🌈 Tricolor partie 1 🌈
Ma mère adorait les fleurs. Il suffisait qu'elle lève un peu les mains pour recouvrir les parterres du jardin de pétales écarlates. Alors quand je me suis approchée du cercueil où elle était allongée, j'ai eu l'envie subite de la recouvrir de fleurs. Pour l'accompagner sur la route vers le paradis.
Alors que mon vœu éveillait mes pouvoirs, mes yeux tournèrent au jaune. Le visage de mon père pâlit. Ma magie n'était pas censée être jaune. Moi je souriais. J'étais heureuse que les fleurs qui s'échappaient d'entre mes doigts n'aient pas la couleur du sang que ma mère crachait quand elle était malade.
Après l'enterrement, mon père m'a tirée violemment par la main et m'a emmenée dans ma chambre. Il a baissé les volets comme s'il craignait d'être observé, puis il m'a assise sur le lit et m'a dit d'une voix fébrile ce que je savais déjà :
« Tu te souviens, Ama, de la légende des dix royaumes ? »
Il commença à réciter :
« Depuis l'aube des temps prospéraient les douze royaumes. Un jour un enfant sans magie naquit. Il vola la magie rouge. Il vola la magie orange. Il vola aussi la magie jaune, la verte et les magies bleues, détruisant au passage les deux royaumes voisins et amis qui l'avaient vu naître. Le garçon devenu homme fut scellé, et depuis chaque royaume se contente d'une seule couleur de magie. »
Je hochai de la tête, me retenant de bailler. Nous l'avions appris à l'école. Mais comme mon père était souvent absent, il l'ignorait.
« J'ai beaucoup de travail, Ama, répétait-il souvent. »
Je passais donc le plus clair de mon temps en compagnie de ma mère. Mon père se racla la gorge, sentant qu'il avait perdu mon attention.
« Je voulais donc dire que... La couleur d'Europea est le rouge... et ta magie est jaune. »
Prenant conscience de ce que mon père était en train de suggérer, je me mis à crier :
« Je vais aller en p... en prison ? Papa... S'il... te plaît... ne... ne... »
Les larmes roulaient sur mes joues. Mon père m'entoura de ses bras.
« Sèche tes larmes, Amanite. Je ne t'abandonnerais jamais, je te le jure. Papa va tout arranger.
- Mais comment ? »
Mon père m'offrit un sourire dont il avait le secret. Celui qu'il m'offrait quand il se sentait d'humeur de s'occuper de sa fille.
« Tu verras bien. Reste dans ta chambre cette semaine, par sécurité. Je devrais avoir trouvé ce qu'il faut d'ici là.
- Et si ça ne marche pas, dis-je d'une voix sanglotante.
- Ça a marché pour moi et tu es ma fille. Il n'y a pas de raison que ça se passe mal. »
La semaine qui suivit fut la plus longue de ma vie. Je mangeais des plats qu'on me passait par la fente sous la porte, comme si j'étais pestiférée ou prisonnière. Je regardais avec envie par les fenêtres, incapable de penser à autre chose qu'à sortir. Incapable de faire correctement le deuil de ma mère. Finalement, comme il l'avais promis, mon père m'amena une « solution ».
Quand je le vis pour la première fois, j'eus un mouvement de recul. La « solution » était un petit garçon à moitié nu et aux cheveux rose vif. Il avait des chaînes aux poignets. Mon père le tenait fièrement par une laisse. Horrifiée, je n'arrivais pas à prononcer le moindre mot.
« Je t'ai trouvé un démon magenta, s'exclama mon père comme s'il c'était agi de quelque chose de merveilleux. »
J'esquissai une moue de désapprobation. Démon ou pas, ce n'était pas des manières de traiter un être qui avait l'apparence d'un enfant de mon âge. Mon père, ne quittant pas son état extatique, m'expliqua qu'il me suffisait de passer un contrat avec lui pour avoir une magie de la « bonne » couleur. Je détournai la tête, n'aimant pas les mots qui sortaient de sa bouche.
« C'est important que tu passes du temps avec lui tant qu'il est jeune et fragile. Quand il grandira, il sera capable de se libérer par lui-même. Il en voudra probablement à celui qui l'a capturé, mais si tu deviens la main qui le nourrit, il te donnera peut être un contrat plus facile à honorer. »
Désirant changer de sujet, je demandais :
« Toi, ton démon t'avais demandé quoi ? »
Mon père hésita un instant avant de dire :
« Mon démon était un peu excentrique. Je ne pense pas que... mon expérience puisse servir d'exemple. »
Sa réponse me laissa troublée. Une fois mon père parti, le démon me dit d'une voix tremblante :
« Je suis à votre service, Mademoiselle.
- Tu t'appelles comment ?
- Pardon ?
- Et tutoie-moi, ce sera plus simple. D'ailleurs, tant qu'on y est... »
Je me concentrai sur ses menottes. Mes yeux tournèrent au jaune alors qu'elle se brisaient. Le démon me gratifia d'une expression de confusion intense.
« Je ne pense pas que tu mérite d'être attaché. Sans vouloir te vexer, tu m'as l'air plutôt faible. Et presque de mon âge ? Je préfèrerais qu'on soit amis. »
Il parut considérer plusieurs options, dont la fuite au vu des regards insistants qu'il lança à la porte de la chambre. Puis, piteux, il murmura :
« Je m'appelle Hélios. Si vous le désirez, je peux devenir votre ami. »
Si le démon de mon père était excentrique, Hélios l'était encore plus.
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