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Poemes spécial Saint-Valentin !

Des petits poèmes de Saint-Valentin ❤

Sensation - Arthur Rimbaud

Par les soirs bleus d'été, j'irai dans les sentiers,
Picoté par les blés, fouler l'herbe menue :
Rêveur, j'en sentirai la fraîcheur à mes pieds.
Je laisserai le vent baigner ma tête nue.

Je ne parlerai pas, je ne penserai rien :
Mais l'amour infini me montera dans l'âme,
Et j'irai loin, bien loin, comme un bohémien,
Par la Nature, - heureux comme avec une femme.

Hymne - Charles Baudelaire

À la très chère, à la très belle
Qui remplit mon cœur de clarté,
À l'ange, à l'idole immortelle,
Salut en l'immortalité !

Elle se répand dans ma vie
Comme un air imprégné de sel,
Et dans mon âme inassouvie
Verse le goût de l'éternel.

Sachet toujours frais qui parfume
L'atmosphère d'un cher réduit,
Encensoir oublié qui fume
En secret à travers la nuit,

Comment, amour incorruptible,
T'exprimer avec vérité ?
Grain de musc qui gis, invisible,
Au fond de mon éternité !

À la très bonne, à la très belle
Qui fait ma joie et ma santé,
À l'ange, à l'idole immortelle,
Salut en l'immortalité !

Parfum exotique - Charles Baudelaire

Quand, les deux yeux fermés, en un soir chaud d'automne,
Je respire l'odeur de ton sein chaleureux,
Je vois se dérouler des rivages heureux
Qu'éblouissent les feux d'un soleil monotone ;

Une île paresseuse où la nature donne
Des arbres singuliers et des fruits savoureux ;
Des hommes dont le corps est mince et vigoureux,
Et des femmes dont l'œil par sa franchise étonne.

Guidé par ton odeur vers de charmants climats,
Je vois un port rempli de voiles et de mâts
Encor tout fatigués par la vague marine,

Pendant que le parfum des verts tamariniers,
Qui circule dans l'air et m'enfle la narine,
Se mêle dans mon âme au chant des mariniers.

Les baisers - Germain Nouveau

Sonnez, sonnez haut sur la joue,
Baisers de la franche amitié,
Comme un fils de neuf ans qui joue,
Petit tapageur sans pitié.

Baiser du respect qui s'imprime
À la porte du cœur humain,
Comme avec l'aile d'une rime,
Effleurez à peine la main ;

Baiser d'affection armée,
De la mère au cœur noble et fier
Sur le front de la tête aimée,
Vibrez mieux que le bruit du fer.

Baiser d'affection aînée,
Ou de mère, le jour des prix,
Sur chaque tête couronnée
Laissez-vous tomber, sans mépris.

Baisers d'affections voisines,
Voltigez du rire joyeux
Des sœurs ou des jeunes cousines
Sur le nez, la bouche ou les yeux ;

Baiser plus doux que des paroles,
Baiser des communes douleurs,
Ferme en soupirant les corolles
Des yeux d'où s'échappent les pleurs :

Baiser de la passion folle
Baise la trace de ses pas,
Réellement, sans hyperbole,
Pour montrer que tu ne mens pas.

Baise un bas ourlet de sa robe,
L'éventail quitté par ses doigts,
Et si tout objet se dérobe,
Feins dans l'air de baiser sa voix ;

Et si l'on garde le silence,
Tu dois t'en aller, c'est plus sûr ;
Mais avant ton aile s'élance
Et tu t'appliques sur son mur.

Reviens plus joyeux que la veille,
Mouille son ongle musical,
Les bords riants de son oreille.
Que le monde te soit égal !

Baiser du désir qui veut mordre,
Pose-toi derrière le cou,
Dans la nuque où l'on voit se tordre
Une mèche qui te rend fou.

Sur sa bouche et sur sa promesse,
Profond et pur comme le jour,
Plus long qu'un prêtre à la grand messe,
Oubliez-vous, Baiser d'amour.

Le balcon - Charles Baudelaire

Mère des souvenirs, maîtresse des maîtresses,
Ô toi, tous mes plaisirs ! ô toi, tous mes devoirs !
Tu te rappelleras la beauté des caresses,
La douceur du foyer et le charme des soirs,
Mère des souvenirs, maîtresse des maîtresses !

Les soirs illuminés par l'ardeur du charbon,
Et les soirs au balcon, voilés de vapeurs roses.
Que ton sein m'était doux ! que ton cœur m'était bon !
Nous avons dit souvent d'impérissables choses
Les soirs illuminés par l'ardeur du charbon.

Que les soleils sont beaux dans les chaudes soirées !
Que l'espace est profond ! que le cœur est puissant !
En me penchant vers toi, reine des adorées,
Je croyais respirer le parfum de ton sang.
Que les soleils sont beaux dans les chaudes soirées !

La nuit s'épaississait ainsi qu'une cloison,
Et mes yeux dans le noir devinaient tes prunelles,
Et je buvais ton souffle, ô douceur ! ô poison !
Et tes pieds s'endormaient dans mes mains fraternelles.
La nuit s'épaississait ainsi qu'une cloison.

Je sais l'art d'évoquer les minutes heureuses,
Et revis mon passé blotti dans tes genoux.
Car à quoi bon chercher tes beautés langoureuses
Ailleurs qu'en ton cher corps et qu'en ton cœur si doux ?
Je sais l'art d'évoquer les minutes heureuses !

Ces serments, ces parfums, ces baisers infinis,
Renaîtront-il d'un gouffre interdit à nos sondes,
Comme montent au ciel les soleils rajeunis
Après s'être lavés au fond des mers profondes ?
- Ô serments ! ô parfums ! ô baisers infinis !

Complainte amoureuse

Oui dès l'instant que je vous vis
Beauté féroce, vous me plûtes
De l'amour qu'en vos yeux je pris
Sur-le-champ vous vous aperçûtes
Ah ! Fallait-il que je vous visse
Fallait-il que vous me plussiez
Qu'ingénument je vous le disse
Qu'avec orgueil vous vous tussiez
Fallait-il que je vous aimasse
Que vous me désespérassiez
Et qu'enfin je m'opiniâtrasse
Et que je vous idolâtrasse
Pour que vous m'assassinassiez.

- Alphonse Allais

Soleils couchants

Une aube affaiblie
Verse par les champs
La mélancolie
Des soleils couchants.

La mélancolie
Berce de doux chants
Mon cœur qui s'oublie
Aux soleils couchants.

Et d'étranges rêves,
Comme des soleils
Couchants sur les grèves
Fantômes vermeils,

Défilent sans trêves,
Défilent, pareils
À des grands soleils
Couchants sur les grèves.

- Paul Verlaine

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