👁️ Léna VII : Le Manoir des Brumes
Arc VII : le Manoir des Brumes
Léna ouvrit les yeux dans une chambre d'aspect modeste. L'esprit encore embrumé, elle se leva de manière mécanique, enfila la tenue qu'elle avait préparé la veille et poussa la porte qui menait au couloir. Alors qu'elle se dirigeait vers le réfectoire, elle entendit une voix masculine l'interpeller. Elle se retourna, s'attendant à voir Arthur l'accompagner prendre son petit déjeuner, et tomba nez à nez avec Képhyr.
« Salut Léna ! Bien dormi ?
- Oui, merci, dit-elle d'une voix sèche. »
Depuis qu'ils étaient arrivés au Manoir des Brumes, repère de la résistance, elle avait été séparée de son ami et la présence de Képhyr rendait cette vérité d'autant moins supportable.
« C'est fou, je l'idolâtrai quand on vivait encore au pensionnat... »
Elle poussa un soupir.
« D'un autre côté, il est devenu tellement lourd... »
Elle ne comptait plus les tentatives de drague maladroites qu'il avait faites depuis qu'elle était arrivée. Elle poussa la porte du réfectoire dans lequel régnait un chaos intense. Léna grogna. Entre son entraînement drastique et le manque de sommeil qu'il en résultait, elle ne parvenait plus à supporter le bruit que faisaient les résistants. Elle s'apprêtait à leur hurler de se taire quand son regard croisa celui d'Arthur, à l'autre bout de la salle. Son œil s'écarquilla de surprise. Sans réfléchir davantage, elle attrapa un morceau de pain et une pomme et courut le rejoindre, Képhyr lui emboîtant le pas.
« Arthur ! »
Le garçon ouvrit de grands yeux surpris.
« Léna ! S'exclama-t-il en démonique, un large sourire sur les lèvres. Ça fait longtemps ! »
La cyclope laissa échapper une exclamation de surprise.
« Tu... tu as appris notre langue ?
- Pas mal, en trois semaines, admit Képhyr. Enfin, pour un humain. »
Léna lui lança un regard noir. Arthur, surpris, lui demanda :
« Comment ça ?
- Enfin, ça me semble évident. Les dieux ont choisi notre planète pour s'établir. Nous sommes leur création ultime. Il me semble que notre supériorité sur les autres espèces est indiscutable.
- Tellement indiscutable que les dieux nous ont tourné le dos...rétorqua Léna. Ne l'écoute pas Arthur. »
Képhyr, furieux, chuchota à l'oreille de Léna.
« Enfin, Len, ne me dit pas que tu veux que cet incapable reste avec nous alors que l'artefact de temps t'es destiné ? Il devrait te le rendre et rentrer chez lui. »
Léna fit grincer ses dents et déploya ses ailes pour adopter une posture d'intimidation. Képhyr eut un mouvement de recul. De tous les démons et anges présents dans la cantine, elle était sans conteste l'une des plus puissantes. Se frotter à elle aurait ses conséquences et il était bien placé pour le savoir.
« Ne m'énerve pas Képhyr.
- Mais...
- DÉGAGE ! »
Le démon partit sans demander son reste et Léna, réalisant que tous les regards étaient tournés vers elle, se rassis en rougissant.
« Est-ce que Képhyr est le seul à penser ça ? Demanda timidement Arthur. »
Léna lui lança un regard gêné.
« Malheureusement... non.
- Alors je devrais peut-être...
- Me donner l'artefact ? Mais tu...
- M'entraîner plus dur, moi aussi, l'interrompit Arthur. »
Il sourit.
« Je n'ai aucune intention de baisser les bras, rassure-toi. »
Il se leva.
« Je dois y aller. Ma professeure m'attend. »
Léna poussa un soupir en voyant Arthur sortir de la salle.
« À bientôt... murmura-t-elle dans le vide. »
***
Pendant ce temps, Eriel s'impatientait dans son bureau. Arthur était toujours à l'heure d'habitude. Quand elle entendit enfin la porte claquer, elle s'exclama :
« Eh bien ! Tu as pris ton temps !
- Je vous prie de bien vouloir m'excuser, Dame Eriel, murmura l'humain avec une petite courbette.
- Tu étais encore avec la petite cheveux de lune, pas vrai ? »
Arthur rougit.
« Tes joues sont plus loquaces que ta bouche, dis-donc. Tu feras un sacré séducteur quand tu seras plus vieux...
- Moi ? Mais... mais pas du tout ! Et puis cheveux de lune est amoureuse du guerrier saphir... »
Eriel poussa un soupir.
« Malgré tous mes enseignements, tu fais encore des erreurs de discernement...
- Vous voulez dire... de prononciation ? Ou bien... »
La Flavius sourit.
« Mais tu apprends vite. C'est bien. »
Elle se leva et fit claquer sa cape.
« Aujourd'hui, pour te récompenser, nous allons rendre visite à la pierre démoniaque. Tu te sens capable de désactiver les effets de l'artefact d'apparence ? »
Arthur se concentra et l'illusion qui le faisait ressembler à un démon se dissipa. Depuis qu'il était arrivé, Eriel lui avait énormément appris. Outre la langue, la Géographie et l'Histoire des démons, elle lui avait enseigné les magies que seuls les humains pouvaient utiliser. Quand il perdait sa motivation, il se rappelait des mots qu'elle avait eu à son égard :
« Si tu ne disposait pas d'une magie exceptionnelle, jamais Kirmo n'aurait pu te greffer l'artefact de temps. Tu n'as rien à envier à la puissance des démons. »
Il bomba le torse et se redressa un peu tandis qu'Eriel l'examinait consciencieusement. Depuis l'arrivée d'Arthur, elle s'était plongée dans des vieux tomes de magie ancienne et espérait qu'en exposant Arthur à la pierre démoniaque, son apparence change, afin que Léna n'ait plu à maintenir son apparence avec la magie, ce qui semblait sérieusement affecter son sommeil et son humeur.
Oui, parce que si le symbole de la rébellion se mettait à agresser tous ses fidèles, le mouvement n'allait pas durer longtemps. Après quelques minutes d'inspection, elle finit par conclure:
« Je sens encore quelques traces de l'artéfact sur toi. Il vaut mieux s'assurer que Léna a bien levé le charme avant de continuer. »
Arthur opina du chef, plus qu'heureux de pouvoir la revoir. Mais à sa plus grande surprise, Eriel revint seule dans la pièce :
« J'ai parlé avec elle, ce devrait être bon maintenant... »
Les yeux de la Flavius s'agrandirent de surprise.
« Ta peau Arthur... »
Le garçon leva sa manche et inspecta son bras. Il était couvert de mouchetures grises. Ravi, il se jeta au coup de sa professeure.
« Ça fonctionne ! Je n'arrive pas à y croire. »
Et il se rendirent, bras dessus bras dessous, au temple qui abritait la pierre démoniaque.
***
Quand Arthur eut fini de s'entrainer avec Eriel, il retourna dans sa chambre prendre une douche et s'entrainer un peu à lire le démonique. Alors qu'il allait entrer dans la salle de bains, il remarqua une lettre posée sur son oreiller.
« Rendez-vous ce soir à l'heure du loup dans le cellier. Amène une lampe, c'est mieux. L. »
Ravi, il courut se préparer pour l'escapade nocturne. Quand minuit sonna, il sortit de sa chambre sans faire de bruit, direction les cuisines. Il croisa quelques gardes, mais ses connaissances en magie lui permirent de les esquiver aisément. Alors qu'il poussait la porte du cellier, une voix familière l'accueillit.
« Salut l'humain, lui murmura Képhyr en le poussant contre un tonneau de vin. »
Deux de ses complices en profitèrent alors pour lui attraper les mains.
- Enfoiré, murmura Arthur en français.
- Tu peux m'insulter dans ta langue autant que tu veux, personne ne viendra te sauver ici, dit le démon en ricanant, une boule de feu bleue à la main.
- Tu es fou ou bien ? Tu veux brûler la nourriture ?
- C'est un petit sacrifice si je peux faire disparaître ta sale tronche. »
Arthur, confus, poussa un juron. Il ne maîtrisait pas assez bien le démonique pour lui rétorquer quelque chose d'assez brillant et ses mains liées dans son dos l'handicapaient pour utiliser la magie. Alors que Képhyr lui envoyait la boule de feu, il repensa aux mois qu'il avait passés avec Léna à apprendre à utiliser l'artéfact de temps.
« Probablement un des meilleurs moments de ma vie, pensa-t-il. »
Il repensa aux autres moments heureux qu'il avait pu vivre. Sa première sortie en vélo avec son père. Le lever du soleil dans l'aéroport de Moscou quand il allait rendre visite à ses grands parents. Alors qu'il rouvrait les yeux pour accepter son destin, il remarqua que tout était figé. Il fut pris d'un fou rire. Il donna un coup d'épaule au premier acolyte de Képhyr, qui s'effondra sur le sol, puis se tourna pour brûler ses liens à la flamme qu'il avait invoquée. Sa magie de nouveau accessible, il souffla dessus pour la faire disparaître. Satisfait, il s'en alla voir Léna. Ce ne fut qu'une fois devant la chambre de son amie qu'il remit le temps en marche.
Il pensa, en toquant à la porte, à la douce et irrésistible vengeance qu'il aurait pu prendre sur son rival.
« Mais Léna tient à lui, pensa-t-il. Ce ne serait pas raisonnable. »
Une cyclope fatiguée lui ouvrit la porte.
« Qu'est-ce que... Oh pardon. Entre. Avant qu'un garde t'attrape. »
Elle le poussa gentiment à l'intérieur. Arthur, surpris, laissa tomber la lettre. Curieuse, Léna s'en saisit, avant de jurer.
« Ce n'est pas mon écriture.
- Je m'en doute bien, rit Arthur. Je crois que Képhyr a voulu me faire une blague.
- Tu n'as rien ? demanda-t-elle, inquiète.
- Ne t'inquiète pas, répondit-il. J'ai l'artéfact de temps avec moi. »
Léna sourit.
« Et si on profitait d'être éveillés pour se raconter des histoires ?
- Quel genre d'histoires ?
- Des histoires en démonique, pour te faire réviser, murmura la démone en souriant malicieusement. »
Arthur leva les yeux au ciel, exaspéré, mais s'assit tout de même sur le plancher près de la jeune fille. À la lueur des bougies, elle lui raconta l'histoire du manoir des Brumes, où ils résidaient temporairement, et de la belle princesse qui y était tenue captive.
***
Par les mois qui suivirent, Léna et Arthur multiplièrent les rencontres nocturnes, baillant à s'en décrocher la mâchoire pendant leurs leçons dans la journée, mais ravis de pouvoir s'offrir des petits moments rien qu'à eux, ignorés de tous. Leur entrainement portait ses fruits, Arthur s'améliorait en démonique et les taches sur sa peau s'élargissaient progressivement. Mais à mesure que les jours avançaient, la mine d'Eriel devenait de plus en plus sombre, ce qui inquiétait nombre de résistants.
Arthur, soucieux de comprendre ce qui la tracassait, lui demanda alors:
« Est-ce que tout va bien ? »
La Flavius, perdue dans ses pensées, mit un certain temps à lui répondre :
« Oh ! Et bien, justement, tout va un peu trop bien ces derniers temps... J'ai peur que la reine ai repéré nos espions au sein du palais... »
Alors même qu'elle prononçait ces mots, l'alerte d'intrusion se mit à résonner dans les couloirs du manoir. Arthur se leva immédiatement, magie au poing, prêt à combattre. Secouée, Eriel lui ordonna :
« Il n'est pas question que tu te battes. Il faut vous évacuer, toi et Léna... »
Elle lui mit une clé dans la main. Une clé faite d'un liquide étrange, qui paraissait flotter au dessus de sa paume.
« Une clé de brume, pensa Arthur.
- Gêle la, dit Eriel de manière fébrile. »
Elle était en train de barricader son bureau avec les meubles de la pièce, comme pour retenir une menace qui n'avait pas encore de visage.
« Elle te conduira en lieu sûr. »
Sans poser de questions, Arthur utilisa la magie de glace, tourna la clé dans le vide... et se retrouva nez à nez avec une démone inconnue.
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