après une semaine de soins intensifs et de larmes versées, Jisung avait rendu à Pino la vie qu'il méritait. Chaque jour, alors que la pauvre bête agonisait sur la table, Jisung passait après le travail et la cajolait doucement. Et puis, les médecins avaient finalement décrété que Pino était apte à rejoindre sa nouvelle maison. On était samedi, il était à peine dix heures mais Jisung ne tenait plus en place.
Il savait que Pino devait l'attendre. Les animaux pressentent les choses. Alors, il se dépêcha de se préparer, avala une tasse de café et se rua dans sa voiture sans cesser de sourire. Lorsqu'il arriva à la clinique Pino le reconnut tout de suite et boitilla jusqu'à lui en jappant de bonheur. Jisung fut terriblement touché et s'accroupit pour le cueillir dans ses bras fêles. Il ne perdit pas beaucoup de temps, au milieu des médecins, pressé de rentré chez lui, et embarqua dans sa Citroën après avoir mis Pino dans la cage qu'il avait achetée. Il conduisit en s'attendrissant pendant tout le trajet sur le regard doux de Pino qui l'observait à travers le rétroviseur.
Jisung s'engagea dans sa rue et fronça les sourcils en remarquant qu'une voiture de police était garée devant son portail. Il se rangea sur le bas-côté et voulut ouvrir la porte arrière pour faire descendre Pino mais fut arrêter par l'un des officiers. L'homme n'avait même pas ouvert la bouche qu'un frisson de panique le tétanisa.
- Monsieur Lee ?
- C'est m-moi, balbutia Jisung, sur ses gardes.
Cet homme ne lui inspirait rien qui vaille. Il n'avait rien à se reprocher pourtant il eut l'impression que quoiqu'il dise, il finirait par avoir les menottes aux poignets.
- On peut vous parler un instant ?
Jisung aurait bien refusé et prétexté qu'il avait autre chose à faire mais la gravité dans le regard de l'inspecteur l'en dissuada.
- Bien-sûr... vous voulez une tasse de café ?
- Non, ce ne sera pas nécessaire, je pense d'ailleurs que vous n'allez pas rester ici longtemps.
- Je vous demande pardon ? demanda Jisung, la gorge nouée par la peur.
- Votre mari a eu un accident de voiture. Ce matin.
La phrase résonna comme une détonation. Jisung sentit tout l'oxygène lui quitter les poumons et observa pendant de longues minutes silencieuses l'homme qui lui faisait face.
C'est faux... Il ment...
Sa bouche resta grande ouverte comme un poisson hors de l'eau alors qu'il essayait désespérément de trouver quelque chose à dire. Ses yeux s'agrandirent puis se rétrécirent. Pendant une seconde, il ressentit une douleur atroce, imminente, comme si on venait de lui arracher le cœur, comme si on lui avait broyé les boyaux. Ses yeux s'emplirent de larmes et sa main tremblante se posa sur sa bouche. Et puis, il se souvint qu'il n'était plus marié. Que officieusement, Minho et lui n'avait plus rien à faire ensemble. Et enfin, la douleur se dissipa. L'inspecteur profita du fait qu'il ne fonde pas en larmes comme n'importe qui l'aurait fait et sorti de sa poche le téléphone de Minho.
- Vous étiez son contact d'urgence. On a tenté de vous joindre plusieurs fois mais... sans succès. Votre mari a été évacué juste avant que sa voiture prenne feu.
Jisung observa avec horreur le téléphone que le policier tenait dans sa main. Sur les touches, se trouvaient des traces de sang. Le désespoir et l'affliction s'emparèrent de lui et il fut obligé de s'appuyer contre sa voiture pour en pas perdre l'équilibre. Sa vision floutée par les larmes chercha instinctivement quelque chose à quoi se raccrocher pour ne pas perdre la raison. Quelque chose de concret qui lui ferait comprendre qu'il n'était pas en train d'imaginer tout ça, que les gouttes de sang sur le téléphone de son ex-mari étaient bien réelles et qu'il ne nageait pas en plein cauchemar.
Si seulement. Si seulement tout ça n'était qu'un rêve dont il finirait par se réveiller. Si seulement il n'avait pas chassé Minho peut-être que rien de tout ça ne serait arrivé. S'il lui avait simplement donné son tee-shirt sans faire de commentaire, ou si Minho avait plutôt choisi de mettre le blanc, alors peut-être que il n'y aurait pas ces putains de traces de sang sur son téléphone. Les trois dernières semaines de sa vie défilèrent à toute vitesse devant le regard bouleversé de Jisung qui leva les yeux vers l'officier. Il était juste devant chez lui et pourtant il ne s'était jamais senti aussi perdu. Un millier d'émotions l'envahirent alors que le policier s'adressait à lui. D'abord la colère. La colère que Minho ait percuté ce camion puis la tristesse, la tristesse de ne pas avoir été dans la voiture avec lui comme il aurait dû l'être. La tristesse de ne pas avoir eu de ses nouvelles pendant trois semaines et de n'avoir rien ressenti, pas même le manque. Jisung ne se reconnaissait plus. Ce n'était pas lui. Jamais il n'avait été aussi indifférent. Jamais avant il ne serait resté impassible devant le départ de Minho, il lui aurait couru après, il se serait excusé, il l'aurait embrassé mais jamais il ne serait resté assis sur une chaise à pleurer. Pourtant c'était ce qu'il avait fait. Et maintenant, il s'en voulait. Il regrettait terriblement. Il avait tout foutu en l'air pour rien. Minho avait besoin de lui, Jisung le savait.
Il n'était pas dupe et c'était évident que pendant trois semaines Minho avait dû se traîner d'un lieu à l'autre comme une âme vide, une âme morte. Jisung lui avait arraché son bonheur. Il lui avait brisé le cœur.
L'officier continua de parler pendant qu'il autorisait enfin ses larmes à couler. Automatiquement ses doigts agrippèrent son alliance qu'il n'avait pas eu le courage de retirer. Elle était comme encrée dans sa peau. Jisung n'écoutait rien, il était parti, loin dans ses pensées sombres et ses regrets amers. Des regrets destructeurs, bien au-delà de tout ce qu'on peut imaginer. Il se demanda si au fond, il n'était pas celui qui méritait de mourir. C'était à lui d'être dans cette voiture pas à Minho. Ça aurait dû être son téléphone, sa portière arrachée, son corps transporté, pas celui de Minho. Ils s'étaient faits la promesse de se protéger et Jisung avait été incapable de la tenir. Non seulement il avait cessé de lutter et avait abandonné leur relation mais en plus il avait manqué à son devoir alors que Minho l'avait toujours protégé. Il n'était pas digne de lui. Il ne le méritait pas. Minho lui avait tout donné.
L'officier posa sa main pour capter son attention et Jisung cessa enfin de gémir comme un animal blessé.
- Vous m'avez entendu ?
- Qu-Quoi ?
- Votre mari va bien. Il est à l'hôpital Saint Mary.
Jisung ne perdit pas plus de temps à écouter l'officier et sauta dans sa voiture. Il ne prit même pas le temps de saluer où de faire uriner Pino et démarra en trombe vers le centre-ville.
Lorsqu'il arriva dans le hall d'entrée, Jisung était essoufflé et pleurait comme un enfant. Mais cette fois, c'était des larmes de soulagement. Il n'avait aucune idée de la façon dont il allait s'adresser à Minho, ou même s'il avait envie de le voir et accepterait sa présence. Il ne savait pas si cette épreuve les renforcerait ou mettrait définitivement fin à leur relation mais pour l'instant, il était certain qu'il ne voulait être nulle part ailleurs que dans ses bras. Il se sentait tellement faible et angoissé qu'il avait besoin d'être rassuré. Car même s'ils ne s'aimaient plus, Minho avait été un jour son meilleur ami. Et après tant d'années de mariage, ça n'avait pas changé.
Jisung supplia une infirmière de lui indiquer la chambre de Minho et fendit le couloir en murmurant son nom comme un détraqué. En arrivant devant la porte, il ne prit même pas le temps de frapper et s'engouffra dans la pièce où Minho ne dormait plus. Assis sur son lit, il regardait une chaîne d'informations en fronçant les sourcils. Son bras droit et sa jambe gauche étaient sécurisés dans un plâtre tandis que sa tête bandée par un strap dodelinait sur le côté de son oreiller. En le voyant aussi faible, Jisung ne put retenir les larmes qui envahissaient ses yeux. Doucement, comme s'il était face à un animal craintif, Jisung s'avança dans la pièce, reconnaissant que Minho ne le jette pas et franchit la distance qui les séparait.
- Minho... Oh mon dieu... murmura-t-il en le serrant contre lui.
Il agrippa entre ses doigts la blouse de l'hôpital puis se recula et saisit son visage entre ses mains, prêt à l'embrasser. Mais juste avant que leurs lèvres ne se touchent, son cœur tourmenté lui rappela qu'il ne pouvait plus faire ça. Alors, il laissa retomber ses mains de chaque côté de son corps et se mit à sangloter à pleine voix. Minho l'observa avec confusion. Un léger sourire timide peignit son visage lorsque Jisung lui saisit la main et la serra contre sa poitrine.
- Tu m'as fait tellement peur... bon sang...
- Désolé... répondit Minho qui ne savait pas trop comment réagir.
Jisung l'observa et le trouva figé, comme s'il n'était pas tout à fait lui-même. Il savait bien qu'après leurs derniers échanges, Minho n'allait pas lui sauter dessus mais ne s'attendait pas non plus à ce qu'il se montre aussi distant. Jisung était en train de pleurer bon sang et lui se contentait de le fixer avec ce sourire idiot, presque mal à l'aise.
- Dis quelque chose, supplia Jisung en cherchant désespérément l'étincelle dans son regard.
Même ses cris de colère lui auraient convenu car tout était mieux que ce silence pesant qui lui donnait l'impression d'être de trop. De gêner.
Minho haussa les épaules et eut à nouveau ce sourire gêné que Jisung détestait.
- Je... Je voudrais juste savoir... commença-t-il en cherchant à se gratter la nuque.
Seulement sa main droite était plâtrée et sa main gauche broyée par les paumes moites de Jisung, alors il arrêta d'essayer et se plongea plutôt dans le regard impatient de Jisung.
- Qui... êtes-vous ?
Jisung retint sa respiration. Ses mains se mirent à trembler. Il cligna plusieurs fois des yeux pour se prouver qu'il n'hallucinait pas. Minho ne savait pas... qui il était ? C'était invraisemblable. Un mélange de douleur et d'incrédulité lui brûla l'œsophage. Il eut tout à coup envie de vomir. Et alors qu'un torrent de terreur absolue le submergeait, Minho était là, face à lui, les yeux grands ouverts sans se douter une seule seconde que sa question venait de détruire Jisung.
Il ne savait même pas quoi lui répondre car qui était-il au final ? Était-il son mari ? Son ex-mari ? Il ne savait plus rien et face à toute la tension et la peine qui agitait son corps tremblant, Jisung fondit en larmes. Le visage dans les genoux couverts de Minho, il se mit à pleurer et hurla à plein poumon dans les couvertures sans jamais lâcher sa main. Surpris, Minho ne sut comment réagir. Il n'avait aucune idée de qui était ce type mais se doutait bien qu'il s'agissait certainement de quelqu'un dont il était très proche. L'idée que quelqu'un se préoccupe de lui, autant que l'homme ébranlé qui agrippait sa main, lui fit terriblement plaisir. Ça faisait deux jours qu'il était coincé dans ce stupide hôpital et personne n'était encore passé le voir. Il commençait à se demander s'il avait même des parents ou des amis.
Ses souvenirs étaient flous et incohérents. En fait, il se rappelait avoir eu un nouveau portable pour ses quinze ans et puis après, c'était le trou noir. Il avait passé la nuit à essayer de se souvenir de tout ce qu'il pouvait, la moindre chose sur sa vie actuelle lui aurait suffi. Mais il avait été incapable de se rappeler de son propre prénom. Alors espérer savoir s'il avait une copine, un appart ou un job, s'avérait couru d'avance.
En se faisant percuter, Minho était devenu amnésique. Ça, on n'avait pas eu besoin de lui dire, il s'en était rendu compte tout seul.
Une pointe de culpabilité lui titilla la poitrine lorsqu'il remarqua à quel point l'homme qui pleurait semblait désespéré par sa simple question. Peut-être qu'ils étaient meilleurs amis. Minho se mit à sourire inconsciemment. Il imagina tout ce qu'ils avaient dû faire ensemble et caressa inconsciemment les cheveux de l'inconnu qui se calma petit à petit jusqu'à cesser de trembler. Il pleurait toujours mais ne semblait plus aussi bouleversé. Jisung s'était résigné. Il avait compris que pleurer ne servait à rien. Ce n'était pas ça qui allait lui rendre la mémoire. Il devait s'estimer heureux de pouvoir encore le serrer dans ses bras, pourtant il ne pouvait pas s'empêcher de se répéter que maintenant, sa vie n'avait plus aucun sens. Encore moins que lorsque Minho et lui s'étaient séparés. Peut-être devait-il lui mentir et prétendre être un ami. Les choses seraient bien plus simples et Minho n'aurait jamais à savoir qu'il l'avait fait souffrir. Peut-être que faire semblant mettrait un terme à tous ses problèmes, Jisung n'aurait plus alors la tentation de faire marche arrière et de regretter cette décision prise sous l'impulsion de la colère et de l'épuisement. Mais s'il lui mentait, où irait vivre Minho ? Que ferait-il ? Il ne se rappelait plus de rien, il ne savait plus comment vivre. Jisung n'était pas suffisamment cruel pour l'abandonner et le laisser seul au moment où il était le plus vulnérable. Minho devait être terrifié. Ne pas se souvenir de son propre mari devait être effrayant alors Jisung n'avait pas le droit de pleurer. Ce n'était pas à lui de se morfondre. Il devait être fort pour eux deux.
Minho l'observa avec un sourire sympathique que Jisung n'avait plus vu depuis de nombreuses années. Ça lui manquait. Minho portait cette même expression que lorsque Jisung rentrait du travail et lui réclamait un massage. Une expression douce et affectueuse. Jisung eut envie de pleurer. Il avait fallu qu'il perde la mémoire pour que sa tendresse disparue réapparaisse subitement.
Minho semblait hésiter. Il mordait sa lèvre comme il le faisait à l'époque du lycée. Jisung dut se faire violence pour ne pas le lui faire remarquer, et se contenta de serrer sa main un peu plus fort.
- Alors... vous comptez me répondre ?
Jisung mit quelques secondes à reprendre ses esprits et se redressa.
- Minho, je vais te dire un truc... Ça risque d'être flippant.
Il avait la voix enrouée alors il se racla la gorge et prit une grande inspiration.
- Toi et moi... on... on est mariés. Je suis ton mari.
Jisung pointa du doigt son alliance et sourit inconsciemment en remarquant que Minho portait toujours la sienne.
- Attends je suis gay ? lâcha Minho sans peser ses mots.
C'était sorti d'une traite comme ça, sans le moindre filtre. La surprise et une grimace proche du dégoût déforma son visage.
L'expression qui le traversa pendant cette fraction de seconde blessa profondément Jisung. Bien plus que lorsque Minho lui pinçait ses quelques kilos en trop, bien plus que lorsqu'ils se disputaient et qu'il l'ignorait pendant des jours. Jisung se sentit trahi, insulté.
Il n'arrivait pas à évaluer si oui ou non, Minho était content de savoir ça. Il semblait perplexe peut-être même écœuré.
- Si tu as besoin d'être seul, je peux y aller, murmura Jisung en triturant mécaniquement son alliance.
Les sanglots s'acheminaient au bord de ses lèvres et il ne supportait pas l'idée de céder à nouveau devant lui. Il voulait seulement s'enfuir. Son regard resta braqué sur ses genoux dans l'idée de repousser sa confrontation inévitable avec Minho. Jisung craignait de recevoir une remarque homophobe ou pire : d'apercevoir les traces du regret dans ses yeux. Après tout, Minho ne devait certainement pas s'attendre à le trouver lui : un pauvre type brisé qui ne savait même pas si sa présence était légitime. Si elle lui apportait une quelconque source de réconfort ou si au contraire, elle terminait de l'achever. Minho devait certainement penser qu'à son réveil une belle femme et deux enfants adorables l'attendraient bien sagement au pied du lit. Mais il n'avait que Jisung : l'homme qui l'avait brisé. S'il ne se souvenait plus avoir aimé un homme, Minho était probablement rebuté par cette idée, et Jisung ne pouvait pas lui en vouloir car il ignorait si lui-même n'aurait pas réagi de cette façon en l'apprenant. Peut-être que tout compte fait, il aurait mieux fait de mentir et de prétendre que non, ils ne s'étaient jamais embrassés et qu'ils étaient simplement amis. L'optique de lui balancer des absurdités pareilles, provoqua une vague d'émotions chez Jisung. Non, il préférait s'assumer pleinement quitte à ce que Minho décide de couper les liens qui les unissaient plutôt que de faire semblant. Il ne pouvait pas faire comme s'il n'était rien pour lui. Ses yeux et le voile qui les couvrait le trahissaient.
Jisung quitta le lit et sursauta lorsque la main libre de Minho s'enroula autour de son poignet.
- Attends ! Reste.
***
Ça faisait un mois. Un mois depuis l'accident et Minho n'avait toujours pas retrouvé la mémoire. Son état était désormais stabilisé et Jisung pouvait le ramener chez eux. Il avait passé chaque soir à veiller au chevet de Minho pour qu'il s'habitue à sa présence. Etrangement, alors qu'il s'attendait à ce que leurs conversations soient maladroites et peuplées de silences gênants, il s'était avéré que depuis son réveil, Minho était devenu un moulin à parole. Jisung avait cette impression étrange d'être constamment confronté au Minho de sa jeunesse, au gamin de dix-huit ans encore immature et plein de joie de vivre. Il était tant absorbé par cet effet surprenant de l'amnésie qu'il en avait presque oublié toutes leurs innombrables disputes. En fait, il avait ri bien plus de fois en ces quelques jours que pendant les derniers mois. Minho n'avait plus cet air sérieux et pincé d'adulte. Il parlait désormais sans filtre, se moquait des tenues des infirmières, râlait sur la nourriture infâme et se plaignait de son incapacité à se gratter la plante du pied. Jisung avait la sensation exquise d'avoir dix ans de moins et d'être redevenu le lycéen encore ignorant des surprises que la nature lui avait révélées.
Minho et lui n'étaient pas redevenus intimes. Ce n'était pas possible en si peu de temps car pour Minho, ils n'étaient encore que de simples connaissances. Mais pour Jisung, cet accident commençait à prendre l'allure d'un cadeau, d'un signe du destin. Car en perdant la mémoire, tous les défauts insupportables de Minho semblaient avoir disparus. Jisung retrouvait soudainement son amour de jeunesse, l'homme qui l'avait charmé, celui qui n'avait jamais manqué à faire battre son cœur. Seulement, cette situation bien trop parfaite avait un prix : Jisung devait renoncer à Minho. Le sujet de leur relation n'avait pas été remis sur le tapis et vu la façon dont Minho le traitait, Jisung était maintenant certain qu'il ne veuille pas assumer ce qu'ils avaient été. Minho le considérait uniquement comme un ami. Tous les gestes qu'il faisait, toutes les blagues taquines qu'il racontait le soir, en chuchotant, tout ça ressemblait bien trop à l'attitude qu'il avait lorsque Jisung et lui n'étaient qu'amis.
Ça faisait mal. Parfois, lorsqu'il s'endormait, Jisung pleurait dans la pénombre, la main devant la bouche. Il était juste devant lui et pourtant il semblait si loin comme s'il avait fait un bon dans le temps. Il ne rappelait plus de rien. Jisung avait bien tenté de lui remémorer à quel point il aimait le foot mais Minho avait simplement décrété qu'il ne savait pas y jouer. Il en avait oublié les règles. Cet état de dépendance et ce flottement permanent, comme s'il n'appartenait plus à ce monde ne semblait pas le déranger. Pourtant, Jisung lui, en pâtissait. Il assistait impuissant à l'échec de chacune de ses tentatives pour lui faire retrouver la mémoire. Du memory, aux plaques d'immatriculation en passant par les numéros de téléphone, la mémoire de Minho semblait complètement détraquée. Il arrivait que parfois, un éclair de lucidité traverse son regard. Jisung reprenait aussitôt espoir. Mais son optimisme était immédiatement démantelé car à chaque fois Minho lui évoquait un souvenir qui datait d'avant leur rencontre. Minho l'avait oublié, et peu importe à quel point il creusait pour le faire se souvenir, tout n'était qu'obscurité. C'était peine perdue. Minho lui échappait, et il ne pouvait rien y faire.
Minho semblait plutôt enjoué à l'idée de rentrer chez lui. Ici, la bouffe l'écœurait, son lit était trop dur et dès que Jisung repartait, il finissait par s'endormir, épuisé de son ennui monotone. Minho avait la patience d'un gamin de quatorze ans. Lui qui était toujours ravi qu'on l'aide auparavant, ne supportait plus d'être assisté en permanence. Jisung ne faisait pas non plus exception à cette règle. De son côté, il appréhendait le retour de Minho chez eux car il savait pertinemment qu'en rentrant, Minho ne se souviendrait pas de leur maison. Il se sentirait comme un cambrioleur, un étranger qui n'avait rien à faire là. Il ne se souviendrait pas de l'emplacement du tiroir à couverts, de l'odeur d'encens qu'abritait le salon, de la disposition de leur lit, des habitudes que Jisung avait toujours eues lorsqu'ils dormaient ensemble. Il ne se rappellerait même plus de la façon dont la serrure se bloquait si on ne levait pas la poignée. Il ne connaissait plus ses plats préférés, les fleurs qu'il détestait, sa passion pour le ménage, l'endroit où il préférait être embrassé, Minho ne connaissait plus son mari.
Il avait tout oublié... Jisung se sentit en colère pendant un instant. En colère qu'il n'ait pas su résister au choc et qu'il en ressorte aussi affecté. Si c'est pour faire les choses à moitié, autant mourir. Et puis, sa colère laissa place à l'accablement.
Il se sentait dévasté. Au fond, il ignorait ce qui était pire : que Minho et lui ne se voient plus jamais ou qu'il ait oublié son existence et tout ce qu'ils avaient vécu ? Jisung avait envie de croire qu'ils pouvaient reconstruire de nouveaux souvenirs, mais rien ne serait plus jamais comme avant. Leurs souvenirs ne seraient qu'amicaux et plus Jisung y pensait, plus il se rendait compte qu'il ne serait pas capable de tenir aussi longtemps dans cette situation. Si Minho ne lui offrait pas tout, il préférait ne rien avoir.
La mine sombre, Jisung chargea les sacs de vêtements qu'il avait apportés à Minho dans le coffre, et prit place derrière le volant. Aussitôt qu'il sortit du parking, le moulin à parole s'enclencha. Sans vraiment se soucier de s'il l'écoutait ou non, Minho débita tout ce qui lui traversait l'esprit. Les commentaires fusèrent dans l'habitacle et la musique que diffusaient les hauts parleurs disparue sous autant d'enthousiasme. Minho redécouvrait la ville où Jisung et lui avaient étudiés, et où ils avaient emménagés. Même s'il avait oublié son talent pour le foot, son excitation, elle, n'avait pas disparu.
- C'est fou ! Le stade de football est immense ! Il y a de quoi entraîner trois équipes ! Je savais pas qu'il y en avait un-
- Si. Tu savais. Mais maintenant tu ne sais plus, le coupa Jisung d'un ton sec qui le refroidit.
Après ça, Minho cessa de commenter tout ce qu'il voyait et se concentra sur ses genoux, visiblement vexé. Jisung lui jeta un coup d'œil périphérique et sentit son cœur se serrer lorsqu'il se rendit compte que Minho pleurait. Sa sensibilité disparue que Jisung avait connue lorsqu'ils venaient d'emménager ensemble, resurgit subitement. A cette époque, la moindre remarque vexait Minho. Il se mettait parfois à sangloter pour des choses que Jisung lui avait dites trois jours avant.
- Hey, pourquoi tu pleures ? demanda Jisung d'un ton détaché comme si ça ne l'affectait pas.
En réalité son estomac faisait des sursauts douloureux.
- Je sais pas. Je me sens triste tout à coup... Mais je me rappelle pas pourquoi... expliqua Minho en essuyant ses joues.
Jisung se pinça les lèvres. Il avait bien une petite idée de pourquoi. Mais il était certain de ne pas vouloir en parler maintenant. Tant que Minho ne s'était pas réhabitué à sa vie, il refusait de remettre ce sujet sur le tapis.
Jisung se gara devant leur maison et se détacha. Il ouvrit la portière pour sortir mais fut arrêté par la main de Minho qui l'agrippa fermement. Son visage pourtant sec quelques secondes auparavant était maintenant couvert de traces humides. Jisung eut presque envie de le serrer contre lui. Plus le temps passait, et plus la colère et la rancune qu'il avait éprouvé contre Minho avant l'accident, se dissipaient. Il n'arrivait plus à lui en vouloir alors qu'il avait tant changé entre son accident et les semaines qui l'avaient précédé. Il était totalement différent. Le Minho d'avant n'aurait jamais laissé ses larmes couler devant Jisung après qu'il l'ait chassé. Son cœur était de pierre. Pourtant en le voyant aussi sensible, Jisung eut l'impression d'avoir retrouvé l'authenticité de ses sentiments.
Mais sa fierté l'empêchait de le reconnaitre.
- Jisung... Je suis désolé d'être un poids pour toi.
Jisung eut envie de le contredire, de lui dire qu'il ne pesait pas sur lui, mais ça aurait été mentir. Car au lieu de simplifier la situation, cet accident avait tout complexifié. Alors qu'il avait enfin réussi à se séparer de Minho et de leur relation toxique, il était maintenant en train de regretter ses choix et sentait son cœur battre étrangement vite chaque fois que leurs regards se croisaient. Il avait peur de retomber amoureux et de se retrouver à nouveau piégé et dépendant d'une relation qui le rendait malheureux. Mais la peine persistante qui lui rappelait constamment que Minho avait tout oublié jusqu'à ses mots crus et ses actions blessantes, le protégea de la faiblesse qui lui hurlait de le rassurer. Jisung ne céda pas et considéra Minho une seconde avant de dégager son poignet de sa prise.
- Viens. Il fait froid.
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