N°44 Jisung X Minho STRAY KIDS PART 3
Ça faisait un mois. Un mois depuis l'accident et Minho n'avait toujours pas retrouvé la mémoire. Son état était désormais stabilisé et Jisung pouvait le ramener chez eux. Il avait passé chaque soir à veiller au chevet de Minho pour qu'il s'habitue à sa présence. Etrangement, alors qu'il s'attendait à ce que leurs conversations soient maladroites et peuplées de silences gênants, il s'était avéré que depuis son réveil, Minho était devenu un moulin à parole. Jisung avait cette impression étrange d'être constamment confronté au Minho de sa jeunesse, au gamin de dix-huit ans encore immature et plein de joie de vivre. Il était tant absorbé par cet effet surprenant de l'amnésie qu'il en avait presque oublié toutes leurs innombrables disputes. En fait, il avait ri bien plus de fois en ces quelques jours que pendant les derniers mois. Minho n'avait plus cet air sérieux et pincé d'adulte. Il parlait désormais sans filtre, se moquait des tenues des infirmières, râlait sur la nourriture infâme et se plaignait de son incapacité à se gratter la plante du pied. Jisung avait la sensation exquise d'avoir dix ans de moins et d'être redevenu le lycéen encore ignorant des surprises que la nature lui avait révélées.
Minho et lui n'étaient pas redevenus intimes. Ce n'était pas possible en si peu de temps car pour Minho, ils n'étaient encore que de simples connaissances. Mais pour Jisung, cet accident commençait à prendre l'allure d'un cadeau, d'un signe du destin. Car en perdant la mémoire, tous les défauts insupportables de Minho semblaient avoir disparus. Jisung retrouvait soudainement son amour de jeunesse, l'homme qui l'avait charmé, celui qui n'avait jamais manqué à faire battre son cœur. Seulement, cette situation bien trop parfaite avait un prix : Jisung devait renoncer à Minho. Le sujet de leur relation n'avait pas été remis sur le tapis et vu la façon dont Minho le traitait, Jisung était maintenant certain qu'il ne veuille pas assumer ce qu'ils avaient été. Minho le considérait uniquement comme un ami. Tous les gestes qu'il faisait, toutes les blagues taquines qu'il racontait le soir, en chuchotant, tout ça ressemblait bien trop à l'attitude qu'il avait lorsque Jisung et lui n'étaient qu'amis.
Ça faisait mal. Parfois, lorsqu'il s'endormait, Jisung pleurait dans la pénombre, la main devant la bouche. Il était juste devant lui et pourtant il semblait si loin comme s'il avait fait un bon dans le temps. Il ne rappelait plus de rien. Jisung avait bien tenté de lui remémorer à quel point il aimait le foot mais Minho avait simplement décrété qu'il ne savait pas y jouer. Il en avait oublié les règles. Cet état de dépendance et ce flottement permanent, comme s'il n'appartenait plus à ce monde ne semblait pas le déranger. Pourtant, Jisung lui, en pâtissait. Il assistait impuissant à l'échec de chacune de ses tentatives pour lui faire retrouver la mémoire. Du memory, aux plaques d'immatriculation en passant par les numéros de téléphone, la mémoire de Minho semblait complètement détraquée. Il arrivait que parfois, un éclair de lucidité traverse son regard. Jisung reprenait aussitôt espoir. Mais son optimisme était immédiatement démantelé car à chaque fois Minho lui évoquait un souvenir qui datait d'avant leur rencontre. Minho l'avait oublié, et peu importe à quel point il creusait pour le faire se souvenir, tout n'était qu'obscurité. C'était peine perdue. Minho lui échappait, et il ne pouvait rien y faire.
Minho semblait plutôt enjoué à l'idée de rentrer chez lui. Ici, la bouffe l'écœurait, son lit était trop dur et dès que Jisung repartait, il finissait par s'endormir, épuisé de son ennui monotone. Minho avait la patience d'un gamin de quatorze ans. Lui qui était toujours ravi qu'on l'aide auparavant, ne supportait plus d'être assisté en permanence. Jisung ne faisait pas non plus exception à cette règle. De son côté, il appréhendait le retour de Minho chez eux car il savait pertinemment qu'en rentrant, Minho ne se souviendrait pas de leur maison. Il se sentirait comme un cambrioleur, un étranger qui n'avait rien à faire là. Il ne se souviendrait pas de l'emplacement du tiroir à couverts, de l'odeur d'encens qu'abritait le salon, de la disposition de leur lit, des habitudes que Jisung avait toujours eues lorsqu'ils dormaient ensemble. Il ne se rappellerait même plus de la façon dont la serrure se bloquait si on ne levait pas la poignée. Il ne connaissait plus ses plats préférés, les fleurs qu'il détestait, sa passion pour le ménage, l'endroit où il préférait être embrassé, Minho ne connaissait plus son mari.
Il avait tout oublié... Jisung se sentit en colère pendant un instant. En colère qu'il n'ait pas su résister au choc et qu'il en ressorte aussi affecté. Si c'est pour faire les choses à moitié, autant mourir. Et puis, sa colère laissa place à l'accablement.
Il se sentait dévasté. Au fond, il ignorait ce qui était pire : que Minho et lui ne se voient plus jamais ou qu'il ait oublié son existence et tout ce qu'ils avaient vécu ? Jisung avait envie de croire qu'ils pouvaient reconstruire de nouveaux souvenirs, mais rien ne serait plus jamais comme avant. Leurs souvenirs ne seraient qu'amicaux et plus Jisung y pensait, plus il se rendait compte qu'il ne serait pas capable de tenir aussi longtemps dans cette situation. Si Minho ne lui offrait pas tout, il préférait ne rien avoir.
La mine sombre, Jisung chargea les sacs de vêtements qu'il avait apportés à Minho dans le coffre, et prit place derrière le volant. Aussitôt qu'il sortit du parking, le moulin à parole s'enclencha. Sans vraiment se soucier de s'il l'écoutait ou non, Minho débita tout ce qui lui traversait l'esprit. Les commentaires fusèrent dans l'habitacle et la musique que diffusaient les hauts parleurs disparue sous autant d'enthousiasme. Minho redécouvrait la ville où Jisung et lui avaient étudiés, et où ils avaient emménagés. Même s'il avait oublié son talent pour le foot, son excitation, elle, n'avait pas disparu.
- C'est fou ! Le stade de football est immense ! Il y a de quoi entraîner trois équipes ! Je savais pas qu'il y en avait un-
- Si. Tu savais. Mais maintenant tu ne sais plus, le coupa Jisung d'un ton sec qui le refroidit.
Après ça, Minho cessa de commenter tout ce qu'il voyait et se concentra sur ses genoux, visiblement vexé. Jisung lui jeta un coup d'œil périphérique et sentit son cœur se serrer lorsqu'il se rendit compte que Minho pleurait. Sa sensibilité disparue que Jisung avait connue lorsqu'ils venaient d'emménager ensemble, resurgit subitement. A cette époque, la moindre remarque vexait Minho. Il se mettait parfois à sangloter pour des choses que Jisung lui avait dites trois jours avant.
- Hey, pourquoi tu pleures ? demanda Jisung d'un ton détaché comme si ça ne l'affectait pas.
En réalité son estomac faisait des sursauts douloureux.
- Je sais pas. Je me sens triste tout à coup... Mais je me rappelle pas pourquoi... expliqua Minho en essuyant ses joues.
Jisung se pinça les lèvres. Il avait bien une petite idée de pourquoi. Mais il était certain de ne pas vouloir en parler maintenant. Tant que Minho ne s'était pas réhabitué à sa vie, il refusait de remettre ce sujet sur le tapis.
Jisung se gara devant leur maison et se détacha. Il ouvrit la portière pour sortir mais fut arrêté par la main de Minho qui l'agrippa fermement. Son visage pourtant sec quelques secondes auparavant était maintenant couvert de traces humides. Jisung eut presque envie de le serrer contre lui. Plus le temps passait, et plus la colère et la rancune qu'il avait éprouvé contre Minho avant l'accident, se dissipaient. Il n'arrivait plus à lui en vouloir alors qu'il avait tant changé entre son accident et les semaines qui l'avaient précédé. Il était totalement différent. Le Minho d'avant n'aurait jamais laissé ses larmes couler devant Jisung après qu'il l'ait chassé. Son cœur était de pierre. Pourtant en le voyant aussi sensible, Jisung eut l'impression d'avoir retrouvé l'authenticité de ses sentiments.
Mais sa fierté l'empêchait de le reconnaitre.
- Jisung... Je suis désolé d'être un poids pour toi.
Jisung eut envie de le contredire, de lui dire qu'il ne pesait pas sur lui, mais ça aurait été mentir. Car au lieu de simplifier la situation, cet accident avait tout complexifié. Alors qu'il avait enfin réussi à se séparer de Minho et de leur relation toxique, il était maintenant en train de regretter ses choix et sentait son cœur battre étrangement vite chaque fois que leurs regards se croisaient. Il avait peur de retomber amoureux et de se retrouver à nouveau piégé et dépendant d'une relation qui le rendait malheureux. Mais la peine persistante qui lui rappelait constamment que Minho avait tout oublié jusqu'à ses mots crus et ses actions blessantes, le protégea de la faiblesse qui lui hurlait de le rassurer. Jisung ne céda pas et considéra Minho une seconde avant de dégager son poignet de sa prise.
- Viens. Il fait froid.
***
Minho observa suspicieusement la boule de poils qui le fixait en tirant la langue. Jisung le surveilla faire du coin de l'œil et plaça son manteau sur un cintre. En vieillissant, Minho qui adorait pourtant les animaux, s'était mis à les détester. Jisung l'avait supplié d'adopter un chiot mais il n'avait jamais voulu. Alors leur séparation lui avait permis d'assouvir son désir. Pino était le signe d'un nouveau départ. Minho s'assit difficilement en posant ses béquilles et toisa la bestiole avec une mine songeuse. Derrière lui, Jisung s'avança et se prépara à l'attaquer s'il osait dire quoique ce soit sur son chien. Le venin bouillonnait déjà sur sa langue.
- On a un chien ? demanda subitement Minho avant de caresser doucement la tête du pitbull qui s'approcha un peu plus de lui.
- Oui. Il s'appelle Pino.
Jisung se sentit tout à coup un peu mieux. S'il y avait bien une chose que Minho découvrait réellement pour la première fois, c'était son chien.
Minho arrêta un instant de caresser Pino et observa Jisung avant de rouler sur le dos pour se retrouver sous le chien qui pencha la tête sur le côté.
- Oh mon dieu, il est adorable ! Gouzi, gouzi, mon grand, couina-t-il en lui gratouillant le cou.
Choqué, Jisung resta appuyé contre la porte en observant la scène. Minho avait définitivement changé. Jamais auparavant il n'aurait eu un tel comportement. Jisung se figurait déjà la scène qui aurait dû se dérouler normalement. Si Minho avait appris qu'il avait acheté un chien sans son autorisation, il aurait certainement fait dégager la bête à coups de chaussures, même si son geste blessait Jisung.
Hors là, il se comportait comme à leurs débuts lorsqu'il était incapable de se promener sans s'arrêter tous les dix mètres pour caresser un chien. Jisung ne comprenait pas comment l'amnésie avait pu le faire autant changer. Une pulsion irrépressible lui brûla la poitrine et pendant une seconde, peut-être la seconde de trop, il oublia complètement la prudence et les barrières qu'il s'était imposées. Pendant ce court instant, il eut envie de faire ce que son cœur lui dictait sans penser à toutes les conséquences qui suivrait son geste, il eut envie de lâcher prise, d'arrêter de réfléchir et de simplement se blottir contre eux, alors il le fit. Jisung s'approcha et s'allongea sur le dos à côté de Minho, sans un mot. Aussitôt qu'il aperçut son maître, Pino se mit à lui lécher le visage. Minho s'appuya alors sur son coude et regarda la scène d'un air attendri.
- Il t'aime plus que moi, on dirait.
Jisung haussa les épaules et ferma les yeux. Le sol était dur sous ses omoplates mais il ne s'en soucia pas. Il resta si longtemps somnolent que Pino finit par s'en aller et se coucha dans son panier. Minho resta quelques secondes à observe le chien puis fixa le visage clos de Jisung qui n'avait pas l'air prêt à bouger. La scène aurait probablement dû être comique si Minho ne se sentait pas aussi mal à l'aise. Après tout, ce n'était jamais commun de rentrer chez soi et s'allonger par terre dans son hall d'entrée. Mais il n'arrivait pas à rire de la situation. Il était encore trop timide pour oser faire la moindre remarque. L'information que Jisung et lui étaient mariés, n'avait toujours pas été bien intégrée par son cerveau. Même s'il était curieux de découvrir le reste de la maison, Minho n'osa pas quitter le sol glacial où Jisung dormait paisiblement. A vrai dire, il ne savait pas exactement s'il était autorisé à explorer la maison sans son approbation. Techniquement il était chez lui mais... quelque chose le convainquit intimement que Jisung n'aurait pas aimé pas qu'il découvre son intimité sans qu'il ne soit là. Après tout, Minho était complètement étranger à cette maison. Jisung serait probablement embarrassé et en colère qu'il fouille dans ses affaires. Alors, il renonça à son envie irrésistible de découvrir sa chambre et resta aux côtés de Jisung.
Il avait l'air complètement exténué. En l'épiant de plus près, Minho se rendit compte qu'il était terriblement cerné et que de petits boutons étaient apparus sur son front. Il ne s'était pas rasé depuis un petit bout de temps et sentait la transpiration. Ses lèvres sèches étaient entre-ouvertes et Minho se surprit à les fixer plus que de raison. Ses joues prirent une teinte rouge lorsqu'il réalisa ce qu'il était en train de faire. Il détourna vivement le regard et se concentra sur son plâtre. Spontanément, Minho se sentit coupable de l'état de Jisung. Il avait passé ses soirées entières à s'occuper de lui alors qu'il aurait tout aussi bien pu rentrer chez lui pour décompresser de la journée de travail. Minho savait qu'il était normal pour son mari qu'il se soucie de lui mais quelque chose lui disait que s'il n'avait pas été amnésique, Jisung ne se serait jamais donné autant de mal pour l'aider à supporter cette nouvelle vie. Ça le rendit un peu triste. Peut-être qu'il n'avait pas vraiment de valeur aux yeux de Jisung, ou au contraire, peut-être qu'il se faisait des films et que même sans amnésie, Jisung aurait passé chaque nuit à ses côtés. Il ne savait pas. Il ne savait plus Il ne connaissait plus Jisung alors il ignorait si sa gentillesse était authentique ou s'il avait seulement pitié de lui.
Minho observa Jisung et sentit ses yeux devenir humides. Quelque chose s'était passé entre eux. Quelque chose que Jisung ne lui avait pas encore dit et qu'il ne voulait probablement pas lui dire.
Il en était certain mais sa mémoire défaillante l'empêchait de savoir exactement ce qu'il s'était passé. Ca le rendait dingue. Il agrippa une seconde ses cheveux et ferma les yeux pour tenter de se souvenir de ce maudit détail mais n'y parvint pas. Tout ce qu'il vit fut son visage d'adolescent à bord du bus scolaire. Un grognement désespéré quitta ses lèvres et il fondit en larmes. Sa perte de mémoire ne l'avait pas affecté les premières semaines mais après autant de temps passé à être incapable de se rappeler ce qu'était sa vie d'avant, Minho était devenu terriblement frustré et malheureux.
Le bruit de sa respiration haletante réveilla Jisung qui grogna et s'assit sur le sol, inquiet.
- Minho... qu'est-ce qu'il y a ? demanda-t-il en posant sa main sur son genoux.
Minho secoua la tête et ouvrit la bouche pour parler mais aucun mot n'en sortit. Face à son visage dévasté Jisung se sentit tressaillir et le serra contre lui. Ce n'était pas volontaire, seulement instinctif. Et lorsque Minho écrasa sa tête contre son torse, Jisung se mit à regretter son geste mais sa conscience lui interdit de mettre fin à leur étreinte. Alors il continua de serrer Minho jusqu'à ce qu'il cesse de pleurer. Et puis, lorsqu'il fut suffisamment fatigué pour redevenir silencieux, Jisung l'aida à se relever et lui fit visiter la maison.
- Installe-toi. Je vais faire du thé. Tu adores ça, normalement, précisa-t-il en se rendant à la cuisine.
Minho posa son plâtre sur la table basse du salon et fixa les alentours. Il n'avait pas vraiment envie de rester prostré dans ce canapé à boire du thé brûlant. Ses yeux dérivèrent brièvement vers ce qu'il supposait être leur chambre et il se demanda à quoi elle ressemblait. Il se demanda si leur lit était grand ou si Jisung avait l'habitude de dormir pressé entre ses bras. Les draps étaient-ils encore frais ? Jisung les avait–il lavé ou avait-il gardé son odeur dessus ? S'était-il senti seul la nuit dans leur lit, avait-il réussi à fermer l'œil ou s'inquiétait-il en permanence que son état ne s'aggrave. Minho voulait savoir à quel point ils étaient proches. Mais il avait peur de la réponse.
- Fais attention, c'est chaud.
La voix de Jisung coupa court à ses pensées. Il s'installa à côté de lui et fixa le vide pendant d'interminables secondes. Minho se demanda pourquoi il n'avait plus joué avec ses cheveux comme il l'avait lors de ses premières nuits à l'hôpital, pourquoi restait-il si distant ?
- Dis... J'étais comment avant ?
Jisung releva les yeux de sa tasse et le considéra comme s'il hésitait à répondre.
- Comment ça ?
- Avant l'accident... Je sais que j'étais pas comme ça. J'en suis certain.
- Non... Tu étais pareil, mentit Jisung en détournant le regard.
Minho fronça les sourcils et s'autorisa à attraper sa main libre.
- Pourquoi est-ce que tu mens ?
- Pourquoi est-ce que tu te fatigues à poser des questions qui ne feront que te rendre plus triste ? rétorqua Jisung d'un ton sec.
- Parce que je veux savoir.
- Ça n'a aucun intérêt. Concentre-toi sur le présent et arrête de vivre dans le passé.
- Facile à dire pour toi. Ce n'est pas toi qui n'arrive même plus à te reconnaître dans ce que tu fais. Ce n'est pas toi qui a l'impression d'être un gamin de quinze piges alors que t'en as trente !
- Minho, je ne comprends pas pourquoi tu t'obstines à vouloir savoir qui tu étais.
- Parce que je veux comprendre pourquoi tu continues à me regarder de cette façon alors que t'es sensé être mon mari ! Pourquoi quand je te regarde je ne vois que des reproches dans tes yeux ? J'ai bien dû faire quelque chose de mal. Ou alors, si ça se trouve on n'est même pas marié ! Peut-être même qu'on se connaît même pas et que t'as juste eu pitié de moi ! Je veux dire les informations que tu me sors me paraisse tellement étrangère ! Je déteste le thé putain !
- Tu dis absolument n'importe quoi ! Tu ne sais même pas de quoi tu parles, se défendit Jisung.
Son cœur se contracta douloureusement lorsqu'il réalisa que Minho avait remarqué que quelque chose clochait.
- C'est injuste, putain ! Dis-moi qui j'étais, j'ai le droit de savoir ! Où sont mes parents, dans quoi je bosse ? Pourquoi est-ce que le chien me regarde comme si c'était la première fois qu'il me voyait ? Pourquoi j'ai l'impression que tu me mens depuis le début ? Que tu me caches des trucs ? On m'a volé ma vie et toi, tu fais rien pour m'aider à la retrouver ! T'es tellement égoïste !
- Comment peux-tu dire une chose pareille... ?
Jisung en voulait pas être faible mais les sanglots de culpabilité amoncelé dans sa gorge le trahirent. Minho se couvrit la bouche. A la façon dont les yeux de Jisung se voilèrent de douleur, il comprit qu'il était allé trop loin. Il voulut s'excuser pourtant, il se refreina. Lui demander pardon serait un signe de faiblesse. Or il voulait des réponses. Il voulait comprendre.
Jisung posa sa tasse se leva et se rendit dans leur chambre qu'il verrouilla. Minho ne l'entendit pas distinctement pleurer mais sentit tout de même une pointe de culpabilité lui broyer l'estomac. Il avait très certainement dit une grosse connerie. Evidemment qu'ils étaient mariés et que Jisung n'était pas un malade mental qui avait profité de la situation pour lui faire croire une chose pareille. Minho avait joué sur une corde sensible. Il attrapa ses béquilles et se rendit jusqu'à la porte de la chambre contre laquelle il frappa.
- Jisung... Il faut qu'on parle...
- Dégage.
- Non. Je ne partirai pas tant que tu n'auras pas répondu à mes questions. Si tu refuses de me parler, attends-toi à faire la grève de la faim dans cette chambre car je ne décamperai pas.
S'il y avait bien une chose que l'amnésie ne lui avait pas enlevée s'était son caractère têtu. La vérité c'est que Jisung ne se sentait pas capable de lui annoncer qu'au moment de l'accident, ils n'étaient plus ensemble car il était très probable qu'en l'apprenant Minho décide de l'abandonner à nouveau. Et maintenant qu'il était revenu à ses côtés, Jisung se rendait compte que l'avoir perdu une fois était déjà trop. Son cœur et son esprit ne supporteraient pas qu'il s'en aille une deuxième fois. S'il se retrouvait seul, Jisung craignait que même Pino ne puisse l'empêcher de commettre l'irréparable. Oui, il était celui qui avait chassé Minho à l'origine mais l'avoir vu frôler la mort, lui avait fait réaliser que s'il n'avait pas survécu à son accident, il s'en saurait voulu toute sa vie et peut-être aurait tenté de le rejoindre. Il en était capable. Malgré leurs disputes, son cœur avait trouvé une âme sœur et peu importe où Minho irait dans le futur, l'amour que Jisung lui portait serait toujours aussi dangereusement fort. Jisung savait lorsqu'ils s'étaient embrassés la première fois que toutes les promesses qu'il s'était fait de ne jamais dépendre de personne, ne seraient pas tenues. Avec Minho à ses côtés, il était incapable de les tenir. Ils avaient vécu tellement de choses ensemble, ils se connaissaient depuis si longtemps que Jisung n'était plus capable de vivre sans lui. Même s'il le haïssait, même s'il lui causait les pires douleurs du monde, il le voulait à ses côtés.
Ces trois semaines de rupture n'étaient qu'un leurre. Jisung s'était désespérément forcé à croire qu'il était heureux de ne plus avoir à supporter la présence de Minho. Mais la réalité c'est qu'il était triste et anéanti.
Jisung sécha vivement ses larmes et déverrouilla la porte. Il ne savait pas exactement de quoi serait faite sa discussion avec Minho mais il savait qu'il lui devait la vérité. En l'apercevant dans l'encadrement de la porte, Minho eut un doux sourire. Jisung avait enfilé un des seuls tee-shirts qu'il avait laissé ici mais Minho ne savait même pas qu'il lui appartenait.
- On peut parler ?
Jisung hocha imperceptiblement la tête et s'installa en tailleur sur leur lit. Minho s'assit en face de lui, à bonne distance et remarqua aussitôt la photo de mariage qui était posée sur la table de nuit mais un détail le troubla : le verre du cadre était brisé.
- Je sais que j'ai pas été tout à fait honnête avec toi, expliqua Jisung en regardant là où Minho avaient les yeux fixés. C'est juste que j'avais peur pour toi... dit-il, la voix tremblante.
- Peur de quoi au juste ?
- P-Peur que tu... tu sois à nouveau seul et que... que tu n'arrives pas à t'adapter. On a été ensemble tellement longtemps...
Minho se pinça les lèvres et posa sur Jisung d'un air interdit.
- P-Pourquoi tu parles au passé ?
Il avait posé cette question mais en voyant la façon dont Jisung eut du mal à le regarder dans les yeux, il regretta presque.
- Toi et moi... au moment de l'accident... on... on était plus ensemble.
Pendant une fraction de seconde, Minho sentit son cœur s'arrêter dans sa poitrine. Son regard embué observa Jisung sans vraiment le voir et ses poumons se vidèrent de tout l'air qu'ils contenaient. Il était incapable de dire si la douleur qui lui déchirait les entrailles était liée au choc de la nouvelle ou au flot d'images insoutenables qui envahit brusquement son esprit. Jisung continua de raconter leurs disputes d'une voix empreinte de chagrin sans réaliser que Minho ne suivait plus rien. De vagues souvenirs lui revinrent si violemment qu'il dut presser ses mains contre ses tempes pour diminuer la souffrance que sa mémoire lui causait. Il voulut hurler tant la douleur était insupportable mais aucun son ne sortit de sa bouche. Seulement une phrase étranglée qui rendit Jisung muet.
- Des fleurs. J'étais allé t'acheter des fleurs...
- Quoi ?
- Le jour de l'accident j'étais allé t'acheter des fleurs pour me faire pardonner parce que je supportais plus ton absence et il y avait un camion et... et j'ai pas vu et... il roulait trop vite mais j'avais bu la veille et-
Minho déblatéra à toute vitesse les informations qui lui revenaient. Chaque détail le heurta avec une intensité à peine supportable. Tout lui revint en mémoire avec une clairvoyance affolante. Il se rappela avec précision la douleur de l'impact, la vision qui se trouble, les gouttes de sang sur son volant, sa main qui cherche à tâtons son téléphone pour contacter Jisung une dernière fois, avant qu'il ne soit trop tard et ce stupide bouquet parfaitement intact sur le siège passager. Il se rappela avoir tenté désespérément de sortir son téléphone de sa poche arrière alors qu'il était en train de se vider de son sang et puis après ça, plus rien. C'était le trou noir. Il avait perdu conscience avant d'avoir pu dire à Jisung qu'il l'aimait et qu'il était désolé.
Une larme roula sur sa joue lorsqu'il acheva son récit. Jisung le regarda avec un mélange d'incrédulité et d'agonie.
- C'est... ma faute, murmura-t-il en observant Minho se décomposer. Tout ce qui t'arrive... c'est à cause moi... Oh mon dieu... Si seulement on ne s'était pas disputé et que je ne t'avais pas dit toutes ces choses horribles alors peut-être que-
- Non Jisung. Ce n'est pas ta faute, le coupa Minho en essuyant les larmes qui maculaient son doux visage.
Jisung se figea lorsqu'il sentit le contact chaud des mains de Minho et retint sa respiration. Ca faisait si longtemps qu'il ne l'avait pas touché.
- Je crois qu'on avait tous les deux besoin de ça pour... réfléchir. Je ne sais pas ce que tu penses mais... je sais et je le savais déjà avant mon accident que... je ne peux pas être loin de toi. Je... Je ne me rappelle pas de ce que j'ai fait pour te pousser autant et j'essaye de comprendre vraiment... mais si tu ne me dis pas... Je ne pourrais pas changer.
- Tu as déjà changé, murmura Jisung. Depuis l'accident tu... tu es redevenu l'homme dont je suis tombé amoureux et pas celui avec qui je vivais... Minho... j'ai l'impression que... l'amnésie t'a transformé et... c'est horrible de dire ça mais... je ne regrette pas que tu ne te souviennes plus de rien.
Jisung savait qu'il était terriblement égoïste en disant ça et qu'il donnait à Minho une raison supplémentaire de le détester. Pourtant, il avait la certitude au fond de lui, que Minho comprendrait.
- Tu m'as fait tellement de mal... Tes mots étaient tellement durs...
Jisung suffoquait. Il arrivait à peine à former une phrase et hoquetait à chaque mot. Minho était concentré sur ce qu'il disait et tenait fermement ses joues dans ses paumes. Il voulait lui dire qu'il était là, qu'il ne partirait plus et qu'il changerait.
- Tu m'as vraiment blessé... T'étais si différent de quand on était à l'université... Tes remarques te faisait marrer, mais elles me faisaient juste du mal. Depuis que t'es revenu... tu ne m'en as pas fait une seule et je... je crois que... je n'ai plus envie que tu partes.
En entendant la voix hésitante de Jisung, Minho sentit son cœur lâcher. Sans hésiter et sans la moindre considération de ce que Jisung pouvait ressentir, il s'avança vers lui et l'embrassa tendrement.
- Je ne sais pas ce que j'ai fait mais plus jamais, tu m'entends, plus jamais je ne te ferais de mal. Tu m'es trop précieux.
Jisung pleurait maintenant à chaudes larmes et tremblait déraisonnablement. Il était tellement secoué que Minho fut obligé de le serrer contre son torse pour le calmer.
- Je t'aime encore... Je t'ai toujours aimé... Même dans les pires moments... ne m'abandonne pas, je t'en prie, supplia Jisung dans son pull.
- Je ne t'abandonnerais pas.
- Minho... Je suis désolé pour tout.
- Je le suis aussi... Pardonne-moi. Mon ange.
Jisung se sentit fondre. Sans même le savoir, Minho venait d'utiliser le surnom qu'il employait avant l'accident.
- T-Ta mémoire... elle... elle ne reviendra pas ?
- Je ne sais pas, répondit franchement Minho. Mais s'il faut la provoquer pour que des bribes de souvenir me reviennent, je le ferais autant de fois qu'il le faudra.
- Et si ça ne marche pas ?
Jisung se sentait. La culpabilité d'être à l'origine de l'accident le poignardait sans relâche. Peut-être qu'il aurait mieux valu qu'il ne sache pas.
- Dans ce cas, je ferais tout pour reconstruire avec toi chacun de mes souvenirs. Ji, on a au moins une mémoire pour deux.
Cette nuit-là, Jisung ne dormit pas sur le canapé comme il avait prévu de le faire mais dans les bras de Minho. C'était si étrange de se retrouver dans sa chaleur et son odeur après tant de nuits glaciales. Le seul souvenir de l'accident semblait avoir ravivé les sentiments de Minho comme au premier jour. Désormais que Jisung soit un homme ou pas, il n'hésitait plus à l'embrasser. Au cours de la nuit, Jisung se réveilla plusieurs fois, trempé de sueur et de larmes. Minho se montra terriblement patient avec lui et le cajola doucement jusqu'à ce qu'il se rendorme.
Il leur fallut beaucoup de temps avant que leur relation retrouve son éclat passé. Minho avait besoin de s'habituer à cette vie. Il n'était pas encore tout à fait prêt à s'habiller devant Jisung ou à lui tenir la main en public. Mais plus les jours passaient, plus la peur que Jisung se lasse de cette situation grandissait en lui. Elle ne le lâcha pas une seconde et se montra encore plus violente dans les moments où il se sentait le plus vulnérable. Seulement Jisung qui était bien trop heureux d'avoir retrouvé Minho pour lui reprocher quoique ce soit se montra compréhensif. Même si les mots doux et les caresses lui manquaient, ses sourires lui convenaient amplement pour le moment. Il ne pouvait pas lui en demander plus, c'était déjà tellement dur pour lui. Et puis il craignait que s'il insiste trop, Minho soit écœuré de la situation et préfère partir. Après tout, il avait encore beaucoup de mal à accepter le fait qu'il soit marié à un homme. Jisung ne le força pas une seule fois à faire quelque chose qu'il ne voulait pas. Sentir le rythme stable de son cœur la nuit et avoir ses bras autour de sa taille étaient largement suffisant pour réparer son cœur déchiré.
C'était comme ça. Leur vie de couple était unique mais c'était la leur. Jisung connaissait les limites à ne pas dépasser et même s'il n'en montrait rien à Minho, il lui arrivait certains soirs de fondre en larmes sous la douche parce que la frustration de ne pas pouvoir agir naturellement devenait insupportable. Jisung mesurait en permanence chacun de ses gestes pour ne pas brusquer Minho. La spontanéité de leur relation lui manquait mais il ne pouvait pas demander à Minho de faire des choses qu'il ne se sentait pas capable de faire. C'aurait été trop cruel de sa part.
Jisung avait fini par s'habituer à cette demi-relation. Il n'en attendait pas plus, alors, lorsqu'un soir tandis qu'ils regardaient un film, un verre de vin à la main, Minho s'était tourné vers lui et lui avait dit très calmement « j'ai envie de toi » Jisung avait cru que l'alcool lui jouait des mauvais tours.
- Pardon ?
- J'ai envie de toi. Maintenant tout de suite.
- T-Tu es sûr ? Je veux dire-
- Je ne peux plus attendre.
Sans lui laisser le temps de protester, Minho l'avait soulevé par la taille et conduit à leur chambre en embrassant fiévreusement ses lèvres. Il n'avait toujours pas retrouvé ses souvenirs mais cette nuit-là, bercé par les reflets de la lune, Jisung s'était dit que son amnésie n'était qu'un détail, que pour Minho cette fois-là serait leur première et qu'elle était bien plus symbolique que toutes les autres fois où ils s'étaient aimés sous les draps. En fondant dans ses bras, Jisung avait songé qu'ils n'avaient même pas vécu la moitié de leur vie et que si Minho était heureux au présent, Jisung l'était au futur.
Le lendemain matin, Jisung s'était réveillé endolori mais souriant comme il ne l'avait pas été depuis des années. Minho ne dormait déjà plus. Alors, il s'était rendu au salon, vêtu seulement d'un peignoir et l'avait découvert assis sur le canapé, un album photo sur les genoux.
- Qu'est-ce que tu fais ?
- Dans un parc... avait murmuré Minho sans vraiment prêter attention à Jisung qui embrassait sa joue.
- Quoi ? Quel parc ?
- C'est dans un parc que je t'ai embrassé pour la première fois... Je m'en souviens.
Jisung était resté stupéfait un instant puis avait baissé les yeux sur l'album photo et découvert un cliché de Minho et lui allongés dans l'herbe du parc.
- Oui... C'était dans un parc.
Sa voix était nostalgique, empreinte de mélancolie.
- Je crois qu'à cette époque je t'aimais énormément...
- Moi j'en suis sûr. Tu passais ton temps à me le répéter.
- Mais tu veux que je te dise ?
Minho ferma l'album et attrapa le menton de Jisung.
- J'ai pas besoin de ça pour me souvenir que je t'aime encore plus aujourd'hui.
Et il l'embrassa.
FIN
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