Τυφωεύς p.I
SEUNGBINLIX
"I hate the feeling of this weight upon my shoulders , pushing the pressure down on me"
Meg Myers
Ces derniers jours furent placés sous le signe de la colère, l'angoisse et l'effroi. Des émotions poignantes qui alertent les sens, gorgent d'adrénaline et font l'effet d'une lame en plein cœur lorsque que, peu à peu, elles s'estompent.
« Lors d'une tempête, on peut trouver la tranquillité au cœur même du typhon. » - Jiang Zilong
« Vous êtes vraiment sûrs que c'est une bonne idée ?
— Si t'as vraiment trop peur, tu peux faire demi-tour. Ça nous fera plus de Chamallows ! »
Felix suivit le mouvement en marmonnant dans sa barbe. Voilà désormais une bonne demi-heure qu'ils progressaient dans les bois en quête d'une étendue d'herbe et de mousse suffisamment plane pour établir leur campement. Il ne voulait pas se l'avouer mais chaque arbre lui semblait être un reflet du précédent. Sans ses copains Changbin et Seungmin, il se serait déjà perdu une bonne centaine de fois.
Pour faire passer le temps, il s'amusait à repasser dans les traces laissées par Changbin. Il comparait leur pointure ainsi que les moulures de leurs semelles imprimées dans le sol humide. Quand soudain, il percuta de plein fouet son dos. Le noiraud ne broncha pas : bien trop habitué à ce genre de maladresse. A la place, il glissa une main dans le creux de ses reins pour le maintenir sur ses deux pieds le temps que Seungmin commençait à enfoncer ses sardines dans le sol.
Depuis tout petit, ce dernier partait en camping avec son feu grand-père. Dans l'espoir de passer le flambeau, il s'était fait la promesse d'emmener les êtres les plus chers à son cœur lors de sa prochaine excursion. Ceux-ci étaient loin de se douter qu'il choisirait cette période glaciale pour dormir à la belle étoile.
Le fait est que, la veille au soir, Changbin avait annoncé la grande surprise à ses parents. Il souhaitait célébrer cette période festive sans secret aucun. Or, le nouveau statut de Seungmin et Felix ne fut pas très bien accueilli. Dans un piteux état, il avait rejoint le petit studio en bas de sa rue et s'était lové dans les bras de ceux qui le comprenait le mieux.
Au détour d'une conversation où un avenir radieux se dessinait lentement, Seungmin avait proposé de faire du camping. Tous avaient acquiescés de concert mais ne s'attendaient pas à se faire embarquer le lendemain même. Ce retournement de situation pour le moins surprenant acheva de motiver les troupes. Seulement, à présent confrontés à la situation, une certaine personne commença sévèrement à douter.
« Vous m'aidez ou je suis censé me débrouiller comme un grand ?, maugréa le châtain dans sa barbe.
— Tu te débrouilles si bien, répliqua Changbin d'un ton faussement hypocrite. »
Quoi qu'il en soit, il sortit le maillet de son sac à dos et s'assura de renforcer la stabilité de la tente. L'organisation semblait être optimale : depuis le temps que le benjamin les briefait, tout le monde savait que faire. C'est donc tout naturellement que Felix prit sa lampe torche et son téléphone, déposa le reste de ses affaires afin de voyager léger et suivit l'ombre d'un sentier en quête de combustible pour allumer un feu.
Plusieurs fois, les dernières paroles de ses compagnons résonnèrent dans son esprit. Sois prudent ! Surtout, ne te fais pas enlever ! Reviens-nous entier ! Quand bien même ces phrases avaient été prononcées sur le ton de l'humour, plus il progressait dans la forêt et plus un sentiment d'inconfort vînt le gagner.
Au fur et à mesure du trajet, il ramassait brindilles, mousses et autres plantes en tout genre. Lorsqu'il se pencha pour rattraper un bout de bois conséquent à ses pieds, il sentit une légère brise s'élever dans l'air. Il fut pris d'un petit déséquilibre mais n'en tînt pas rigueur. Il poursuivit son bonhomme de chemin retrouvant peu à peu son entrain à l'idée de passer une nuit originale.
Quand il fut de retour, il trouva le campement finalisé et trois portions d'arbres abattus par le vent installés en triangle autour de ce qui semblait être un creux prêt à accueillir le feu de camp. Ils s'y installèrent et commencèrent à produire des étincelles à l'aide d'une allumette. L'ambiance était bon enfant, mais ils étaient loin de se douter que ce qui s'annonçait être une soirée romantique allait tourner à l'horreur.
Aux alentours de vingt et une heures, ils sortirent une radio ancienne de leurs bagages. Felix s'occupa de la régler à la bonne fréquence pour obtenir une musique de fond. Il passa plusieurs canaux avant de tomber sur un signal d'alerte aux populations. Intrigué, il se laissa écouter les conseils de prévention de la chaîne.
« Mesdames et messieurs, la région vous informe qu'une tempête importante menace le territoire ce mercredi vingt décembre deux mille vingt-trois. Les quelques intempéries prévues pour la soirée s'annoncent en réalité plus conséquentes que prévues. Son approche est imminente et pourrait causer des dégâts sévères. Veuillez respecter les consignes de sécurité suivantes jusqu'à nouvel ordre : mettez-vous à l'abri dans le bâtiment le plus proche, fermez les stores et tenez-vous éloignés des vitres et fenêtres, n'utilisez vos téléphones portables que pour contacter les services de secours en cas d'urgence, restez informés via les canaux de transmis... »
Changbin appuya rapidement sur le bouton off de l'appareil.
« Pourquoi t'as enlevé ?, s'offusqua Felix. On est peut-être en danger !
— Tu sais bien que ce genre d'alerte, ils en font tous les quatre matins. On vit dans une zone souvent touché par les cyclones, pourtant, les montagnes nous protègent à chaque fois et on finit avec un ou deux coups de vents violents. Pas de quoi s'inquiéter !
— Il a raison ; on ne risque rien. Et puis, la forêt est dans une petite cuvette, s'il y a quoi que ce soit, ça nous passera au-dessus. On est davantage protégés que la ville. »
Peu convaincu, Felix plongea dans un mutisme pesant. Changbin et Seungmin remarquèrent que son enthousiasme avait soudainement disparu mais n'en tinrent pas rigueur, conscient de son caractère borné et boudeur. A la place, ils se saisirent chacun d'une brochette et empalèrent les friandises dessus.
L'odeur alléchante ainsi que la texture fondante des sucreries finirent par avoir raison du jeune homme et la précédente annonce pour le moins inquiétante trouva refuge dans un coin ombragé de son esprit. Là où elle pourrait toujours se manifester en cas de force majeur.
« Merci beaucoup, les gars. Je crois que j'en avais vraiment besoin, soupira Changbin à demi affalé sur le benjamin qui lui octroyait quelques caresses sur le crâne.
— Avec plaisir, on allait pas te laisser te morfondre tout seul dans ton appartement. Ça aurait été une horreur pour parvenir à te sortir de ta tanière après !
— C'est clair ! Puis c'est pas comme si on ne tirait aucun avantage de la situation. Regarde : une tente mal éclairée au beau milieu de la nuit, personne autour, juste trois corps qui n'attendent que... »
Seungmin renversa Felix pour l'empêcher de finir sa phrase. Hors de question d'entendre ce genre de propos de vive voix ! Les rires s'élevèrent dans le silence ; Changbin se joignit à l'altercation. Les feuilles craquelaient sous leurs poids, le bruit des branches d'arbres s'entrechoquant vînt compléter la mélodie et un frisson parcourut le dos de Felix.
Il n'y prêta pas plus attention, se disant simplement que la main de Changbin sur sa cuisse avait dû en être le déclencheur. Lorsqu'il commença à se faire vraiment tard et que la fatigue s'empara de leurs esprits, ils rejoignirent leur tente et se blottirent les uns contre les autres. Au chaud, ils avaient le sentiment que rien ne pourrait les déranger.
Quelques bécots et heures plus tard, toutes les lumières étaient éteintes. Plongés dans les bras de Morphée, ils ne sentirent pas le vent se lever davantage, ni les corbeaux se mettre à croasser. Des bruits de pas tonnèrent au loin. Ce mauvais présage commençait à se matérialiser.
Felix fut le premier réveillé, à son plus grand désarroi. Il peina à s'extirper des bras de ses amants et rabattit ses couvertures sur ses genoux. Dans le noir complet, il lui était impossible de distinguer quoi que ce soit. Ses autres sens en étaient alors décuplés : sur sa langue, un goût de rouille persistait ; ses paumes devenaient de plus en plus moites ; l'odeur du petrichor s'élevait dans l'air quand bien même il ne pleuvait point et un grondement sourd qui n'avait rien à voir avec l'orage scinda la tranquillité qui régnait auparavant.
Ca n'était pas un cauchemar. Il en était certain. D'un geste lent, il effectua un pression sur sa paume pour s'en assurer : il ne rêvait pas. L'angoisse se fraya un chemin le long de ses veines ; un étau se resserra dans sa poitrine : il était terrifié. Tout autant paniqué, il secoua les épaules de ses compagnons. Encore dans le coltard, ils geignirent un instant avant d'émerger difficilement.
« Qu'est-ce qu'il y a ?, articula tant bien que mal Seungmin.
— J'ai un mauvais pressentiment, chuchota-t-il. »
Changbin abattit un main dans son dos pour le rallonger entre leurs deux corps immobiles. Le cadet resta figé, ses muscles tendus ne lui permettant pas de se laisser aller à quelques câlineries que ce soit. Le noiraud lui frotta le dos d'un geste rassurant. De l'autre côté, Seungmin détestant être tiré de son sommeil, fulminait.
« Tu peux pas nous réveiller à chaque fois que quelque chose te paraît étrange ! On est en pleine forêt et il doit être pas loin de trois heures du matin, bien sûr que tout semble effrayant ! Depuis le début de la soirée, tu ne fais que chouiner. Sérieusement, rendors-toi et on parlera demain. »
Sur ces paroles, il leur tourna le dos. Puis un nouveau grondement éclata avec fracas.
« En plus, c'est juste pour un petit peu d'orage. Tant que tu ne vois pas de lumière, il n'y a pas lieu de s'inquiéter et nous faire un scène. Maintenant, bonne nuit, je vous aime et à demain. »
A nouveau, le silence d'abattit dans l'habitacle. Personne n'osa prononcer un quelconque mot. Toujours au milieu, Felix, à présent sur le dos, fixa le ciel à travers le textile. Impossible de fermer l'œil. Quelque chose ne tournait vraiment pas rond. Peu importe ce que disait Seungmin, il en était persuadé.
Quand il entendit les respirations de ses camarades d'adoucir, qu'il sut qu'ils s'étaient rendormis, il s'extirpa sans un bruit de la tente avec sa lampe torche. Ayant constaté quelques plus heures plus tôt qu'il n'y avait pas de réseau, il ne s'encombra pas de son téléphone et repris le même chemin que la veille.
Il ne savait pas ce qu'il cherchait, ni même ce qu'il allait trouver. Tout ce qu'il savait, c'est qu'il ne pouvait pas rester les bras croisés.
Une demi-heure plus tard, Seungmin battit des paupières. Ses sens alertes, il commença à s'inquiéter. Les dires de Felix, l'absence de Felix à ses côtés... Immédiatement, il bondit sur ses deux pieds et secoua Changbin.
« Pas maintenant, il fait encore nuit, maugréa-t-il.
— Felix a disparu !, s'écria le châtain, à son tour terrifié. »
Aussitôt, l'aîné se redressa. Le temps que ses pupilles s'habituent à l'obscurité, sa tête s'activa tout de même à observer ses horizons. Ensemble, ils quittèrent leur cocon et sondèrent les alentours du campement. Aucune trace à signaler. L'adrénaline grimpa le long de leurs colonnes.
« C'est ma faute !, se morfondit le benjamin en se souvenant de la dureté de ses mots. »
Bien qu'il soit d'habitude la tête sur les épaules, la peur d'avoir perdu un être cher dans la forêt lui fit perdre tout bon sens. Changbin prit alors le relai. Il saisit une lampe torche, remarqua que celle de l'australien était absente et prit tendrement le poignet de son compagnon pour l'inciter à le suivre.
Il n'avait pas pu aller bien loin. Pourtant, de longues heures durant, ils crièrent son nom. Petit à petit, le soleil reprenait sa place dans le ciel, une douce lumière s'infiltrant entre les branchages. Néanmoins, le ciel avait cette couleur jaunâtre, un jaune qui n'annonçait rien de bon. Les oiseaux faisaient profil bas, le vent soufflait de plus en plus fort. Les informations se mélangèrent dans leurs esprits. Une tempête un peu plus violente que prévue approchait.
Ils avaient l'étrange impression de tourner en rond. Le creux de cette arbre ressemblait à celui croisé quelques minutes plus tôt. Ces champignons surmontés de mousse en forme de croix sur le sol leur rappelait étrangement quelque chose. Quelque chose qui ne tournait pas rond tandis que revenaient toujours sur leurs pas.
« Il faut qu'on se rende à l'évidence. On ne retrouve pas Felix et on ne peut pas sortir de cette forêt pour demander de l'aide. Je me demande même si on serait capable de retourner au campement.
— On ne peut pas s'arrêter comme ça !, s'écria Seungmin, les larmes aux yeux, il faut qu'on fasse quelque chose, il doit être terrifié tout seul. »
Rongé par la culpabilité, car il en était certain : il était parti par sa faute, le châtain retenait ses sanglots. Pour Changbin, déjà atterré par la disparition de son benjamin, le voir dans cet état lui tordait les entrailles.
Un vacarme assourdissant retentit alors dans les parages. Seungmin fila à tout allure vers la source du bruit. Il voulait simplement s'assurer que rien n'était arrivé à l'être qu'il aimait et il était prêt à braver tout danger. Le noiraud s'élança à sa poursuite tant bien que mal. Plus ils s'approchaient de l'épicentre et plus le vent les déviaient de leur trajectoire. Ils avaient du mal à s'entendre, du mal à se repérer. Puis enfin, il l'aperçurent.
Immobile et caché derrière un arbre, toute son attention était figée sur la petite clairière qui lui faisait face. Les deux arrivants ralentirent, presque soulagés. En s'approchant, ils eurent alors la vision la plus pétrifiante qu'ils n'eurent jamais eu.
½ SHOTS pour shirokeur
Le Jeu du Hasard
[2ème édition]
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